Séance du 22 décembre 1998







M. le président. « Art. 3 bis . - Tout médecin qui, lorsqu'il est sollicité pour délivrer un certificat médical attestant l'absence de contre-indication à la pratique des activités physiques et sportives dans les conditions visées aux articles 2 et 3, ou lors d'un acte participant à la surveillance médicale d'un sportif, est amené à déceler des signes évoquant une pratique de dopage, est tenu d'en aviser la cellule médicale placée auprès du Conseil de prévention et de lutte contre le dopage visé à l'article 8. »
Je suis saisi de trois amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Par amendement n° 32 rectifié, MM. Leclerc et Francis Giraud proposent de supprimer cet article.
Par amendement n° 7, M. Bordas, au nom de la commission, propose de rédiger comme suit l'article 3 bis :
« Tout médecin qui, lorsqu'il est consulté en vue de la délivrance d'un des certificats médicaux définis aux articles 2 et 3, est amené à déceler des signes évoquant une pratique de dopage, est tenu de ne pas le délivrer. »
Cet amendement est affecté de trois sous-amendements.
Le premier, n° 49, présenté par M. Dreyfus-Schmidt et les membres du groupe socialiste tend :
I. Après les mots : « aux articles 2 et 3 », à rédiger comme suit la fin du texte proposé par l'amendement n° 7 pour l'article 3 bis : « est tenu de surseoir à sa délivrance s'il est amené à déceler des signes évoquant une pratique de dopage et de ne pas le délivrer en cas de confirmation ».
II. En conséquence, au début du même texte, après les mots : « Tout médecin », à supprimer le mot : « qui ».
Le deuxième, n° 40, déposé par M. Lagauche et les membres du groupe socialiste et apparentés ; a pour objet de compléter in fine le texte proposé par l'amendement n° 7 par les mots suivants : « et d'aviser la cellule médicale mentionnée à l'article 9 des signes décelés, en garantissant l'anonymat du patient ; il a obligation de proposer au patient sur lequel il a décelé ces signes un accompagnement médical auprès de cette cellule ou, en cas de refus de celui-ci, auprès de toute autre instance médicale ».
Le troisième, n° 38 rectifié, présenté par MM. Bordas et Gouteyron, vise à compléter le texte proposé par l'amendement n° 7 par deux alinéas ainsi rédigés :
« Il transmet obligatoirement à l'une des antennes médicales mentionnées à l'amendement n° 37 tendant à insérer un article additionnel après l'article 1er, sous forme anonyme, les constatations qu'il a faites.
« Il informe son patient de cette obligation et de cette transmission. Au choix de ce dernier ou de son représentant légal, il peut soit le diriger vers l'antenne médicale, soit, en liaison avec celle-ci et en fonction des nécessités, lui prescrire des examens, un traitement ou mettre en place un suivi médical. »
Par amendement n° 44, MM. Vallet et Bimbenet proposent, après les mots : « est amené », de rédiger comme suit la fin de l'article 3 bis : « à constater des signes évoquant une pratique de dopage est tenu d'en informer la cellule médicale placée auprès du conseil de prévention et de lutte contre le dopage visée à l'article 9, sous la forme d'un certificat administratif codé. Le médecin peut, s'il le juge nécessaire, établir une contre-indication médicale à la pratique sportive ».
La parole est à M. Leclerc, pour défendre l'amendement n° 32 rectifié.
M. Dominique Leclerc. Cet amendement a pour objet de supprimer l'article 3 bis, que le Gouvernement a introduit à l'Assemblée nationale. Le Sénat ne s'est pas encore exprimé sur cet article dont l'importance a déjà été soulignée par les différents intervenants.
L'article 3 bis prévoit que, à l'occasion de la surveillance médicale qu'il exerce sur les sportifs, le médecin est tenu, s'il soupçonne une pratique de dopage, « d'en aviser la cellule médicale placée auprès du conseil de prévention et de lutte contre le dopage... » Or ce texte, au demeurant assez surprenant, a provoqué de vives réactions dans le monde médical, notamment parmi les médecins du sport. Certains ont même parlé de délation.
