Séance du 27 janvier 1999







M. le président. « Art. 39. - Il est inséré, avant le chapitre 1er du titre IV du livre VI du code rural, un article L. 640-2 ainsi rédigé :
« Art. L. 640-2 . - La qualité et l'origine des produits agricoles ou alimentaires donnent lieu à la délivrance par l'autorité administrative de signes d'identification qui sont l'appellation d'origine contrôlée, l'indication géographique protégée, le label, la certification de conformité, la certification du mode de production biologique et la dénomination "montagne".
« L'appellation d'origine contrôlée et l'indication géographique protégée sont fondées sur la reconnaissance d'une ou des qualités spécifiques liées respectivement au terroir et à la zone de production ou de transformation.
« Le label et la certification de conformité sont fondés respectivement sur la reconnaissance d'une qualité supérieure et de caractéristiques spécifiques préalablement fixées, qui les distinguent des produits de même nature ne bénéficiant pas d'un signe d'identification.
« L'utilisation du qualificatif "fermier" ou de la mention "produit de la ferme" ou "produit à la ferme", ou toute autre dénomination équivalente, est subordonnée au respect des conditions fixées par décret.
« Il en est de même des conditions d'utilisation de la dénomination "montagne" et, dans les départements d'outre-mer, des termes "produit pays". »
Par amendement n° 44 rectifié, M. Souplet, au nom de la commission des affaires économiques, propose de rédiger comme suit le texte présenté par cet article pour l'article L. 640-2 du code rural :
« Art. L. 640-2. - La qualité et l'origine des produits agricoles ou alimentaires peuvent donner lieu à la délivrance par l'autorité administrative de signes d'identification qui sont l'appellation d'origine contrôlée, le label, la certification de conformité, la certification du mode de production biologique et la dénomitation "montagne".
« L'enregistrement d'une indication géographique protégée s'effectue dans le cadre des dispositions du chapitre III du Livre VI du code rural.
« L'appellation d'origine contrôlée identifie les produits dont la qualité ou les caractères sont dus au milieu géographique et qui possèdent une notoriété dûment établie.
« Le label et la certification de conformité sont fondés respectivement sur la reconnaissance d'une qualité supérieure et de caractéristiques spécifiques préalablement fixées, qui les distinguent des produits de même nature ne bénéficiant pas d'un signe d'identification.
« Sans préjudice des règlementations communautaires, ni des réglementations nationales en vigueur à la date de promultation de la loi n° du d'orientation agricole ni des conditions approuvées pour bénéficier d'un label agricole, l'utilisation du qualificatif "fermier" ou de la mention "produit de la ferme" ou "produit à la ferme", ou toute autre dénomination équivalente, est subordonnée au respect des conditions fixées par décret.
« Il en est de même des conditions d'utilisation de la dénomination "montagne" et, dans les départements d'outre-mer, des termes "produits pays". »
Cet amendement est affecté de trois sous-amendements.
Le sous-amendement n° 282, présenté par MM. César, Althapé, Bernard, Besse, Bisset, Braun, Cazalet, Cornu, Courtois, Debavelaere, Doublet, Dufaut, Esneu, Flandre, Fournier, François, Gaillard, Gérard, Gerbaud, Goulet, Gruillot, Hamel, Hugot, Jourdain, Larcher, Lassourd, Lauret, Leclerc, Le Grand, Martin, Murat, Ostermann, de Richemont, Rispat, de Rohan, Taugourdeau, Vasselle, Vinçon, Vissac et les membres du Groupe du Rassemblement pour la République, tend à rédiger comme suit le deuxième alinéa du texte proposé par l'amendement n° 44 pour l'article L. 640-2 du code rural :
« L'indication géographique protégée ne peut être délivrée que sur l'obtention préalable d'un label ou d'une certification de conformité. » Le sous-amendement n° 609, déposé par le Gouvernement, vise à supprimer les troisième et quatrième alinéas du texte proposé par l'amendement n° 44 pour l'article L. 640-2 du code rural.
