Séance du 30 mars 1999







M. le président. « Art. 22. - I. - Dans la deuxième phrase du premier alinéa de l'article 29 de la loi n° 95-115 du 4 février 1995 précitée, après le mot : "plan", sont insérés les mots : "ou les cahiers des charges lorsqu'ils sont approuvés par décret".
« I bis. - Le cinquième alinéa de l'article 29 de la même loi est remplacé par un II ainsi rédigé :
« II. - Les établissements et organismes publics ainsi que les entreprises nationales placées sous la tutelle de l'Etat ou celles dont il est actionnaire et chargés d'un service public, et disposant d'un réseau en contact avec le public, dont la liste est fixée par le décret mentionné au dernier alinéa, qui n'ont pas conclu de contrat de plan, de contrat de service public ou qui ne disposent pas de cahier des charges approuvé par décret, établissent un plan triennal global, intercommunal et pluriannuel, d'organisation de leurs services dans chaque département. Ce plan est approuvé par le représentant de l'Etat dans le département après examen de la commission départementale d'organisation et de modernisation des services publics. Chaque premier plan sera présenté dans un délai d'un an après la publication de la présente loi. Le plan est révisé selon les mêmes formes, tous les trois ans.
« Toute décision de réorganisation ou de suppression d'un service aux usagers non conforme aux objectifs fixés dans le plan global, intercommunal et pluriannuel, d'organisation mentionné fait l'objet d'une étude d'impact conformément aux dispositions fixées aux deuxième, troisième et quatrième alinéas du I.
« Un décret en Conseil d'Etat fixera les modalités d'application du présent paragraphe. »
« II. - Après l'article 29 de la même loi, il est inséré un article 29-1 ainsi rédigé :
« Art. 29-1 . - En vue d'apporter une réponse améliorée aux attentes des usagers concernant l'accessibilité et la proximité des services publics sur le territoire en milieu urbain et rural, l'Etat et ses établissements publics, les collectivités territoriales et leurs établissements publics, les organismes de sécurité sociale et les autres organismes chargés d'une mission de service public peuvent mettre, par convention, des moyens en commun pour assurer l'accessibilité et la qualité des services publics sur le territoire et les rapprocher des citoyens.
« A cette fin, les organismes visés au premier alinéa peuvent, lorsqu'au moins une personne morale de droit public est partie à la convention, constituer des maisons des services publics offrant aux usagers un accès simple, en un lieu unique, à plusieurs services publics. Les collectivités locales peuvent également apporter par convention leur concours au fonctionnement des services publics par la mise à disposition de locaux ou par la mise à dispositions de personnels dans les conditions prévues par l'article 62 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale.
« La convention intervient dans le cadre du schéma départemental d'organisation et d'amélioration des services publics mentionnés à l'article 28, ou des contrats d'objectifs, contrats de service public ou cahiers des charges mentionnés à l'article 29. Elle définit notamment le cadre géographique des activités exercées en commun par les parties, les missions qui seront assurées dans ce cadre, les conditions dans lesquelles les personnels relevant des personnes morales qui y participent exercent leurs fonctions et les modalités financières et matérielles d'exécution de la convention. »
Sur l'article, la parole est à M. Le Cam.
M. Gérard Le Cam. Les questions relatives à l'aménagement du territoire ne peuvent totalement être objectivement appréhendées sans une réflexion sur la place et le rôle des services publics dans le cadre de la vie économique et sociale du pays.
Avec cet article 22, nous sommes au coeur du sujet et en situation de nous demander, en particulier, quelles évolutions ont doit inscrire dans ce domaine de la présence des services publics pour concourir à atteindre les objectifs de développement durable que prévoit le présent projet de loi.
Dans les faits, la discussion que nous avons aujourd'hui pourrait paraître redondante avec celle qui vient d'être menée sur le projet de loi Zuccarelli relatif aux droits des citoyens dans leurs relations avec l'administration, d'autant qu'il porte, singulièrement, sur la question de la mise en place des maisons de services publics.
Une telle démarche se conçoit toutefois à l'aune de plusieurs réflexions.
La présence des services publics a un caractère assez fortement structurant, que ce soit dans les zones rurales ou dans les zone urbaines.
