Séance du 27 janvier 1999







M. le président. « Art. 16. _ Le chapitre Ier du titre III du livre III (nouveau) du code rural est ainsi rédigé :

« Chapitre Ier

« Le contrôle des structures
des exploitations agricoles

« Art. L. 331-1 . _ Le contrôle des structures des exploitations agricoles s'applique à la mise en valeur des biens fonciers ruraux au sein d'une exploitation agricole, quels que soient la forme ou le mode d'organisation juridique de celle-ci, et le titre en vertu duquel la mise en valeur est assurée.
« Est qualifiée d'exploitation agricole, au sens du présent chapitre, toute unité de production, quels qu'en soient le statut, la forme ou le mode d'organisation juridique, dont l'activité est mentionnée à l'article L. 311-1.
« L'objectif prioritaire du contrôle des structures est de favoriser l'installation d'agriculteurs, y compris ceux engagés dans une démarche d'installation progressive.
« En outre, il vise :
« _ soit à empêcher le démembrement d'exploitations agricoles viables pouvant permettre l'installation d'un ou plusieurs agriculteurs,
« _ soit à favoriser l'agrandissement des exploitations agricoles dont les dimensions, les références de production ou les droits à aide sont insuffisants au regard des critères arrêtés dans le schéma directeur départemental des structures,
« _ soit à permettre l'installation ou conforter l'exploitation d'agriculteurs pluriactifs partout où l'évolution démographique et les perspectives économiques le justifient.
« Art. L. 331-2 . _ Sont soumises à autorisation préalable les opérations suivantes :
« 1° Les installations, les agrandissements ou les réunions d'exploitations agricoles au bénéfice d'une exploitation agricole détenue par une personne physique ou morale, lorsque la surface totale qu'il est envisagé de mettre en valeur excède le seuil fixé par le schéma directeur départemental des structures.
« Ce seuil est compris entre 0,5 et 1,5 fois l'unité de référence définie à l'article L. 312-5.
« Toute diminution du nombre total des associés exploitants, des coexploitants, des coïndivisaires au sein d'une exploitation est assimilée à un agrandissement. Elle entraîne pour celui ou ceux qui poursuivent la mise en valeur de l'exploitation l'obligation de solliciter une autorisation préalable pour continuer d'exploiter dès lors que l'exploitation en cause a une superficie supérieure au seuil fixé ci-dessus. Dans ce cas, l'autorisation peut être accordée à titre provisoire pour une durée qui ne saurait excéder deux ans, afin de leur permettre, le cas échéant, de remettre leur exploitation en conformité avec les prescriptions du schéma directeur départemental des structures ;
« 2° Quelle que soit la superficie en cause, les installations, les agrandissements ou les réunions d'exploitations agricoles ayant pour conséquence :
« a) De supprimer une exploitation agricole dont la superficie excède un seuil fixé par le schéma directeur départemental des structures et compris entre le tiers et une fois l'unité de référence définie à l'article L. 312-5, ou de ramener la superficie d'une exploitation en deçà de ce seuil,
« b) De priver une exploitation agricole d'un bâtiment essentiel à son fonctionnement, sauf s'il est reconstruit ou remplacé ;
« 3° Quelle que soit la superficie en cause, les installations, les agrandissements ou les réunions d'exploitations agricoles au bénéfice d'une exploitation agricole :
« a) Dont l'un des membres ayant la qualité d'exploitant ne remplit pas les conditions de capacité ou d'expérience professionnelle ou a atteint l'âge requis pour bénéficier d'un avantage de vieillesse agricole,
« b) Ne comportant pas de membre ayant la qualité d'exploitant.
« Il en est de même pour les exploitants pluriactifs remplissant les conditions de capacité ou d'expérience professionnelle dont les revenus extra-agricoles du foyer fiscal excèdent 3 120 fois le montant horaire du salaire minimum de croissance ;
« 4° Hormis la seule participation financière au capital d'une exploitation, toute participation dans une exploitation agricole, soit directe, en tant que membre, associé ou usufruitier de droits sociaux, soit par personne morale interposée, de toute personne physique ou morale, dès lors qu'elle participe déjà en qualité d'exploitant à une autre exploitation agricole, ainsi que toute modification dans la répartition des parts ou actions d'une telle personne morale qui a pour effet de faire franchir à l'un des membres, seul ou avec son conjoint et ses ayants droit, le seuil de 50 % du capital.
« Dans le cas où le franchissement de ce seuil ne résulte pas d'une décision de l'intéressé, l'autorisation peut être accordée à titre provisoire, pour une durée qui ne saurait excéder deux ans, afin de permettre aux associés de rétablir une situation conforme au schéma directeur départemental des structures ;
« 5° Les agrandissements ou réunions d'exploitations pour les biens dont la distance par rapport au siège de l'exploitation du demandeur est supérieure à un maximum fixé par le schéma départemental des structures, sans que ce maximum puisse être inférieur à 5 kilomètres ;
« 6° Les créations ou extensions de capacité des ateliers hors-sol, au-delà d'un seuil de capacité de production fixé par décret.
« Pour déterminer la superficie totale mise en valeur, il est tenu compte des superficies exploitées par le demandeur sous quelque forme que ce soit ainsi que des ateliers de production hors-sol évalués par application des coefficients mentionnés au dernier alinéa de l'article L. 312-6. En sont exclus les bois, landes, taillis et friches, sauf les terres situées dans les départements d'outre-mer et mentionnées par l'article L. 128-3 ; en sont également exclus les étangs autres que ceux servant à l'élevage piscicole.
« Les opérations réalisées par une société d'aménagement foncier et d'établissement rural, ayant pour conséquence la suppression d'une unité économique égale ou supérieure au seuil fixé en application du 2° ci-dessus, ou l'agrandissement, par attribution d'un bien préempté par la société d'aménagement foncier et d'établissement rural, d'une exploitation dont la surface totale après cette cession excède deux fois l'unité de référence définie à l'article L. 312-5, sont soumises à autorisation dans les conditions de droit commun. Les autres opérations réalisées par ces sociétés font l'objet d'une simple information du préfet du département où est situé le fonds.
« Art. L. 331-3 . _ L'autorité administrative se prononce sur la demande d'autorisation en se conformant aux orientations définies par le schéma directeur départemental des structures agricoles applicable dans le département dans lequel se situe le fonds faisant l'objet de la demande. Elle doit notamment :
« 1° Observer l'ordre des priorités établi par le schéma départemental entre l'installation des jeunes agriculteurs et l'agrandissement des exploitations agricoles, en tenant compte de l'intérêt économique et social du maintien de l'autonomie de l'exploitation faisant l'objet de la demande ;
« 2° S'assurer, en cas d'agrandissement ou de réunion d'exploitations, que toutes les possibilités d'installation sur une exploitation viable ont été considérées ;
« 3° Prendre en compte les références de production ou droits à aide dont disposent déjà le ou les demandeurs ainsi que ceux attachés aux biens objets de la demande en appréciant les conséquences économiques de la reprise envisagée ;
« 4° Prendre en compte la situation personnelle du ou des demandeurs, notamment en ce qui concerne l'âge et la situation familiale ou professionnelle et, le cas échéant, celle du preneur en place ;
« 5° Prendre en compte la participation du demandeur ou, lorsque le demandeur est une personne morale, de ses associés à l'exploitation directe des biens objets de la demande dans les conditions prévues à l'article L. 411-59 ;
« 6° Tenir compte du nombre d'emplois non salariés et salariés permanents ou saisonniers sur les exploitations concernées ;
« 7° Prendre en compte la structure parcellaire des exploitations concernées, soit par rapport au siège de l'exploitation, soit pour éviter que des mutations en jouissance ne remettent en cause des aménagements réalisés à l'aide de fonds publics ;
« 8° (nouveau) Prendre en compte la poursuite d'une activité agricole bénéficiant de la certification du mode de production biologique.
« L'autorisation peut n'être délivrée que pour une partie de la demande, notamment si certaines des parcelles sur lesquelles elle porte font l'objet d'autres candidatures prioritaires. Elle peut également être conditionnelle ou temporaire.
« Art. L. 331-4 . _ L'autorisation est périmée si le fonds n'a pas été mis en culture avant l'expiration de l'année culturale qui suit la date de l'enregistrement de la demande. Si le fonds est loué, l'année culturale à prendre en considération est celle qui suit le départ effectif du preneur, sauf si la situation personnelle du demandeur au regard des dispositions du présent chapitre est modifiée.
« Art. L. 331-5 . _ Les informations concernant les structures des exploitations agricoles figurant dans les fichiers des caisses de mutualité sociale agricole ou les organismes qui en tiennent lieu dans les départements d'outre-mer, dans les centres de formalités des entreprises tenus par les chambres d'agriculture, dans le registre de l'agriculture, ou dans le système intégré de gestion et de contrôle mis en place pour l'application de la réglementation communautaire sont communiquées, sur sa demande, à l'autorité administrative lorsqu'elles sont nécessaires à l'exercice du contrôle des structures.
« Art. L. 331-6 . _ Tout preneur, lors de la conclusion d'un bail, doit faire connaître au bailleur la superficie et la nature des biens qu'il exploite ; mention expresse en est faite dans le bail. Si le preneur est tenu d'obtenir une autorisation d'exploiter en application de l'article L. 331-2, le bail est conclu sous réserve de l'octroi de ladite autorisation. Le refus définitif de l'autorisation ou le fait de ne pas avoir présenté la demande d'autorisation exigée en application de l'article L. 331-2 dans le délai imparti par l'autorité administrative en application du premier alinéa de l'article L. 331-7 emporte la nullité du bail que le préfet du département dans lequel se trouve le bien objet du bail, le bailleur ou la société d'aménagement foncier et d'établissement rural, lorsqu'elle exerce son droit de préemption, peut faire prononcer par le tribunal paritaire des baux ruraux.
« Art. L. 331-7 . _ Lorsqu'elle constate qu'un fonds est exploité contrairement aux dispositions du présent chapitre, l'autorité administrative met l'intéressé en demeure de régulariser sa situation dans un délai qu'elle détermine et qui ne saurait être inférieur à un mois.
« La mise en demeure mentionnée à l'alinéa précédent prescrit à l'intéressé soit de présenter une demande d'autorisation, soit, si une décision de refus d'autorisation est intervenue, de cesser l'exploitation des terres concernées.
« Lorsque l'intéressé, tenu de présenter une demande d'autorisation, ne l'a pas formée dans le délai mentionné ci-dessus, l'autorité administrative lui notifie une mise en demeure de cesser d'exploiter dans un délai de même durée.
« Lorsque la cessation de l'exploitation est ordonnée, l'intéressé est mis à même, pendant le délai qui lui est imparti, de présenter ses observations écrites ou orales devant toute instance ayant à connaître de l'affaire.
« Si, à l'expiration du délai imparti pour cesser l'exploitation des terres concernées, l'autorité administrative constate que l'exploitation se poursuit dans des conditions irrégulières, elle peut prononcer à l'encontre de l'intéressé une sanction pécuniaire d'un montant compris entre 2 000 F et 6 000 F par hectare. La surface prise en compte correspond à la surface de polyculture-élevage faisant l'objet de l'exploitation illégale, ou son équivalent, après le cas échéant application des coefficients d'équivalence résultant, pour chaque nature de culture, de l'application de l'article L. 312-6.
« Cette mesure pourra être reconduite chaque année s'il est constaté que l'intéressé poursuit l'exploitation en cause.
« Art. L. 331-8 . _ La décision prononçant la sanction pécuniaire mentionnée à l'article L. 331-7 est notifiée à l'exploitant concerné, qui peut la contester, avant tout recours contentieux, dans le mois de sa réception, devant une commission des recours dont la composition et les règles de fonctionnement sont fixées par décret en Conseil d'Etat.
« Les recours devant cette commission sont suspensifs. Leur instruction est contradictoire.
« La commission, qui statue par décision motivée, peut soit confirmer la sanction, soit décider qu'en raison d'éléments tirés de la situation de la personne concernée il y a lieu de ramener la pénalité prononcée à un montant qu'elle détermine dans les limites fixées à l'article L. 331-7, soit décider qu'en l'absence de violation établie des dispositions du présent chapitre il n'y a pas lieu à sanction. Dans les deux premiers cas, la pénalité devient recouvrable dès notification de sa décision.
« La décision de la commission peut faire l'objet, de la part de l'autorité administrative ou de l'intéressé, d'un recours de pleine juridiction devant le tribunal administratif.
« Art. L. 331-9 . _ Celui qui exploite un fonds en dépit d'un refus d'autorisation d'exploiter devenu définitif ne peut bénéficier d'aucune aide publique à caractère économique accordée en matière agricole.
« Art. L. 331-10 . _ Si, à l'expiration de l'année culturale au cours de laquelle la mise en demeure de cesser l'exploitation est devenue définitive, un nouveau titulaire du droit d'exploiter n'a pas été désigné, toute personne intéressée par la mise en valeur du fonds peut demander au tribunal paritaire des baux ruraux que lui soit accordé le droit d'exploiter ledit fonds. En cas de pluralité de candidatures, le tribunal paritaire des baux ruraux statue en fonction de l'intérêt, au regard des priorités définies par le schéma directeur départemental des structures, de chacune des opérations envisagées.