Le sous-amendement n° 429, présenté par M. Revet et les membres du groupe des Républicains et Indépendants, a pour objet de rédiger comme suit le cinquième alinéa du texte proposé par l'amendement n° 44 pour l'article L. 640-2 du code rural :
« Sans préjudice des réglementations communautaires, ni des réglementations nationales en vigueur à la date de promulgation de la loi n° du d'orientation agricole, ni des conditions approuvées pour bénéficier d'un label agricole, l'utilisation du qualificatif « fermier » ou de la mention : « produit de la ferme » ou « produit à la ferme », ou toute autre dénomination équivalente, est subordonnée au respect des conditions suivantes : un produit est réputé d'appellation fermier à partir du moment où il est fabriqué par les agriculteurs seuls ou en groupement, sur l'exploitation ou en un lieu géré par eux, et à partir de matières premières produites sur la ou les exploitations et transformées selon les méthodes traditionnelles, sans addition de produits chimiques et dans le respect du cycle biologique des produits. »
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 44 rectifié.
M. Michel Souplet, rapporteur. Je serai un peu plus long, mais le sujet l'exige.
L'indication géographique protégée, l'IGP, est une marque collective communautaire. Elle est attribuée aux produits agricoles ou alimentaires conformes à un cahier des charges établi par un groupement de producteurs selon la procédure de la certification, et dont la demande d'inscription sur le registre communautaire des IGP a été acceptée et transmise à la Commission européenne par le Gouvernement d'un Etat membre.
Le règlement (CE) 2081/92 du Conseil du 14 juillet 1992 fixe le régime des IGP. Rappelons que l'IGP n'est pas applicable aux vins et aux boissons spiritueuses et que les produits sous label ou certification de conformité ne peuvent mentionner une indication d'origine que si celle-ci est enregistrée comme IGP.
Or, l'article 39 du projet de loi d'orientation prévoit de considérer cette protection commerciale communautaire comme un nouveau signe d'identification géré par l'INAO.
Examinons les arguments qui militent en faveur d'une telle mesure :
Il y a, d'abord, un argument financier.
Actuellement, il existe deux procédures pour valoriser l'origine d'un produit. La première fait appel à l'Institut national des appellations d'origine, l'INAO ; elle est gratuite et de nature administrative. La seconde nécessite le recours à des organismes certificateurs et faisant appel à la Commission nationale des labels et des certifications de produits agricoles et alimentaires ; elle exige un investissement, par les producteurs, de l'ordre de 200 000 francs à 400 000 francs.
Actuellement, les indications géographiques protégées doivent emprunter la seconde procédure. Votre rapporteur souhaite préciser toutefois que la « voie INAO » est loin d'être gratuite et qu'elle est largement payée par le contribuable.
Vient ensuite un argument psychologique.
Selon le rapporteur de l'Assemblée nationale, « l'indication géographique protégée devient peu à peu, dans l'esprit des consommateurs, un signe plus fort que l'appellation d'origine contrôlée, car le consommateur a tendance à lier une indication de lieu géographique avec la reconnaissance d'une qualité ».
Votre rapporteur tient à souligner qu'aucune étude n'a montré une telle hiérarchie des valeurs chez les consommateurs qui, par ailleurs, ne connaissent pas encore bien ces protections européennes.
De plus, M. François Patriat précise que la démarche actuelle « finit par induire en erreur les consommateurs sur la nature même de plusieurs produits bénéficiant d'une indication géographique protégée. Ainsi, il faut savoir que la majorité des jambons de Bayonne sont produits en Bretagne avec du porc breton. Le sel de Guérande est source de mêmes confusions ».
Je ne partage en aucune façon ces propos. L'IGP « Jambon de Bayonne » est aujourd'hui enregistrée par l'Union européenne. Par définition, cette protection assure aux consommateurs que les porcs utilisés sont élevés autour de Bayonne et non en Bretagne.
Le sel de Guérande est, quant à lui, en démarche IGP couplée à un label rouge et à une certification de conformité, destinées à couvrir l'ensemble des productions de sel de Guérande. La démarche de qualité étant en cours, il est donc un peu trop facile de formuler dès à présent de telles critiques.
Mais il y a aussi un argument administratif.
La gestion des IPG par l'INAO devrait permettre à cet organisme de gérer à la fois les AOC et les IGP. Si votre rapporteur n'est pas opposé à la participation de l'INAO dans la gestion de l'IGP, cela ne constitue en aucune façon une raison justifiant la reconnaissance de l'IGP comme un signe d'identification totalement indépendant.
Vient enfin un argument d'efficacité.
