Séance du 19 janvier 1999







M. le président. La parole est à M. Lassourd, auteur de la question n° 373, adressée à M. le secrétaire d'Etat au logement.
M. Patrick Lassourd. Monsieur le secrétaire d'Etat, le problème que je soulève aujourd'hui revêt, à mes yeux, une importance majeure pour l'aménagement du territoire. Premier facteur d'insertion, le logement contribue en effet très largement à l'équilibre social, économique et démographique de nos départements.
L'excellent principe du « surloyer », dont le dispositif a été réaménagé par la loi Périssol en 1996, répondait au double objectif d'équité et de mixité sociales. Il visait à rendre obligatoire un supplément de loyer auprès des locataires d'HLM dont les revenus dépassent de 40 % le plafond de ressources autorisées, laissant aux organismes d'HLM des marges d'appréciation locale, puisque la perception du surloyer est facultative lorsque les ressources dépassent de 10 à 40 % le plafond.
Le Gouvernement d'alors témoignait ainsi son souci de maintenir, avec une relative souplesse, une population mixte dans les HLM, afin de répondre au mieux aux besoins et réalités du terrain.
Cette appréciation des situations locales laissée aux organismes d'HLM constituait la condition de réussite du système. Mon expérience de président de l'OPAC - Office public d'aménagement et de construction - d'Ille-et-Vilaine me le confirme tous les jours.
Les problèmes de logement, qui touchent une matière éminemment sociale et humaine, doivent en effet être appréhendés de la manière la plus réaliste possible. Seule une démarche souple et de proximité peut donc être efficace.
Or, le Gouvernement auquel vous appartenez, monsieur le secrétaire d'Etat, a considérablement altéré le dispositif, en le rendant de plus en plus complexe et détaché des réalités du terrain.
Je veux d'abord parler de la taxe-contribution que doivent régler à l'Etat tous les organismes d'HLM, fondée non pas sur la recette réelle des surloyers, mais sur des critères définis arbitrairement.
Ensuite, je regrette les dernières modalités de calcul des surloyers, qui aboutissent à les minorer, alors même que la contribution à l'Etat est maintenue à un niveau identique.
Cette bureaucratisation a finalement détourné le surloyer de son objectif de solidarité et d'équité. Les organismes d'HLM doivent désormais faire face à des frais d'enquête de plus en plus lourds - pour l'OPAC d'Ille-et-Vilaine, le coût des 12 000 enquêtes est de l'ordre de 100 000 francs - qui, conjugués au paiement de la taxe, ne favorisent pas leur équilibre budgétaire. Cela ne peut être que dommageable pour les candidats comme pour les occupants des HLM.
C'est pourquoi, monsieur le secrétaire d'Etat, je propose que la capacité d'appliquer le surloyer, tant dans son principe que dans ses modalités, soit laissée à l'appréciation des conseils d'administration des HLM. Il faut croire en leur sagesse et en leur connaissance des données locales.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Louis Besson, secrétaire d'Etat au logement. Monsieur le sénateur, je réponds d'autant plus volontiers à votre question que votre qualité de président d'organisme d'HLM ne peut que faciliter notre compréhension mutuelle.
Tout ce qui concerne la taxe, l'assiette et les enquêtes de ressources dépend de décisions antérieures à ma prise de fonction.
Le supplément de loyer de solidarité a toujours trouvé sa justification au croisement de deux préoccupations, d'une part, la mixité sociale, par le maintien dans le parc d'HLM des ménages dont les revenus ont augmenté, la légitimité de ce maintien étant l'acquittement d'un supplément de loyer de solidarité ; d'autre part, l'équité sociale, selon laquelle les locataires dont les ressources dépassent sensiblement les plafonds acquittent des loyers très élevés ou, plus exactement, soit un peu moins aidés par l'Etat qu'ils ne l'étaient lorsque leurs ressources étaient moindres.
Il a semblé au Gouvernement - et j'en appelle à votre réflexion, monsieur le sénateur - que ces deux objectifs avaient été partiellement perdus de vue. Des ménages dont les ressources étaient légèrement supérieures au plafond pouvaient très bien avoir à supporter un supplément de loyer de solidarité au taux fort, car il n'y avait aucun encadrement, et quelques organismes n'avaient pas fait dans la nuance ! De trop fortes différences dans les barèmes appliqués créaient sur le territoire national une grande disparité de traitement que rien ne justifiait et qui contredisait bien souvent l'ojectif de mixité sociale. Certains barèmes trop dissuasifs ne pouvaient, en effet, que pousser brutalement des ménages des classes « moyennes basses » à quitter le parc social.
Enfin, le produit du supplément de loyer de solidarité servait à financer le FSL, le Fonds de solidarité pour le logement : la solidarité face aux difficultés d'accès ou de maintien dans le logement, notamment en matière d'impayés de loyers, que ce soit dans le parc social ou le parc privé, revenait à demander un effort à une fraction des locataires du seul parc social.
Le Gouvernement et le Parlement ont pris, dès 1998, trois types de mesures pour mettre fin à ces défauts et à ces dérives du système.
Premièrement, le retour à un financement du FSL reposant sur une vraie solidarité nationale a été décidé. Depuis la loi de finances pour 1998, le FSL, dont les moyens ont été fortement augmentés, est financé par le budget général et non plus par le SLS.
Deuxièmement, les plafonds pour les petits ménages ont été relevés par l'arrêté du 28 juin 1998. Le relèvement concerne les ménages sans enfant à charge ou avec un seul enfant à charge, qui étaient très pénalisés par le système précédent.