Nous avons, dans le passé, eu des débats suffisamment importants sur ces sujets pour en être convaincus.
Les missions de service public assumées par les grands exploitants publics ou par les grandes administrations de l'Etat, voire par les institutions financières spécialisées, sont en effet, selon nous, au coeur de la connaissance des réalités économiques et sociales des territoires et permettent, en particulier, de disposer d'outils d'évaluation des relations que telle ou telle région du pays entretient avec son environnement plus ou moins proche.
Elles sont aujourd'hui conditionnées le plus souvent à travers la démarche des contrats de plan, démarche qui, nous semble-t-il, pourrait, à elle seule, mériter une réflexion plus approfondie.
Il conviendrait, en particulier, de s'interroger sur la portée des objectifs assignés aux grandes entreprises publiques et aux services déconcentrés des administrations d'Etat, comme aux moyens qui sont mis en oeuvre pour atteindre ces objectifs.
Le débat sur la loi de 1995 avait notamment mis en évidence les limites posées à l'atteinte des objectifs fixés à Gaz de France et à Electricité de France dans la mise en oeuvre de la démarche contractuelle, limites induites en particulier par le problème de la mobilisation effective de leur capacité d'autofinancement pour ces objectifs.
Je ne reviendrai pas trop longuement sur cette question, vous me permettrez cependant de souligner que dès lors que l'activité d'un grand exploitant public permet de dégager une importante capacité d'autofinancement de ses investissements, et notamment de ceux qui sont inscrits dans le cadre de la démarche contractuelle, il n'est pas de bonne politique de procéder à une confiscation de cette manne financière pour satisfaire d'autres impératifs que la dépense publique engagée par l'Etat s'avérerait incapable de prendre en compte.
S'agissant de l'article 22 du présent projet de loi, force est de constater que, a priori , il n'est pas satisfaisant, pas plus cependant que ne l'était l'article 29 de la loi de 1995 portant, notamment, sur le moratoire des fermetures de services publics en milieu rural.
En l'occurrence, ce qui doit guider notre débat, c'est, de manière incontestable, le fait que les services publics, et singulièrement les services postaux auxquels on pense naturellement, ont un caractère structurant dans le paysage économique et social, dans l'aménagement du territoire et que leur absence ou leur présence insuffisante génère de nouveaux retards de développement.
Que l'on nous comprenne bien : il n'est pas question, pour nous, de faire en sorte qu'existe dans chacun de nos départements une université de plein exercice, mais il n'en demeure pas moins que les impératifs de l'aménagement du territoire et les objectifs bien compris de qualité de service nécessitent, par exemple, un développement, et pas seulement un maintien, de la présence des services postaux.
Cela suscite d'ailleurs d'autres questions, en particulier celles de la négociation des contrats de plan, des créations d'emploi induites par cette démarche contractuelle, de la consultation et de l'association des usagers aux décisions portant sur les services publics, et pas uniquement dans le cadre de la commission départementale de réorganisation, ainsi que la question du sens que l'on donne en ces matières à la dépense publique.
Nous y reviendrons lors de la discussion des amendements portant sur le présent article.
M. le président. Par amendement n° 188 rectifié, M. Vasselle propose, dans la première phrase du premier alinéa du texte présenté par le paragraphe I bis de l'article 22 pour le II de l'article 29 de la loi n° 95-115 du 4 février 1995, après les mots : « établissent un plan », d'insérer les mots : « au moins ».
La parole est à M. Vasselle.
M. Alain Vasselle. Nous avons eu un débat sur ce point au sein de la commission. Le texte proposé pour le paragraphe II de l'article 29 de la loi du 4 février 1995 prévoit la possibilité d'établir un plan triennal global, intercommunal et pluriannuel.
Dans un premier temps, il m'a paru superfétatoire de viser une période triennale puis de préciser que le plan est pluriannuel. Pour ma part, je souhaitais faire disparaître le mot « triennal » pour donner plus de souplesse au dispositif et permettre aux parties contractantes de définir la durée pendant laquelle jouerait le contrat.
