Séance du 18 mars 1999







M. le président. Je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Par amendement n° 6, M. Gélard, au nom de la commission des lois, propose d'insérer, après l'article 2, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Après le 2° ter du II de l'article 156 du code général des impôts, il est rétabli un 3° ainsi rédigé : «
« 3e Sommes versées ou avantages en nature consentis à un parent collatéral jusqu'au troisième degré, célibataire, veuf, divorcé ou séparé de corps dont le montant des revenus perçus dans l'année ne dépasse pas le montant cumulé sur les douze mois du revenu minimum d'insertion fixé pour une personne en application de l'article 3 de la loi n° 88-1088 du 1er décembre 1988. La déduction opérée par le contribuable ne peut excéder par bénéficiaire le montant mentionné à l'article 196 B. ».
« II. - La perte de recettes résultant des dispositions du I ci-dessus est compensée à due concurrence par une majoration des droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
Par amendement n° 25, M. Marini, au nom de la commission des finances, propose d'insérer, après l'article 2, un article additionnel ainsi rédigé : «
« I. - Après le 2° ter du II de l'article 156 du code général des impôts, il est rétabli un 3° ainsi rédigé : «
« 3° Sommes versées ou avantages en nature consentis à un parent collatéral jusqu'au troisième degré, célibataire, veuf, divorcé ou séparé de corps, dont les revenus perçus dans l'année ne dépassent pas un montant égal au cumul sur douze mois du revenu minimum d'insertion fixé pour une personne isolée en application de l'article 3 de la loi n° 88-1088 du 1er décembre 1988. La déduction opérée par le contribuable ne peut excéder le montant mentionné à l'article 196 B. ».
« II. - La perte de recettes résultant des dispositions du I ci-dessus est compensée à due concurrence par une majoration des droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 6.
M. Patrice Gélard. rapporteur. Je tiens à faire observer à Mme Borvo que le mariage est une institution de la République. Le reste relève de la vie privée. L'un justifie l'autre !
Mme Nicole Borvo. Alors, il ne faut pas défendre le mariage au nom de l'enfant !
M. Patrice Gélard, rapporteur. Nous ne parlons pas de l'enfant ! Nous avons assisté aujourd'hui à des dérives.
Mme Nicole Borvo. On nous a pourtant dit que les avantages fiscaux étaient liés aux enfants !
M. le président. Madame Borvo, veuillez laisser M. le rapporteur s'exprimer.
M. Patrice Gélard, rapporteur. S'agissant de l'amendement n° 6, je formulerai la même remarque que tout à l'heure. Cet amendement a un objet similaire à celui qui a été adopté par la commission des finances. Aussi, la commission des lois le retire et laisse la place à M. le rapporteur pour avis pour défendre l'amendement n° 25.
M. le président. L'amendement n° 6 est retiré.
La parole est à M. le rapporteur pour avis, pour défendre l'amendement n° 25.
M. Philippe Marini, rapporteur pour avis. Il s'agit de permettre aux contribuables de déduire les sommes versées ou les avantages en nature consentis à des collatéraux jusqu'au troisième degré disposant de faibles ressources. Nous nous situons toujours dans la même logique, qui est celle de la solidarité.
Actuellement, aucune déduction n'est possible pour les pensions versées à des collatéraux : frères, soeurs, oncles, tantes, nièces, neveux.
Seule existe une possibilité pour le contribuable de déduire de son revenu global les avantages en nature consentis à des personnes âgées de plus de soixante-quinze ans vivant sous son toit, dès lors que leur revenu imposable n'excède pas le plafond de ressources fixé pour l'octroi des allocations supplémentaires versées par le Fonds de solidarité vieillesse et par le Fonds spécial invalidité. Le montant déductible est de 17 840 francs.
Il est proposé de créer, sur ce même modèle, à l'article 156 du code général des impôts, un régime favorable pour les collatéraux sans ressources, en permettant au contribuable de déduire une pension alimentaire d'un montant égal à celui qui est fixé à l'article 196 B et qui serait porté à 25 000 francs, sans conditions d'âge ni de domicile.
Pour nous, il s'agit encore d'un élément utile pour encourager des solidarités, et ce sans confusion avec le régime institutionnel du mariage.
Je reviens brièvement sur le propos de Mme Borvo. Sans doute n'a-t-elle pas oublié qu'un article du code civil dispose que les deux époux « pourvoient à l'éducation des enfants et préparent leur avenir ». Tous les maires ici présents le lisent fréquemment devant les mariés, qu'ils soient jeunes ou moins jeunes.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Le Gouvernement souhaite le rejet de cet amendement.