« Lorsque le tribunal paritaire des baux ruraux accorde l'autorisation d'exploiter le fonds, il fixe les conditions de jouissance et le montant du fermage conformément aux dispositions du titre 1er du livre IV (nouveau) du présent code.
« Art. L. 331-11 . _ Les conditions d'application du présent chapitre sont fixées par décret en Conseil d'Etat. »
Sur l'article, la parole est à M. le rapporteur.
M. Michel Souplet, rapporteur de la commission des affaires économiques et du Plan. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, avec l'examen de l'article 16, nous abordons un point important puisqu'il s'agit du contrôle des structures des exploitations agricoles.
Je voudrais, à titre liminaire, préciser certains éléments afin d'éclairer nos débats.
Les dispositions qui nous sont soumises ont fait l'objet d'un accord quasi unanime de la part des organisations professionnelles agricoles. La commission des affaires économiques et du Plan a amendé ce dispositif sur les trois points qui lui ont paru essentiels, c'est-à-dire la transmission dans un cadre familial, le niveau du seuil de déclenchement du contrôle et le poids des sanctions administratives.
Nous avions donc trois possibilités, mes chers collègues.
Premièrement, nous pouvions supprimer le contrôle des structures. Cette solution peut paraître séduisante en théorie mais nul, dans cette enceinte, ne l'a proposée en raison des implications évidentes qu'elle risquerait d'avoir sur notre agriculture. Je rappelle en particulier que, si depuis vingt ans, une politique des structures n'avait pas été menée en France, nous aurions assisté à une disparition encore plus importante du nombre d'exploitations.
Deuxièmement, nous pouvions amender le dispositif qui nous est proposé de manière radicale. Comme vous le savez tous, cette solution serait totalement non seulement contreproductive sur un plan législatif mais aussi incomprise car une réforme du contrôle des structures est nécessaire afin d'assurer l'égalité de traitement entre les formes d'exploitations individuelles et sociétaires, l'unification du contrôle par la création d'un seul régime d'autorisation et le remplacement des sanctions pénales rarement mises en oeuvre par des sanctions administratives plus dissuasives.
Troisièmement, nous pouvions enfin modifier certains points que nous jugeons importants comme la transmission familiale, le poids des sanctions ou le niveau de déclenchement du contrôle. Tel est le choix que je vous propose, mes chers collègues.
Je vous rappelle qu'il est à l'image de la démarche de la commission face à ce projet de loi, démarche déterminée, mais aussi constructive et pragmatique.
Je tiens à préciser que l'ensemble de nos collègues entend contribuer à améliorer ce dispositif. Ainsi, l'amendement adopté par la commission des affaires économiques, ce matin même, vise à proposer une synthèse des différentes propositions en permettant d'atteindre un réel équilibre.
M. le président. La parole est à M. Gérard Larcher.
M. Gérard Larcher. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je souhaiterais tout d'abord rappeler que le code rural prévoit que les installations, agrandissements ou réunions d'exploitations agricoles peuvent faire l'objet soit d'une autorisation préalable, soit d'une déclaration préalable. Sont notamment soumises à une déclaration préalable les transmissions d'exploitations entre membres d'une même famille, cette notion de famille représentant pour nous quelque chose d'important.
Or, l'article 16 de ce projet de loi, tel qu'il a été adopté par l'Assemblée nationale, propose un renforcement, qui nous paraît excessif, du contrôle des structures. En effet, cet article supprime la déclaration préalable et, par voie de conséquence, soumet les transmissions familiales, les agrandissements et les installations à une autorisation préalable.
En outre, il prévoit une autorisation préalable à titre provisoire d'une durée de deux ans pour toute diminution du nombre total des associés exploitants, des coexploitants et des coïndivisaires au sein d'une exploitation. Ainsi, la transmission père-fils au sein d'un GAEC est soumise à cette autorisation provisoire de deux ans.
Un tel contrôle nous paraît bien inutile. Il l'est, en effet, au regard de l'évolution de la population agricole et de la gestion de l'espace foncier.
Depuis son origine, le contrôle des structures a pour objet d'éviter les concentrations excessives des terres et de permettre une régulation entre l'offre et la demande.
Or, depuis le début des années quatre-vingt-dix, le nombre des cessations d'activités agricoles est plus important que celui des installations en agriculture. C'est ainsi que, comme l'a souligné notre rapporteur, Michel Souplet, depuis 1993, 30 000 exploitations disparaissent chaque année. Pour 1997, on dénombre moins de 680 000 exploitations agricoles. En 1995, 1,5 million d'actifs agricoles permanents travaillaient sur les exploitations agricoles. Leur nombre a diminué de 40 % en quinze ans, comme celui des exploitations. Depuis 1950, l'agriculture française a donc perdu 4 millions d'actifs.
Par conséquent, nous ne sommes plus en face des mêmes problèmes de concurrence entre exploitations et repreneurs que pendant les années soixante.
Enfin, que dire d'un article qui soumet la transmission familiale à un contrôle administratif ? L'institution d'une autorisation préalable à titre provisoire d'une durée de deux ans non seulement porte atteinte au droit de propriété mais remet aussi en cause la sécurité juridique de l'agriculteur et constitue en quelque sorte une diminution du droit familial ; cela paraît aussi s'opposer à un certain nombre de dispositions du code civil. On accorde une autorisation ou on la refuse sans toujours tenir compte des contraintes économiques ou sociales de l'exploitation.
Pour toutes ces raisons, le groupe du Rassemblement pour la République propose d'assouplir ce dispositif, notamment en ne soumettant pas à une autorisation préalable les transmissions entre conjoints, ascendants et descendants pour les petites et moyennes exploitations et en supprimant l'autorisation provisoire de deux ans.
Nos provisions s'inspirent du projet de loi préparé par M. Philippe Vasseur et de la proposition de loi de notre collègue M. Gérard César, cosignée par l'ensemble de la majorité sénatoriale, adoptée par la commisssion des affaires économiques et du Plan, puis par le Sénat le 11 décembre 1997.
Je tiens à remercier particulièrement M. le rapporteur, d'avoir fait en sorte qu'après un débat approfondi, assez long et fructueux au sein de la commission des affaires économiques, nos propositions aient pu être partiellement reprises dans l'amendement qu'il présente afin de répondre à une partie non négligeable des préoccupations qui se sont exprimées. Je ne doute pas que le débat qui va avoir lieu nous permettra, au bout du compte, de faire converger nos opinions.
Tel est l'objectif que nous poursuivons en abordant cet article 16, avec la volonté à la fois de ne pas compliquer le contrôle des structures et d'aboutir à un texte simple et clair qui rappelle notre attachement à la transmission familiale, quelles que soient les structures concernées.
M. le président. Sur l'article 16, je suis saisi de vingt-sept amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.

Par amendement n° 606, M. Souplet, au nom de la commission des affaires économiques, propose de rédiger comme suit cet article :
« Le chapitre Ier du livre III du code rural est ainsi rédigé :

« Chapitre Ier

« Le contrôle des structures
des exploitations agricoles

« Art. L. 331-1. - Le contrôle des structures des exploitations agricoles s'applique à la mise en valeur des biens fonciers ruraux au sein d'une exploitation agricole, quels que soient la forme ou le mode d'organisation juridique de celle-ci, et le titre en vertu duquel la mise en valeur est assurée.

« Est qualifiée d'exploitation agricole, au sens du présent chapitre, toute unité de production, quels qu'en soient le statut, la forme ou le mode d'organisation juridique, dont l'activité est mentionnée à l'article L. 311-1.
« L'objectif prioritaire du contrôle des structures est de favoriser, en complémentarité avec une politique incitative en faveur de la transmission des exploitations agricoles à des jeunes, l'installation d'agriculteurs, y compris ceux engagés dans une démarche d'installation progressive.
« En outre, il vise :
« - soit à empêcher le démembrement d'exploitations agricoles viables pouvant permettre l'installation d'un ou plusieurs agriculteurs ;
« - soit à favoriser l'agrandissement des exploitations agricoles dont les dimensions, les références de production ou les droits à aide sont insuffisants au regard des critères arrêtés dans le schéma directeur départemental des structures ;
« - soit à contribuer à la constitution ou la préservation d'exploitations familiales ;
« - soit à permettre l'installation ou conforter l'exploitation d'agriculteurs pluriactifs partout où l'évolution démographique et les perspectives économiques le justifient.
« Art. L. 331-2. - I. - Sont soumises à autorisation préalable les opérations suivantes :
« 1° Les installations, les agrandissements ou les réunions d'exploitations agricoles au bénéfice d'une exploitation agricole détenue par une personne physique ou morale, lorsque la surface totale qu'il est envisagé de mettre en valeur excède le seuil fixé par le schéma directeur départemental des structures.
« Ce seuil est compris entre une et deux fois l'unité de référence définie à l'article L. 312-5.
« Toute diminution du nombre total des associés exploitants, des coexploitants, des coindivisaires au sein d'une exploitation est assimilée à un agrandissement. Elle entraîne pour celui ou ceux qui poursuivent la mise en valeur de l'exploitation l'obligation de solliciter une autorisation préalable pour continuer d'exploiter dès lors que l'exploitation en cause a une superficie supérieure au seuil fixé ci-dessus. Dans ce cas, l'autorisation peut être accordée à titre provisoire pour une durée qui ne saurait excéder un an, afin de leur permettre, le cas échéant, de remettre leur exploitation en conformité avec les prescriptions du schéma directeur départemental des structures. Il est tenu compte des liens de parenté entre associés ;
« 2° Quelle que soit la superficie en cause, les installations, les agrandissements ou les réunions d'exploitations agricoles ayant pour conséquence :
« a) De supprimer une exploitation agricole dont la superficie excède un seuil fixé par le schéma directeur départemental des structures et compris entre la moitié et une fois l'unité de référence définie à l'article L. 312-5, ou de ramener la superficie d'une exploitation en deçà de ce seuil ;
« b) De priver une exploitation agricole d'un bâtiment essentiel à son fonctionnement, sauf s'il est reconstruit ou remplacé ;
« 3° Quelle que soit la superficie en cause, les installations, les agrandissements ou les réunions d'exploitations agricoles au bénéfice d'une exploitation agricole :
« a) Dont l'un des membres ayant la qualité d'exploitant ne remplit pas les conditions de capacité ou d'expérience professionnelle ou a atteint l'âge requis pour bénéficier d'un avantage de vieillesse agricole ;
« b) Ne comportant pas de membre ayant la qualité d'exploitant.
« Il en est de même pour les exploitants pluriactifs remplissant les conditions de capacité ou d'expérience professionnelle dont les revenus extra-agricoles du foyer fiscal excèdent 3 120 fois le montant horaire du salaire minimum de croissance ;
« 4° Hormis la seule participation financière au capital d'une exploitation, toute participation dans une exploitation agricole, soit directe, en tant que membre, associé ou usufruitier de droits sociaux, soit par personne morale interposée, de toute personne physique ou morale, dès lors qu'elle participe déjà en qualité d'exploitant à une autre exploitation agricole, ainsi que toute modification dans la répartition des parts ou actions d'une telle personne morale qui a pour effet de faire franchir à l'un des membres, seul ou avec son conjoint et ses ayants droit, le seuil de 50 % du capital.
« Dans le cas où le franchissement de ce seuil ne résulte pas d'une décision de l'intéressé, l'autorisation peut être accordée à titre provisoire, pour une durée qui ne saurait excéder un an, afin de permettre aux associés de rétablir une situation conforme au schéma directeur départemental des structures ;
« 5° Les agrandissements ou réunions d'exploitations pour les biens dont la distance par rapport au siège de l'exploitation du demandeur est supérieure à un maximum fixé par le schéma départemental des structures, sans que ce maximum puisse être inférieur à 10 kilomètres ;
« 6° Les créations ou extensions de capacité des ateliers hors-sol, au-delà d'un seuil de capacité de production fixé par décret.
« Pour déterminer la superficie totale mise en valeur, il est tenu compte des superficies exploitées par le demandeur sous quelque forme que ce soit ainsi que des ateliers de production hors-sol évalués par application des coefficients mentionnés au dernier alinéa de l'article L. 312-6. En sont exclus les bois, landes, taillis et friches, sauf les terres situées dans les départements d'outre-mer et mentionnées par l'article L. 128-3 ; en sont également exclus les étangs autres que ceux servant à l'élevage piscicole.
« Les opérations réalisées par une société d'aménagement foncier et d'établissement rural, ayant pour conséquence la suppression d'une unité économique égale ou supérieure au seuil fixé en application du 2° ci-dessus, ou l'agrandissement, par attribution d'un bien préempté par la société d'aménagement foncier et d'établissement rural, d'une exploitation dont la surface totale après cette cession excède deux fois l'unité de référence définie à l'article L. 312-5, sont soumises à autorisation dans les conditions de droit commun. Les autres opérations réalisées par ces sociétés font l'objet d'une simple information du préfet du département où est situé le fonds.
