Séance du 19 janvier 1999







M. le président. La parole est à M. Murat, auteur de la question n° 388, adressée à M. le ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.
M. Bernard Murat. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, je souhaite attirer l'attention du ministre de l'éducation nationale sur la publication récente par son cabinet d'un document de cadrage portant réforme des heures complémentaires des enseignants universitaires.
Ce document prévoit que le nombre d'heures complémentaires par enseignant sera ramené, sur une période de trois ans, à 50 maximum par an. Il précise que les heures complémentaires n'ont pas vocation à être effectuées par des enseignants-chercheurs sauf à permettre des ajustements à la marge : elles doivent retrouver leur finalité, qui est l'intervention de professionnels ou de personnalités extérieures dans les cursus professionnalisés.
La démarche adoptée serait, dans un premier temps, de limiter les heures complémentaires afin de dégager les besoins, puis, dans un second temps, d'envisager des créations de postes afin de couvrir ces besoins.
Or, même s'il est certain qu'une intervention devient urgente en matière d'heures complémentaires, les besoins sont déjà appréciables et connus. Cette démarche, si elle était mal conduite, risquerait de conduire à une dégradation des enseignements par manque de cohérence compte tenu de la multiplication des enseignants chargés des mêmes cours.
Prenons le cas concret du département « Gestion des entreprises et des administrations » de l'IUT de Brive.
Actuellement, 1 126 heures complémentaires par an sont assurées par des professeurs titulaires ou des vacataires enseignants effectuant plus de 50 heures complémentaires par an.
Les heures libérées par cette réforme atteindraient donc pour ce département GEA un montant total de 726 heures. Cela représente approximativement un recrutement de 14 vacataires supplémentaires.
Sur un site délocalisé comme celui de Brive, il semble peu probable de trouver autant de vacataires professionnels motivés par l'enseignement et, quand bien même ce serait possible, il faudrait que les enseignements aient lieu en grande majorité à partir de dix-huit heures. Je vous laisse imaginer quel type de casse-tête cela constituerait pour les responsables et les conséquences qui en découleraient pour les étudiants.
Aussi, je propose d'inverser la démarche en créant d'abord des postes, puis en limitant le nombre des heures complémentaires. C'est une question de simple bon sens. Cela permettrait de faire en sorte qu'une bonne décision - que nous reconnaissons comme telle - ne fasse, dans son application, l'objet d'incompréhensions et de malentendus conduisant les étudiants et leurs professeurs à se mettre en grève. Négocier sous la pression de la rue n'est jamais une bonne chose pour un gouvernement quel qu'il soit.
L'occasion m'est donnée d'attirer une nouvelle fois l'attention de M. le ministre de l'éducation nationale sur l'inadéquation des moyens attribués par le Gouvernement aux universités par rapport aux annonces qu'il formule et qui vont souvent dans le sens de nos attentes.
De la même manière, je regrette le manque de concertation qui existe avec les responsables des sites universitaires et les élèves dans la prise de ces décisions, ainsi que la méthode utilisée pour leur transmission. Mal comprises, elles sont mal appliquées.
Cette situation plaide pour une accélération de la décentralisation du système éducatif vers les régions, en partenariat avec les collectivités locales qui accueillent les établissements et les structures.
Ces déficits en moyens financiers et en communication mettent souvent dans l'embarras les maires des villes qui accueillent des sites universitaires. En effet, dans de nombreux cas, la collectivité locale est apelée à se substituer à l'Etat pour maintenir, voire développer l'antenne de l'université, qu'elle accueille, par ailleurs, avec beaucoup de plaisir et une véritable volonté de jouer le jeu. Mais ce jeu est souvent montré du doigt par la chambre régionale des comptes et les maires sont, dans ce domaine aussi, des boucs émissaires.