Après discussion en commission, nous sommes convenus de retenir une période au moins triennale - la durée du contrat serait donc au minimum de trois ans - mais elle ne serait pas limitative. Cela donnerait la souplesse que je souhaitais apporter au dispositif.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Gérard Larcher, rapporteur. L'article 22 est relatif aux services publics. En fait, il organise la sortie du moratoire décidé en 1993, par le biais de deux dispositifs.
Tout d'abord, il prévoit l'organisation des suppressions de services à travers le plan global pour les entreprises publiques qui n'ont pas conclu de contrat avec l'Etat. Ce dispositif a d'ailleurs été proposé au cours du débat à l'Assemblée nationale, alors que les députés avaient manifesté leur inquiétude et une espèce d'appétit auquel il a fallu répondre. Il s'agit de la création des maisons de services publics. Je rappelle que ce concept a été imaginé par M. Dominique Perben, alors ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation.
La sortie du moratoire ne doit pas se traduire par un transfert de charges non compensé pour les collectivités. C'est pourquoi, s'agissant de la discussion relative aux maisons des services publics, la commission renvoie, pour l'approfondissement d'un certain nombre d'aspects, au projet de loi Zuccarelli.
Cela étant dit, elle émet un avis favorable sur l'amendement n° 188 rectifié. Il convient, en effet, de préciser que le plan doit être au moins triennal.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Vous vous en souvenez, la loi du 4 février 1995 avait consacré deux articles généraux à la question des services publics.
D'abord, l'article 28, qui élargissait à l'ensemble des départements français les dispositions de la « loi montagne » concernant les commissions départementales d'organisation des services publics et les schémas départementaux d'organisation et d'amélioration des services.
Ensuite, l'article 29, qui instituait le principe d'une prise en compte des objectifs d'aménagement du territoire par les établissements, organismes et entreprises publics dans leur mission de service public. Cet article 29 instituait aussi, de fait, un mécanisme de régulation, permettant d'accompagner la modernisation, c'est-à-dire la réorganisation - suppression, des services publics délivrés par ces établissements.
Ce dispositif avait été conçu notamment dans la perspective d'une sortie du moratoire, qui, M. le rapporteur ne l'a pas souligné, concernait exclusivement les communes de moins de 2 000 habitants, et non les bourgs centre et les petites villes.
Le dispositif prévu n'a pas bien fonctionné. En effet, si dans la plupart des départements les commissions départementales ont été installées et si elles ont, conformément aux instructions reçues, achevé l'analyse des besoins des usagers, seulement une vingtaine de départements ont arrêté la totalité de leur schéma.
Le dispositif de sortie du moratoire n'a pas pu être mis en oeuvre. En effet, les 400 établissements visés n'ont pas tous, loin s'en faut, vocation à signer un contrat de plan ou de service public. Trois contrats ont été signés : EDF, Gaz de France et, plus récemment, La Poste. Par ailleurs, le décret d'application de l'article n'a jamais pu être publié, les projets de décret ayant tous été rejetés par le Conseil d'Etat car ils ne répondaient pas à la définition qui en était donnée dans la loi.
Le dispositif qui vous est soumis permet de sortir d'une situation de blocage qui ne pouvait servir éternellement de politique. Il offre toutes les garanties pour que l'évolution nécessaire des services publics sur le territoire ne se fasse pas au détriment des zones les plus fragiles. Encore faut-il que nous acceptions de prendre en compte l'évolution des besoins de nos concitoyens, la modification de leur comportement et les évolutions technologiques qui sont en mesure d'offrir des solutions nouvelles à la satisfaction de ces besoins.
Je vous propose de compléter le dispositif pour que nous disposions d'un véritable système de régulation de la réorganisation des services.
La suppression du décret d'application pour l'article 29 rend immédiatement applicable le dispositif prévu pour les entreprises, organismes et établissements sous contrats.
Est prévue la « transcription » dans la loi des décisions prises par le Gouvernement lors du CIADT, avec extension du dispositif aux établissements, organismes et entreprises qui ne signeront pas de contrat ou qui ne disposeraient pas de cahier des charges approuvé par décret.
Enfin, la modification du décret du 10 mai 1982 permet de soumettre les décisions des administrations au contrôle du représentant de l'Etat dans le département.