Toujours est-il que l'article 3 bis semble incompatible avec l'existence de la relation de confiance, fondée sur la confidentialité, qui lie le médecin et son patient. Un médecin ne peut communiquer des informations relatives à l'un de ses patients qu'à un autre médecin et dans l'intérêt de ce patient. Il s'agit donc de cas particuliers et l'appréciation demeure, par définition, subjective.
Je crains que, pour une raison tout à fait louable, la protection de la santé du sportif, on n'empoisonne la relation existant entre le médecin et le patient. Une question si importante que la levée du secret médical ne peut être prise qu'avec l'accord de l'ensemble du corps médical. Or, vous le savez, les protestations sont telles que cela ne semble pas acquis.
Il convient donc de réfléchir à la meilleure manière d'agir pour le médecin pour protéger la santé de son patient tout en évitant toute violation du secret professionnel.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 7.
M. James Bordas, rapporteur. L'article 3 bis constitue le premier élément de la procédure d'alerte médicale adoptée par l'Assemblée nationale. Comme je l'ai indiqué dans mon rapport oral, la commission n'a pas approuvé le dispositif de déclaration nominale obligatoire des présomptions de dopage prévu par l'article 3 bis.
Elle a estimé qu'il comportait une dérogation beaucoup trop large au secret médical : imposer à des médecins la déclaration nominale de simples symptômes serait, en effet, sans précédent. Elle a, par ailleurs, considéré que cette disposition aurait un effet contraire à celui qui est recherché, en dissuadant les sportifs touchés par le dopage d'aller voir un médecin susceptible de les aider, de peur d'être dénoncés.
Nous vous proposons donc simplement d'imposer au médecin consulté en vue de la délivrance d'un certificat de non-contre-indication à la pratique sportive ou à la compétition de refuser ce certificat s'il constate des symptômes de dopage. La délivrance de ce certificat ne doit, en effet, pas être une simple formalité. Le dopage - nous sommes d'accord avec vous ce point, madame le ministre - doit être considéré comme une contre-indication à la pratique sportive.
M. le président. La parole est à M. Dreyfus-Schmidt, pour défendre le sous-amendement n° 49.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Si l'amendement n° 7 était rédigé conformément à ce que vient d'indiquer M. le rapporteur, le présent sous-amendement ne serait pas nécessaire. En effet, M. le rapporteur a dit que le médecin pouvait refuser de délivrer le certificat « s'il constate des symptômes de dopage ». Or, ce n'est pas ce qui est mentionné dans l'amendement n° 7. En effet, celui-ci prévoit les dispositions suivantes : « S'il est amené à déceler des signes évoquant une pratique de dopage ». Ce n'est pas la même chose ! Cela signifie que, s'il y a doute, le médecin doit refuser de délivrer le certificat médical attestant l'absence de contre-indication à la pratique des activités physiques et sportives dans les conditions visées aux articles 2 et 3 du projet de loi.
Monsieur le rapporteur, si vous modifiiez votre amendement pour le rédiger tel que vous l'avez présenté, je retirerais mon sous-amendement. Dans le cas contraire, je vous demanderais d'accepter - cela répond d'ailleurs à votre souhait - que le médecin soit tenu de surseoir à la délivrance du certificat médical en cas de doute et de ne pas le délivrer en cas de confirmation du dopage.
En revanche, s'il s'avère que l'intéressé ne se dope pas, le certificat médical doit bien évidemment lui être délivré le plus rapidement possible afin qu'il ne soit pas sanctionné puisqu'il n'aurait strictement rien à se reprocher et que rien ne serait à lui reprocher.
M. le président. La parole est à M. Lagauche, pour défendre le sous-amendement n° 40.
M. Serge Lagauche. Lorsque j'ai déposé ce sous-amendement, je n'étais pas dans les confidences de Mme le ministre et de M. le rapporteur. La cellule médicale placée auprès du Conseil de prévention et de lutte contre le dopage n'existait alors pas.
Par ce sous-amendement, nous proposons une solution permettant à la fois de garantir le respect du secret médical et la santé des sportifs ayant eu recours à des pratiques de dopage. La levée de la confidentialité, à mes yeux, ne peut se faire qu'avec l'accord du patient, en l'occurrence du sportif. Cela dit, je retire mon sous-amendement, car je partage l'avis de la commission en la matière.
