Séance du 4 mars 1999







M. le président. La parole est à M. Hoeffel.
M. Daniel Hoeffel. Ma question, qui concerne la situation au Kosovo, s'adresse à M. le ministre de la défense.
La France a beaucoup contribué à susciter la négociation entre Serbes et Kosovars. Notre présence militaire en Macédoine marque d'ailleurs la volonté de la France d'appuyer cette négociation. Il est en effet impensable que l'Europe et, à travers elle, la France soient absentes d'un conflit qui fait trop de victimes innocentes parmi les civils.
Il faut souhaiter que le délai qui nous sépare de la reprise des négociations entre Serbes et Kosovars permette à celles-ci d'aboutir. Nous ne saurions perdre de vue le fait que tout éclatement supplémentaire de l'ex-Yougoslavie, déjà divisée actuellement en cinq Etats, porterait en lui les germes de conflits futurs, compte tenu des éternelles interférences dans les Balkans de considérations historiques et religieuses.
Dans ce climat, il n'est pas certain que des bombardements soient de nature à créer les conditions d'un apaisement. N'y a-t-il pas risque d'embrasement, et ce bien au-delà des frontières de l'ex-Yougoslavie ? Quelles sont, monsieur le ministre, les perspectives à cet égard ? (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du groupe du RDSE. - M. Charmant applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Alain Richard, ministre de la défense. Monsieur le sénateur, vous avez bien fait de relever, au début de votre intervention, que l'Europe a joué un rôle important dans les tentatives, que nous croyons en voie d'aboutir, pour trouver une solution à ce difficile conflit. Je veux souligner que cela a été rendu possible par la convergence d'analyses et d'objectifs politiques existant entre les Européens et par le bon fonctionnement du groupe de contact qui associe les Etats-Unis et la Russie à nos trois autres partenaires européens. Je crois que c'est là une leçon à retenir en prévision d'autres crises européennes qui pourraient survenir : il est aussi de notre rôle d'associer les deux grandes puissances, l'allié atlantique et la Russie, à la résolution de telles difficultés.
Cela étant, la réunion de Rambouillet a permis des acquis substantiels. En effet, les éléments de principe d'un volet politique ont été admis par les délégations des deux parties, et nous sommes donc parvenus à un accord intérimaire. Il faut noter que des tensions et des confrontations importantes se font maintenant jour dans chaque camp. Il existe ainsi des opinions et des stratégies différentes au sein de la communauté albanophone du Kosovo, certains voulant poursuivre l'action armée en faveur de l'indépendance qui, comme vous le soulignez à juste titre, serait un élément d'instabilité grave dans la zone la plus fragile d'Europe. Du côté du pouvoir yougoslave, de la fédération de Yougoslavie, on voit bien que, même si l'idée de l'autonomie substantielle du Kosovo est admise, il y a encore une très grande résistance à l'acceptation des conditions réelles de cette autonomie, notamment la présence d'une force d'interposition et de pacification.
Nous gardons bon espoir que ce soit la voie modérée, la voie responsable qui l'emporte entre les deux parties au conflit et que ces dernières répondent présentes à l'invitation, à la convocation qui leur est adressée pour la réunion du 15 mars, et la date approche, pour permettre la mise en oeuvre complète de l'accord, notamment sur les modalités d'une présence civile et militaire internationale au Kosovo.
Il nous faut multiplier, comme nous le faisons ces jours-ci, les initiatives de dialogue et d'explication. Il nous faut aussi être prêts à déployer cette force lorsqu'elle sera acceptée par les parties, et la France, aujourd'hui, y est prête. (Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur les travées de l'Union centriste et sur plusieurs travées du RPR.)

COMPORTEMENTS À RISQUES
EN MONTAGNE ET EN MER

M. le président. La parole est à M. Bordas.
M. James Bordas. Ma question, dont le sujet a déjà été évoqué tout à l'heure, s'adresse à M. le ministre de l'intérieur.
Les Français ont suivi pendant dix jours le sauvetage périlleux des trois randonneurs qui étaient bloqués dans un igloo sur un glacier du massif de la Vanoise.
Ces derniers ont été heureusement retrouvés sains et saufs par les services de secours, auxquels je tiens à rendre un ardent hommage pour leur courage, leur dévouement et leur désintéressement.
Je n'en dirai pas autant des trois rescapés, qui ont monnayé, et très rapidement, le récit et les photos de leur expédition, ce qui me paraît personnellement immoral et écoeurant.
Peut-on être traité comme un héros lorsque l'on a un tel comportement, lorsque l'on a pris et fait prendre des risques qui auraient pu avoir de dramatiques conséquences pour les équipes participant à leur recherche, de jour et de nuit ?
Outre le fait que ces négociations financières ont légitimement choqué les sauveteurs et le personnel de l'hôpital de Moutiers, où les randonneurs avaient été transportés pour être examinés, cette aventure a relancé la polémique sur la gratuité des services de secours.
Si, compte tenu de la saison, les activités en montagne sont à l'ordre du jour médiatique, les mêmes dangers existent dans le domaine maritime. Les mêmes questions, les mêmes problèmes sont alors posés.
Il convient de placer les amateurs d'émotions fortes face à leurs responsabilités afin de mettre un terme à ces agissements inconscients qui ont, par ailleurs, des conséquences de plus en plus lourdes pour le budget des collectivités, qu'il s'agisse de l'Etat ou des communes.
Le Gouvernement envisage-t-il de prendre des mesures particulières pour faire supporter aux intéressés le coût des moyens mis en oeuvre pour les sauver ? (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat à l'outre-mer. Monsieur le sénateur, j'ai eu l'occasion de rappeler le principe de la gratuité des secours, auquel nous sommes tous attachés, mais aussi la possibilité qu'ont les communes, dans le cadre de la loi montagne, de demander la mise en jeu de la responsabilité des personnes secourues pour les frais engagés, et donc, éventuellement, de leurs assurances. Je ne sais pas ce que fera la commune de Pralognan-la-Vanoise par rapport à la société privée qui a été, elle aussi, engagée dans cette opération.
Il existe un dispositif pénal. En effet, le code pénal sanctionne, par des peines d'emprisonnement ou des amendes, les atteintes à la vie ou à l'intégrité de la personne, qu'elles résultent de la pratique sportive ou d'autres causes. En cas de manquement délibéré à une obligation de sécurité ou de prudence imposée par la loi ou par les règlements, les peines encourues sont aggravées.
L'entrée en vigueur du nouveau code pénal a, de plus, introduit le délit de mise en danger délibérée d'autrui, qui est susceptible de s'appliquer, lorsque la loi le prévoit, à ceux qui commettent une imprudence, une négligence ou un manquement à une obligation de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou par les règlements.
Des poursuites - vous le savez peut-être - ont été engagées ; une décision a été rendue récemment par le tribunal de grande instance de Lyon concernant des skieurs ou des surfeurs imprudents qui avaient provoqué des accidents graves.
Ces condamnations prouvent que le dispositif pénal existe et qu'il peut sanctionner des comportements de cette nature. Toutefois, sur le plan du civisme, cette exploitation du sensationnel moyennant finances ne peut bien sûr qu'être condamnée, beaucoup de personnes s'étant engagées et ayant risqué leur vie pour sauver ces randonneurs. Du point de vue moral, nous devons être unanimes à protester. (Applaudissements.)

RÈGLEMENT DE LA CRISE DU KOSOVO