Séance du 8 décembre 1998






LOI DE FINANCES POUR 1999

Suite de la discussion et adoption d'un projet de loi

M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi de finances pour 1999, adopté par l'Assemblée nationale.
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat au budget. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat au budget. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mesdames, messieurs les sénateurs, avant d'en venir aux explications de vote, je veux tout d'abord souligner la qualité du dialogue républicain au sein de cette Haute Assemblée. Le résultat de ce dialogue n'est pas mince, puisque vous avez façonné méthodiquement, séance après séance, un projet de budget radicalement différent de celui que vous a présenté le Gouvernement.
Comme vous le savez, la commission des finances vous a proposé, ce que vous avez accepté, de procéder à 28 milliards de francs d'économies dans les dépenses afin de réaliser 12 milliards de francs d'allégements d'impôts supplémentaires et de diminuer le déficit de 16 milliards de francs.
En introduction à nos débats, j'avais expliqué qu'une telle approche me paraissait constituer une erreur économique, alors qu'il me semble actuellement indispensable de soutenir et de renforcer la demande intérieure et la croissance de notre pays.
J'avais aussi souligné que la baisse des dépenses opérée de façon forfaitaire était une forme condamnable de l'action publique, qui implique au contraire de faire des choix entre les bonnes et les mauvaises dépenses.
Enfin, j'avais clairement indiqué que j'étais favorable à la baisse de la fiscalité, mais non pas de n'importe quelle fiscalité.
Nous avons, ce soir, une vue beaucoup plus précise de ce qu'est réellement ce budget alternatif, construit et voté, article après article, séance après séance.
Je vais illustrer, en guise de conclusion à nos débats, en quoi il se situe à l'opposé des grandes priorités du Gouvernement, que ce soit en matière de dépenses ou de recettes.
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Vous allez caricaturer !
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Il y a bien deux politiques budgétaires, et c'est un des mérites du débat qui nous a réunis de l'avoir montré : celle du Gouvernement et celle de la majorité sénatoriale à la suite de la commission des finances. (Exclamations sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
En matière de dépenses, les économies réalisées se traduisent par la remise en cause de la quasi-totalité des priorités du Gouvernement, en particulier en matière d'emploi,...
Mme Marie-Madeleine Dieulangard. Eh oui !
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. ... de lutte contre l'exclusion et d'éducation.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Nous sommes pour la réduction des charges sur les bas salaires !
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Commençons par l'emploi, monsieur le rapporteur général.
Le budget de l'emploi supporte à lui seul 10,7 milliards de francs de réduction de crédits sur un total de 26 milliards de francs.
M. Guy Fischer. C'est scandaleux !
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. C'est dans ce domaine que votre sécateur a été le plus énergique ! (Protestations de réprobation sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
Mme Hélène Luc. C'est vrai, c'est scandaleux !
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Au lieu de progresser de 3,9 %, comme nous l'avons proposé, ce budget, qui porte la priorité numéro un du Gouvernement, mais aussi de nos concitoyens, telle qu'ils l'ont exprimée à l'occasion des élections de juin 1997 (Nouvelles exclamations sur les mêmes travées), à savoir la lutte pour l'emploi, baisserait, si l'on suivait vos votes, de 3 %.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Et les charges sur les bas salaires !
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Les économies en matière d'emploi ne sont pas faites au hasard. Vous proposez en effet de supprimer le dispositif de réduction du temps de travail, soit 3,7 milliards, ...
M. Philippe Marini, rapporteur général. C'est volontaire !
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. ... destiné à rendre la croissance plus riche en emplois. (Exclamations sur les travées du RPR.)
M. Alain Gournac. Emplois bidons !
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Il y a eu 300 000 emplois créés par les entreprises cette année, monsieur le sénateur !
De même, vous proposez de réduire de 5 milliards de francs les crédits affectés aux emplois-jeunes, c'est-à-dire que vous remettez en cause les 100 000 nouveaux emplois-jeunes budgetés pour 1999,...
M. Philippe Marini, rapporteur général. Redéploiement !
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. ... alors que ce dispositif formidable apporte l'espoir et constitue un outil d'insertion dans notre société pour les jeunes qui étaient jusqu'à présent en difficulté.
M. Paul Masson. Des fonctionnaires !
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Ce ne sont pas des fonctionnaires !
J'en viens à la santé et la solidarité, en particulier à la lutte contre l'exclusion, sujet sur lequel vous avez eu de bonnes intentions sans les faire suivre de résultats concrets. En effet, vous avez amputé de 1,3 milliard de francs les crédits destinés au RMI, excluant ainsi 50 000 personnes de ce dispositif, dont nous fêtons le dixième anniversaire. (Applaudissements sur les travées socialistes ainsi que sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen. - Exclamations sur les travées du RPR.)
M. Josselin de Rohan. Joyeux anniversaire ! Beau résultat de votre politique !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Comment se fait-il que la croissance se poursuive et que le nombre de RMistes augmente ?
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Vous avez fait 250 millions de francs d'économies sur l'allocation pour adultes handicapés.
M. Josselin de Rohan. Ce que vous voulez, c'est l'assistanat !
M. Dominique Braye. Vous pensez toujours aux assistés !
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Vous écartez encore 7 000 bénéficiaires.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard. Minable !
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Enfin, vous avez fait 200 millions de francs de coupes claires sur l'allocation de parent isolé, privant ainsi de leurs droits 8 000 personnes que vous rejetez dans la pauvreté, voire dans la détresse !
M. Louis de Broissia. N'importe quoi ! C'est du Zola !
M. Guy Fischer. C'est scandaleux !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Caricature !
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Je considère, monsieur le rapporteur général, que ces économies sont rétrogrades,...
M. Dominique Braye. C'est vous qui êtes rétrograde !
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. ... car elles tournent le dos à la solidarité qui est, depuis la Libération, la pierre angulaire de notre société. (Applaudissements sur les travées socialistes ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
Rétrograde sur la solidarité, ce budget est également rétrograde pour l'éducation et la recherche.
M. Jean Chérioux. C'est l'éducation nationale qui est rétrograde !
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. J'ai entendu de nombreux orateurs dire qu'il fallait préparer la France aux batailles économiques du xxie siècle. Or n'est-ce pas précisément dans ces deux domaines qu'un effort important est consenti dans les pays que vous prenez toujours en exemple ?
Vous avez fait 4,5 milliards de francs d'économies sur l'enseignement scolaire.
M. Serge Lagauche. C'est un scandale !
M. Alain Lambert, président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Sur combien ?
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Quatre milliards et demi de francs sur un gros budget, vous dites que cela peut passer !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Ce n'est pas nous qui parlons !
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Eh bien, je peux vous dire d'une façon pratique que, compte tenu de la date du remplacement des départs à la retraite, qui se fait à l'automne, alors que l'année est déjà entamée, ce sont 20 000 emplois du premier degré et 20 000 emplois du second degré que vous mettez en difficulté. Est-ce vraiment cela ce que vous souhaitez ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. Nous souhaitons que les enseignants enseignent, d'abord !
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Est-ce vraiment la réponse que vous apportez aux revendications que les lycéens ont exprimées il y a moins d'un mois ? Face à ces suppressions d'emplois dans un secteur d'avenir, nous avons fait en sorte de répondre aux revendications des lycéens (Applaudissements sur les travées socialistes - Vives protestations sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants) en mettant 14 000 adultes supplémentaires à la disposition des lycées.
La recherche, cet investissement d'avenir par excellence, vous l'avez amputée, comme cela avait été le cas chaque année entre 1993 et 1997.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Nous voulons qu'elle soit plus efficace !
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Vous l'avez amputée d'un milliard de francs.
Je pourrais également parler de ce que vous avez fait en matière d'environnement : suppression de la taxe générale sur les activités polluantes et des 500 millions de francs de mesures nouvelles qui étaient prévus pour encourager la maîtrise de l'énergie. Je passe sur le budget de la culture, dans lequel vous avez supprimé la moitié des mesures nouvelles, alors que ce budget irradie sur l'ensemble de nos communes.
M. Ivan Renar. C'est vrai !
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Je passe...
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Non, ne passez pas !
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. ... sur l'économie de 240 millions de francs que vous avez réalisée sur le budget de la fonction publique, notamment sur les crédits sociaux interministériels destinés à l'insertion des personnes handicapées, à l'aide ménagère au profit des fonctionnaires retraités, au développement des crèches, aux restaurants administratifs, aux chèques vacances.
Là encore, ce sont des dépenses sociales qui sont amputées.
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Sur quel montant total de crédits ?
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Ce sont non pas des économies aveugles, mais des économies bien ciblées...
M. Philippe Marini, rapporteur général. Des propositions tendancieuses...
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. ... sur des dépenses sociales que le Gouvernement estime, avec la majorité qui le soutient, comme particulièrement prioritaires.
J'en viens maintenant aux recettes. Les allégements d'impôts qui vous sont proposés visent particulièrement les revenus élevés et les grandes entreprises au détriment des petites entreprises et des réformes fiscales structurantes mises en place par le Gouvernement.
M. Henri de Richemont. Ce n'est pas vrai !
M. Louis de Broissia. C'est faux !
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Ce sont des faits !
Vous avez renforcé les avantages en faveur des revenus élevés et des gros patrimoines...
M. Philippe Marini, rapporteur général. Vision marxiste !
M. Bernard Piras. Mais c'est la vérité !
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Vous avez supprimé l'abaissement du plafond du quotient familial, pour 3,8 milliards de francs. Cette mesure bénéficie à des contribuables qui, en moyenne, gagnent 600 000 francs par an.
Vous avez repris le projet avorté du gouvernement Juppé de réduire l'impôt sur le revenu. (Exclamations sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)...
M. Louis de Broissia. C'est faux !
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. C'est vrai !
... projet dont le financement avait provoqué tant de soucis au gouvernement de l'époque que cette préoccupation n'avait pas été étrangère à la dissolution de l'Assemblée nationale. (Nouvelles exclamations sur les mêmes travées. - Applaudissement sur les travées socialistes.)
Et cette diminution de l'impôt sur le revenu, vous ne la financez pas parce que, avec précaution, vous la décidez à partir de l'an 2000, c'est-à-dire que vous tirez, comme c'était le cas à l'époque du gouvernement Juppé, des traites sur l'avenir (Protestations sur les travées du RPR) pour des réformes que vous annoncez aujourd'hui.
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. En cela, nous avons des modèles !
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Vous avez aussi écarté des mesures relatives à la lutte contre l'évasion fiscale en matière d'impôt de solidarité sur la fortune.
Quel contraste : vous supprimez des crédits du RMI sous prétexte qu'il y a de la fraude et vous refusez de mettre en place des mesures de lutte contre la fraude à l'impôt sur la fortune !
M. Henri de Richemont. C'est faux !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Nous voulons qu'il y ait moins de RMistes.
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. J'en viens maintenant aux entreprises, et ce rapidement pour ne pas lasser votre grande patience !
Vous avez relevé à 50 % le taux de l'avoir fiscal pour les placements financiers des entreprises - 1 milliard de francs. De même, vous avez supprimé la limitation de l'exonération des dividendes versés par les filiales à leurs sociétés mères - 1,5 milliard de francs.
Là encore, il s'agit de mesures qui intéressent les grandes entreprises alors que, par contraste, des dispositifs qui avaient été proposés pour les petites entreprises, au nom de l'emploi et de la simplification administrative, n'ont pas recueilli votre appui.
Vous avez ainsi supprimé le régime de la micro-entreprise, qui permettait d'exonérer de TVA près de 500 000 très petites entreprises.
M. Henri de Richemont. Ce n'est pas vrai !
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Demandez au bâtiment !
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Vous avez modifié la réforme de la taxe professionnelle en changeant profondément l'équilibre de son financement. Vous avez supprimé la taxe générale sur les activités polluantes : elle nous plaçait à l'an I de la fiscalité écologique. Nous voici revenus à l'an zéro. (Vifs applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
Enfin, mesdames et messieurs les sénateurs, vous avez supprimé la faculté instituée à l'unanimité par l'Assemblée nationale, à la suite d'un rapport d'un parlementaire, M. Brard, de permettre à l'administration fiscale d'utiliser le numéro d'identification - NIR.
M. Philippe Marini, rapporteur général. C'est contre les libertés ! C'est anticonstitutionnel.
M. Henri de Richemont. C'est une violation des droits de l'homme !
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. C'est attentatoire aux libertés !
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Je rappellerai à ceux qui n'ont pas participé à nos débats que tous les pays démocratiques admettent l'utilité d'un identifiant unique : les Etat-Unis, le Royaume-Uni, l'Espagne et l'Italie,...
M. Philippe Marini, rapporteur général. Ils n'ont pas la même constitution !
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. ... et que l'OCDE, que vous citez facilement comme étant une référence, a fait cette recommandation au mois d'avril 1997.
J'en viens maintenant à la conclusion. (« Ah ! » sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Vos propositions - c'est évidemment votre droit le plus strict - ont consisté à défaire ce que le Gouvernement proposait...
M. Alain Gournac. Démagogie !
M. Alain Gournac. En effet !
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. ... pour répondre aux attentes de nos concitoyens, qu'il s'agisse des efforts en faveur de l'emploi, de la lutte contre les exclusions, de l'éducation de nos enfants, de l'environnement ou de la recherche.
Alain Gournac. Démagogie !
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Vous avez voulu rafraîchir une mouture budgétaire qui avait été pratiquée avec le succès que l'on sait en 1995 et 1997.
Vous avez manifesté une constance de pensée en la matière.
M. Dominique Braye. Absolument !
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. C'est le mérite de votre proposition d'avoir parfaitement éclairé le débat républicain.
Pour notre part, le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie et moi-même sommes aussi convaincus qu'au début de ce débat que le projet de budget que le Gouvernement a présenté est à l'opposé du budget rétrograde que vous avez façonné. (Protestations sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE. - Applaudissements sur les travées socialistes ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. Louis de Broissia. C'est vous qui êtes rétrograde !
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Notre budget, mesdames, messieurs les sénateurs, est un budget de progrès (Protestations continues sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants, et de l'Union centriste), ...
M. Alain Gournac. On l'a vu !
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. ... un budget tourné vers l'avenir, vers la jeunesse et vers les plus faibles de nos concitoyens.
Nous voulons que la France soit plus forte, soit plus solidaire pour entrer dans l'an 2000, au coeur d'une Europe revigorée et rassemblée autour des valeurs de la démocratie sociale. (Applaudissements sur les travées socialistes, sur celles du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que certaines travées du RDSE.)

Vote sur l'ensemble