J'approuve également le sous-amendement n° 49, car il apporte une précision importante. Si le médecin a des doutes, il surseoit à la délivrance du certificat médical. Il ne refuse pas, dans un premier temps, sa délivrance, ce qui signifierait que l'intéressé se dope. Le patient est en quelque sorte invité à pratiquer des examens complémentaires. Il y aura donc un suivi, et un dialogue un peu plus long va s'instaurer entre le médecin et le sportif afin de bien déceler la vérité en la matière.
Quant à la confidentialité, elle ne peut être levée en ce domaine sans l'accord du patient. Nous devons être très stricts car c'est sur cela que reposeront la prévention, la thérapeutique future, l'éducation des sportifs.
M. le président. Le sous-amendement n° 40 est retiré.
La parole est à M. Bordas, pour défendre le sous-amendement n° 38 rectifié.
M. James Bordas. Ce sous-amendement tend à compléter le dispositif proposé par l'amendement n° 7. Lorsque le médecin aura constaté des symptômes de dopage et donc refusé de délivrer, le certificat, il devra saisir, par une déclaration non nominative, l'antenne médicale de lutte contre le dopage la plus proche.
La suite des événements sera laissée au choix du patient ou de son représentant légal s'il est mineur : il devra soit consulter directement l'antenne médicale, soit demander au médecin de la contacter pour définir le traitement ou le suivi médical qui s'avérerait nécessaire si, par exemple, il présente une pathologie liée au dopage, ou si l'interruption du dopage risque de provoquer des symptômes de sevrage.
Nous estimons, mes chers collègues, que cette procédure, qui respecte strictement le secret médical et qui s'inscrit dans le dialogue entre le médecin et le patient, permettra à la fois de définir les conditions dans lesquelles, une fois le dopage « guéri » si je puis dire, le certificat pourra être délivré et d'assurer au sportif dopé tous les soins que peut justifier son état de santé.
Je précise, monsieur le président, que la commission a bien voulu donner un avis favorable à l'adoption de ce sous-amendement.
M. le président. La parole est à M. Bimbenet, pour présenter l'amendement n° 44.
M. Jacques Bimbenet. Le certificat administratif codé ne comporte ni diagnostic ni traitement. Il ne vise qu'à établir l'exposition de l'individu au risque sanitaire que lui fait courir l'usage de produits dopants. Le médecin peut apprécier ce risque comme une contre-indication médicale à la pratique.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 32 rectifié, sur les sous-amendements n°s 49 et 38 rectifié, ainsi que sur l'amendement n° 44 ?
M. James Bordas, rapporteur. Dans la mesure où la commission propose une nouvelle rédaction de l'article 3 bis qui devrait d'ailleurs satisfaire MM. Leclerc et Francis Giraud, elle souhaite le retrait de l'amendement n° 32 rectifié, faute de quoi elle y émettra un avis défavorable.
Le sous-amendement n° 49 améliore incontestablement la rédaction proposée par la commission. La commission ne l'a certes pas examiné mais il fait suite au débat qui a eu lieu ce matin. Nous ne pouvons donc qu'être favorables à son adoption.
J'ai déjà indiqué que la commission était favorable au sous-amendement n° 38 rectifié.
En revanche, elle a émis un avis défavorable sur l'amendement n° 44, puisqu'elle propose une autre rédaction de l'article 3 bis.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 32 rectifié, l'amendement n° 7, les sous-amendements n°s 49, 40 et 38 rectifié, ainsi que sur l'amendement n° 44 ?
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale. En matière de secret médical, quel que soit le dispositif qui sera adopté, qu'il s'agisse de celui de l'Assemblée nationale ou de celui que vous proposez maintenant, monsieur le rapporteur, l'objectif reste le même.
Le médecin doit à la fois prendre en charge le sportif qui se confie à lui, qui participerait de façon active à sa désintoxication mais, en même temps, le secret médical doit bien évidemment être préservé. Telle est d'ailleurs la raison pour laquelle le médecin du sport, qui était donc consulté pour la délivrance d'un certificat médical, doit s'adresser à la cellule médicale placée auprès du Conseil de prévention et de lutte contre le dopage.
Et, vous le savez - la jurisprudence est constante depuis des dizaines d'années - lorsqu'un médecin s'entretient avec un autre médecin, il est délivré du secret médical. Ne confondons pas. Le médecin « à la base » peut prononcer le nom d'un malade devant l'un des médecins faisant partie de la cellule médicale.