« II. - Lorsqu'elles sont inférieures à un seuil compris entre une et deux fois l'unité de référence, les exploitations agricoles sont librement transmissibles par voie de succession ou en cas de liquidation de communauté de biens entre époux et librement cessibles entre conjoints et entre ascendants et descendants jusqu'au troisième degré.
« Art. L. 331-3. - L'autorité administrative, après avis de la commission départementale d'orientation agricole, se prononce sur la demande d'autorisation en se conformant aux orientations définies par le schéma directeur départemental des structures agricoles applicable dans le département dans lequel se situe le fonds faisant l'objet de la demande. Elle doit notamment :
« 1° Observer l'ordre des priorités établi par le schéma départemental entre l'installation des jeunes agriculteurs et l'agrandissement des exploitations agricoles, en tenant compte de l'intérêt économique et social du maintien de l'autonomie de l'exploitation faisant l'objet de la demande ;
« 2° S'assurer, en cas d'agrandissement ou de réunion d'exploitations, que toutes les possibilités d'installation sur une exploitation viable ont été considérées ;
« 3° Prendre en compte les références de production ou droits à aide dont disposent déjà le ou les demandeurs ainsi que ceux attachés aux biens objets de la demande en appréciant les conséquences économiques de la reprise envisagée ;
« 4° Prendre en compte la situation personnelle du ou des demandeurs, notamment en ce qui concerne l'âge et la situation familiale ou professionnelle et, le cas échéant, celle du preneur en place et des liens de parenté entre les associés ;
« 5° Prendre en compte la participation du demandeur ou, lorsque le demandeur est une personne morale, de ses associés à l'exploitation directe des biens objets de la demande dans les conditions prévues à l'article L. 411-59 ;
« 6° Tenir compte du nombre d'emplois non salariés et salariés permanents ou saisonniers sur les exploitations concernées ;
« 7° Prendre en compte la structure parcellaire des exploitations concernées, soit par rapport au siège de l'exploitation, soit pour éviter que des mutations en jouissance ne remettent en cause des aménagements réalisés à l'aide de fonds publics ;
« 8° S'assurer du respect des règles de protection de l'environnement établies au niveau national et local.
« L'autorisation peut n'être délivrée que pour une partie de la demande, notamment si certaines des parcelles sur lesquelles elle porte font l'objet d'autres candidatures prioritaires. Elle peut également être conditionnelle ou temporaire.
« Art. L. 331-4. - L'autorisation est périmée si le fonds n'a pas été mis en culture avant l'expiration de l'année culturale qui suit la date de sa notification. Si le fonds est loué, l'année culturale à prendre en considération est celle qui suit le départ effectif du preneur, sauf si la situation personnelle du demandeur au regard des dispositions du présent chapitre est modifiée.
« Art. L. 331-5. - Les informations concernant les structures des exploitations agricoles figurant dans les fichiers des caisses de mutualité sociale agricole ou les organismes qui en tiennent lieu dans les départements d'outre-mer, dans les centres de formalités des entreprises tenus par les chambres d'agriculture, dans le registre de l'agriculture, ou dans le système intégré de gestion et de contrôle mis en place pour l'application de la réglementation communautaire sont communiquées, sur sa demande, à l'autorité administrative lorsqu'elles sont nécessaires à l'exercice du contrôle des structures.
« Les conditions de cette communication sont fixées par décret en Conseil d'Etat, pris après avis de la commission nationale de l'informatique et des libertés.
« Art. L. 331-6. - Tout preneur, lors de la conclusion d'un bail, doit faire connaître au bailleur la superficie et la nature des biens qu'il exploite ; mention expresse en est faite dans le bail. Si le preneur est tenu d'obtenir une autorisation d'exploiter en application de l'article L. 331-2, le bail est conclu sous réserve de l'octroi de ladite autorisation. Le refus définitif de l'autorisation ou le fait de ne pas avoir présenté la demande d'autorisation exigée en application de l'article L. 331-2 dans le délai imparti par l'autorité administrative en application du premier alinéa de l'article L. 331-7 emporte la nullité du bail que le préfet du département dans lequel se trouve le bien objet du bail, le bailleur ou la société d'aménagement foncier et d'établissement rural, lorsqu'elle exerce son droit de préemption, peut faire prononcer par le tribunal paritaire des baux ruraux.
« Art. L. 331-7. - Lorsqu'elle constate qu'un fonds est exploité contrairement aux dispositions du présent chapitre, l'autorité administrative met l'intéressé en demeure de régulariser sa situation dans un délai qu'elle détermine et qui ne saurait être inférieur à deux mois.
« La mise en demeure mentionnée à l'alinéa précédent prescrit à l'intéressé soit de présenter une demande d'autorisation, soit, si une décision de refus d'autorisation est intervenue, de cesser l'exploitation des terres concernées.
« Lorsque l'intéressé, tenu de présenter une demande d'autorisation, ne l'a pas formée dans le délai mentionné ci-dessus, l'autorité administrative lui notifie une mise en demeure de cesser d'exploiter dans un délai de même durée.
« Lorsque la cessation de l'exploitation est ordonnée, l'intéressé est mis à même, pendant le délai qui lui est imparti, de présenter ses observations écrites ou orales devant toute instance ayant à connaître de l'affaire.
« Si, à l'expiration du délai imparti pour cesser l'exploitation des terres concernées, l'autorité administrative constate que l'exploitation se poursuit dans des conditions irrégulières, elle peut prononcer à l'encontre de l'intéressé une sanction pécuniaire d'un montant compris entre 2 000 francs et 4 000 francs par hectare. La surface prise en compte correspond à la surface de polyculture-élevage faisant l'objet de l'exploitation illégale, ou son équivalent, après le cas échéant application des coefficients d'équivalence résultant, pour chaque nature de culture, de l'application de l'article L. 312-6.
« Cette mesure pourra être reconduite chaque année s'il est constaté que l'intéressé poursuit l'exploitation en cause.
« Art. L. 331-8. - La décision prononçant la sanction pécuniaire mentionnée à l'article L. 331-7 est notifiée à l'exploitant concerné, qui peut la contester, avant tout recours contentieux, dans le mois de sa réception, devant une commission des recours dont la composition et les règles de fonctionnement sont fixées par décret en Conseil d'Etat.
« Les recours devant cette commission sont suspensifs. Leur instruction est contradictoire.
« La commission, qui statue par décision motivée, peut soit confirmer la sanction, soit décider qu'en raison d'éléments tirés de la situation de la personne concernée il y a lieu de fixer la pénalité prononcée à un montant qu'elle détermine dans les limites fixées à l'article L. 331-7, soit décider qu'en l'absence de violation établie des dispositions du présent chapitre il n'y a pas lieu à sanction. Dans les deux premiers cas, la pénalité devient recouvrable dès notification de sa décision.
« La décision de la commission peut faire l'objet, de la part de l'autorité administrative ou de l'intéressé, d'un recours de pleine juridiction devant le tribunal administratif.
« Art. L. 331-9. - Celui qui exploite un fonds en dépit d'un refus d'autorisation d'exploiter devenu définitif ne peut bénéficier d'aucune aide publique à caractère économique accordée en matière agricole.
« Art. L. 331-10. - Si, à l'expiration de l'année culturale au cours de laquelle la mise en demeure de cesser l'exploitation est devenue définitive, un nouveau titulaire du droit d'exploiter n'a pas été retenu, toute personne intéressée par la mise en valeur du fonds peut demander au tribunal paritaire des baux ruraux que lui soit accordé le droit d'exploiter ledit fonds. En cas de pluralité de candidatures, le tribunal paritaire des baux ruraux statue en fonction de l'intérêt, au regard des priorités définies par le schéma directeur départemental des structures, de chacune des opérations envisagées.
« Lorsque le tribunal paritaire des baux ruraux accorde l'autorisation d'exploiter le fonds, il fixe les conditions de jouissance et le montant du fermage conformément aux dispositions du titre Ier du livre IV (nouveau) du présent code.
« Art. L. 331-11. - Les conditions d'application du présent chapitre sont fixées par décret en Conseil d'Etat. »
Cet amendement est assorti de cinq sousamendements.
Le sous-amendement n° 464 rectifié présenté par M. Le Cam et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, tend, dans le troisième alinéa du paragraphe I du texte présenté par l'amendement n° 606 pour l'article L. 331-2 du code rural, à remplacer les mots : « 1 et 2 fois » par les mots : « 0,5 et 1 fois ».
Le sous-amendement n° 617 est déposé par M. César et vise, à la fin du troisième alinéa du 1° du paragraphe I du texte présenté par l'amendement n° 606 pour l'article L. 331-2 du code rural, à insérer une phrase rédigée comme suit : « Cette disposition ne concerne pas les transmissions par voie de succession ou en cas de liquidation, de communauté de biens entre époux et entre ascendants et descendants jusqu'au 4e degré. »
Les trois sous-amendements suivants sont présentés par M. Le Cam et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Le sous-amendement n° 465 rectifié tend, dans le deuxième alinéa du 6° du texte présenté par l'amendement n° 606 pour l'article L. 331-2 du code rural, après les mots : « sous quelque forme que ce soit » à insérer les mots : « en France et dans un autre pays de l'Union européenne ».
Le sous-amendement n° 466 rectifié vise à compléter la première phrase du premier alinéa du texte présenté par l'amendement n° 606 pour l'article L. 331-3 du code rural par les mots : « après en avoir assuré la publicité officielle dans les conditions fixées par décret ».
Le sous-amendement n° 467 rectifié a pour objet dans le cinquième alinéa (4°) du texte présenté par l'amendement n° 606 pour l'article L. 331-3 du code rural, après les mots : « la situation familiale ou professionnelle » d'insérer les mots : « , notamment les revenus extra-agricoles du foyer fiscal, ».
Les trois amendements suivants sont présentés par MM. Murat, Althapé, Bernard, Besse, Bizet, Braun, Cazalet, César, Cornu, Courtois, Debavelaere, Doublet, Dufaut, Esneu, Flandre, Fournier, François, Gaillard, Gérard, Gerbaud, Goulet, Gruillot, Hamel, Hugot, Jourdain, Larcher, Lassourd, Lauret, Leclerc, Le Grand, Martin, Ostermann, de Richemont, Rispat, de Rohan, Taugourdeau, Vasselle, Vinçon, Vissac et les membres du groupe du Rassemblement pour la République.
L'amendement n° 230 rectifié tend à remplacer les deux premiers alinéas du texte présenté par l'article 16 pour l'article L. 331-1 du code rural par un alinéa ainsi rédigé :
« Le contrôle des structures des entreprises agricoles concerne exclusivement la mise en valeur des biens à destination agricole et forestière, quelle que soit la nature de l'acte en vertu duquel en est assurée la jouissance, par les personnes visées à l'article L. 311-2. »
L'amendement n° 231 vise, après le sixième alinéa du texte présenté par l'article 16 pour l'article L. 331-1 du code rural, à insérer un alinéa additionnel ainsi rédigé :
« - soit à contribuer à la constitution ou à la préservation d'exploitations familiales, ».
L'amendement n° 232 tend à rédiger comme suit le texte présenté par l'article 16 pour l'article L. 331-2 du code rural :
« Art. L. 331-2. - I. - Sont soumises à autorisation préalable les opérations suivantes :
« 1° Les installations, les agrandissements ou les réunions d'exploitations agricoles au bénéfice d'une entreprise agricole détenue par une personne physique ou morale, lorsque la surface totale mise en valeur excède le seuil fixé par le schéma départemental des structures ;
« Ce seuil est compris entre 1 fois et 3 fois l'unité de référence définie à l'article L. 312-5 ;
« 2° Quelle que soit la superficie en cause, les installations, les agrandissements ou les réunions d'entreprises agricoles ayant pour conséquence :
« a) De supprimer une entreprise agricole d'une superficie au moins égale à l'unité de référence ou de ramener la superficie d'une entreprise agricole en deçà de ce seuil ;
« b) De priver une entreprise agricole d'un bâtiment essentiel à son fonctionnement, sauf s'il est reconstruit ou remplacé ;
« 3° La participation en tant qu'associé exploitant, dans une société à objet agricole, de toute personne physique ou morale, dès lors qu'elle participe déjà à une autre entreprise agricole constituée sous forme individuelle ou sociétaire ;
« 4° Le départ ou la cessation d'activité d'un associé exploitant pour toute entreprise agricole constituée sous forme sociétaire dont la superficie totale dépasse un seuil compris entre 1 fois et 3 fois l'unité de référence ;
« 5° Les agrandissements ou réunions d'exploitations pour les biens dont la distance par rapport au siège de l'exploitation du demandeur est supérieure à un maximum fixé par le schéma départemental des structures, sans que ce maximum puisse être inférieur à 10 kilomètres ;
« 6° Les créations ou extensions de capacité des ateliers hors sol, au-delà d'un seuil de capacité de production fixé par décret.