Je ne m'appesantirai pas sur la modernisation des « terminaux de l'Etat », avec la concrétisation du principe de la polyvalence dans les maisons de services publics, et sur la possibilité donnée aux collectivités locales d'agir de façon renouvelée dans l'organisation de ces services. Je ne répéterai pas en cet instant l'intervention que j'ai faite ici même au mois de décembre dernier et au cours de laquelle j'avais repris à mon compte une partie des remarques que vous aviez formulées sur la nécessité de ne pas transférer des charges sur de petites collectivités qui auraient eu à payer pour des services qui sont garantis dans des zones plus favorisées.
J'en viens à l'amendement n° 188 rectifié de M. Vasselle.
Il me semblait que le plan d'organisation était, par son principe même, pluriannuel. Une durée de trois ans permet à la fois une certaine anticipation et une appréhension réaliste des évolutions en cours. Sur ce point, je m'en remets à la sagesse du Sénat.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 188 rectifié, accepté par la commission et pour lequel le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Par amendement n° 294, M. Le Cam, Mme Beaudeau et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent, dans le quatrième alinéa de l'article 22, de remplacer le mot : « fait » par les mots : « doit faire ».
La parole est à M. Le Cam.
M. Gérard Le Cam. Cet amendement vise, d'une certaine façon, à expliciter l'orientation que nous avons souhaité imprimer à l'ensemble des amendements que nous avons présentés sur l'article 22.
La procédure de mise en oeuvre du service public se place sous une double orientation : d'une part, une démarche contractuelle entre l'Etat et les exploitants ou organismes de missions de service public, qui, compte tenu des impératifs de qualité de service, d'égal accès au service et de péréquation tarifaire, tend à faciliter la mise en oeuvre de ces missions ; d'autre part, les maisons de services publics, qui sont également créées en relation avec les collectivités locales, à travers des objectifs quantifiables, appréciés tant par les élus que par la commission départementale d'organisation et de modernisation des services publics.
Cependant, compte tenu de la rédaction actuelle de cet alinéa de l'article, on peut se demander si un certain nombre d'entorses ne pourront pas être faites aux principes qui ont été ainsi définis par la loi, sans que les élus locaux soient nécessairement associés à toute la démarche de réorganisation.
Notre amendement vise donc à rendre impérative la consultation de la commission départementale dans les cas d'espèce où se produiraient de telles remises en cause de l'organisation des services publics.
Tel est le sens de cet amendement que je vous invite à adopter, mes chers collègues.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Gérard Larcher, rapporteur. Cette question des études d'impact recoupe des préoccupations de la commission spéciale et a fait l'objet de débats au sein de cette dernière. Nous verrons aussi, tout à l'heure, à travers d'autres amendements, les possibilités de recours.
La commission est favorable au caractère systématique de l'étude d'impact, caractère renforcé par l'adjonction du mot « doit ».
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.
Je rappelle le caractère impératif du présent de l'indicatif : dire que l'étude d'impact « est » systématique signifie qu'elle doit l'être.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 294, accepté par la commission et pour lequel le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Par amendement n° 189 rectifié, M. Vasselle propose, après les mots : « fait l'objet d'une », de rédiger comme suit la fin du deuxième alinéa du texte présenté par le paragraphe I bis de cet article pour le II de l'article 29 de la loi n° 95-115 du 4 février 1995 : « consultation préalable des collectivités territoriales sur le territoire desquelles se trouve l'implantation des services ».
La parole est à M. Vasselle.
M. Alain Vasselle. Monsieur le rapporteur, je vais vous compliquer la tâche et vous demande par avance de m'en excuser.
L'amendement n° 189, avant toute rectification, visait à ce que tout projet de disparition ou de fermeture d'un service non conforme au plan fasse l'objet d'une concertation préalable avec les collectivités locales suivie d'un avis conforme de la commune et du conseil général.
Lors de l'examen de cet amendement par la commission spéciale, les membres de cette dernière ont à l'unanimité conditionné l'adoption de cet amendement à une seule rectification : que l'avis soit simple et non pas conforme.
Or, l'amendement n° 189 rectifié qui a été distribué comporte une erreur, dans la mesure où a été omise la dernière phrase de mon amendement initial, phrase qui faisait référence à l'étude d'impact.