Selon le rapporteur de l'Assemblée nationale, l'INAO pourra « exercer un contrôle efficace et apprécier le lien entre le terroir, un produit et un savoir-faire. Sans contrôle de l'IGP par l'INAO, à terme, n'importe qui pourra détourner des produits d'appellation d'origine contrôlée en faisant reconnaître des indications géographiques protégées. Même si l'indication géographique protégée n'est pas un signe de qualité, la maintenir hors des signes d'identification protégés par la loi serait donc faire un cadeau aux négociants et aux distributeurs souhaitant tirer profit de la crédulité des consommateurs ».
Là encore, il risque d'y avoir une certaine confusion. Peut-on considérer que le signe d'identification de la qualité et de l'origine, tel qu'il est vu ici, s'appuie sur un système de contrôle équivalent, en termes d'indépendance, d'impartialité et de compétence, systèmes des signes de qualité actuels ?
En tant qu'organisme public chargé à terme des contrôles de l'AOPC, de l'AOP et de l'IGP, l'INAO est, par nature, un contrôleur indépendant impartial et compétent. Mais, a-t-il réellement tous les moyens nécessaires à cette indépendance, cette impartialité, voire cette compétence ?
Il est cependant inexact de prétendre qu'en faisant contrôler les IGP par l'INAO celles-ci deviendront un vrai signe de qualité. Sans une réforme du système de contrôle, cet objectif ne paraît guère envisageable.
A une époque où le contrôle devient la logique même du système partout en Europe, et alors que la France a la particularité d'être en avance pour la qualité de ses produits nous aurions désormais la réputation d'être le premier pays où l'on diminuera les contrôles.
Compte tenu de l'apparition du logo IGP sur les étiquetages et du programme de communication de Bruxelles sur ce logo, l'INAO devra apporter des réponses à un certain nombre de questions.
Comment fera-t-on pour expliquer à la presse et aux consommateurs qu'ils trouveront des IGP identifiées par un même logo, mais à plusieurs niveaux de qualité et de contrôle dans les rayons ? En quelle IGP devront-ils avoir confiance ?
Les IGP sans signes de qualité seront-elles dévalorisées par rapport à celles qui passent par un label, alors qu'elles auront été attribuées par le même organisme ?
Comment fera-t-on demain pour expliquer en termes simples, clairs et précis la différence entre l'AOC et l'IGP sans dévaloriser l'une par rapport à l'autre ? Le consommateur sera-t-il suffisamment perspicace pour faire la différence entre « typicité » et « réputation » ?
Comment fera-t-on pour expliquer la qualité « réputée » sans contrôles ?
Si l'INAO met en place des procédures de contrôles spécifiques aux IGP, pourra-t-il en faire l'économie sur les produits d'AOC ?
C'est pourtant toute l'aberration du système que l'on nous propose en voulant déconnecter l'IGP du système label ou certification de conformité, donc d'un dispositif de qualité.
Les pouvoirs publics doivent être conscients qu'avec une telle démarche ils entraîneront, à la moindre erreur qualitative, à la décrédibilisation du système et à leur propre mise en cause. Ils doivent être conscients aussi qu'ils sont en train de mettre en place des distorsions à l'intérieur même de l'IGP en donnant naissance à des IGP bas de gamme et à des IGP haut de gamme. Ils doivent être conscients, enfin, et c'est peut-être là le véritable problème, que la non-réglementation de l'indication de provenance va amener, de la part de certains industriels, une « ruée » sur les appellations géographiques sans reconnaissances officielles, et cela au détriment de la politique de qualité et d'aménagement du territoire et de ceux qui auront fait l'effort de se lancer dans une stratégie de qualité et d'origine fondée sur les garanties officielles.
C'est pourquoi la commission, tout en comprenant les motivations qui conduisent à proposer cette réforme, vous suggère de supprimer la reconnaissance de l'IGP comme signe autonome d'identification et de revenir au statut communautaire de l'IGP.
En outre, cet amendement vise à compléter l'alinéa relatif aux produits fermiers, ce terme étant aujourd'hui employé pour des fromages d'AOC et pour des volailles, des gros bovins, des veaux, des agneaux et des porcs bénéficiant du label rouge.
Cette utilisation, qui combine un mode de production avec la spécificité ou la qualité des produits, consigné dans des cahiers des charges stricts contrôlés par des organismes tiers, ne doit pas être remise en cause par une définition qui concerne des produits qui n'entrent pas dans le dispositif des signes d'identification.