Je comprends l'état d'esprit qui vous anime et votre volonté de préserver la confiance entre le sportif et le médecin consulté en vue de la délivrance d'un certificat médical.
En conséquence, le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat sur l'amendement n° 7 ainsi que sur les sous-amendements n°s 49 et 38 rectifié, dans la mesure où, encore une fois, l'objectif de ce dispositif est de prendre en charge le sportif s'il le souhaite, mais, de toute façon, d'agir dans le sens de la suppression du dopage pour cet individu, puisque le dopage lui serait à terme nocif.
Enfin, le Gouvernement émet un avis défavorable sur l'amendement n° 44.
M. le président. Monsieur Leclerc, l'amendement n° 32 rectifié est-il maintenu ?
M. Dominique Leclerc. J'ai écouté avec attention les propos de M. le rapporteur et de M. le secrétaire d'Etat. Vous comprendrez que, puisqu'ils ont tous les deux évoqué la qualité ou les vertus de la relation médecin-patient et les garanties qu'apporte le secret médical dans le libre consentement du patient qui vient consulter son médecin, je retire l'amendement n° 32 rectifié.
M. le président. L'amendement n° 32 rectifié est retiré.
Je vais mettre aux voix le sous-amendement n° 49.
M. Serge Lagauche. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Lagauche.
M. Serge Lagauche. Je voudrais reprendre les propos de M. Kouchner.
Le fait qu'un médecin s'adresse à la cellule médicale et à d'autres médecins ne signifie pas forcément que, au niveau de ladite cellule médicale, par rapport au rôle qu'ils ont à jouer vis-à-vis du Conseil de prévention et de lutte contre le dopage, la situation soit aussi claire, et que les médecins qui sont dans cette cellule n'ont donc pas à donner un certain nombre d'indications.
Si nous avons eu cette discussion, si nous avons souhaité que cela ne dépasse pas cette cellule, c'est parce que nous considérions que cette cellule dépendait du comité, et n'était donc pas tout à fait indépendante. Nous voulions que le secret médical soit bien conservé et qu'il existe un verrou. C'est la raison pour laquelle nous avons autant discuté en commission. Je tenais à le préciser à M. le secrétaire d'Etat.
M. Alain Gouteyron. président de la commission. Je demande la parole !
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Adrien Gouteyron, président de la commission. Ce sous-amendement tient en effet une place essentielle dans la proposition de la commission. Je voudrais non pas répondre à M. le secrétaire d'Etat, mais, en allant dans le sens des propos de M. Lagauche, bien expliquer pourquoi la commission a préféré un dispositif différent de celui qui a été adopté par l'Assemblée nationale. En effet, en vous écoutant, monsieur le secrétaire d'Etat, on pourrait penser que les deux dispositifs sont équivalents, cherchent à atteindre le même objectif et ont des conséquences identiques. Or, selon nous, permettez-moi de vous le dire, ce n'est pas tout à fait exact, et je m'en explique.
D'abord, l'Assemblée nationale a créé une cellule médicale, placée auprès du Conseil de prévention et de lutte contre le dopage. Or, vous le savez, ce conseil est une autorité administrative. Qu'on le veuille ou non, la cellule médicale placée auprès de lui participait à cette nature administrative. D'ailleurs, aux termes du texte adopté par l'Assemblée nationale, elle pouvait prendre des décisions qui pouvaient s'apparenter à de quasi-sanctions. Nous ne pouvions la suivre dans cette voie, d'autant plus que, selon nous, donner des informations à une cellule médicale placée auprès d'une autorité administrative ou les donner à un autre médecin, ce n'est pas la même chose. C'est pourquoi la commission fait la proposition qui vous est maintenant soumise, mes chers collègues.
Cela étant dit, dans les intentions, je le reconnais, nous cherchons à atteindre le même objectif. Comme le sujet est très délicat, il est important que, ici, au Sénat, nous essayions d'imaginer un dispositif qui soit efficace, qui privilégie la prévention, qui n'ait pas d'effets excessivement dissuasifs, et qui, bien sûr, ne porte pas atteinte aux principes essentiels de la déontologie médicale.