Je souhaite donc rectifier bis mon amendement n° 189 rectifié pour en revenir à la rédaction initiale à l'exception du mot « conforme », rédaction qui a fait l'objet d'un avis favorable de la commission spéciale.
Le texte de cet amendement est donc le suivant : « concertation préalable avec les collectivités territoriales sur le territoire desquelles se trouve l'implantation des services. L'avis de la commune et du conseil général doit être requis après réalisation d'une étude d'impact. »
Cette rédaction permet de reprendre les termes de la loi qui fait référence à l'étude d'impact et de s'assurer que l'avis des collectivités sera pris à la fois avant toute décision de fermeture et au moment de la réalisation de l'étude d'impact.
M. le président. Ce sera donc l'amendement n° 189 rectifié bis .
Quel est l'avis de la commission ?
M. Gérard Larcher, rapporteur. La commission, au sein de laquelle s'est engagé un débat important sur cette question, a estimé, peut-être un peu vite, que la mention de la consultation était nécessaire. En fait, on peut considérer cette mesure comme satisfaite puisque le texte actuellement en vigueur stipule que « les conseils municipaux des communes concernées, les conseils des groupements de communes concernés et les conseillers généraux des cantons concernés sont consultés lors de l'élaboration de l'étude d'impact. »
M. Vasselle nous propose qu'une nouvelle consultation intervienne après l'étude d'impact. La commission émet donc un avis de sagesse favorable sur l'amendement n° 189 rectifié bis.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Monsieur Vasselle, je suis maintenant un peu moins inquiète que je ne l'étais au vu de l'amendement n° 189 rectifié ! En effet, la démarche proposée par le Gouvernement est une démarche de réelle concertation locale et de prise en compte approfondie des spécificités et des besoins du territoire concerné.
La procédure d'étude d'impact ne comprend pas seulement une vague note rédigée par un service d'Etat ; elle comporte une analyse détaillée de l'état du service rendu, une analyse des effets directs et indirects de la réorganisation projetée, pas seulement pour le service mais également pour les activités sur le territoire, une analyse comparée des différentes solutions envisageables, des mesures substitutives, des mesures de compensation.
C'est une démarche qui doit être menée en collaboration étroite avec les collectivités territoriales concernées, les communes, les groupements de communes, les conseillers généraux des cantons concernés.
C'est donc une procédure très complète qui permet d'apprécier les conditions d'accès au service et l'impact sur l'économie locale induit par un projet de réorganisation ou de suppression.
Vous l'aurez compris, votre proposition initiale, qui prévoyait la simple consultation des collectivités locales, me paraissait insuffisante par rapport à ce dispositif complet. S'il s'agit, dans votre amendement n° 189 rectifié bis , de préciser que l'avis de la commune et du conseil général doit être à nouveau sollicité après l'étude d'impact, je n'y vois pas d'inconvénient, bien que ce dispositif soit extrêmement lourd et précis. Le Gouvernement s'en remet donc à la sagesse du Sénat.
M. Philippe François. Une sagesse positive, j'espère !
M. le président. Avant de passer au vote, je vais donner lecture de la rédaction proposée par M. Vasselle pour la fin du deuxième alinéa du texte proposé par le paragraphe I bis de l'article 22 pour le II de l'article 29 de la loi n° 95-115 du 4 février 1995 : « concertation préalable avec les collectivités territoriales sur le territoire desquelles se trouve l'implantation des services. L'avis de la commune et du conseil général doit être requis après réalisation d'une étude d'impact. »
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Monsieur le président, pourriez-vous donner lecture de tout le deuxième alinéa, tel qu'il serait rédigé si l'amendement n° 189 rectifié bis était adopté ? Je ne suis pas persuadée, en effet, que cette rédaction soit cohérente.