D'abord, les sommes versées à une personne dans le besoin ne sont déductibles du revenu global de leur auteur, conformément aux dispositions du 2° du II de l'article 156 du code général des impôts, que parce qu'elles relèvent de l'obligation alimentaire telle qu'elle est définie aux articles 205 à 211 du code civil.
Or, le droit civil n'établit pas d'obligation alimentaire entre frères et soeurs, si bien que, aussi digne d'intérêt que soit la situation des personnes qui consentent une aide alimentaire en dehors de toute obligation légale, il n'est pas possible de consacrer dans le droit fiscal des relations que le droit civil chargé de régir les rapports familiaux ne reconnaît pas lui-même.
C'est d'ailleurs pour ces raisons que j'ai émis des réserves sur les dispositions de l'article 10 de la proposition de loi relative aux fratries. J'ai ainsi suggéré, au nom du Gouvernement, lors de la première lecture à l'Assemblée nationale, qu'un parlementaire, ou un groupe de parlementaires, fasse des propositions concrètes sur ce sujet, qui est digne d'intérêt et qui doit, je crois, être traité dans un autre cadre. Cette proposition, que j'ai faite, bien entendu, avec l'accord de mes collègues des finances, MM. Dominique Strauss-Kahn et Christian Sautter, est raisonnable.
Cela étant, diverses dispositions fiscales répondent déjà dans une large mesure aux attentes qui ont été manifestées. Ainsi, les contribuables peuvent considérer comme étant à leur charge les collatéraux qui vivent sous leur toit et sont titulaires de la carte d'invalidité prévue à l'article 173 du code de la famille et de l'aide sociale. Ils bénéficient alors d'une part entière de quotient familial par personne recueillie. Par ailleurs, ceux qui recueillent des collatéraux non titulaires de cette carte d'invalidité, mais âgés de plus de soixante-quinze ans et dont le revenu imposable n'excède pas le plafond de ressources fixé pour l'octroi de l'allocation supplémentaire prévue par le code de la sécurité sociale, peuvent aussi déduire de leurs revenus, dans la limite d'un plafond qui s'élève, par personne recueillie, à 17 680 francs pour 1998, les avantages en nature qu'ils consentent aux intéressés.
Ces dispositions permettent d'accompagner et d'encourager l'entraide familiale dans les situations de faiblesse les plus caractéristiques que sont l'invalidité, l'âge ou l'absence de ressources suffisantes. Mais, encore une fois, ces dispositions peuvent être améliorées dans un autre cadre et selon la méthode que j'ai rappelée voilà un instant.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 25.
M. Jean-Jacques Hyest. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Hyest.
M. Jean-Jacques Hyest. Certes, vous venez de dire, madame le garde des sceaux, que vous n'aviez pas été favorable à l'article 10 ; mais l'Assemblée nationale s'était tout de même interrogée sur les cas d'entraide familiale.
A partir du moment où on crée ce pacte, les dispositions prévues doivent être étendues. Dans des régions difficiles notamment, nombre de frères et soeurs vivent ensemble quand leurs parents sont décédés. Souvent, il s'agit d'exploitants ou d'anciens exploitants. Des dispositions sont prévues pour les invalides et pour les personnes de plus de soixante-quinze ans, avez-vous dit. Ce que propose la commission des finances, ce n'est pas autre chose, sauf qu'elle ne fixe pas de limite d'âge.
Faut-il vraiment attendre soixante-quinze ans ? Croyez-vous vraiment qu'à cinquante ans, soixante, les gens ne sont pas en détresse et n'ont pas besoin de solidarité ? S'ils ont un frère ou une soeur qui dispose de moyens, ceux-ci ne peuvent-ils les accueillir et bénéficier d'avantages ? Il existe pourtant de nombreuses possibilités, dans le PACS ou dans d'autres dispositifs, de tourner la loi, même s'il n'y a pas communauté de vie réelle.
Il s'agit d'une mesure d'équité. Elle encouragerait les solidarités familiales, si indispensables. Nous éviterions ainsi à des personnes de se retrouver dans la solitude de structures sociales qui ne sont certainement pas le meilleur de notre société.
M. Denis Badré. Très bien !
M. Jean-Pierre Bel. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Bel.
M. Jean-Pierre Bel. Pour des raisons de fond qui ont déjà été longuement évoquées et qu'il ne me semble pas nécessaire de reprendre à ce point du débat, le groupe socialiste votera contre cet amendement.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 25, accepté par la commission et repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l'article 2.

Article additionnel avant l'article 3