M. Jean Delaneau. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Delaneau.
M. Jean Delaneau. Après l'intervention du président de la commission, je préciserai que la commission des affaires sociales a failli se saisir du texte pour les raisons évoquées, et notamment le problème du partage - éventuel - du secret médical.
Effectivement, la cellule médicale placée auprès du conseil de prévention et de lutte contre le dopage fait tout de même partie d'une structure administrative qui n'est pas composée uniquement de personnes aptes à partager le secret médical ou dont la fonction est habituellement reconnue pour pouvoir recevoir le partage du secret médical.
Il y a des magistrats, des médecins, mais il y a aussi des membres désignés par le Comité national olympique et sportif français, le CNOSF, et je m'en excuse auprès des personnes que je reconnais ici pour avoir travaillé avec elles au sein de ce comité. Ce début de banalisation éventuelle du secret médical soulève une difficulté.
Je sais bien que le secret médical est déjà banalisé, par exemple, lorsqu'un internement psychiatrique est prescrit : il est partagé avec le préfet...
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat. L'administration !
M. Jean Delaneau. ... ou ses services. Je crois cependant que la solution qui a été adoptée par la commission est meilleure que celle qui a été retenue par l'Assemblée nationale. Elle évite ce risque, même si, je le répète, nous avons entièrement confiance dans les membres du CNOSF.
C'est pourquoi je suis, bien sûr, favorable au sous-amendement n° 49 et, surtout, au sous-amendement n° 38 rectifié, sur lequel nous nous prononcerons tout à l'heure.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix le sous-amendement n° 49, accepté par la commission et pour lequel le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.

(Le sous-amendement est adopté.)
M. le président. Je vais mettre aux voix le sous-amendement n° 38 rectifié.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Désormais, il s'agit non plus d'une cellule médicale, mais d'une antenne. La différence est importante, si l'antenne peut être soit saisie par le malade sur le conseil de son médecin, car c'est d'un malade qu'en définitive il s'agit, soit saisie par l'intéressé.
Je note au passage - je ne l'ai pas dit tout à l'heure, mais je profite de l'occasion - que nous avons tout de même besoin d'être rassurés et de savoir qui créera ces antennes et qui les financera.
Dans le texte qui a été adopté tout à l'heure, il est dit qu'elles sont agréées par arrêté conjoint du ministre chargé de la santé et du ministre chargé des sports, mais nulle part qui les créée et qui les finance.
Mais admettons qu'elles soient rapidement créées dans chaque département, puisqu'il faut évidemment qu'elle soit le plus près possible des usagers.
Quoi qu'il en soit, le sous-amendement n° 38 rectifié revient quelque peu sur l'amendement n° 37, puisqu'il y est précisé que le médecin va transmettre obligatoirement à l'une des antennes médicales les constatations qu'il a faites, sous forme anonyme. Je ne vois pas clairement l'intérêt de dire à une antenne médicale : j'ai fait une constatation chez une personne dont je ne vous dis pas le nom parce que je lui dois l'anonymat. Si l'intéressé se présente, l'antenne ne le reconnaîtra pas puisqu'elle aura été prévenue d'une manière respectant l'anonymat.
Ce matin, nous avons eu une discussion sur ce point en commission. On a fini par nous dire que c'est une question de statistiques, que l'on pourra ainsi savoir combien de personnes sont pressées par le médecin de se présenter à l'antenne médicale et combien le font en effet. Je veux bien l'admettre. Et c'est parce qu'il n'est finalement pas substantiel que je voterai ce sous-amendement. (M. Sérusclat applaudit.)
Mme Hélène Luc. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à Mme Luc.
Mme Hélène Luc. Nous avons eu une longue discussion sur ce point. Pour ma part, j'ai dit qu'il fallait tout faire, ce que vous venez de dire, monsieur le secrétaire d'Etat, pour favoriser la confiance entre le médecin et son patient. Mais il faut aussi que le médecin rende compte de ce qu'il voit sans que l'éthique soit mise en cause. (M. le président de la commission fait un signe d'assentiment.) Il me semble que l'on peut résumer ainsi la discussion très importante dans ces deux proportions.
Non voulons les deux. Nous ne voulons pas que le patient qui doit aller voir son médecin renonce à le faire au motif que des informations puissent être divulguées. Il faut faire appel à la raison. En l'occurrence, comme vous l'avez dit, c'est bien le secret partagé. Cela n'empêche pas un médecin de parler à un autre médecin, rien n'interdit à un médecin de prendre contact avec l'un de ses confrères.