M. le président. Cette rédaction serait la suivante, madame le ministre :
« Toute décision de réorganisation ou de suppression d'un service aux usagers non conforme aux objectifs fixés dans le plan global, intercommunal et pluriannuel, d'organisation mentionné doit faire l'objet d'une concertation préalable avec les collectivités territoriales sur le territoire desquelles se trouve l'implantation des services. L'avis de la commune et du conseil général doit être requis après réalisation d'une étude d'impact. »
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Monsieur le président, il me semble que l'idée-force de cet alinéa est bien l'étude d'impact. Or, le fait de préciser qu'à tous les stades - avant l'étude d'impact et après celle-ci - les conseils généraux et les maires des communes sont associés et consultés affaiblit singulièrement l'idée-force, qui est cette démarche d'étude d'impact avec une évaluation de l'ensemble des impacts. Dans la rédaction qui résulterait de l'adoption de l'amendement n° 189 rectifié bis, l'étude d'impact n'apparaît que comme une conséquence marginale de la consultation des conseils généraux et des maires.
Par conséquent, si la formulation devait rester en l'état, le Gouvernement émettrait alors un avis défavorable.
M. Gérard Larcher, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Larcher, rapporteur.
M. Gérard Larcher, rapporteur. Je précise que l'amendement n° 189 rectifié bis prévoit tout d'abord une consultation lors de l'élaboration de l'étude d'impact ; puis, après la réalisation de l'étude d'impact, l'avis de la commune et du conseil général est requis. C'est pourquoi la sagesse de la commission est de plus en plus favorable, monsieur le président.
M. Alain Vasselle. Tout à fait !
Merci, monsieur le rapporteur !
M. le président. Monsieur le rapporteur, l'étude d'impact n'est-elle pas d'abord l'objet d'une concertation ?
M. Gérard Larcher, rapporteur. Si, monsieur le président, mais cela ne change pas le texte !
M. le président. Si ! L'amendement n° 294 de M. Le Cam portait sur l'étude d'impact. Et l'amendement n° 189 rectifié bis de M. Vasselle a pour objet la concertation préalable, suivie d'une étude d'impact.
M. Gérard Larcher, rapporteur. Il y a une double concertation !
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 189 rectifié bis, repoussé par le Gouvernement et pour lequel la commission s'en remet à la sagesse du Sénat.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Il conviendra de veiller à la rédaction finale...
Par amendement n° 312, MM. Bellanger, Piras et les membres du groupe socialiste et apparentés proposent d'insérer, après le I bis de l'article 22, un paragraphe additionnel ainsi rédigé :
« Le même article est complété par un paragraphe additionnel ainsi rédigé :
« Les procédures définies aux deuxième, troisième et quatrième alinéas du I sont applicables dès lors qu'il est envisagé simultanément la suppression de plus d'un service public sur le territoire d'une même commune, de services publics dans plusieurs communes d'un groupement, ou dès lors que la suppression d'un service public est envisagée simultanément dans au moins deux communes limitrophes. »
La parole est à M. Bellanger.
M. Jacques Bellanger. Les mesures proposées par ce texte, par le projet de loi relatif aux droits des citoyens dans leurs relations avec l'administration ainsi que celles qui ont été décidées lors du CIADT du 15 décembre dernier constituent, sans aucun doute, une avancée pour moderniser nos services publics et pour répondre aux attentes des usagers.
Nous nous félicitons en particulier de constater que le Gouvernement s'est préoccupé de la question de la présence des services publics sur l'ensemble du territoire, ce qui n'avait pas été le cas jusqu'alors. Nous croyons que le moratoire sur la fermeture des services publics décidé en 1993 n'a pas toujours été à la hauteur des attentes de nos concitoyens.
Tout d'abord, ce moratoire a été partiellement factice : chacun sait qu'il a été transgressé, du fait notamment de l'autonomie de gestion des entreprises publiques ; par ailleurs, il ne concernait que les zones rurales, laissant de côté la question de la présence des services publics dans les quartiers en difficulté.
Nous nous félicitons aussi de voir que le Gouvernement a décidé de s'attaquer à la nature et donc à la qualité des services rendus aux usagers. Je pense plus particulièrement à la reconnaissance législative des maisons de services publics, ou encore aux mesures permettant l'accès aux services administratifs par les technologies de l'information.
S'agisssant de la présence des services publics sur le territoire, le projet de loi prévoit un mécanisme de régulation transparent et démocratique en cas de projets de réorganisation ou de suppression d'un service public contraires aux objectifs d'aménagement du territoire fixés par les contrats de plan, cahiers des charges ou projets globaux des entreprises ou organismes publics. Ce système repose sur une étude d'impact, une large concertation sur le plan local, un pouvoir suspensif du préfet en cas de désaccord entre les différentes parties concernées.
