Séance du 19 janvier 1999







M. le président. La parole est à M. Eckenspieller, auteur de la question n° 376, adressée à M. le ministre de la défense.
M. Daniel Eckenspieller. Le Gouvernement a accepté, lors de la discussion de la loi portant réforme du service national, le principe d'un report d'incorporation pour les jeunes gens bénéficiant d'un contrat de travail de droit privé à durée indéterminée.
Certaines restrictions ont cependant été posées afin de ne pas priver les armées des effectifs nécessaires à leur bon fonctionnement dans l'attente de leur totale professionnalisation.
C'est ainsi que l'article L. 5 bis A du code du service national ne prévoit ce report que « si l'incorporation immédiate du demandeur a pour conséquence de compromettre son insertion professionnelle ou la réalisation d'une première expérience professionnelle ».
Nous avons tous pu constater, dans nos départements, que le report ainsi institué a suscité un espoir sans commune mesure avec la portée réelle de la disposition.
Du fait, sans doute, d'un déficit de communication, la plupart des jeunes intéressés ont considéré que ce report était systématique dès lors qu'ils étaient titulaires d'un contrat de travail, allant jusqu'à confondre report et dispense pure et simple.
Les commissions régionales accordant ou refusant ce report ont d'ailleurs fait, elles aussi, une lecture très large de la loi, lors de leurs premières réunions.
Confronté à cette interprétation, le ministère de la défense a réagi en adressant aux préfets une circulaire, non publiée, les appelant à une plus grande fermeté. Il a par ailleurs contesté nombre de décisions des commissions devant les tribunaux administratifs.
La position du ministère se justifie dans la mesure où le besoin en effectifs pourrait ne plus être satisfait en cas d'interprétation trop souple durant la période de transition précédant la professionnalisation complète des armées.
Mais, au-delà de cet aspect des choses, c'est l'avenir des jeunes qui viennent d'obtenir le report d'incorporation tant espéré qui doit nous préoccuper aujourd'hui.
Dans deux ans, les jeunes ayant obtenu ce report demanderont à nouveau le bénéfice de l'article L. 5 bis A du code du service national. La loi fait mention en effet « d'un report d'incorporation d'une durée de deux ans pouvant être prolongée ».
La situation professionnelle des jeunes au sein de l'entreprise qui les emploie sera-t-elle systématiquement considérée comme suffisamment stable pour garantir une insertion professionnelle réelle et durable ?
Au vu des premières décisions octroyant ou refusant le bénéfice du report et si cette approche est confirmée par les autres juridictions administratives, il apparaît que seuls les jeunes ayant connu de graves difficultés d'insertion pourront bénéficier d'un nouveau report.
La première expérience professionnelle, période d'adaptation au monde du travail, n'est plus compromise passé un délai de douze à dix-huit mois, selon le commissaire du Gouvernement ayant récemment rendu ses conclusions, sur une vingtaine d'affaires, auprès du tribunal administratif de Strasbourg.
Le report d'incorporation risque dès lors de n'être prolongé que très exceptionnellement à l'issue des deux premières années.
Ce choix jurisprudentiel semble contestable, car trop restrictif au regard de l'esprit de la loi.
Ne convient-il pas d'assouplir les critères pris en compte pour l'octroi du report et de réaffirmer la possibilité d'un éventuel renouvellement, serait-ce au prix d'une modification législative ou réglementaire ?
En tout état de cause, les jeunes dispensés devront théoriquement effectuer tôt ou tard leur service militaire. Mais ne sera-t-il pas inopportun de rappeler sous les drapeaux des jeunes qui pourraient alors approcher les vingt-neuf ans, âge auquel on n'est plus assujetti au service actif, alors que la phase de transition vers l'armée professionnelle devrait être achevée en 2002 ?
En conséquence, une décision politique de principe concernant les jeunes appelés à faire leur service après un premier report n'est-elle pas indispensable afin de lever les nombreuses ambiguïtés et incertitudes auxquelles les uns et les autres se trouvent aujourd'hui confrontés ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Jean-Pierre Masseret, secrétaire d'Etat aux anciens combattants. Monsieur le sénateur, tout d'abord, je tiens à vous présenter les excuses de M. Alain Richard, ministre de la défense, qui effectue actuellement un voyage en Corée et qui m'a donc prié de vous communiquer la réponse qu'il souhaitait apporter à votre question.
J'observe que vous avez déjà largement vous-même apporté des réponses en faisant état de la législation actuellement applicable. Aussi, je veux rendre hommage à votre esprit de responsabilité à cet égard.