De même a été supprimée la distinction opérée entre les ménages en fonction de l'exercice ou non d'une activité par le conjoint, distinction qui entraînait un SLS élevé pour de nombreux couples comportant un inactif, en particulier un retraité, et qui était à l'origine de changements de situation assez brutaux quand l'un des deux membres du ménage devenait inactif. Grâce à ces décisions, 61 % des ménages sont actuellement éligibles au parc HLM en fonction de leurs ressources, contre 55 % auparavant.
Troisièmement, l'encadrement - et non pas l'uniformisation - des barèmes a été réalisé par la loi du 29 juillet 1998 relative à la lutte contre les exclusions et le décret du 15 novembre 1998. Le seuil de déclenchement du SLS pour dépassement des plafonds a été relevé de 10 % à 20 %, pour éviter les problèmes de cette taxation au moindre dépassement, et les valeurs des éléments servant au calcul du SLS ont été plafonnées afin d'assurer aux locataires un traitement équitable, quel que soit le bailleur.
Le relèvement des plafonds et du seuil de déclenchement du SLS ont fait passer de 550 000 à environ 300 000 le nombre de ménages susceptibles d'être concernés par le SLS, qui est ainsi mieux ciblé sur les ménages du parc social ayant les revenus les plus élevés.
L'application des nouvelles dispositions a représenté, j'en conviens, un certain travail pour les organismes d'HLM ; mais celui-ci a été très utile. En effet, en fixant des règles socialement justes, harmonisées et stables, les décisions qui ont été prises ne « vident pas le SLS de sa substance ». Elles renforcent, au contraire, son rôle comme élément d'une politique favorisant la mixité dans le parc social, mixité dont la nécessité n'est plus à démontrer.
Telles sont les précisions que je souhaitais vous apporter sur l'esprit de la démarche suivie, monsieur le sénateur. J'espère que vous pourrez convenir que cette dernière n'a pas détourné de son objet le dispositif mais que, en le rendant plus juste, elle va sûrement aider à le rendre plus acceptable et plus efficace dans ses effets.
M. Patrick Lassourd. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Lassourd.
M. Patrick Lassourd. Monsieur le ministre, je vous donne acte des modifications que vous avez apportées en matière de logement social et qui, comme le relèvement des plafonds notamment, constituent à mon avis des progrès. Ainsi, désormais, 61 % des ménages, au lieu de 55 % auparavant, sont éligibles aux organismes d'HLM. Je vous rappelle cependant qu'en 1980 80 % des ménages en France étaient éligibles à un logement HLM et que la situation s'était donc considérablement dégradée dans les années ultérieures.
Il n'était pas normal - j'en suis moi aussi convaincu - de financer le FSL par le supplément de loyer de solidarité. Cette mesure, bien que prise par un gouvernement que je soutenais, ne me paraissait pas judicieuse.
Cela dit, monsieur le secrétaire d'Etat, vos propos ne m'ont pas complètement convaincu. En effet, les principes d'équité et de mixité sociale doivent être respectés de façon très forte. Or, d'une certaine manière, le supplément de loyer de solidarité y contribuait. Il apparaissait en particulier comme la contrepartie acquittée par tout locataire afin de pouvoir rester dans son logement, quelle que soit l'évolution de ses revenus.
Actuellement, certains locataires disposant de peu de ressources sont choqués de constater que d'autres locataires percevant quelquefois des revenus importants bénéficient toujours d'un logement HLM parce qu'ils occupent ce dernier depuis longtemps. Ainsi, je peux vous citer le cas de personnes qui habitent depuis vingt ans un logement HLM à Rennes et qui possèdent une résidence secondaire en pleine propriété à Saint-Malo.
Il faudrait donc, à mon avis, que les conseils d'administration fixent le montant du surloyer de solidarité, dans une fourchette bien entendu définie et dans un cadre déterminé par l'Etat, de façon que la compétence et la responsabilité de ce dernier soient affirmées sans ambiguïté. Ces surloyers pourraient être fixés, par exemple, en fonction du niveau des loyers du secteur privé, qui sont très différents selon le lieu d'implantation des logements - en secteur rural, urbain ou suburbain - selon la date de construction de l'immeuble, la date d'entrée du locataire dans les lieux, selon que l'immeuble a ou non été réhabilité, et aussi selon les services rendus - présence d'un gardien, d'espaces verts - et le lieu géographique dans la ville. Tous ces éléments pourraient inspirer les conseils d'administration pour les modalités d'application d'un surloyer.
Nous pourrions même refuser toute application du supplément de loyer de solidarité pour éviter, par exemple, des phénomènes de ghettoïsation.
Monsieur le secrétaire d'Etat, je prends acte de votre réponse. Mais je crois sincèrement que les nouvelles modalités de calcul ne permettront pas d'atteindre les objectifs de mixité et d'équité qui sont les vôtres.
M. le président. Monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, la conférence des présidents doit se réunir à douze heures quinze. Or, sept questions sont inscrites à notre ordre du jour.
Je me permets donc de vous rappeler que l'auteur de la question dispose de trois minutes pour poser celle-ci et de deux minutes pour répondre au Gouvernement.
En respectant cette règle, nous devrions pouvoir suspendre notre séance à une heure raisonnable.

RÉCIPROCITÉ ET RESPECT DES ACCORDS
BILATÉRAUX EN CÔTE D'IVOIRE