M. Alain Vasselle. Très bien !
M. le président. La parole est à M. César, pour défendre le sous-amendement n° 282.
M. Gérard César. J'apprécie beaucoup ce M. le rapporteur a dit en défendant l'amendement n° 44 rectifié, qui est important.
Le sous-amendement n° 282, loin d'aller à l'encontre des dispositions de la commission, en améliore la qualité.
J'étais rapporteur lorsque le Sénat a débattu de la directive européenne relative aux AOC, aux IGP, aux certificats de conformité, etc. Le sujet était d'une grande complexité. Le Sénat m'a fait entièrement confiance, puisqu'il a émis un vote unanime.
Heureusement que nous sommes à une heure tardive et que les consommateurs sont très peu nombreux, ce soir, dans l'hémicycle. En effet, s'ils avaient entendu tout ce qui a été dit sur les signes de qualité et sur la définition que nous donnons des produits de qualité, ils n'achèteraient plus beaucoup de produits français ! (Exclamations sur les travées socialistes.) C'est pourtant le risque que nous courons ! Il faut toujours faire attention à ce que l'on dit en public - bien évidemment, ma recommandation ne s'adresse pas à M. le rapporteur - sur les signes de qualité.
Le sous-amendement n° 282 a pour objet de préciser que l'indication géographique protégée ne peut être délivrée que sur l'obtention préalable d'un label ou d'une certification de conformité. Cette précision est très importante, car les signes de qualité sont si nombreux aujourd'hui que le consommateur ne s'y retrouve plus. Une classification est donc nécessaire.
En clair, je souhaite que le label soit obtenu avant que l'IGP soit délivrée.
M. le président. La parole est à M. le ministre, pour défendre le sous-amendement n° 609.
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. Je suis très ennuyé, car M. le rapporteur a démontré de façon très éloquente tout ce que j'aurais aimé dire ! Il me fauche l'herbe sous les pieds en quelque sorte. (Sourires.) Il est vrai que j'avais déjà abordé le problème, en tant que ministre lors de la discussion générale de ce texte et en tant que député à l'occasion de la première lecture à l'Assemblée nationale.
J'approuve donc totalement l'amendement n° 44 rectifié, qui me paraît être de bon sens.
Le sous-amendement n° 282 de M. César ne me gêne pas du tout, la disposition qu'il introduit me paraîssant raisonnable.
Le sous-amendement n° 609 du Gouvernement vise simplement, dans un souci de rigueur, à suggérer à M. le rapporteur la suppression des troisième et quatrième alinéas de son amendement. En effet, les définitions proposées par ces alinéas pour l'appellation d'origine contrôlée et l'indication géographique protégée sont moins précises et moins rigoureuses que celles qui existent déjà dans le code rural. Elles pourraient prêter à confusion et c'est pourquoi il convient de supprimer ces deux alinéas.
Ce sous-amendement est en fait de pure forme dans la mesure où il ne vise qu'à harmoniser cette proposition avec ce qui existe déjà.
M. le président. La parole est M. Revet, pour défendre le sous-amendement n° 429.
M. Charles Revet. Aussi paradoxal que cela puisse paraître, il n'existe pas d'interprétation clairement définie de l'appellation « produit fermier ».
Pour illustrer ce propos, monsieur le ministre, je partirai de l'expérience que j'ai faite dans ma petite commune de Turretot, en Seine-Maritime, qui est passée de 240 à 1 500 habitants.
Avec le conseil municipal, nous avons créé un centre commercial auquel nous avons voulu donner une vocation spécifique, à savoir la vente de produits fermiers et artisanaux. J'ai donc réuni à cet effet un certain nombre d'agriculteurs à qui j'ai demandé s'ils souhaitaient s'engager dans cette voie. Ils m'ont répondu par l'affirmative.
Par prudence, compte tenu des réglementations rigides qui existent en la matière, j'ai téléphoné à la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes pour connaître la définition d'un « produit fermier ». On m'a dit qu'il s'agissait d'un produit fabriqué à la ferme.
Quand j'ai insisté pour avoir plus de précisions, on m'a répondu qu'il était difficile d'en donner une définition plus précise. J'ai donc proposé d'inverser les rôles en donnant à choisir entre deux définitions.