« Pour déterminer la superficie totale mise en valeur, il est tenu compte des superficies exploitées par le demandeur sous quelque forme que ce soit en France ou dans un autre pays de la Communauté européenne, ainsi que des ateliers de production hors sol évalués par application des coefficients mentionnés au dernier alinéa de l'article L. 312-6. En sont exclus les bois, landes, taillis, friches, sauf les terres situées dans les départements d'outre-mer et mentionnées à l'article L. 128-3 ; en sont également exclus les étangs autres que ceux servant à l'élevage piscicole.
« II. - Lorsqu'elles sont inférieures à un seuil de trois fois l'unité de référence, les entreprises agricoles sont librement transmissibles par voie de succession ou en cas de liquidation de communauté de biens entre époux et librement cessibles entre conjoints et entre ascendants et descendants jusqu'au quatrième degré. »
Par amendement n° 537, M. Deneux propose de compléter le deuxième alinéa (1°) du texte présenté par l'article 16 pour l'article L. 331-2 du code rural par la phrase suivante : « En outre, un exploitant peut avoir la possibilité de faire valoir une seconde exploitation dans le but de transmettre celle-ci à l'un de ses descendants dans le délai de cinq ans. »
Par amendement n° 233, MM. Murat, Althapé, Bernard, Besse, Bizet, Braun, Cazalet, César, Cornu, Courtois, Debavelaere, Doublet, Dufaut, Esneu, Flandre, Fournier, François, Gaillard, Gérard, Gerbaud, Goulet, Gruillot, Hamel, Hugot, Jourdain, Larcher, Lassourd, Lauret, Leclerc, Le Grand, Martin, Ostermann, de Richemont, Rispat, de Rohan, Taugourdeau, Vasselle, Vinçon, Vissac et les membres du groupe du Rassemblement pour la République proposent, dans le deuxième alinéa du 1° du texte présenté par l'article 16 pour l'article L. 331-2 du code rural, de remplacer les mots : « 0,5 et 1,5 fois » par les mots : « 1 et 3 fois ».
Par amendement n° 539, M. Deneux propose, dans le troisième alinéa du texte présenté par l'article 16 pour l'article L. 331-2 du code rural, de remplacer le nombre : « 1,5 » par le nombre : « 3 ».
Par amendement n° 234, MM. Murat, Althapé, Bernard, Besse, Bizet, Braun, Cazalet, César, Cornu, Courtois, Debavelaere, Doublet, Dufaut, Esneu, Flandre, Fournier, François, Gaillard, Gérard, Gerbaud, Goulet, Gruillot, Hamel, Hugot, Jourdain, Larcher, Lassourd, Lauret, Leclerc, Le Grand, Martin, Ostermann, de Richemont, Rispat, de Rohan, Taugourdeau, Vasselle, Vinçon, Vissac et les membres du groupe du Rassemblement pour la République proposent de supprimer le troisième alinéa du 1° du texte présenté par l'article 16 pour l'article L. 331-2 du code rural.
Les deux amendements suivants sont présentés par M. Deneux.
L'amendement n° 538 tend à compléter le quatrième alinéa du texte présenté par l'article 16 pour l'article L. 331-2 du code rural par la phrase suivante : « Aucune autorisation ne sera demandée pour les sociétés faisant moins de 3 fois la surface de référence. »
L'amendement n° 540 vise, dans le sixème alinéa (a) du texte présenté par l'article 16 pour l'article L. 331-2 du code rural, à remplacer les mots : « le tiers » par les mots : « la moitié ».
Les sept amendements suivants sont présentés par MM. Murat, Althapé, Bernard, Besse, Bizet, Braun, Cazalet, César, Cornu, Courtois, Debavelaere, Doublet, Dufaut, Esneu, Flandre, Fournier, François, Gaillard, Gérard, Gerbaud, Goulet, Gruillot, Hamel, Hugot, Jourdain, Larcher, Lassourd, Lauret, Leclerc, Le Grand, Martin, Ostermann, de Richemont, Rispat, de Rohan, Taugourdeau, Vasselle, Vinçon, Vissac et les membres du groupe du Rassemblement pour la République.
L'amendement n° 235 vise à supprimer le 3° du texte présenté par l'article 16 pour l'article L. 331-2 du code rural.
L'amendement n° 236 tend à rédiger comme suit le 3° du texte présenté par l'article 16 pour l'article L. 331-2 du code rural :
« 3° La participation en tant qu'associé exploitant, dans une société à objet agricole, de toute personne physique ou morale, dès lors qu'elle participe déjà à une autre entreprise agricole constituée sous forme individuelle ou sociétaire ; ».
L'amendement n° 237 vise à supprimer le 4° du texte présenté par l'article 16 pour l'article L. 331-2 du code rural.
L'amendement n° 238 a pour objet de rédiger comme suit le 4° du texte présenté par l'article 16 pour l'article L. 331-2 du code rural :
« 4° Le départ ou la cessation d'activité d'un associé exploitant pour toute entreprise agricole constituée sous forme sociétaire dont la superficie dépasse un seuil compris entre 1 fois et 3 fois l'unité de référence ; ».
L'amendement n° 239 vise à supprimer le dernier alinéa du texte présenté par l'article 16 pour l'article L. 331-2 du code rural.
L'amendement n° 240 est ainsi conçu :
A. - Compléter in fine le texte présenté par l'article 16 pour l'article L. 331-2 du code rural par un paragraphe ainsi rédigé :
« II. - Lorsqu'elles sont inférieures à un seuil de trois fois l'unité de référence, les entreprises agricoles sont librement transmissibles par voie de succession ou en cas de liquidation de communauté de biens entre époux et librement cessibles entre conjoints et entre ascendants et descendants jusqu'au quatrième degré. »
B. - En conséquence, faire précéder le même texte de la mention : « I. - ».
L'amendement n° 241 tend à rédiger comme suit le texte présenté par l'article 16 pour l'article L. 331-3 du code rural :
« Art. L. 331-3. - I. - La demande d'autorisation est adressée au préfet du département sur le territoire duquel est situé le fonds. Lorsque la demande d'autorisation porte sur un fonds n'appartenant pas au demandeur, celui-ci doit justifier qu'il en a préalablement informé le propriétaire.
« II. - La demande d'autorisation est transmise pour avis à la commission départementale d'orientation de l'agriculture.
« La commission dispose d'un délai de deux mois à compter de la date de réception de la demande d'autorisation pour adresser son avis motivé au préfet. Le demandeur, le propriétaire et le preneur peuvent prendre connaissance du dossier huit jours au moins avant la réunion de la commission. Sur leur demande, ils sont entendus par cette dernière devant laquelle ils peuvent se faire assister ou représenter par toute personne de leur choix.
« Dans les quinze jours suivant l'expiration du délai de deux mois mentionné ci-dessus, le préfet statue par décision motivée sur la demande d'autorisation. L'autorisation est réputée accordée si la décision n'a pas été notifiée au demandeur dans un délai de deux mois et quinze jours à compter de la date de réception de la demande.
« Toute décision expresse du préfet fait l'objet d'un affichage à la mairie de la commune sur le territoire de laquelle est situé le bien concerné. En cas de refus d'autorisation, la décision est notifiée au demandeur, au propriétaire, s'il est distinct du demandeur et au preneur en place.
« III. - Le préfet, pour motiver sa décision, et la commission départementale d'orientation de l'agriculture, pour rendre son avis, se prononcent sur la demande d'autorisation en se conformant aux orientations définies par le schéma directeur départemental des structures agricoles applicable dans le département dans lequel se situe le fonds faisant l'objet de la demande. Il doivent notamment :
« 1° Observer l'ordre des priorités établi par le schéma départemental entre l'installation des jeunes agriculteurs et l'agrandissement des entreprises agricoles, en tenant compte de l'intérêt économique et social du maintien de l'autonomie de l'entreprise faisant l'objet de la demande ;
« 2° S'assurer, en cas d'agrandissement ou de réunion d'entreprises, que toutes les possibilités d'installation d'exploitations viables ont été considérées ;
« 3° Prendre en compte les références de production ou droits à aides dont disposent déjà le ou les demandeurs ainsi que ceux attachés aux biens objets de la demande en appréciant les conséquences économiques de la reprise envisagée ;
« 4° Prendre en compte la situation personnelle du ou des demandeurs, notamment en ce qui concerne l'âge et la situation familiale ou professionnelle et, le cas échéant, celle du preneur en place ;
« 5° Prendre en compte la participation du demandeur ou, lorsque le demandeur est une personne morale, de ses associés à l'exploitation directe des biens objets de la demande dans les conditions prévues à l'article L. 411-59 ;
« 6° Tenir compte du nombre d'emplois non salariés et salariés permanents ou saisonniers sur les entreprises concernées ;
« 7° Prendre en compte la structure parcellaire des entreprises concernées, soit par rapport au siège de l'entreprise, soit pour éviter que des mutations en jouissance ne remettent en cause des aménagements réalisés à l'aide de fonds publics.
« IV. - L'autorisation peut n'être délivrée que pour une partie de la demande, notamment si certaines des parcelles sur lesquelles elle porte font l'objet d'autres demandes d'autorisation au titre de l'article L. 3311-2. »
Par amendement n° 402, M. Deneux et les membres du groupe de l'Union centriste proposent de compléter le cinquième alinéa (4°) du texte présenté par l'article 16 pour l'article L. 331-3 du code rural par les mots : « et des liens de parenté entre les associés ».
Les six amendements suivants sont présentés par MM. Murat, Althapé, Bernard, Besse, Bizet, Braun, Cazalet, César, Cornu, Courtois, Debavelaere, Doublet, Dufaut, Esneu, Flandre, Fournier, François, Gaillard, Gérard, Gerbaud, Goulet, Gruillot, Hamel, Hugot, Jourdain, Larcher, Lassourd, Lauret, Leclerc, Le Grand, Martin, Ostermann, de Richemont, Rispat, de Rohan, Taugourdeau, Vasselle, Vinçon, Vissac et les membres du groupe du Rassemblement pour la République.
L'amendement n° 242 vise à supprimer le neuvième alinéa (8°) du texte présenté par l'article 16 pour l'article L. 331-3 du code rural.
L'amendement n° 243 a pour objet, à la fin de la première phrase du texte présenté par l'article 16 pour l'article L. 331-4 du code rural, de remplacer les mots : « de l'enregistrement de la demande » par les mots : « de sa notification ».
L'amendement n° 244 vise, dans le texte présenté par l'article 16 pour l'article L. 331-5 du code rural, à remplacer les mots : « à l'autorité administrative » par les mots : « au préfet ».
L'amendement n° 245 tend à compléter le texte présenté par l'article 16 pour l'article L. 331-5 du code rural par un second alinéa ainsi rédigé :
« Les conditions de cette communication sont fixées par décret en Conseil d'Etat, pris après avis de la Commission nationale de l'informatique et des libertés. »
L'amendement n° 246 a pour objet, dans la troisième phrase du texte présenté par l'article 16 pour l'article L. 331-6 du code rural, de remplacer les mots : « l'autorité administrative » par les mots : « le préfet ».
L'amendement n° 247 vise, à la fin du premier alinéa du texte présenté par l'article 16 pour l'article L. 331-7 du code rural, à remplacer les mots : « un mois » par les mots : « deux mois ».
Par amendement n° 390, M. Pastor, Mme Boyer, MM. Bony, Courteau, Lejeune, Piras, Plancade, Raoult, Tremel, Bellanger, Besson, Demerliat, Désiré, Dussault, Fatous, Godard, Journet, Percheron, Rinchet, Signé, Teston, Vidal, Weber et les membres du groupe socialiste et apparentés proposent, dans la première phrase du troisième alinéa du texte présenté par l'article 16 pour l'article L. 331-8 du code rural, de remplacer le mot : « ramener » par le mot : « fixer ».
Les deux derniers amendements sont présentés par MM. Murat, Althapé, Bernard, Besse, Bizet, Braun, Cazalet, César, Cornu, Courtois, Debavelaere, Doublet, Dufaut, Esneu, Flandre, Fournier, François, Gaillard, Gérard, Gerbaud, Goulet, Gruillot, Hamel, Hugot, Jourdain, Larcher, Lassourd, Lauret, Leclerc, Le Grand, Martin, Ostermann, de Richemont, Rispat, de Rohan, Taugourdeau, Vasselle, Vinçon, Vissac et les membres du groupe du Rassemblement pour la République.
L'amendement n° 248 vise, dans le dernier alinéa du texte présenté par l'article 16 pour l'article L. 331-8 du code rural, à remplacer les mots : « de l'autorité administrative » par les mots : « du préfet ».
Enfin, l'amendement n° 249 tend, dans le texte présenté par l'article 16 pour l'article L. 331-9 du code rural, après les mots : « devenu définitif » à insérer les mots : « qui lui aura été opposé dans les conditions prévues à l'article L. 331-3 ».
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 606.