Vous avez donc rappelé que la loi du 28 octobre 1997 portant réforme du service national traduit la volonté du Gouvernement et du Parlement de concilier la priorité nationale accordée à l'emploi des jeunes et le besoin des armées en appelés du contingent dans la phase cruciale de professionnalisation, qui s'achèvera en l'an 2000. Il faut en effet tenir compte de ces deux éléments pour prendre des décisions utiles.
Cette loi a inséré dans le code du travail deux dispositions nouvelles dont l'importance est patente.
L'article L. 128-18 du code du travail dispose désormais que le contrat de travail d'un salarié ou d'un apprenti appelé au service national est suspendu pendant toute la durée du service national actif et non plus rompu comme c'était le cas jusqu'à présent.
Sur le plan des principes, la réintégration dans l'entreprise est donc de droit.
L'article L. 122-21, quant à lui, dispose qu'aucun employeur ne peut résilier le contrat de travail d'un salarié ou d'un apprenti au motif que ce salarié ou cet apprenti se trouve astreint aux obligations du service national ou se trouve appelé au service.
En complément, l'article L. 5 bis A du code du service national ouvre des possibilités de reports d'incorporation sous certaines conditions réglementaires pour de jeunes gens titulaires de contrats de droit privé à durée déterminée ou indéterminée, si l'incorporation immédiate a pour effet de compromettre l'insertion professionnelle ou la réalisation d'une première expérience professionnelle du jeune.
Il est exact que des décisions jurisprudentielles récentes ont précisé cette notion, comme vous venez de le rappeler.
L'octroi de ces reports est du ressort des commissions régionales prévues à l'article L. 32 du code du service national, qui apprécient chaque situation individuelle, ce qui est raisonnable. Le ministère de la défense a adressé à ces commissions une circulaire précisant clairement les conditions d'action du report pour éviter toute inégalité de traitement entre les décisions des différentes commissions. Le principe d'égalité de traitement, qui est au coeur de l'Etat de droit, doit, bien entendu, être respecté au regard du service national.
S'agissant des jeunes titulaires d'un contrat de travail à durée indéterminée qui ont obtenu un report de deux ans au titre de cet article L. 5 bis A, comme vous l'avez indiqué, la loi prévoit la possibilité d'une prolongation, laquelle doit faire l'objet d'une demande du jeune dans les mêmes conditions de procédure que le report initial. De la même manière, la commission régionale appréciera la situation particulière du demandeur à la date de sa nouvelle demande pour se prononcer en fonction du même critère relatif à l'insertion professionnelle.
Ainsi, la procédure garantit en tout état de cause une approche très concrète, très personnelle, de la situation qui est soumise, tant à la commission que, le cas échéant, au ministre.
Pour les jeunes titulaires d'un contrat de travail à durée déterminée, le report cesse au terme du contrat de travail qui l'a justifié.
Donc, le dispositif existe. Il est équilibré et donne des résultats satisfaisants. Il arrive qu'il suscite effectivement des observations de la part des jeunes qui aimeraient bien être dispensés du service national. Il faut être lucide à cet égard.
Le devoir du ministre de la défense et de son département ministériel est de s'assurer que les armées recevront le nombre d'appelés correspondant à leurs besoins et que l'égalité de traitement sera garantie.
Vous le savez, la professionnalisation des armées sera achevée à la fin de l'année 2002. A partir de cette date, quelles que soient les circonstances, il n'y aura plus d'appelés.
Voilà la réponse que je voulais vous apporter au nom de M. Richard, monsieur le sénateur.
M. Daniel Eckenspieller. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Eckenspieller.
M. Daniel Eckenspieller. Monsieur le secrétaire d'Etat, je vous remercie des précisions que vous avez bien voulu m'apporter.
Je voudrais néanmoins souligner encore une fois qu'il s'agit d'un problème qui concerne, d'une manière très concrète et très immédiate, des milliers de jeunes gens de notre pays.
En effet, dans le contexte social actuel, il n'est pas facile pour les jeunes d'orienter leur itinéraire. Aussi devons-nous, me semble-t-il, éloigner de leur route tout ce qui peut revêtir un caractère trop aléatoire.
Nous sommes là dans un domaine difficile sans doute, mais l'on n'a pas l'impression qu'à la fois pour ceux qui ont à juger et pour ceux dont la situation est jugée les choses soient très clairement cadrées.

RÉFORME DES HEURES COMPLÉMENTAIRES
DES ENSEIGNANTS