Je note cependant que ce système ne couvre pas tous les services publics, et notamment pas les services dits « régaliens ». Mais sur ce point, vous avez annoncé, madame la ministre, une modification prochaine du décret du 10 mai 1982.
Je note aussi qu'il ne couvre pas non plus les cas où il est envisagé de supprimer, simultanément, plusieurs services publics sur un même territoire, indépendamment du statut juridique de ces services publics. Pourtant, ces projets de suppression de plusieurs services publics, par exemple un bureau de poste et une gendarmerie ou un commissariat de police sur un même territoire, peuvent bien souvent avoir des conséquences dramatiques, en termes sociaux et économiques, sur le plan local.
Lors du CIADT du 15 décembre dernier, le Gouvernement a décidé de prendre en considération ce type de situation. Il a notamment insisté sur la nécessité, pour les pouvoirs publics, d'avoir une meilleure vision d'ensemble de ce qui se fait ou se prépare en matière de carte des services publics.
Cet amendement tend donc à donner une valeur législative à cet engagement. Il propose l'application du dispositif décrit précédemment dans trois cas : suppression simultanée de plus d'un service public sur le territoire d'une même commune, comme l'a déjà proposé le CIADT du 15 décembre ; suppression simultanée d'un service public dans au moins deux communes limitrophes ; suppression simultanée de services publics dans plusieurs communes d'un même groupement de communes.
Ces deux derniers cas n'ont pas été envisagés lors du CIADT traitant des services publics. Ils tiennent compte de la nécessité de penser l'aménagement du territoire au-delà du périmètre de la commune, sur un territoire cohérent, plus large, parce qu'il est souvent un territoire de projet.
Cet amendement, nous l'avons conçu comme un dispositif d'alerte, une mesure de dissuasion, pour obliger les différentes administrations, les différents ministères à travailler ensemble, à veiller à la cohérence de leurs décisions et pour que chaque ministère suive d'un peu plus près les décisions que prennent les entreprises publiques qui sont sous leur tutelle.
Il n'a pas pour objet de figer toute réorganisation de services publics sur le territoire. Nous ne sommes pas favorables au statu quo. Ce que nous voulons, c'est de la cohérence et de la concertation pour mieux répondre aux besoins des populations.
M. Gérard Delfau. Très bien !
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Gérard Larcher, rapporteur. Je l'évoquais tout à l'heure, les procédures de recours en cas de fermeture d'un service public assuré par un établissement public ou par une entreprise publique ont fait partie des préoccupations que nous avons partagées les uns et les autres au cours des travaux préparatoires de la commission spéciale, notamment lorsqu'il y a cumul de suppressions de services publics.
Cette procédure repose sur trois principes.
Tout d'abord, la suppression envisagée d'un service public déclenche une étude d'impact accompagnée d'une consultation des collectivités territoriales. A cet égard, nous devrons sans doute examiner d'un peu plus près la rédaction que nous avons adoptée à l'instant, même si l'esprit doit en être préservé scrupuleusement.
Ensuite, l'étude d'impact est communiquée au représentant de l'Etat, qui peut demander des mesures d'accompagnement.
Enfin, en cas de désaccord entre l'organisme assurant le service public et le représentant de l'Etat, celui-ci peut saisir le ministre de tutelle pour arbitrage, principe que nous avions d'ailleurs prévu dans la loi Pasqua.
Cette procédure pourrait s'appliquer dans trois cas : lorsque plusieurs services publics sont supprimés simultanément sur le territoire d'une même commune, lorsqu'un service public est supprimé simultanément dans au moins deux communes limitrophes, lorsque plusieurs services publics sont supprimés dans plusieurs communes d'un même groupement de communes.
Si l'amendement n° 312 présente une certaine complexité, les arguments techniques doivent en l'espèce céder le pas, nous semble-t-il, à la nécessité politique d'encadrer strictement l'éventuelle suppression ou l'éventuel redéploiement d'un service public, notamment dans le secteur rural, mais aussi dans certains secteurs urbains connaissant de grandes difficultés.