M. Michel Souplet, rapporteur. A l'article 16, je me suis trouvé dans une situation un peu similaire à celle que nous avons rencontrée à l'article 1er, c'est-à-dire devant une multitude d'amendements et de sous-amendements qui traduisaient les préoccupations des uns et des autres quant à la politique des structures que nous souhaitions, quant à son évolution et son adaptation.
Lors de mon exposé introductif, j'ai eu l'occasion, monsieur le ministre, de vous exprimer le souci des sénateurs, qui reflétait un peu la crainte des organisations professionnelles agricoles, d'aller vers un accroissement des contraintes administratives, alors que nous sommes d'accord pour une politique positive des structures qui s'applique réellement sur le terrain.
Lorsque j'ai constaté que nous étions en fait en présence, compte tenu des divers amendements et sous-amendements, de 31 propositions, il m'a paru plus sage de réécrire le texte.
Cette réécriture tient compte en grande partie de l'esprit du promoteur du texte puisque nous avons repris une grande part des dispositions inscrites dans le projet de loi initial. Toutefois, nous nous sommes efforcés de prendre réellement en compte les liens de parenté, comme l'ont souhaité plusieurs orateurs, notamment Gérard Larcher à l'instant.
Nous avons proposé d'assouplir le contrôle par un léger relèvement des seuils de déclenchement, étant donné qu'il reviendra aux commissions départementales d'en traiter. Nous avons suggéré d'introduire expressément l'intervention des CDOA, commissions départementales des opérations agricoles. Vous pardonnerez à un ancien responsable agricole de trouver difficile de régler de Paris ce qui se passe en Lozère, en Bretagne ou dans le Massif central.
Chaque département, par l'intermédiaire de la CDOA, doit être capable de définir le position à prendre pour régler le maximum des cas qui se présentent, en particulier pour ce qui concerne l'installation des jeunes ou l'agrandissement des exploitations.
Je crois, personnellement, à la fonction des CDOA. C'est bien pourquoi j'ai proposé à notre assemblée, qui a bien voulu me suivre, d'inscrire dans la loi la reconnaissance du pluralisme syndical, sous réserve, bien entendu, d'une véritable représentativité des syndicats en question. Grâce à cette reconnaissance des syndicats réellement représentatifs, le CDOA pourra, dans chaque département, être l'organe de décision.
Enfin, nous avons souhaité diminuer quelque peu la sévérité des sanctions pécuniaires.
Il convient que, dans la majorité des cas, la commission départementale tienne compte des aspects locaux.
Cependant, il faut aussi éviter l'écueil que présente l'actuelle législation, qui peut être contournée un peu trop facilement.
Ainsi, selon la loi actuellement en vigueur, pour l'installation provisoire d'un descendant, on peut demander une dérogation de cinq ans. Nous avons donc réduit la durée de cette dérogation, tout en permettant à des parents dont l'enfant a réellement l'intention de s'installer d'acquérir pour lui une exploitation située à proximité et qui se trouve libérée, en attendant, par exemple, qu'il ait achevé ses études.
Il n'est pas illogique, dans ce cas précis, que le père puisse effectivement reprendre cette exploitation pour son fils. Cependant, si ce fils est majeur, pourquoi ne pas la reprendre à son nom ?
Voilà, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'esprit dans lequel nous avons amendé ce texte.
M. le président. La parole est à M. Le Cam, pour défendre le sous-amendement n° 464 rectifié.
M. Gérard Le Cam. A l'inverse de la commission des affaires économiques, nous proposons de revoir à la baisse le seuil à partir duquel se déclenche le contrôle des structures.
L'Assemblée nationale a, certes, modifié la fourchette inférieure du seuil, mais sans toucher au maximum de 1,5. Nous proposons de ramener celui-ci de 1,5 à 1. En fait, le simple dépassement de l'unité de référence définie au niveau du département doit automatiquement susciter un contrôle et être soumis à autorisation de la préfecture.
La création d'une unité de référence est, dans son principe, une avancée pour mieux organiser la répartition des terres et des exploitations ; cependant, prenons garde à ce qu'elle ne devienne pas plus laxiste que les seuils actuels de SMI dans certains départements.
Ainsi, selon mes sources, la moyenne des installations encouragées dans le département de la Haute-Marne est évaluée à 120 hectares. En l'état actuel du texte, le contrôle ne pourrait être déclenché que pour une superficie totale envisagée de 180 hectares et, si la proposition de M. le rapporteur aboutissait, de 240 hectares. Autant dire que le contrôle des structures serait inopérant et inefficace.
A l'inverse, en abaissant le seuil, nous donnons toutes ses chances au dispositif qui sera mis en place, sans pour autant interdire l'accès au foncier puisqu'il ne s'agit que d'une autorisation préalable nécessaire à l'acquisition ou à l'agrandissement d'une exploitation.
Enfin, il convient d'anticiper sur les années à venir, qui, compte tenu du contexte démographique, verront l'accès au foncier donner lieu à des pressions de plus en plus fortes.
M. le président. La parole est à M. César, pour défendre le sous-amendement n° 617.
M. Gérard César. Il s'agit, par ce sous-amendement, d'apporter, dans le texte proposé par la commission, une précision quant au degré de parenté.
M. le président. La parole est à M. Le Cam, pour défendre les sous-amendements n°s 465 rectifié, 466 rectifié et 467 rectifié.
M. Gérard Le Cam. Le sous-amendement 465 rectifié tend à renforcer le contrôle des structures en le rendant plus juste et plus efficace.
Il s'agit, lors de la détermination des superficies exploitées, de prendre en compte aussi bien les terrains exploités sur le territoire national que les terres exploitées dans un autre pays membre de la Communauté européenne. Ce peut être notamment le cas dans les zones frontalières.
Prenons, par exemple, deux exploitants français. Le premier dispose de cinquante hectares, le second de deux cents hectares répartis ainsi : cinquante hectares sur le territoire français et cent cinquante hectares dans un pays voisin, comme la Belgique ou l'Espagne. Doivent-ils être traités de la même façon ? A l'évidence, non. Cette disposition soulève deux questions : l'une est d'ordre juridique et institutionnel ; la seconde est de nature technique.
L'argument de la territorialité de la loi, qui est invoqué pour refuser une telle proposition, ne me semble pas recevable.
En effet, le contrôle des structures s'appliquerait non pas, en l'occurrence, aux terres achetées à l'étranger par l'agriculteur français mais bien aux parcelles qu'il souhaite acquérir en France, en tenant compte de la superficie globale qu'il détient à l'intérieur et à l'extérieur de nos frontières.
La loi française concerne donc non pas le pays voisin mais l'individu de nationalité française, compte tenu de ses acquisitions foncières en France.
Par ailleurs, la France ne peut disposer des informations sur la superficie exploitée dans un autre pays. S'il s'agit d'un Français propriétaire de terres à l'étranger, il peut être tenu de porter à la connaissance de l'administration la superficie de son exploitation. S'il s'agit d'un étranger souhaitant acquérir des terrains en France, le Gouvernement peut prévoir des échanges d'informations entre Etats membres de l'Union européenne dans le cadre d'une coordination européenne des politiques de contrôle.
Notre souci est, d'abord, de mettre sur un pied d'égalité l'ensemble des exploitants agricoles soumis au même contrôle de l'autorité administrative en matière d'installation ou d'agrandissement, ensuite, d'éviter des opérations de spéculation foncière par des sociétés étrangères désireuses d'investir en France.
Quel que soit le sort qui sera réservé à ce sous-amendement, je souhaite, monsieur le ministre, que vous vous engagiez à amorcer, au niveau européen, une réflexion sur ce problème particulier.
L'objet du sous-amendement n° 466 rectifié est de réaliser la transparence des opérations foncières afin de favoriser l'accès le plus large et le plus démocratique possible des demandeurs potentiels au fonds disponible.
L'autorité administrative devrait procéder à la publicité, dans un ou plusieurs journaux locaux, de la liste des opérations soumises à autorisation dès lors que le terrain concerné dépasserait une certaine surface définie par un décret.
Une telle publicité ne pourrait que contribuer à juguler la spéculation foncière et la tendance à la hausse observée sur les prix des terres.
Ce sous-amendement répond donc à un souci d'égalité et de transparence mais il permet aussi de lutter contre les pressions financières des sociétés ou des grosses exploitations.
En outre, une publicité sur les transactions foncières n'est pas une nouveauté puisque, d'ores et déjà, les SAFER ont la possibilité de faire connaître les biens à rétrocéder.
Enfin, ce sous-amendement vise à renforcer le contrôle des structures en sollicitant davantage de demandeurs, notamment ceux qui en ont le plus besoin.
Pour conclure, je précise que la rédaction de ce sous-amendement est recevable puisque seules les modalités d'application relèvent du domaine réglementaire.
J'en viens, enfin, à l'amendement n° 467 rectifié.
Le texte proposé pour l'article L. 331-3 du code rural énumère un certain nombre de critères sur la base desquels l'autorité administrative accorde l'autorisation d'exploiter à tel ou tel demandeur. Il est notamment tenu compte de la situation personnelle, familiale ou professionnelle des candidats.
Par ce sous-amendement, nous proposons de considérer également les revenus extra-agricoles du foyer fiscal.
En effet, il paraît plus juste d'accorder l'autorisation d'exploiter, toutes choses égales par ailleurs, à un agriculteur dont le conjoint n'a aucun revenu, plutôt qu'à un autre dont l'épouse dispose d'un salaire élevé.
Il s'agit, par conséquent, de donner la priorité au demandeur pour lequel l'exploitation des parcelles concernées serait financièrement le plus bénéfique.
La situation familiale et professionnelle doit, selon nous, être appréhendée dans sa globalité, afin de favoriser l'égalité entre les personnes dans l'attribution des autorisations d'exploiter.
C'est donc dans un souci de justice sociale et d'égalité de traitement des demandes soumises à la politique de contrôle des structures que je propose au Sénat d'adopter ce sous-amendement.
M. le président. Pour la clarté du débat, je vais demander l'avis de la commission sur les sous-amendements n°s 464 rectifié, 617, 465 rectifié, 466 rectifié et 467 rectifié ?
M. Michel Souplet, rapporteur. Sur le sous-amendement n° 464 rectifié, la commission a émis un avis défavorable, car il rompt avec l'équilibre qu'elle a défini.
Le sous-amendement n° 617 peut être accepté, mais à la condition que, par cohérence avec le texte que la commission a adopté ce matin, il soit fait référence aux « ascendants et descendants jusqu'au troisième degré ».
Sur le sous-amendement n° 465 rectifié, l'avis est défavorable, car le dispositif proposé serait totalement inopérant. Il est évident que le droit français, même sur le contrôle des structures, n'est pas applicable à l'étranger. Notre collègue M. Le Cam semble ignorer que, en vertu de la libre circulation des hommes et des capitaux, il est possible à un agriculteur étranger de venir s'installer en France sur une exploitation de cinq cents ou de mille hectares si celle-ci est à céder. Ce n'est qu'une fois installé en France qu'il tombera sous le coup du contrôle des structures français, mais pas avant.
Quant au sous-amendement n° 466 rectifié, il alourdirait considérablement le contrôle des structures, qui est déjà excessif, et il est contraire à l'esprit qui sous-tend la proposition de la commission. Celle-ci émet donc un avis défavorable.
Enfin, la commission est défavorable au sous-amendement n° 467 rectifié, qui alourdit également beaucoup le contrôle et ne relève pas du domaine de la loi.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 606 et sur les sous-amendements qui s'y rattachent ?
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. Je veux d'abord dire que je suis très reconnaissant à la commission et à son rapporteur d'avoir tenté de réécrire cet article pour en améliorer la rédaction. Mais, après avoir loué cet utile effort de réflexion collective, je vais devoir indiquer en quoi je ne peux pas me rallier à la proposition de la commission. (Sourires.)
Il subsiste en effet entre nous des désaccords très forts.
Le premier est sans doute formel, mais je tiens néanmoins à le mentionner. Un certain nombre des dispositions de cet article ont fait l'objet d'une très large concertation avec les organisations professionnelles agricoles, au niveau national. Avec celles-ci, c'est un accord en profondeur qui s'est fait jour sur le seuil de déclenchement ou sur les amendes.
Ce dispositif est en fait proposé par les organisations professionnelles agricoles, après d'amples consultations. J'aurais, dès lors, quelques scrupules, pour ne pas dire plus, à rompre l'équilibre ainsi défini.
M. Hilaire Flandre. Il faut leur redemander leur avis !
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. Je ne parviens pas à croire que certains puissent avoir deux discours. Je m'en tiens, pour ma part, aux échanges que mes services ou moi-même avons eus avec ces organisations et qui ont abouti à cet équilibre.
Cependant, ce n'est pas la question de fond, j'en suis d'accord, et je vais aborder un sujet qui est plus important encore.
Les auteurs de l'amendement n° 606 introduisent, ce qui est leur droit - et je comprends la logique qui est la leur, compte tenu des discussions que nous avons eues - les liens de parenté parmi les critères de contrôle des structures. Que ces liens soient au troisième ou au quatrième degré, le problème est le même, et, comme je le disais tout à l'heure en plaisantant, il en irait de même au dixième degré. Pendant que nous y sommes, durcissons encore davantage le dispositif ! Mais je vous dis très sincèrement qu'il est selon moi anticonstitutionnel, puisqu'il aboutit à une rupture d'égalité des citoyens devant le contrôle des structures. Par conséquent, je ne peux me rallier à cette proposition.
Par ailleurs, même si l'on met de côté ce problème de l'anticonstitutionnalité, que je crois pourtant essentiel, il faut garder à l'esprit le fait que nous cherchons, au travers du contrôle des structures des exploitations agricoles, à faciliter l'installation des jeunes et à éviter la concentration. Tel est bien l'objectif, c'est en tout cas celui du Gouvernement. Or je répète que 6 000 enfants d'agriculteurs s'installent chaque année, alors qu'il faudrait atteindre un chiffre de 12 000 à 15 000 installations. Il est donc nécessaire de susciter des vocations hors du milieu agricole, et le moins que l'on puisse faire à cet égard, c'est de mettre en place un dispositif qui traite sur un pied d'égalité les uns et les autres et qui ne favorise pas la concentration familiale au détriment de l'installation de jeunes qui ne seraient pas issus du monde agricole.
Par conséquent, en dehors du problème d'anticonstitutionnalité qui tient à une rupture d'égalité entre les citoyens qui voudraient s'installer en agriculture,...
M. Philippe Marini. Laissez le Conseil constitutionnel en décider !
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. D'accord, mais cela fait partie du débat !
... la commission propose d'adopter un dispositif qui va à l'encontre de ce que nous recherchons tous ensemble. Cela me pose problème, je le dis très franchement. Je crois pour ma part que, quand on aborde cette question du contrôle des structures, il ne faut pas perdre de vue notre objectif, qui est, je le répète, de limiter la concentration familiale et de favoriser l'installation de tous.
Par conséquent, si l'on déséquilibre le système, il deviendra difficile d'atteindre cet objectif, sauf à se résigner à l'exode et à la concentration, ce qui n'est pas mon cas, au contraire.
J'évoquerai enfin un dernier point de désaccord. Certains d'entre vous, mesdames, messieurs les sénateurs, dénoncent encore une fois, comme ils le font depuis le début de notre débat - j'ai bien compris la rengaine, mais elle ne m'impressionne pas outre mesure - la bureaucratie, la suradministration. Or les CDOA ne sont saisies, de par le contrôle des structures, que pour donner un avis, et non pour rendre une décision, et elles sont tout à fait capables de prendre en compte des situations familiales particulières.
Je vous demande donc instamment, mesdames, messieurs les sénateurs, de bien réfléchir à ce point qui me paraît essentiel. En tout état de cause, je ne peux m'inscrire dans la logique des auteurs de l'amendement, sur lequel j'émets un avis défavorable.
Cela étant, je vais donner l'avis du Gouvernement sur les cinq sous-amendements affectant l'amendement n° 606.
S'agissant du sous-amendement n° 464 rectifié de M. Le Cam, qui vise à relever le seuil retenu, je dirai à nouveau que je souhaite maintenir l'équilibre que nous avons défini avec les organisations professionnelles. Je suis donc défavorable à ce sous-amendement.
Je me suis déjà exprimé à propos du sous-amendement n° 617 de M. César, puisqu'il s'inscrit dans la logique de « durcissement » du critère familial. Je demande donc son rejet.
Quant au sous-amendement n° 465 rectifié, il pose une réelle question, celle des terres qui entrent dans le cadre non pas national mais européen, mais la disposition proposée est incompatible avec le droit communautaire. Je veux donc bien m'engager à consulter mes collègues européens et à poser le problème, mais celui-ci ne peut pas être réglé à l'échelon national. En tout état de cause, le Gouvernement est défavorable à ce sous-amendement.
La question soulevée par le sous-amendement n° 466 rectifié relève du domaine réglementaire. J'en demande le retrait, à défaut le Gouvernement émettrait un avis défavorable.
Quant à la situation familiale et professionnelle qui fait l'objet du sous-amendement n° 467 rectifié, je partage l'avis émis par M. le rapporteur, à savoir que la rédaction actuelle du texte est suffisante. L'avis du Gouvernement est donc défavorable, et je souhaiterais que M. Le Cam retire ce sous-amendement.
M. le président. Monsieur Le Cam, les sous-amendements n°s 464 rectifié, 465 rectifié, 466 rectifié et 467 rectifié sont-ils maintenus ?
M. Gérard Le Cam. J'accepte de retirer les sous-amendements n°s 466 rectifié et 467 rectifié.
M. le président. Les sous-amendements n°s 466 rectifié et 467 rectifié sont retirés.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix le sous-amendement n° 464 rectifié, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Avant de mettre aux voix le sous-amendement n° 617, je rappelle que la commission y serait favorable si son auteur acceptait de le rectifier en remplaçant les mots : « jusqu'au quatrième degré » par les mots : « jusqu'au troisième degré ».
Monsieur César, acceptez-vous cette suggestion ?
M. Gérard César. Oui, monsieur le président.
M. le président. Il s'agit donc du sous-amendement n° 617 rectifié, tendant, à la fin du troisième alinéa du 1° du paragraphe I du texte proposé par l'amendement n° 606 pour l'article L. 331-2 du code civil, à insérer une phrase rédigée comme suit :
« Cette disposition ne concerne pas les transmissions par voie de succession ou en cas de liquidation, de communauté de biens entre époux et entre ascendants et descendants jusqu'au troisième degré. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix le sous-amendement n° 617 rectifié, accepté par la commission et repoussé par le Gouvernement.

(Le sous-amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix le sous-amendement n° 465 rectifié, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Nous en revenons aux amendements qui font l'objet de la discussion commune.
M. Gérard César. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. César.
M. Gérard César. Suite à l'intervention de M. le rapporteur et à la réunion, ce matin, de la commission des affaires économiques et du Plan, je retire les amendements n°s 230 rectifié, 231, 232 et 233.
M. le président. Les amendements n°s 230 rectifié, 231, 232 et 233 sont retirés.
M. Marcel Deneux. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Deneux.
M. Marcel Deneux. Je retire les amendements n°s 539, 538 et 540.
M. le président. Les amendements n°s 539, 538 et 540 sont retirés.
La parole est à M. Deneux, pour défendre l'amendement n° 537.
M. Marcel Deneux. Je voudrais rendre ici hommage à M. le rapporteur pour les louables efforts de coordination qu'il a accomplis en vue de clarifier le débat sur l'article 16.
Cela étant, certaines situations auxquelles nous voulions porter remède par nos amendements n'ont pas été prises en compte. C'est la raison pour laquelle j'ai déposé l'amendement n° 537.
En effet, les temps ont changé depuis l'élaboration des lois d'orientation, et le véritable problème aujourd'hui est bien de favoriser l'installation des jeunes. La réponse de M. le ministre ne m'a satisfait qu'à moitié à cet égard, car je suis sceptique quant à l'installation de jeunes qui ne seraient pas issus d'une famille d'agriculteurs. Cela serait souhaitable, mais je n'y crois pas pour des raisons pratiques.
En effet, le statut d'agriculteur n'est pas suffisamment attirant pour que l'on puisse susciter des vocations hors du monde agricole. C'est pourquoi j'avais déposé l'amendement n° 537, mais celui-ci est-il encore recevable ? Je voudrais savoir si la commission estime possible le dépôt d'un sous-amendement. Dans le cas où elle l'accepterait, je proposerais un texte qui date de 1962, et dont je vais vous donner lecture :
« N'est pas soumis à autorisation préalable, mais à simple déclaration, le cumul ou la réunion appelée à cesser dans un délai de cinq ans par l'installation comme exploitant séparé d'un descendant du demandeur. »
M. le président. Monsieur Deneux, l'amendement de la commission ayant déjà été examiné, aucun sous-amendement n'est plus recevable. Si elle le souhaite, la commission pourra toujours rectifier son amendement en tenant compte de votre appel.
Monsieur le rapporteur, est-ce dans vos intentions ?
M. Michel Souplet, rapporteur. Non, monsieur le président.
M. le président. Nous poursuivons l'examen des amendements faisant l'objet de la discussion commune.
M. Gérard Cornu. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Cornu.
M. Gérard Cornu. Monsieur le président, nous retirons tous les amendements que nous avons déposés à l'article 16, car l'amendement n° 606 de la commission les satisfait.
M. le président. Les amendements n°s 234, 235, 236, 237, 238, 239, 240, 241, 242, 243, 244, 245, 246, 247, 248 et 249 sont retirés.
M. Marcel Deneux. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Deneux.
M. Marcel Deneux. Je retire l'amendement n° 402.
M. le président. L'amendement n° 402 est retiré.
La parole est à M. Pastor, pour présenter l'amendement n° 390.
M. Jean-Marc Pastor. Il s'agit d'un amendement d'ordre rédactionnel. Nous proposons de remplacer le verbe « ramener » par le verbe « fixer » dans la troisième phrase du troisième alinéa présenté par l'article 16 pour l'article L. 331-8 du code rural.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s 537 et 390 ?
M. Michel Souplet, rapporteur. J'ai répondu tout à l'heure partiellement s'agissant de l'amendement n° 537 de M. Marcel Deneux.
Notre collègue a le souci d'établir une passerelle entre le dispositif prévu par la législation actuelle et le futur dispositif. J'ai indiqué tout à l'heure que, autrefois, un exploitant agricole avait la possibilité de reprendre une seconde exploitation pendant une durée de cinq ans, parce que l'âge de la majorité était alors différent et que l'agriculteur reprenait de bonne foi une exploitation pour y installer l'un de ses enfants qui poursuivait ses études.
Or, au bout de trois ou quatre ans, le même dossier revenait devant la commission départementale, car l'agriculteur expliquait que c'était finalement non pas son aîné qui allait devenir agriculteur, mais un enfant plus jeune, et l'installation était encore retardée de trois ans. C'était donc à terme une façon détournée de procéder à un agrandissement, et je tiens à ce que nous nous inscrivions dans une logique tendant à éviter les passe-droits.
Aujourd'hui, quand un exploitant agricole trouve à proximité de chez lui une ferme à reprendre et qu'il a un fils âgé de dix-huit à vingt ans poursuivant ses études, rien n'empêche que, pour une période transitoire, ce soit le jeune qui reprenne cette exploitation, et non pas le père. Le jeune peut terminer ses études, le père travaillant à sa place sur l'exploitation pendant trois ou quatre ans. Mais c'est alors bien à une installation qu'il a été procédé, et non pas un agrandissement provisoire en vue d'une future installation.
Pour ces raisons, je souhaiterais que M. Deneux veuille bien retirer l'amendement n° 537, sur lequel j'émettrais à défaut un avis défavorable.
En revanche, je suis favorable à l'amendement n° 390, auquel la nouvelle rédaction de l'amendement n° 606 donne d'ailleurs satisfaction.
J'ajouterai enfin que j'ai écouté avec beaucoup d'intérêt les propos qu'a tenus tout à l'heure M. le ministre. Je comprends très bien - je ne me faisais pas d'illusions à cet égard - que la logique du ministère de l'agriculture et du Gouvernement ne soit pas tout à fait la même que celle du Sénat.
En effet, nous sommes plus libéraux s'agissant de la procédure de déclenchement du contrôle, des seuils et des pénalités, mais cet état d'esprit n'est pas anormal dans notre Haute Assemblée.
Par ailleurs, monsieur le ministre, lorsque je vous ai fait remarquer au nom de la commission, à l'occasion de l'examen des premiers articles, que le dispositif ne comportait pas de mesures incitatives suffisantes, ce qui constituait un handicap pour l'installation des jeunes, vous nous avez opposé l'article 40 de la Constitution.
Tout à l'heure, quand M. le ministre des finances quittait cet hémicycle, je lui ai dit très rapidement : je regrette que le Gouvernement invoque l'article 40 aussi souvent dans le débat agricole car nous risquons, compte tenu de ce blocage financier, de ne pas être d'accord sur un projet de loi qui présente pourtant un intérêt primordial pour l'agriculture française.
Cela étant dit, je m'en tiens à la position de la commission et je demande donc à la Haute Assemblée d'adopter l'amendement n° 606 en l'état.
M. le président. Monsieur Deneux, maintenez-vous votre amendement n° 537 ?
M. Marcel Deneux. Oui, monsieur le président.
M. le président. Et vous, monsieur Pastor, maintenez-vous votre amendement n° 390 ?
M. Jean-Marc Pastor. Oui, monsieur le président.
M. le président. Quel est donc l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s 606, 537 et 390 ?
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. Je voudrais en effet m'exprimer sur l'amendement n° 537 car cela me donne l'occasion de poursuivre le débat avec M. le rapporteur sur un point fondamental du présent projet de loi. Nous, nous sommes plus libéraux et ce n'est d'ailleurs pas surprenant, avez-vous dit, monsieur le rapporteur. Or, en l'occurrence, le libéralisme, c'est évidemment la loi du plus fort, c'est-à-dire la loi de la concentration. (Protestations sur les travées du RPR.)
M. Jean-Paul Emorine. Fausse interprétation ! C'est la liberté !
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. Depuis des années, les organisations professionnelles agricoles constatent et dénoncent les détournements de procédure sur les installations provisoires aux termes desquels on commence effectivement par installer le fils dans une ferme voisine quelques années avant de prendre sa retraite pour, le moment venu, opérer la concentration. Ce sont tous ces abus qu'elles nous demandent de corriger dans la loi.
En l'occurrence, notre volonté, c'est de réformer le dispositif pour faciliter l'installation. Or, par votre conservatisme, permettez-moi de vous dire, vous empêchez cette évolution. Vous allez ainsi favoriser la poursuite de l'exode rural avec la concentration des exploitations et la disparition des plus petites d'entre elles.
M. Hilaire Flandre. Vous exagérez ! C'est une caricature !
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. Il faut voir les choses telles qu'elles sont. C'est bien la situation.
M. André Lejeune. Effectivement !
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. Si vous privilégiez uniquement l'installation familiale, compte tenu de ce que je disais tout à l'heure, à savoir le fait que nous n'avons que 6 000 enfants d'agriculteurs et que plusieurs milliers d'installations feront défaut, d'installation, il ne faudra pas vous étonner de la poursuite de la concentration et de la disparition des petites exploitations. Nous sommes au coeur du problème. Nous avons une véritable divergence d'appréciation.
M. Hilaire Flandre. C'est le libéralisme !
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. Vous pouvez parler de libéralisme, le mot ne m'impressionne pas !
Mais la réalité,...
M. Jean Chérioux. Votre réalité !
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. Non, monsieur le sénateur. L'exode rural, ce n'est pas moi qui l'invente ! Si vous ne le voyez pas sur le terrain, c'est parce que vous avez un peu de mal à le regarder.
La réalité de l'exode rural, elle existe ! Des dizaines de milliers d'exploitations françaises et des centaines de milliers d'exploitations en Europe sont rayées de la carte chaque année.
La concentration des exploitations, ce n'est pas une invention du ministre de l'agriculture, c'est une donnée incontournable. De deux choses l'une : ou bien nous voulons corriger cela ou nous ne le voulons pas.
Le projet de loi visait à modifier ce dispositif en essayant de favoriser le « hors cadre familial ». Vous n'en voulez pas, j'en prends note. Il est clair que c'est une véritable divergence d'interprétation ou d'objectif, et nous ne pouvons donc parvenir à un consensus.
Aussi, je ne peux donner mon accord à l'amendement n° 537, qui vise à durcir le dispositif. En effet, il aboutirait au contraire à conforter et même à encourager tous les abus qui ont été dénoncés à propos de l'installation provisoire.
Quant à l'amendement n° 390, il est certes satisfait par l'amendement n° 606 de la commission, mais rien ne dit que ce dernier sera adopté. M. Pastor a donc raison de le maintenir, car il s'agit d'une utile précision rédactionnelle.
M. Michel Souplet, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Michel Souplet, rapporteur. Je ne me fâcherai pas avec M. le ministre.
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. Oh non !
M. Hilaire Flandre. Vous devriez, monsieur le rapporteur !
M. Michel Souplet, rapporteur. Je crois cependant qu'il est des vérités qui doivent être rappelées. Monsieur le ministre, vous nous dites que nous faisons preuve de conservatisme. Je prends date. Dans deux ans, nous verrons ensemble combien de jeunes auront pu s'installer. A mon avis, ils ne seront pas très nombreux, essentiellement parce que vous ne nous avez pas donné la possibilité d'inciter à l'installation des jeunes en leur accordant des moyens. Je répète ce que j'ai dit au début de la séance : quand il y a un repreneur, c'est qu'il y a un cédant, et ce dernier ira vers celui qui lui offrira le plus car la cession de son exploitation, c'est sa retraite.
M. Philippe Marini. Bien sûr !
M. Michel Souplet, rapporteur. On peut mettre en place des incitations sur le plan fiscal. Cette possibilité nous a été refusée. Je le regrette, car avec un tel dispositif fiscal nous aurions pu envisager d'autres mesures.
Sans moyens financiers, nous ne pouvons espérer l'installation d'un grand nombre de jeunes. L'agriculture, c'est un métier qui exige beaucoup de moyens financiers. Nous sommes les premiers à le regretter. Nous souhaiterions que les installations soient plus nombreuses. Donnez-nous les moyens de faire en sorte qu'il en soit ainsi. (« Très bien ! » et applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et sur plusieurs travées de l'Union centriste.)
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 606.
M. Marcel Deneux. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Deneux.
M. Marcel Deneux. S'agissant de l'amendement n° 537, je suis heureux de la discussion qui vient d'avoir lieu, monsieur le ministre, et, pour tout dire, je souhaitais la provoquer.
Je suis plus accusé de gauchisme que de conservatisme par les personnes qui me connaisssent. (Exclamations sur plusieurs travées du RPR.) Aussi, en matière de structures, je n'ai pas de leçons à recevoir.
M. le rapporteur et M. le ministre ont évoqué les détournements de procédure. Je le dis très tranquillement : j'en ai connu et j'étais de ceux qui ont réclamé des mesures afin d'y mettre un terme.
Je voudrais attirer votre attention sur le fait que ces détournements de procédure ont presque toujours été le fait de l'absence de surveillance de l'administration, qui ne fait pas son travail. Je sais qu'il y a les DDA, les directions départementales de l'agriculture, et les préfets.
En l'occurrence, il s'agit de la politique des structures, mais cela vaut aussi dans nombre de domaines qui relèvent de procédures publiques.
Je pense notamment à l'application des quotas laitiers. Je préside une commission qui est chargée, grâce à vous, monsieur le ministre, et à votre prédécesseur, de conseiller le directeur de l'ONILAIT, l'Office national interprofessionnel du lait et des produits laitiers, sur les amendes administratives à appliquer aux entreprises. Très souvent, c'est la position locale de l'administration du ministère de l'agriculture qui complique le traitement des dossiers et qui fait obstacle à l'application de la réglementation.
S'agissant de la politique des structures, si on veut éviter les détournements de procédure, il faut que soit assuré le suivi des dossiers, ce que permet facilement l'informatique.
Certes, j'ai proposé un délai de cinq ans, mais on peut très bien, au bout de quatre ans et demi, constater si la décision est appliquée ou non. Que l'on ne m'oppose pas le détournement de procédure ! Pour ma part, je crois à une installation dans le cadre familial et le dispositif que j'ai proposé est tout à fait applicable.
Mon amendement n'aura probablement plus d'objet en raison de l'adoption de l'amendement de la commission. Cependant, je ne l'ai pas retiré car je souhaitais que ce débat ait lieu afin que les choses soient claires.
M. Gérard Cornu. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Cornu.
M. Gérard Cornu. Les propos de M. le ministre me paraissent surréalistes. En effet, il affirme une chose et il fait le contraire sur le plan financier.
Comme l'a dit très justement M. le rapporteur, il faut des moyens en agriculture. Vous parlez de l'installation, monsieur le ministre. Mais pourquoi avez-vous retiré les moyens du FIA, le fonds d'installation des agriculteurs ? En effet, vous financez le CTE - et c'est ce que nous critiquons depuis une semaine - par un redéploiement des crédits en supprimant une partie du FIA. Vous êtes pour l'installation, dîtes-vous, mais, en réalité, vous supprimez des crédits par redéploiements. Alors, accordez vos paroles et vos actes !
M. Jean Chérioux. C'est le double langage !
M. Hilaire Flandre. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Flandre.
M. Hilaire Flandre. Avec cet article 16, nous abordons en effet un des points sensibles pour le devenir de l'agriculture.
Le souci de chacun de voir un nombre important d'exploitations sur notre territoire et l'amour sans doute un peu immodéré que nous avons pour tout ce qui est petit ne doit pas nous conduire aux pires excès et à des actions regrettables.
Je suis pour un contrôle des structures. On ne peut m'accuser d'être un conservateur. Je préside une SAFER depuis quelque vingt ans. J'ai souvent été conduit à arbitrer entre des intérêts divergents. Je l'ai fait sans subir trop de menaces, même si cela s'est produit quelquefois. J'ai réussi à assumer ma tâche, je crois, à la satisfaction de ceux qui m'ont mandaté pour cette responsabilité.
En l'occurrence, il convient effectivement de permettre les installations hors cadre familial. Dans la régionChampagne-Ardenne, où j'ai présidé la commission agricole jusqu'en mars dernier, nous avons pris des mesures visant à favoriser de telles installations.
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculure et de la pêche. Très bien !
M. Hilaire Flandre. Cependant, il ne faut pas, dans le même temps, décourager les installations dans le cadre familial.
M. Gérard Larcher. Bien sûr !
M. Hilaire Flandre. Si l'on veut un grand nombre d'exploitations agricoles, il faut des perspectives d'évolution de carrière satisfaisantes, c'est-à-dire tout autre chose qu'un vague CTE qui les laissera mourir de faim. Il est nécessaire de prendre un certain nombre de mesures, afin d'offrir aux intéressés des perspectives satisfaisantes quant au déroulement de leur carrière.
De grâce, laissez-nous une certaine souplesse dans l'application des mesures de contrôle des structures, et ne faites pas naître des appétits immodérés.
Tout à l'heure, M. Le Cam souhaitait une large publicité sur toutes les terres libérées. Cela reviendrait à éveiller des appétits et forcément à décevoir la quasi-totalité des personnes qui se seraient portées candidates. Or c'est ainsi que se créent dans nos campagnes des rancunes qui, parfois, durent plusieurs générations. Il convient donc d'être prudent, car on touche à des choses qui, aux yeux du monde agricole, sont sacrées.
M. André Lejeune. Alors, cela doit se passer en douce ?
M. Hilaire Flandre. Non !
Comme certains collègues semblent ne pas comprendre, je prendrai un exemple.
J'ai été exploitant agricole jusqu'au mois d'avril 1997. Ma carrière agricole a été la suivante. En 1960, je me suis installé sur 137 hectares en zone de culture. En 1967, j'ai décidé de m'associer avec mon frère et il est donc venu me rejoindre sur l'exploitation. Nous avons constitué un groupement agricole d'exploitation en commun, un GAEC, et nous avons opté pour le régime du bénéfice réel, comme le font les exploitants de ma région. En avril 1997, je me suis retiré. Mon frère a-t-il agrandi son exploitation ? Oui ! Il aurait dû, selon la procédure que nous examinons, demander une autorisation et faire une publicité auprès de tous les agriculteurs du canton pour leur dire : Hilaire Flandre prend sa retraite, il convient de voir si vous ne pouvez pas grapiller quelques hectares de cette exploitation qui s'agrandit.
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. Mais non ! M. Hilaire Flandre. Mais si, monsieur le ministre, c'est l'objet du texte que nous examinons !
Mon frère continue seul l'exploitation jusqu'à ce qu'il ait lui-même atteint l'âge de la retraite. L'exploitation sera alors reprise par un jeune agriculteur issu du cadre familial. Il s'agit en effet de mon petit-fils, qui prépare actuellement son brevet de technicien agricole. Comment peut-on imaginer faire paraître sur la place publique une publicité invitant les jeunes à s'inscrire parce que des terres sont disponibles, alors que, dans cinq ans, elles ne seront rétrocédées bien évidemment à mon petit-fils pour une installation effective ?
Prenons en compte ces considérations, plutôt que d'élaborer des systèmes faisant naître je ne sais quel rêve dans la tête des agriculteurs et créant la guerre dans les campagnes. En réalité, nous poursuivons le même objectif. Ayons les pieds sur terre de temps à autre ! Si l'on veut favoriser l'installation des jeunes, on y parviendra non pas en les faisant rêver, mais en leur donnant effectivement des perspectives de carrière satisfaisantes. (« Très bien ! » et applaudissements sur les travées du RPR, de l'Union centriste et des Républicains et Indépendants.)
M. Jean-Paul Emorine. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Emorine.
M. Jean-Paul Emorine. Selon M. le ministre, ceux qui siègent dans cette assemblée, surtout sur les travées de la majorité sénatoriale, ne seraient pas très favorables à l'installation des jeunes. Or, nous le sommes.
Je voudrais faire un rappel, monsieur le ministre, comme je l'ai fait à votre prédécesseur, qui est un ami politique. Vous parlez beaucoup de l'installation hors cadre familial et vous voudriez qu'il y ait adéquation entre les cessations d'activité et les reprises. Il faut faire preuve de réalisme et de pragmatisme. Vous ne pourrez pas installer des jeunes dans des structures d'exploitation qui ne sont plus viables. Vous parlez toujours des grandes exploitations agricoles, mais nombre de régions de France ont des petites structures d'exploitation agricole. Compte tenu de la modernisation de notre agriculture et de l'agrandissement des exploitations, qui est irréversible dans certains secteurs, le nombre d'agriculteurs diminuera. Je le regrette ! Mais il faut, à un moment donné, avoir un discours réaliste.
