Séance du 4 février 1999







M. le président. Avant de mettre aux voix l'ensemble du projet de loi organique, je donne la parole à M. Hoeffel, pour explication de vote
M. Daniel Hoeffel. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, bien entendu, le groupe de l'Union centriste votera ce projet de loi organique. Voilà un texte de consensus - et nous devons nous en réjouir - qui fait honneur au travail législatif du Sénat.
Je souhaite rendre un hommage particulier au rapporteur, M. Jean-Jacques Hyest, qui, avec son souci de précision et de cohésion, nous a guidés tout au long de ce débat.
Ce texte est la suite logique des accords de Nouméa et de la révision constitutionnelle que nous avons votée à la fin de l'année dernière. Il donne des contours précis au statut spécifique qui sera désormais celui de la Nouvelle-Calédonie. Nous espérons, au travers de ce texte, ouvrir une ère de paix, de développement et de stabilité pour la Nouvelle-Calédonie et pour ses habitants, nullement incompatible avec le rayonnement et l'autorité de la France dans le Pacifique.
M. le président. La parole est à M. Allouche.
M. Guy Allouche. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le groupe socialiste du Sénat votera avec une très vive satisfaction ce projet de loi organique, dont nous pouvions redouter l'examen.
La procédure était en effet tout à fait exceptionnelle puisqu'il s'agissait de la transcription d'un accord dans le domaine législatif.
Le déroulement de nos travaux ne fut pas moins exceptionnel, et je voudrais en cet instant, monsieur le président, m'adresser à vous pour vous dire combien nous avons apprécié la façon dont vous avez dirigé nos débats. Le sujet était difficile, le texte long, et pourtant vous avez su, avec une grande dextérité et une parfaite maîtrise, veiller au bon déroulement de la discussion.
Souvenons-nous mes chers collègues, nous avions exprimé des craintes, lors du débat sur le projet de loi constitutionnel, que nous approuvions toutes et tous. Nous avions prévu que la tâche serait difficile lorsque le moment viendrait de transcrire dans la loi l'accord de Nouméa. Et pourtant, cette transcription s'est faite dans d'excellentes conditions, et ce pour plusieurs raisons.
La première, c'est qu'il est difficile de résister à une volonté politique affichée et affirmée. A cet égard, je soulignerai combien le Gouvernement, d'une part, et les parties en présence, le RPCR comme le FLNKS, d'autre part, ont, par leur dialogue, permis d'aboutir non seulement à cet accord, mais aussi à un accord sur les modalités d'application de ce dernier.
Il faut souligner aussi l'intelligence d'esprit de celles et de ceux qui ont voulu que la paix règne en Nouvelle-Calédonie. A cette intelligence d'esprit, j'ajouterai l'intelligence du coeur, car c'est ce subtil mélange de passion, de conviction, de raison et de désir de paix qui a permis l'accord entre les deux communautés.
Comme il s'y était engagé précédemment, le Sénat a accompli son oeuvre, et le travail de la Haute Assemblée contribuera sans aucun doute à la construction de cette communauté de destin, souhaitée et voulue par tous.
Ce travail, nous le devons à notre excellent rapporteur, Jean-Jacques Hyest, qui, avec le même esprit, la même passion, la même volonté que ceux dont avait fait preuve notre ami Jean-Marie Girault, pour qui j'ai une pensée en cet instant, nous a permis d'aboutir au texte que nous allons voter dans un instant.
Je veux le remercier et lui dire combien, pour ma part, j'ai apprécié la qualité de ses propositions.
Je ne saurais aussi passer sous silence, mes chers collègues, l'important et excellent travail accompli par les administratrices de la commission des lois : elles ont, dans la circonstance, effectué un travail que j'oserai qualifier de titanesque. Qu'il me soit permis de dire qu'elles méritent un repos ô combien réparateur sous le soleil de l'île des Pins en Nouvelle-Calédonie. Je suis persuadé que notre ami Simon Loueckhote saura les recevoir comme il nous a prouvé qu'il savait le faire. (Sourires.)
Mes chers collègues, la commission mixte paritaire va se réunir lundi prochain. Je ne doute pas un seul instant qu'elle aboutira à un accord sur le meilleur texte qui soit car il serait curieux, et pour le moins paradoxal, que les protagonistes parviennent à un accord et que l'Assemblée nationale et le Sénat n'y parviennent pas.
La sagesse et la volonté des rapporteurs de nos deux assemblées sont connues et je crois que lundi prochain nous pourrons nous quitter sur un accord à l'issue de la commission mixte paritaire.
Enfin, dernier point, le Parlement est garant de cet accord, il est garant de son application. Aussi, j'exprimerai le souhait qu'il assure un suivi afin de veiller à la bonne application des dispositions que nous avons arrêtées.
C'est la raison pour laquelle, mes chers collègues - je le dis une fois encore - le groupe socialiste votera sans aucune réserve et avec une grande satisfaction ce projet de loi organique. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à M. Trucy.
M. François Trucy. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le groupe des Républicains et Indépendants tient d'abord à saluer le travail de toutes les personnes qui ont permis aussi rapidement la traduction juridique de l'accord intervenu à Nouméa le 5 mai 1998.
Je tiens aussi, au nom de mon groupe, à saluer la qualité du travail de notre rapporteur et l'écoute attentive de M. le secrétaire d'Etat envers nos amendements.
Mais je crois, monsieur le secrétaire d'Etat, que vous avez trouvé aussi en retour, de la part du Sénat, une grande attention à vos propres propositions, le tout dans un excellent climat de sérieux et de travail, à la hauteur de l'importance d'un projet de loi grave de conséquences pour nos compatriotes de Nouvelle-Calédonie.
Je tiens aussi, monsieur le président, à vous remercier de votre propre apport sous la forme d'une parfaite conduite des débats, comme vous nous y avez déjà habitués.
Faisant suite à la révision constitutionnelle du 6 juillet 1998, deux projets de loi nous ont donc été présentés et, pour une fois, on peut se féliciter de la bonne utilisation de la procédure d'urgence appliquée à l'examen de ces textes, très attendus par les populations de Nouvelle-Calédonie.
Le groupe des Républicains et Indépendants a adopté, en son temps, la révision constitutionnelle. Il votera donc logiquement ces textes qui transcrivent l'engagement pris et inscrit dans la Constitution et, pour reprendre les propres mots de M. Allouche, dont nous sommes garants.
La solution consensuelle pour l'avenir de ce territoire a primé, et c'est aujourd'hui l'organisation de son évolution institutionnelle qui est textuellement mise en forme. On ne peut qu'espérer que ce processus permettra à la Nouvelle-Calédonie de se construire dans le respect mutuel des différentes cultures.
Au terme des vingt prochaines années, les populations choisiront leur avenir.
Bien sûr, l'on peut craindre pour l'heure que les indépendantistes, d'une part, et les anti-indépendantistes, d'autre part, n'aient voulu trouver dans l'accord de Nouméa leurs intérêts propres et n'aient leur propre lecture du texte.
Toutefois, à chaque jour suffit sa peine ! Ces différentes sensibilités participeront ensemble, pendant toute cette période, à la totalité de la vie politique de la Nouvelle-Calédonie régie par ces nouvelles règles.
Ne doutons pas que ce travail en commun, que chacun souhaite le plus favorable possible au développement du territoire et à sa population dans toutes ses diversités, aboutira finalement à un dénouement salué par tous. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à M. Duffour.
M. Michel Duffour. Le groupe communiste républicain et citoyen votera, avec beaucoup de satisfaction, le projet de loi organique.
De très grands pas ont été faits au cours des derniers mois, et je veux ici saluer la lucidité des interlocuteurs calédoniens qui a permis que cet accord se réalise.
Les principaux responsables, MM. Lafleur et Wamytan, ont fait preuve, pensons-nous, d'une très grande lucidité historique, de telle sorte que le rayonnement de l'accord de Nouméa va bien au-delà du territoire français - et de l'île, en particulier - et que ce texte est regardé avec beaucoup d'intérêt par de nombreux pays.
Je veux saluer également le travail accompli par le rapporteur et la commission des lois qui, sans aucun doute, a enrichi ce texte.
Il reste quelques jours d'ici à la réunion de la commission mixte paritaire ; je suis persuadé que nos collègues de l'Assemblée nationale tiendront compte des enrichissements et des précisions que nous avons apportés.
Mais il faut aussi que la majorité sénatoriale soit bien consciente que, sur certains articles, nous avons tout de même, par nos votes, quelque peu « biaisé » l'accord de Nouméa. Je pense à l'article 205 sur les problèmes identitaires. J'ai voté contre l'amendement n° 262 : j'aurais souhaité qu'il ne soit pas retenu.
Au demeurant, je pense que la sagesse de la commission mixte paritaire nous permettra d'aboutir à un consensus, tout à fait indispensable pour ce grand débat.
M. le président. La parole est à M. Loueckhote.
M. Simon Loueckhote. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, représentant ici la Nouvelle-Calédonie, au service des Calédoniens d'abord, au service de notre pays ensuite, je veux, à l'issue de l'examen de ce projet de loi organique, me faire très loyalement et très fidèlement l'écho de ce que ressentent aujourd'hui les Calédoniens.
Dans cet esprit, je tiens d'abord à vous remercier, monsieur le président, de la manière dont vous avez conduit nos débats.
Mes remerciements vont aussi à la commission des lois, à son président, à son rapporteur, à ses collaborateurs. Le travail très attentif qu'ils ont accompli sur ce projet de loi organique nous a permis d'y apporter de très utiles précisions, grâce auxquelles, demain, sa mise en application se trouvera facilitée.
Nous savons en effet, d'ores et déjà, que cette mise en application n'ira pas sans poser quelques problèmes.
Bien entendu, je remercie également M. le secrétaire d'Etat à l'outre-mer et l'ensemble de ses collaborateurs : je sais tout l'attachement qu'ils portent à la réussite du processus engagé en Nouvelle-Calédonie. Leur implication a été à la mesure de cet attachement.
Et je n'oublie pas que le Président de la République ainsi que le Premier ministre, chacun en ce qui le concerne, se sont aussi beaucoup engagés sur le dossier de la Nouvelle-Calédonie.
Je voudrais, enfin, dire à mon excellent collègue et ami Guy Allouche que j'aurai toujours à coeur, comme l'ensemble de la Nouvelle-Calédonie, d'accueillir les visiteurs de l'Hexagone, et en particulier mes collègues sénateurs. Comment pourrais-je d'ailleurs agir autrement, connaissant l'attachement du Sénat à la Nouvelle-Calédonie et à tout l'outre-mer français ?
Je souhaite que le groupe du RPR dans son ensemble vote ce projet de loi organique. (Applaudissements.)
M. Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, il fallait traduire dans un texte à valeur législative les termes de l'accord de Nouméa, qui était une déclaration politique - certains ont même dit « philosophique », dans son préambule - établissant les bases d'un pouvoir partagé en Nouvelle-Calédonie, ouvrant à tous ceux qui y vivent une perspective pour les vingt années à venir.
Ce travail a été mené de façon minutieuse, et je veux remercier le Sénat d'y avoir apporté sa contribution, avec une mention particulière pour la commission des lois, son président et son rapporteur.
Le texte sur lequel le Sénat va se prononcer et celui qu'il va examiner dans quelques instants sont des textes fondateurs : ils vont permettre d'organiser les pouvoirs en Nouvelle-Calédonie, de prolonger ainsi l'esprit des accords de Matignon. Après dix années de paix civile et de développement partagé, ils vont ouvrir, pour la Nouvelle-Calédonie, une ère nouvelle et, je le crois, bénéfique.
Au-delà des dispositions que le Sénat s'apprête à voter, il y a un état d'esprit : la volonté de travailler en commun pour continuer à construire ce magnifique pays, que beaucoup d'entre vous connaissent.
Je souhaite que, à travers ce vote, soient adressés en même temps des voeux de réussite au peuple calédonien, dans toutes ses composantes, un peuple qui fait aujourd'hui un pays, nouant des relations renouvelées avec la France.
Ce peule calédonien vit dans un monde, le Pacifique, où la francophonie n'existe qu'à travers nos territoires, un monde où nous avons une place à conserver, ainsi que le souhaitent d'ailleurs nos voisins du Pacifique.
Ce projet de loi organique va devenir un instrument à la disposition des Calédoniens.
Nous organiserons les élections le plus tôt possible après la promulgation de la loi. J'espère que ce sera en mai. Les institutions se mettront en place avant l'été, et les Calédoniens pourront prendre leur destin en main.
Le processus peut paraître un peu long, les accords de Nouméa ayant été signé voilà bientôt un an. Dans d'autres pays - je pense à l'Irlande - la situation a évolué plus rapidement. Mais la France est un pays de droit écrit !
En tout cas, j'ai perçu, au cours de ces derniers mois, une volonté commune de travailler à la construction de la Nouvelle-Calédonie, et je confirme ici ce qu'a indiqué M. Loueckhote. Alors qu'on pouvait craindre, à un certain moment, la reprise des divisions entre les différentes parties, une fois l'accord signé, un consensus s'est dégagé pour aller de l'avant. Après, les Calédoniens choisiront : à l'occasion des élections des assemblées de province et du congrès, le jeu politique reprendra ses droits.
Pour l'heure, l'essentiel réside dans cette démarche commune, et son approbation par l'ensemble du Sénat constituera un encouragement supplémentaire pour les Calédoniens à travailler ensemble. (Applaudissements.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi organique.
En application de l'article 59 du règlement, le scrutin public est de droit.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 72 : :

Nombre de votants 319
Nombre de suffrages exprimés 316
Majorité absolue des suffrages 159
Pour l'adoption 312
Contre 4

Le Sénat a adopté. (Applaudissements.)

4