L'agriculteur qui souhaite complètement transformer sa production chez lui, mais qui utilise pour ce faire des produits chimiques et des méthodes non traditionnelles, produit-il un « produit fermier » ? On m'a répondu par l'affirmative car ce produit est fabriqué et transformé à la ferme.
Plusieurs agriculteurs qui, n'ayant pas les moyens d'investir chez eux, se réunissent en un lieu choisi par eux pour transformer en commun leur production suivant une méthode traditionnelle et sans utilisation d'additifs chimiques ou autres produisent-ils un « produit fermier » ? On m'a répondu par la négative, car ce produit n'est pas transformé à la ferme.
Vous avouerez que c'est quelque peu paradoxal et qu'il y a même un risque de tromperie pour le consommateur. En effet, lorsque ce dernier achète un produit fermier, dans son esprit, il achète un produit dont la matière première vient, bien entendu, de la ferme et qui est transformé suivant une méthode traditionnelle. Or ce n'est pas le cas !
Monsieur le ministre, à un moment où l'on recherche la qualité, particulièrement peut-être dans notre pays, il faut d'autant plus définir clairement ce qu'est un produit fermier que c'est pour un certain nombre d'agriculteurs, y compris de petits agriculteurs, un moyen de donner à leurs produits une valeur ajoutée et, surtout, de conserver les qualités à leur production !
Je vous propose donc de préciser qu'un produit est réputé d'appellation fermier à partir du moment où il est fabriqué par des agriculteurs, seuls ou en groupement, sur l'exploitation ou en un lieu géré par eux, et à partir de matières premières produites sur la ou les exploitations et transformées selon les méthodes traditionnelles, sans addition de produits chimiques et dans le respect du cycle biologique des produits.
Cette définition très claire vise en outre à préserver la qualité gustative du produit, et non à la « tuer », ce qui est essentiel !
Monsieur le ministre, tout à l'heure vous avez remercié mon excellent collègue et ami M. Huchon d'avoir aidé vos services à trouver une définition. S'agissant des produits fermiers, il semble que l'on ait bien du mal à en trouver une. En acceptant ce sous-amendement, vous allez aider beaucoup d'agriculteurs à développer des productions de qualité fermière.
M. le président. Quel l'avis de la commission sur les sous-amendements n°s 282, 609 et 429 ?
M. Michel Souplet, rapporteur. La commission est favorable au sous-amendement n° 609 du Gouvernement.
J'ai relu et comparé le sous-amendement n° 282 au troisième alinéa de l'amendement n° 44 rectifié de la commission. Ces dispositions sont similaires et, en définitive, nous voulons dire la même chose. La seule différence réside dans le fait que la commission se réfère précisément au chapitre 3 du Livre VI du code rural, qui a été revu en juillet 1998, alors que le texte du sous-amendement de M. César est moins complet. C'est pourquoi je serais tenté de conserver la rédaction de la commission.
Je pense que notre ami Gérard César pourrait retirer son sous-amendement afin d'éviter une redite.
M. Gérard César. Que dit le code rural, monsieur le rapporteur ? Ce serait intéressant de le savoir !
M. Michel Souplet, rapporteur. On relie l'IGP à un label ou à un certificat de conformité. C'est bien là le lien que vous cherchez à établir. A mon avis, les termes retenus par la commission sont plus explicites, et ne voyez pas dans ce jugement un amour-propre d'auteur !
En revanche, s'agissant du sous-amendement n° 429, je ne suis pas certain qu'il appartienne au législateur de définir le terme « fermier ».
M. Charles Revet. Pourquoi pas ?
M. Michel Souplet, rapporteur. Je souhaite connaître l'avis du Gouvernement sur se point avant de me prononcer.
M. Charles Revet. Et pour quelle raison n'appartiendrait-il pas au législateur de définir ce terme ?
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 44 rectifié ainsi que sur les sous-amendements n°s 282 et 429 ?
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. Le Gouvernement, je le répète, est extrêmement favorable à l'amendement n° 44 rectifié et se réjouit que la commission ait accepté son sous-amendement n° 609.
Le sous-amendement n° 282 ne me « choque » pas, sous réserve de ce que vient de dire M. le rapporteur.
Je remercie M. Revet d'avoir, avec le sous-amendement n° 429, contribué au travail de mes services, qui seront eux-mêmes très touchés de sa sollicitude ! (Sourires.)
Cependant, comme le disait M. le rapporteur, les dispositions de ce sous-amendement ne peuvent, hélas ! figurer dans la loi...
M. Alain Vasselle. Dommage !
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. ... parce que tout dépend du produit.
Ma connaissance n'est pas telle que je puisse donner ici une leçon de choses sophistiquée, mais, pour chaque produit, le caractère fermier sera différent, fonction du produit donc.
Je vous mets d'ailleurs au défi de définir dans la loi l'expression « sans addition de produits chimiques ». Il faudrait donner en annexe la définition de chacun des ces produits. En outre, comment préciser le cycle biologique des produits qui variera d'un produit à l'autre ?
Comme vous, je souhaite que l'on parvienne à une définition la plus rigoureuse possible, mais cela ne peut se faire que par décret.
La proposition que vous faites relève d'une très louable intention, dont je vous remercie vivement, mais elle me paraît, hélas !très mal adaptée à la diversité des produits fermiers.
Je souhaite donc que vous retiriez ce sous-amendement, qui me paraît présenter plus de dangers que d'avantages.
M. le président. Monsieur César, votre sous-amendement est-il maintenu ?
M. Gérard César. M. le rapporteur dit que mon sous-amendement n'est pas clair, mais lorsqu'on écrit « l'indication géographique protégée ne peut être délivrée que sur l'obtention préalable d'un label », c'est très clair !
M. Michel Souplet, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Michel Souplet, rapporteur. Ce sous-amendement est un peu redondant par rapport à notre amendement, mais si son auteur souhaite le maintenir, la commission s'en remettra à la sagesse du Sénat.
M. Gérard César. Je maintiens mon sous-amendement, monsieur le président.
M. le président. Monsieur Revet, le vôtre est-il maintenu ?
M. Charles Revet. Avant de le retirer, je souhaiterais que M. le ministre veuille bien apporter une précision.
Je comprends bien ce que vous avez dit concernant les additifs chimiques, monsieur le ministre. Je voudrais simplement que vous nous précisiez si des producteurs qui se regroupent pour fabriquer ensemble, à partir de leurs produits, en un lieu qui n'est pas forcément l'exploitation et suivant les méthodes traditionnelles, en respectant les conditions d'hygiène peuvent considérer que leur production est un produit fermier de façon qu'il n'y ait pas de problème avec la concurrence et la consommation.
Jusqu'à maintenant, le seul critère retenu était la fabrication dans l'exploitation. A défaut, le produit n'était pas considéré comme « fermier » ; c'est peut-être un peu abusif !
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. Monsieur Revêt, ce genre de situation ne peut être appréciée qu'au cas par cas. C'est ce qui est indiqué dans l'excellent amendement de M. le rapporteur, qui prévoit que « l'utilisation du qualificatif "fermier" ou de la mention "produit de la ferme" ou "produit à la ferme", ou toute autre dénomination équivalente, est subordonnée au respect des conditions fixées par décret ».
Ce n'est pas à la loi de fixer les choses de manière uniforme, parce que la situation ne l'est pas. Bien entendu, je souhaite aller dans le même sens que vous, à savoir que la définition soit aussi précise que possible, mais elle ne peut pas être générique.
M. le président. Monsieur Revêt, le sous-amendement n° 429 est-il maintenu ?
M. Charles Revêt. Compte tenu de l'engagement de M. le ministre, je le retire.
M. le président. Le sous-amendement n° 429 est retiré.
Je vais mettre aux voix le sous-amendement n° 282.
M. Jean-Marc Pastor. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Pastor.
M. Jean-Marc Pastor. Si certains critères de qualité et certaines marques sont gérés par la production, n'oublions pas qu'il en est d'autres qui sont gérés par la distribution et qui obéissent à des règles différentes. Or ils se trouvent aujourd'hui en concurrence.
Le débat qui s'est engagé montre que, indépendamment des amendements et des sous-amendements qui seront adoptés, il nous faudra, dans les prochains mois, revenir sur un certain nombre de points, notamment sur ceux qui ont été soulevés par M. Revêt et tenter de mieux préciser les critères de qualité gérés par les uns et les autres car, indirectement, ils induisent une partie du revenu des agriculteurs.
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. Que les choses soient claires ! Monsieur le sénateur, la loi est la même pour tous. Qu'on s'en tienne aux définitions des AOC, du label ou de la certification de conformité conformément à ce que prévoit le code rural, qu'il s'agisse de l'IGP, qui n'est plus autonome, compte tenu de l'évolution de nos débats, qu'on renvoie au décret pour les produits à la ferme ou les produits fermiers, toutes ces dispositions s'appliquent à tous, y compris à la distribution, qui ne peut se référer qu'à ces données. Elle doit respecter dans sa démarche de qualité ce que nous déciderons ensemble ; plus elle en fera, mieux cela vaudra.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix le sous-amendement n° 282, accepté par le Gouvernement et pour lequel la commission s'en remet à la sagesse du Sénat.

(Le sous-amendement est adopté.)
M. le président. Je vais mettre aux voix le sous-amendement n° 609.
M. Gérard César. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. la parole est à M. César.
M. Gérard César. Cette explication de vote me donne l'occasion de répondre amicalement à M. Pastor.
Toutes les indications géographiques protégées qui existent et les AOP sont fondées sur la notion de terroir. Lorsque l'on parle de distributeurs, on vise des marques qui sont mises en avant et soutenues fortement par des crédits de promotion. La différence avec un produit venant d'une exploitation ou de groupements d'agriculteurs, c'est aussi, au-delà des indications géographiques protégées ou des AOP, la notion de terroir et le cahier des charges assorti à cette approche de qualité.
M. Jean-Marc Pastor. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Pastor.
M. Jean-Marc Pastor. Monsieur le ministre, M. César et moi-même parlons globalement le même langage. Un point change tout cependant : il s'agit des moyens accordés à un certain nombre de partenaires qui peuvent à un moment donné valoriser la règle générale s'imposant à tout le monde.
Aujourd'hui, on est bien obligé de constater que, dans la chaîne économique, la grande distribution dispose en termes publicitaires d'énormes possibilités que n'a pas la production. C'est donc un énorme rouleau compresseur qui s'avance dans notre pays et risque d'écraser indirectement toute la partie qui peut être valorisable autour de la production. Cela pose un problème : si nous ne nous penchons pas rapidement sur cette question, je crains que, malgré toutes les organisations, toutes les IGP, tous les labels qui pourront être mis en place pour essayer de protéger la production, nous n'aurons pas les moyens suffisants pour permettre aux producteurs de réellement valoriser la production.
Cela mérite qu'à un moment donné nous nous interrogions sur la manière de maîtriser ce mouvement qui est en train de se développer dans notre pays.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix le sous-amendement n° 609, accepté par la commission.

(Le sous-amendement est adopté.)
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 44 rectifié.
M. Alain Vasselle. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Vasselle.
M. Alain Vasselle. L'article 39 est un article extrêmement important. C'est l'exemple de ce qu'aurait dû être l'ensemble du projet de loi.
Monsieur le ministre, si l'ensemble des articles avaient procédé du même esprit, je suis persuadé que le projet de loi aurait recueilli un large consensus dans notre assemblée.
Ce que nous reprochons à ce texte, c'est de ne pas inclure suffisamment de mesures économiques et fiscales. En effet, lorsqu'on prend des dispositions qui permettent de dire aux consommateurs que nous nous sommes fixé comme objectif une plus grande qualité des produits et que nous leur donnons le maximum de garantie sur l'aspect à la fois qualitatif et sanitaire des produits, nous faisons oeuvre utile pour l'économie agricole, la profession agricole, mais également pour l'ensemble de la société.
Cette garantie de qualité pour les consommateurs, c'est aussi une garantie de débouchés et une assurance économique pour l'ensemble de la profession agricole.
C'est la raison pour laquelle je considère que cet article 39, dans la rédaction proposée par la commission des affaires économiques, est extrêmement important et, comme vous, monsieur le ministre, je me félicite de la grande qualité des explications qui ont été données par le M. le rapporteur.
Ce point me semble faire l'objet d'un consensus général au sein de la Haute Assemblée. J'espère que ce consensus se retrouvera à l'Assemblée nationale lorsque celle-ci examinera ce texte. S'il avait pu en être ainsi sur l'ensemble des articles, combien aurions-nous été satisfaits monsieur le ministre ! (Exclamations sur les travées socialistes.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix, modifié, l'amendement n° 44 rectifié, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 39, ainsi modifié.

(L'article 39 est adopté.)

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