M. Alain Vasselle. Exactement !
M. Jean-Paul Emorine. Vous évoquez surtout le hors cadre familial que vous voulez encourager. M. Philippe Vasseur l'a fait avant vous, et j'ai eu des discussions avec lui sur ce sujet. Mais pour favoriser le hors cadre familial, monsieur le ministre, il importe surtout de trouver des financements.
Je tiens d'ailleurs à rappeler que, dans le cadre familial, les parents font des sacrifices pour financer l'installation de leurs enfants.
M. Alain Vasselle. Tout à fait !
M. Jean-Paul Emorine. Il faut le dire : les jeunes ne sont pas favorisés ; simplement, les parents acceptent de sacrifier une partie de leur capital pour les installer.
Monsieur le ministre, vous qui êtes membre d'un gouvernement parlant beaucoup des 35 heures, comment voulez-vous inciter des jeunes à s'installer hors cadre familial en agriculture alors qu'ils nous voient souvent travailler sept jours sur sept et vraisemblablement soixante-dix heures par semaine ? Tracez des perspectives de revenus pour les jeunes agriculteurs, et ils s'installeront !
Pour conclure, monsieur le ministre, vous êtes très attaché au terme « libéralisme », mais pour en faire la critique. Consultez le Larousse , et vous verrez que « libéralisme » vient de « liberté », mot qui figure dans la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen. Cela veut dire tout simplement que chaque citoyen doit avoir la responsabilité de ses engagements, mais aussi la liberté de respecter les autres. C'est pour cela que je voterai l'amendement n° 606 de la commission. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)
M. Alain Vasselle. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Vasselle.
M. Alain Vasselle. Cet article, comme de nombreux autres textes que nous avons déjà examinés depuis le début de la discussion de ce projet de loi, est assez révélateur, de l'état d'esprit dans lequel se trouvent tant le Gouvernement que la majorité des membres de cette assemblée.
Monsieur le ministre, la réponse que vous avez apportée à M. le rapporteur démontre une fois de plus que votre préoccupation est toujours la même : essayer de casser les grandes structures agricoles au profit des plus petites et de monter petites et grandes exploitations les unes contre les autres.
La lecture de tous les articles ou presque du projet de loi donne le sentiment que la préoccupation du Gouvernement est uniquement sociale ou environnementale. Et la réponse que vous avez apportée tout à l'heure me conforte encore dans cette idée ; vous voulez maintenir un certain nombre de structures à caractère familial et de petites structures agricoles, tout en sachant pertinemment qu'elles n'ont pas toujours le niveau de viabilité assurant leur pérennité à terme.
Que voulez-vous, monsieur le ministre ? Qu'il y ait, en France, un tissu de petites structures agricoles ne subsistant que grâce à l'aide publique ? Ajoutons qu'il s'agira non pas de l'aide publique européenne mais de l'aide publique nationale, ce qui coûtera extrêmement cher à la nation pour un résultat qui, sur le plan économique, ne sera pas celui que l'on cherche à atteindre ! Faut-il rappeler que c'est quand même l'agriculture, notamment l'agro-alimentaire, qui permet de rendre positive la balance commerciale de ce pays ?
Je pense donc, monsieur le ministre, que vouloir opposer les plus petites structures aux grandes structures est une erreur. La question qu'il nous faut nous poser, comme l'a fait la commission et comme je le fais pour ma part, est celle de la viabilité de nos structures agricoles, quelle que soit leur taille. Certaines petites structures agricoles ont en effet une très bonne viabilité, alors que des structures de plus grande taille de par leur surface ont un niveau de viabilité moindre. Tout dépend de la valeur ajoutée des produits exploités !
Certaines exploitations agricoles ayant adopté un système de monoculture céréalière obtiennent des résultats économiques inférieurs à ceux auxquels parviennent des structures de petite taille en surface mais qui, par le biais de cultures hors sol ou d'autres productions, arrivent à un niveau bien supérieur.
Par conséquent, vouloir porter une appréciation sur la dimension des structures à travers leur surface constitue une erreur grave, qui va à l'encontre de l'économie et de l'avenir de nos exploitations agricoles.
Il est un autre point que je souhaiterais voir préciser afin d'éviter tout quiproquo quant à l'application du texte : je veux parler des liens de parenté au troisième degré. En effet, cela doit être une réalité au moment de la transmission des structures. Il ne faudrait pas que, par des mesures de publicité ou d'intéressement à l'égard de personnes situées hors du système, l'on mette en difficulté des structures familiales viables pouvant se transmettre de père en fils ou d'oncle à neveu. Il me paraît essentiel de ne pas porter atteinte au droit de propriété de ces exploitations agricoles.
Je terminerai en évoquant, à la suite de notre collègue Jean-Paul Emorine, qui est excellemment intervenu, l'effort fait par les parents pour permettre l'installation des jeunes. Savez-vous, monsieur le ministre - telle est du moins la situation que j'ai connue lors de mon installation et je serais étonné que d'autres jeunes ne la vivent pas - que tous les agriculteurs meurent riches d'un capital extraordinaire, mais que, pendant toute leur vie professionnelle, ils passent leur temps à rembourser des dettes ? Ce n'est que quand ils arrivent à l'âge de la retraite qu'ils peuvent tirer le profit des efforts réalisés pendant toute une vie. Et vous voudriez les en priver ? Vraiment, quelque part, on marche sur la tête ! Posons-nous donc les bonnes questions, auquel cas le texte de loi tiendra la route !
M. Bernard Piras. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Piras.
M. Bernard Piras. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le groupe socialiste considère que ce projet de loi doit être complété par plusieurs volets, notamment par un volet fiscal. Dans cette logique, nous voulons examiner les problèmes de fiscalité non pas de façon parcellaire, mais globalement. J'espère que nous pourrons, à cette occasion, trouver des mesures encourageant l'installation, dans le cadre familial ou non, particulièrement dans les zones défavorisées. En tout cas, nous veillerons à ce que ces dispositions soient favorables aux 80 % d'agriculteurs qui ne touchent que 20 % des subventions.
Par ailleurs, comme tous les groupes de cette assemblée, nous avons reçu les différentes organisations syndicales. Or, ces dernières, comme le rappelait tout à l'heure M. le ministre, n'ont émis aucune observation sur cet article 16. N'étant pas plus royaliste que le roi, je ne vois pas la nécessité de modifier l'équilibre trouvé.
Telles sont toutes les raisons pour lesquelles nous ne voterons pas l'amendement n° 606.
M. Gérard Le Cam. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Le Cam.
M. Gérard Le Cam. M. Flandre déclare qu'il ne faut pas rêver. Voilà quelques jours, il me disait qu'il ne fallait pas croire au Père Noël ! Effectivement, trop nombreux sont, dans ce pays, les agriculteurs qui ne rêvent plus, notamment ceux qui s'installent sans aide. Or, mesdames, messieurs de la majorité sénatoriale, je n'ai pas trouvé dans vos rangs une écoute particulière à l'égard des amendements que j'ai déposés pour aider ces milliers d'agriculteurs qui doivent vivoter parce que vous ne pensez pas particulièrement à eux !
Je voterai contre l'amendement n° 606, car je ne suis pas du tout d'accord sur la notion de seuil de déclenchement.
Vous évoquez la famille. La famille, c'est vrai, est une tradition dans le monde agricole ; mais il ne faut pas se focaliser sur elle, il faut également penser à tous les autres : les chiffres donnés dans cet hémicycle prouvent en effet que si seuls les enfants d'agriculteurs sont repreneurs, ils ne suffiront pas. Par conséquent, ou vous voulez continuer d'agrandir les exploitations, ou je ne comprends plus ! Il faut dire la vérité, quelquefois !
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. Je ne peux pas éterniser ce débat, mais je ne veux pas laisser sans réponse deux ou trois points.
Monsieur Flandre, les deux cas que vous soulignez ne sont pas du tout mis en cause par ce texte. Il faut garder raison dans ce débat et ne pas prétendre que ce projet de loi, qui, évidemment, à vous entendre, va faire déferler sur l'agriculture française le grand vent du collectivisme et de la bureaucratie, aurait empêché votre frère ou votre petit-fils de s'installer. D'où tenez-vous cela ?
Simplement, au moment de l'installation de votre frère, à votre place ou non, la CDOA aurait été avertie. Elle aurait pris acte du fait que, votre frère étant dans la place, il pouvait poursuivre l'exploitation. Aucune disposition du texte n'aurait empêché votre frère ou votre petit-fils de s'installer ! Quel est ce chiffon rouge que vous agitez pour vous faire peur ? Qu'allez-vous faire dire au texte qu'il ne prévoit pas ? (M. Hilaire Flandre s'exclame.)
Vous savez sans doute mieux que moi comment fonctionnent les CDOA. Je n'imagine vraiment pas que ces dernières puissent prendre la responsabilité d'expulser un frère ou un petit-fils, ou de leur interdire de s'installer et de poursuivre l'exploitation ! Je vous demande donc de garder la raison et de ne pas vous laisser effrayer par des épouvantails qui n'existent pas !
Monsieur Emorine, je connais depuis longtemps l'origine du mot libéralisme, mais je ne confonds pas le libéralisme politique et le libéralisme économique. (M. Jean-Paul Emorine sourit.) J'estime que la liberté doit être protégée dans le domaine agricole. Si nous voulons faire acte de volontarisme, il faut, d'une certaine manière, favoriser la liberté de s'installer, et donc contrarier la liberté de concentrer, d'expulser, qui provoque l'exode rural. Je le dis, car, ce sont effectivement deux conceptions de la liberté qui se confondent.
Monsieur Vasselle, sachons là aussi raison garder ! Vous avez parlé d'atteinte au droit de propriété. Soyons sérieux deux minutes ! Ce n'est pas le droit de propriété qui est en cause dans ce débat ; sont en cause le droit d'exploitation et les droits à produire. Cela n'a rien à voir ! Il faut donc rester serein et poser, peut-être d'une manière différente, les problèmes de viabilité des entreprises ou des exploitations en général.
Les petites exploitations n'étant pas viables, dites-vous, il faut se faire à l'idée qu'elles disparaissent.
M. Alain Vasselle. Je n'ai pas dit cela !
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. Moi, je ne m'y fais pas. Je recherche donc avec d'autres les moyens de les rendre viables, pour que des jeunes s'y intéressent, s'y installent et que nous repartions ainsi à la reconquête de l'espace rural.
Au nom du libéralisme, ne vous êtes-vous jamais interrogé sur la viabilité de certaines grandes exploitations qui se voient allouer par la direction départementale de l'agriculture un à deux millions de francs correspondant au paiement des primes de la PAC ?
Trouvez-vous normal que des sommes aussi considérables soient versées ? C'est normal, c'est libéral, c'est viable !
Soyons raisonnables ! Si nous voulons tous, de bonne foi - et je pense que tel est le cas - favoriser l'installation de jeunes, partir à la reconquête du territoire, enrayer l'exode rural, comme certains de mes prédécesseurs ont essayé de le faire, un certain nombre de conditions doivent être réunies.
La première d'entre elles - je le répète, parce que c'est important - est la fixation de règles du jeu au niveau européen, parce que l'indécision qui pèse sur la PAC affecte les comportements économiques et gèle des décisions d'installation. On le constate partout en Europe.
La deuxième condition, qui est indispensable et qui fait l'objet de notre débat, tend à ouvrir le jeu, par le biais de la concertation, en mettant sur un pied d'égalité cadre familial et hors cadre familial. Je ne dis pas qu'il s'agit de privilégier les installations hors cadre familial, mais je refuse de privilégier le cadre familial, comme vous le faites, car je sais que cela ne suffirait pas.
La troisième condition est - j'en suis d'accord - l'augmentation, le moment venu, des fonds affectés au FIA. Monsieur Cornu, je me suis déjà exprimé dans cette enceinte à cet égard : on a simplement pris acte de la baisse des installations pour que ne soient inscrits au FIA que les crédits strictement nécessaires à ces dernières. Mais j'espère bien que le nombre des installations va croître et qu'il nous faudra donc réabonder ce fonds.
La quatrième et dernière condition est constituée par la création de formules attirantes pour les jeunes agriculteurs : je compte à cet égard sur le CTE et sur l'installation progressive, disposition de ce projet de loi qui sera examinée un peu plus tard.
Le dispositif repose donc sur un certain nombre de points. Si nous le mettons en place avec bonne foi et sérénité, nous serons bien loin des chiffons rouges que vous agitez et nous pourrons essayer de réaliser du travail sérieux.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 606, repoussé par le Gouvernement.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant de la commission des affaires économiques et du Plan.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions réglementaires.

(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.) M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 67:

Nombre de votants 319
Nombre de suffrages exprimés 318
Majorité absolue des suffrages 160
Pour l'adoption 219
Contre
99 En conséquence, l'article 16 est ainsi rédigé et les amendements n°s 537 et 390 n'ont pas d'objet.

Articles additionnels après l'article 16