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat. Une légère confusion s'installe dans mon esprit.
Ce dispositif, en tout cas pour ce qui concerne sa partie médicale, car le reste relève, bien sûr, entièrement de la responsabilité de ma collègue, doit fonctionner,...
M. Jean Bernard. Oui !
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat. ... sinon on va continuer comme avant.
Alors moi, je suis évidemment pour la confiance et pour que le secret médical soit absolument préservé, mais si on fait une loi contre le dopage, il faut tout de même qu'elle soit efficace.
M. Jean Bernard. Vous avez raison !
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat. Or, vous me dites deux choses sur lesquelles je ne suis pas d'accord. Et vraiment s'il y a un gardien tatillon du secret médical, c'est bien moi ! Je rappelle que le Conseil de l'ordre ne s'est pas indigné et nous avons travaillé avec lui.
Que voulions-nous par ce système ? D'abord, je vous rappelle, madame le sénateur, que le certificat est obligatoire, et donc que l'intéressé doit aller voir son médecin. La confiance, c'est d'abord la confiance vis-à-vis de soi-même. Il est interdit de se doper, que voulez-vous que je vous dise ! Et c'est interdit non seulement pour la santé, mais aussi parce que, sinon, cela crée une invraisemblable inégalité dans les compétitions sportives, ce que nous ne voulons pas. Par conséquent, l'homme ou la femme qui est responsable de dopage le sait et c'est bien cet effet dissuasif que nous cherchons à obtenir.
Donc, il y a nécessité d'un certificat médical avant toute compétition. La menace, c'est que, ce certificat ne soit pas délivré par un médecin qui constaterait que physiologiquement et cliniquement les signes existent pour attirer son attention vers une consommation excessive de produits interdits.
Que fait alors ce médecin ? Il ne délivre pas le certificat médical. C'est la première étape. Nous avons considéré, avec le texte qui vous avait été proposé par Mme Marie-George Buffet, que là l'anonymat ne se justifiait pas, d'autant plus que la transmission se faisait d'un médecin à un autre et que vous avez remplacé le mot « cellule » par le mot « antenne ». L'antenne, partie médicale séparée du reste, a pour mission de faire l'épidémiologie, c'est-à-dire de recenser les cas qui, éventuellement, seraient signalés.
Pour quoi faire ? Mais, monsieur le sénateur, parce que le fait d'attirer l'attention sur une fédération particulière, sur un endroit particulier, ou sur un club particulier entraînera le déclenchement d'une enquête - cela me paraît clair ! - et ce non à la suite de la violation du secret médical, mais pour que des pratiques se situant géographiquement dans un endroit précis soient étudiées. Voilà ce que j'avais compris, le secret médical étant tout à fait préservé.
Vous proposez exactement la même chose mais plus loin. La proposition du Gouvernement était que la cellule, devenue antenne médicale, ne pouvait proposer une analyse ou un signalement que de manière anonyme. Mais elle aboutissait à partager le secret avec plus de médecins que vous ne souhaitez le faire. C'est pourquoi nous nous en étions remis à la sagesse de l'Assemblée.
Mais si cela sert seulement à conserver la confiance en son médecin, sous prétexte que ce dernier ne déclarera pas qu'il a constaté un dopage, cela ne sert plus à rien !
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix le sous-amendement n° 38 rectifié, accepté par la commission et pour lequel le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.

(Le sous-amendement est adopté.)
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 7.
M. Franck Sérusclat. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Sérusclat.
M. Franck Sérusclat. J'avais indiqué que je suivrai la position adoptée par Mme la ministre, mais elle n'en a pas fait part, et je suis donc libéré de ce côté-là !
Mme Marie-George Buffet, ministre de la jeunesse et des sports. M. Kouchner et moi-même sommes d'accord !
M. Franck Sérusclat. Mais il faudrait donc que je suive la position de M. le secrétaire d'Etat à la santé. J'ai néanmoins une hésitation à cet égard.
En effet, sa dernière intervention va tout à fait dans le sens que je souhaiterais, à savoir l'établissement d'une relation entre le médecin et le sportif se dopant ou non, et donc la suppression de l'anonymat. Instituer l'anonymat uniquement pour l'établissement de listes épidémiologiques ne sert en effet pas à grand-chose ! Mais la position prise par M. le secrétaire d'Etat ne figure pas dans le texte. On en reste donc à l'anonymat qui, dans le cas présent, est ubuesque : lorsque le champion international, qui est monté sur la plus haute marche du podium, va consulter son médecin, comment peut-il garder l'anonymat ? Tout le monde le connaît ! Il faudrait alors qu'il porte une cagoule !
Par conséquent, si l'on veut lutter contre le dopage, il n'y a aucune raison de respecter l'anonymat de quelqu'un qui se dope, puisque, comme l'a dit M. Kouchner, c'est un tricheur : il triche envers la société et envers ses collègues sportifs, et, de plus, il s'abîme la santé !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Ce n'est pas un délit !
M. Franck Sérusclat. Par conséquent, l'acte médical doit être effectué par un praticien qui assume la totalité de ses responsabilités et qui ne se réfugie pas dans l'anonymat d'une situation qu'il n'ose pas aborder. On m'objectera que le sportif qui se dope ira consulter un autre médecin. Bien sûr, il y aura des médecins « marrons » ! Tout à l'heure, lors de mon intervention dans la discussion générale, j'ai regretté que, dans un pays comme le nôtre, il y ait non seulement des entraîneurs procurant de la marchandise à ceux qui veulent se doper, mais aussi des médecins faillissant à leur tâche. Personnellement, je ne participerai pas au vote sur cet amendement.
M. Serge Lagauche. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Lagauche.
M. Serge Lagauche. Il ne peut y avoir de champion dopé accédant au podium puisque, si un sportif se dope, il ne peut obtenir de certificat ! Le problème est de savoir, lorsque l'on a l'information, où et comment on doit la transmettre pour qu'elle soit efficace et qu'il y ait un résultat. J'ai bien compris M. Kouchner en la matière.
Les médecins, tout comme les chercheurs, sont à mon avis suffisamment compétents pour transmettre une information anonyme qui soit efficace dans les statistiques et qui permette de repérer la fédération ou le secteur affecté par la pratique du dopage. Tel est - du moins, c'est ce que j'ai compris en commission - l'objectif recherché, et mon vote va dans ce sens. Il faut donc que l'information soit transmise afin de savoir, en cas de poussée de dopage, où elle se produit. On peut alors déterminer si la prévention est inefficace ou s'il y a effectivement quelque chose d'anormal.
M. le secrétaire d'Etat m'a rassuré en disant que, à ce moment-là, on déclenche une enquête pour savoir quel phénomène se produit. Voilà pourquoi je voterai cet amendement.
M. Jean-Louis Lorrain. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Lorrain.
M. Jean-Louis Lorrain. Je souhaite réagir aux propos qui viennent d'être tenus, en particulier sous prétexte d'efficacité. Si la pratique médicale devient un instrument de régulation de société en fonction de divers choix, nous allons droit, à mon avis, à la catastrophe.
On ne peut pas dire que l'épidémiologie ne sert à rien. Elle est actuellement à son plus bas niveau, et il est donc important de la favoriser et d'en tirer ensuite les conséquences. C'est pourquoi j'apprécie beaucoup la sagesse qui s'est développée dans le discours.
Mais si nous allions dans le sens de notre collègue M. Sérusclat, qui a bien sûr la lumière de son expérience - mais nous avons aussi celle de la relation directe avec le malade - alors, les adolescents violents maltraitant leur mère devraient être l'objet de mesures coercitives, tous les névrosés dangereux non psychotiques devraient éventuellement être enfermés ; et je ne parle pas des alcooliques dont les patrons approuveraient le comportement et sur lesquels il faudrait agir de façon qu'il ne perturbe plus leur environnement. Alors là, où irions-nous ?
Il faut donc être extrêmement ment prudent dans ses prises de position. Pour ma part, je suis tout à fait satisfait de l'attitude adoptée par la commission des affaires culturelles.
Mme Marie-George Buffet, ministre de la jeunesse et des sports. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
Mme Marie-George Buffet, ministre de la jeunesse et des sports. Je veux tout d'abord préciser à M. Sérusclat que M. le secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale a exprimé l'opinion du Gouvernement, et donc la mienne.
Par ailleurs, je tiens à dire que nous ne pouvons en rester en l'état actuel des choses.
Les événements que nous avons vécus douloureusement ont montré que nous étions tout de même confrontés à des problèmes, s'agissant du rôle de la médecine et de la place de la santé dans le sport. Je vous rappelle à cet égard qu'un haut dirigeant du mouvement sportif a même évoqué le dopage médicalement assisté. Nous sommes en effet partis de là, voilà quelques mois !
Nous avons donc considéré qu'il fallait redonner toute sa place à la santé et à la médecine dans le sport. Il faut bien, par conséquent, que cette loi marque une nouvelle responsabilisation des médecins et de la médecine dans le sport.
Mais nous situons-nous là dans un champ répressif ? Non, absolument pas ! Nous ne demandons pas aux médecins de déclencher des contrôles ou des enquêtes, de dénoncer le sportif auprès de sa fédération ou auprès du ministère de la jeunesse et des sports. Nous leur demandons de refuser, si nécessaire, un certificat de non-contre-indication ; dans le projet de loi initial, nous leur demandions d'alerter non pas le Conseil national indépendant, mais uniquement la cellule médicale composée de médecins agréés.
M. Jean Delaneau. Je l'ai dit dans mon intervention !
Mme Marie-George Buffet, ministre de la jeunesse et des sports. Aujourd'hui, une proposition nous est faite, qui déplace le niveau de l'anonymat vers une antenne.
M. le secrétaire d'Etat, au nom du Gouvernement, s'en est remis à la sagesse sur ce point. Comme cela a été dit, nous partageons bien, je crois, le même objectif : nous recherchons une solution nous permettant de préserver la santé des sportifs tout en respectant la déontologie médicale.
M. Adrien Gouteyron, président de la commission. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Adrien Gouteyron, président de la commission. J'ajouterai quelques mots sans trop allonger ce débat passionnant.
Madame la ministre, si la commission a choisi la solution qu'elle propose ici, c'est bien avec les soucis que vous venez d'exprimer. Nous avons souhaité « décrocher » le suivi médical de tout ce qui pourrait faire penser à la sanction, et c'est à cela que tend notre proposition.
Nous avons souhaité également rapprocher des cas à traiter l'« antenne » - c'est le terme qui a finalement été choisi, après avoir envisagé les mots « structure » puis « centre ». C'est pourquoi nous souhaitons très vivement - vous avez bien voulu dire que c'était aussi votre désir, madame la ministre - qu'il y ait au moins une antenne par région et que les financements soient rapidement trouvés pour leur mise en place.
Enfin, monsieur le secrétaire d'Etat, nous avons pensé que la suppression de l'anonymat à cet endroit-là ne devait pas nuire au traitement médical des cas qui seront soumis au médecin qui devra alerter l'antenne. Nous espérons que des échanges s'établiront entre l'antenne et le médecin, mais nous n'avons pas vu ce qu'apportait de plus le nom de l'intéressé, mis sur une fiche ou transmis par je ne sais quel moyen. Il faut, en effet, à notre avis, que l'antenne soit saisie non pas uniquement pour des raisons statistiques, monsieur Dreyfus-Schmidt - cela réduirait son rôle d'une manière que la commission n'a pas souhaité - mais aussi et surtout pour des raisons d'efficacité.
J'espère que la proposition de la commission sera adoptée par le Sénat. Nous avons eu parfaitement conscience que nous traitions là un sujet extrêmement difficile, et nous espérons que le dispositif que nous proposons sera efficace. Tel est le but recherché.
Mme Hélène Luc. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à Mme Luc.
Mme Hélène Luc. Je voterai cet amendement, car il me paraît très important.
Si nous adoptons aujourd'hui un texte sur le dopage, c'est parce qu'il faut que quelque chose change. C'est la raison pour laquelle il me paraît indispensable que les cas décelés soient transmis.
En outre, nous expérimentons un dispositif. Dans quelques années, nous dresserons le bilan de l'application de ces mesures et nous déterminerons éventuellement celles qu'il convient de maintenir et celles qu'il importe de modifier ou de supprimer.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 7, modifié.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'article 3 bis est ainsi rédigé et l'amendement n° 44 n'a plus d'objet.

Article 3 ter