J'évoquerai, parmi beaucoup d'autres exemples, celui d'un CES bibliothécaire à l'IUT de Brive, dont le contrat venait à échéance à la fin de 1998. L'université de Limoges n'avait pas les fonds nécessaires pour sa consolidation ; conséquence immédiate : des centaines d'étudiants en grève, appuyés par l'ensemble des professeurs, demandent au maire que la commune se substitue à l'Etat. C'est, bien entendu, ce que j'ai décidé de faire pour mettre un terme au désordre et permettre le maintien de cet emploi jusqu'à la fin de l'année scolaire ; je précise qu'il s'agit d'un emploi réservé. Mais qu'adviendra-t-il de cet emploi par la suite ?
Monsieur le secrétaire d'Etat, comprenez bien le sens de mon propos : je ne suis pas opposé à cette réforme, et je souhaite qu'elle soit mise en oeuvre. Mais il faut commencer par dégager les moyens financiers nécessaires afin d'en assurer au mieux le succès, en pensant d'abord aux enseignants et aux étudiants.
Je vous serais reconnaissant de bien vouloir éclairer le Sénat quant à la position de M. le ministre de l'éducation nationale sur ces problèmes.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Jean-Pierre Masseret, secrétaire d'Etat aux anciens combattants. Monsieur le sénateur, M. Claude Allègre regrette vivement de ne pouvoir répondre personnellement à votre intervention. La réponse qu'il m'a chargé de vous transmettre ne concerne évidemment que le thème des heures complémentaires, c'est-à-dire celui qui était évoqué dans la question que vous avez déposée, car vous en avez abordé bien d'autres verbalement. Vous aurez certainement l'occasion d'interroger directement M. le ministre de l'éducation nationale sur ces autres sujets.
Le document de cadrage auquel vous avez fait allusion a été établi à la suite d'une large consultation. Il a permis de fixer les orientations à partir desquelles des textes sont en cours d'élaboration, touchant à la carrière des enseignants-chercheurs et des enseignants de l'enseignement supérieur, à la déconcentration de leur gestion, aux dispositifs de reconnaissance de leurs fonctions et aux heures complémentaires.
L'objectif est bien de limiter le recours aux heures complémentaires pour les ramener à leur véritable finalité : l'intervention de professionnels dans les enseignements.
Les projets de texte seront soumis à concertation dans les jours qui viennent. Une circulaire viendra rappeler la règle du service fait, le paiement des heures complémentaires ne pouvant intervenir qu'à partir de la cent quatre-vingt-treizième heure de cours effective ; l'horaire statutaire est annuel et, je le rappelle, fixé à cent quatre-vingt-douze heures équivalent travaux dirigés. Un décret limitera à un demi-service, dans un premier temps, la possibilité pour les personnels statutaires de faire des heures complémentaires. Dans trois ans, le décret sera plus strict et la limitation fixée à un tiers de service.
Les universités disposeront ainsi des bases réglementaires et du temps nécessaires pour maîtriser leurs heures complémentaires et leur offre d'enseignement. Elles devront aussi, dans le cadre de leurs contrats avec l'Etat, intégrer en priorité dans leur politique de recrutement les besoins en enseignants-chercheurs des secteurs disciplinaires qui demeurent sous-encadrés.
Parallèlement, et dans un contexte de décroissance démographique, M. le ministre de l'éducation nationale rappelle que l'Etat a créé en deux années - 1998 et 1999 - 4 500 emplois d'enseignant-chercheur ou d'enseignant dans les établissements d'enseignement supérieur.
M. Bernard Murat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Murat.
M. Bernard Murat. Je prends acte de votre réponse, monsieur le secrétaire d'Etat.
La question des heures complémentaires s'insère dans un ensemble de problèmes qui découlent d'un certain manque d'adéquation entre des annonces, ou même des décisions, qui vont dans la bonne direction et les moyens financiers qui sont effectivement dégagés. De cette situation, il résulte in fine, sur le terrain, que les enseignants et les étudiants sont complètement désorientés.
Tel est le message de bon sens que je vous demande de bien vouloir transmettre à M. le ministre de l'éducation nationale. Mais je ne manquerai pas de lui faire part à nouveau de ce souci majeur.

CRÉATION D'UN BTS AQUACOLE
AU LYCÉE AGRICOLE DE CHÂTEAU-CHINON