Ce dispositif représente, aux yeux de la commission spéciale, une arme dissuasive contre d'éventuelles tentations d'abandon du territoire, qu'il soit urbain ou rural.
Nous sommes donc favorables à cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Monsieur Bellanger, la démarche que vous proposez me paraît extrêmement intéressante. Toutefois, nous étions convenus, lors du CIADT du 15 décembre dernier, qu'elle devrait être menée dans les zones de revitalisation rurale. Il est ainsi précisé, à l'article 26 du projet de loi, que ces zones constituent le territoire de référence pour l'organisation des services rendus aux usagers.
Cela dit, la démarche que vous proposez est une démarche de bon sens et appelle de la part du Gouvernement un peu plus qu'une sagesse favorable : je suis favorable à cet amendement. (Très bien ! sur les travées socialistes.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 312, accepté par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Par amendement n° 318 rectifié bis , M. Domeizel et les membres du groupe socialiste et apparentés proposent d'insérer, après le paragraphe I bis de l'article 22, un paragraphe additionnel ainsi rédigé :
« ... Afin de favoriser le développement des maisons de services publics ou lorsque des collectivités territoriales apportent par convention leur concours au fonctionnement de services publics, l'Etat rembourse aux collectivités territoriales concernées tout ou partie des rémunérations et des charges directes ou indirectes liées à la mise à disposition de personnels et de locaux, dès lors que ces services publics sont situés dans des zones de revitalisation rurale ou dans des zones urbaines sensibles, telles que définies à l'article 42 de la présente loi. »
La parole est à M. Domeizel.
M. Claude Domeizel. La présence des services publics sur les territoires en difficulté, qu'ils soient ruraux ou urbains, constitue un impératif tout à la fois économique et social.
L'implication des collectivités locales, si elle est nécessaire, notamment pour permettre la création de maisons de services publics ou le maintien d'un service public grâce à la mise à disposition de locaux ou de personnels, ne doit pas conduire à un désengagement de l'Etat de ces zones qui, souvent, cumulent les handicaps.
Je note avec satisfaction que M. Zuccarelli s'est engagé à ce que la mise en place des maisons de services publics ne se traduise pas, pour les collectivités locales, par des coûts supplémentaires et je vous remercie, madame la ministre, d'avoir rappelé cet engagement la semaine dernière, en réponse à différents orateurs dans la discussion générale. Mais, vous le savez, deux précautions valent mieux qu'une ! D'où cet amendement.
C'est ainsi que nous proposons d'ouvrir la possibilité d'un remboursement par l'Etat de tout ou partie des charges entraînées par la mise à disposition de personnels ou de locaux par des collectivités locales, soit pour mettre en place une maison de service public, soit tout simplement pour permettre le fonctionnement d'un service public.
Je pense tout particulièrement aux agences postales communales, tant il est difficile de maintenir sur l'ensemble du territoire un bon maillage postal, très coûteux pour La Poste. M. le rapporteur ne me démentira pas, puisqu'il en a estimé le coût à 3,2 milliards de francs par an dans un rapport qu'il a publié sur ce sujet en octobre 1997.
Je sais par ailleurs que La Poste à l'obligation, aux termes de la loi du 2 juillet 1990, d'équilibrer ses comptes.
De ces deux constats je tire un troisième : le maintien de La Poste, notamment dans les petites communes, est lié à l'engagement financier des collectivités locales.
Vous le comprendrez, je ne fais pas partie de ceux qui considèrent qu'il appartient à l'Etat de prendre en charge dans sa totalité le coût de la présence de ces services publics, mais je ne suis pas non plus favorable au statu quo et j'approuve tout à fait le dispositif mis en place par le contrat de plan pour définir les conditions de la présence postale sur le territoire.
En défendant cet amendement, je veux simplement poser un principe : il faut que chaque acteur soit pleinement responsable. Les élus locaux, en partenariat avec les organismes publics, doivent mettre en oeuvre des solutions innovantes en vue de maintenir la présence des services publics, mais je considère aussi que l'Etat doit être le garant de l'intérêt général et que ses décisions doivent concourir à un développement durable et solidaire des territoires.
Je crois que le dispositif que nous proposons est raisonnable. