Séance du 15 décembre 1998







M. le président. La parole est à M. Jean Boyer, auteur de la question n° 366, adressée à M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.
M. Jean Boyer. Monsieur le secrétaire d'Etat, à la suite de l'arrêt de Superphénix, le 2 février 1998, un comité interministériel a arrêté des mesures d'accompagnement économique de la région. Or celles-ci sont peu ou pas appliquées et, depuis plusieurs semaines, nous nous trouvons confrontés à la colère des personnels des entreprises sous-traitantes.
M. Charles Descours. C'est vrai !
M. Jean Boyer. Je rappelle que 3 000 emplois sont menacés.
La première de ces mesures consistait en une aide d'EDF aux entreprises dans leur recherche de diversification et de découverte de nouveaux marchés.
En pratique, que s'est-il passé ? Plus de 100 entreprises sont concernées ; le soutien d'EDF a permis artificiellement de les faire vivre jusqu'au décret définitif d'arrêt de la centrale, sans assurer leur avenir. Le décret devant être signé ces jours-ci, qu'adviendra-t-il de ces entreprises ? Aucune reconversion n'a été trouvée, ni même recherchée.
La deuxième mesure concernait la cellule de reclassement destinée aux salariés des entreprises prestataires.
En pratique, un relais « emploi-Superphénix » a été mis en place. Il a reçu quelques dizaines de personnes sur plusieurs centaines de salariés concernés. Dois-je préciser qu'il a surtout donné du travail aux trois personnes venant d'un cabinet de consultant ?
La troisième mesure concernait l'abondement, par l'Etat et EDF, du fonds de développement économique profitant au bassin d'emploi de Creys-Malville, pour respectivement 10 millions et 5 millions de francs.
En pratique, le préfet a effectivement perçu ces 15 millions de francs. Mais ils n'ont pas été dépensés en totalité à ce jour, l'Etat et EDF étant seuls à décider des projets méritant de recevoir des subventions. De toute manière, cette somme est bien dérisoire, eu égard aux enjeux.
Est-il bien normal que les élus locaux ne soient pas conviés à décider de l'utilisation de ce fonds ?
M. Charles Descours. Bien sûr !
M. Jean Boyer. La quatrième mesure était le classement du canton de Morestel en zone industrielle éligible à la prime d'aménagement du territoire.
En fait, le dossier est en instance auprès de la Commission européenne et risque d'y rester longtemps encore, si toutefois il en sort jamais.
La cinquième mesure était une mesure de soutien aux communes.
En pratique, l'annulation par l'Etat de certains remboursements, avances, prêts dus par les collectivités locales, est toujours attendue. Certaines communes continuent de supporter les frais et les honoraires d'avocats pour les procès instruits contre les organismes prêteurs.
Il ne me reste donc qu'à constater avec regret - qu'en Isère - la parole de l'Etat n'est pas respectée eu égard aux promesses faites.
M. Charles Descours. Très bien !
M. Jean Boyer. Monsieur le ministre, ma question est simple et directe : quelles instructions allez-vous donner afin que la ville et le canton de Morestel, directement touchés par la fermeture de la centrale de Creys-Malville et le bassin économique environnant, obtiennent enfin ce à quoi ils ont droit, à savoir, je me permets de le rappeler, une reconversion professionnelle pour les salariés, la délocalisation d'entreprises privées ou publiques pour compenser les emplois perdus, l'implantation de nouvelles activités pour les entreprises et l'institution de mesures de compensation pour les collectivités locales ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Charles Descours. Avec Christian Pierret, la centrale de Creys-Malville n'aurait pas été fermée. C'est la faute de Dominique Voynet !
M. Jean-Claude Carle. C'est une faute historique !
M. le président. Mme Voynet étant absente, c'est M. Pierret qui répond !
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie. Monsieur le sénateur, vous avez attiré mon attention sur la situation économique et sociale particulièrement difficile dans la région de Morestel, à la suite de la fermeture de Superphénix.
En effet, conformément à ses engagements politiques, ceux de la majorité plurielle, le Gouvernement a décidé de ne pas redémarrer Superphénix. Cette centrale est désormais inadaptée à la situation actuelle. Le parc des centrales classiques suffit amplement à subvenir à nos besoins ; aujourd'hui, il n'y a pas de tension, c'est le moins que l'on puisse dire, sur les prix de l'énergie ni de pénurie dans l'approvisionnement en uranium. La filière de surgénération ne semble donc pas, à court terme, avoir de perspective industrielle.
Pour autant, les opérations de démantèlement dureront plusieurs années. Par elles-mêmes, elles permettront de maintenir un certain volant d'activité en faveur du tissu économique local, ce qui atténuera la rigueur des conséquences économiques et sociales de la fermeture du site.
Par ailleurs, parallèlement à la décision de mise à l'arrêt définitif de la centrale de Creys-Malville, le Gouvernement a mis en place un programme d'accompagnement économique et social qui devra s'échelonner sur au moins cinq années. Il sera conduit - et de plus en plus - en étroite concertation avec les collectivités locales.
M. Charles Descours. Elles ne le vivent pas ainsi.
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Les choses vont progresser, monsieur le sénateur, et la question posée par M. Boyer est utile dans la mesure où le Gouvernement entend favoriser, comme nous le souhaitons tous, cette concertation concrète.
Ce programme implique EDF et témoigne de la solidarité nationale envers la région de Morestel.
Notre objectif est donc de faciliter la revitalisation économique et sociale du bassin économique de Creys-Malville.
Plusieurs mesures sont d'ores et déjà opérationnelles. C'est pourquoi je suis moins pessimiste que vous, monsieur Boyer, certaines mesures étant déjà entrées en vigueur et ayant déjà donné des résultats.
Ainsi, un programme d'accompagnement économique des entreprises prestataires de la centrale de Creys-Malville a été mis en place afin de faciliter leur diversification. Les salariés peuvent en outre bénéficier des services d'une cellule destinée à faciliter leur mobilité professionnelle. Vous ne l'ignorez sans doute pas, la chambre de commerce et d'industrie du Nord-Isère, ainsi qu'EDF y sont associées. Ce programme devra permettre aux entreprises prestataires de Superphénix de retrouver d'autres contrats au sein d'EDF ou de se diversifier vers de nouveaux clients.
A la suite de votre question, j'entends faire le point précis de la situation et je vous rendrai compte dès que j'aurai obtenu les premiers résultats.
Je souhaite traiter avec le plus grand sérieux la question de l'avenir économique et social de cette région, qui doit être redynamisée à la suite de la décision que nous avons prise.
En deuxième lieu, un fonds de développement économique a été créé pour appuyer les projets de développement et la création d'emploi. Il est doté de crédits importants, puisque ceux-ci atteignent, pour la seule région de Creys-Malville, 15 millions de francs par an, dont 10 millions de francs apportés par l'Etat et 5 millions de francs par EDF. A ce jour, une structure ad hoc est chargée localement de faire émerger et de suivre les projets.
Je peux annoncer au Sénat que dix-huit projets ont d'ores et déjà été retenus, ce qui correspond à 228 emplois. Il s'agit, pour la moitié d'entre eux, d'emplois nouveaux et, pour l'autre moitié, d'emplois simplement maintenus. Ces dix-huit projets mobilisent environ 8 millions de francs.
En troisième lieu, 170 agents d'EDF sont en cours de reclassement au sein même de l'entreprise. La mise en oeuvre des aides régionalisées et le soutien logistique et financier de plusieurs organismes en faveur du développement des PME permettront de conforter ce dispositif.
Enfin, les collectivités locales et les services de l'Etat, tout particulièrement ceux de la direction régionale de l'industrie, de la recherche et de l'environnement, la DRIRE, continueront à assurer sur le terrain l'accueil et l'orientation des entreprises et des salariés que vous souhaitez, monsieur le sénateur - et vous avez raison d'insister sur ce point - afin qu'ils puissent profiter au mieux des outils que je viens d'évoquer, outils qui sont mis à leur disposition dans l'optique d'un programme d'ensemble à l'égard duquel je souhaite, avec vous, mesdames, messieurs les sénateurs, être vigilant et actif.
Croyez en la détermination et en la résolution de l'Etat pour faire en sorte que le canton de Morestel ne subisse pas de manière trop négative les conséquences de la décision de ne pas remettre en route Superphénix.
M. Jean Boyer. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Jean Boyer.
M. Jean Boyer. Monsieur le secrétaire d'Etat, je vous remercie de cet acte de foi.
C'est la première réponse sérieuse que vous nous faites aux questions qui sont posées aux femmes et aux hommes de ce secteur.
Vous avez dit que vous me rendriez compte ; vous n'avez pas à le faire. En revanche, pour ce qui nous concerne, Charles Descours, sénateur de l'Isère, et moi-même avons des comptes à rendre aux femmes et aux hommes qui souffrent et qui sont traumatisés depuis plus d'un an par des décisions de l'Etat que nous réprouvons.
J'ai noté que vous alliez nous tenir au courant ; mais je pense qu'il serait utile que vous organisiez vous-même une table ronde sur les lieux afin d'apaiser les esprits.
M. Charles Descours. Oh, là là ! dans la gueule du loup !
M. Jean Boyer. Mme Voynet n'est jamais venue.
M. Charles Descours. Il vaut mieux qu'elle ne vienne pas ! Nous n'avons pas assez de CRS !
M. Jean Boyer. Peut-être aurez-vous le courage de l'organiser, car, la situation étant ce qu'elle est, vous devez faire face.
Nous serons à vos côtés dans la mesure où vous suivrez l'évolution de ce dossier ô combien angoissant.
Je me rappelle qu'il avait été dit : « A circonstance exceptionnelle, réponse exceptionnelle ». Je pense que votre réflexion est en train de progresser dans cette voie. J'ai noté, par ailleurs, une réflexion de Mme Voynet : « Remplacement d'un emploi par un emploi à salaire et qualification égaux ». J'estime que ces promesses doivent impérativement être tenues.
Monsieur le secrétaire d'Etat, c'est la deuxième question orale que je pose sur ce sujet et soyez assuré que les quatre sénateurs de l'Isère, y compris, bien entendu M. Faure, reviendront à la charge aussi longtemps que la situation ne sera pas éclaircie.

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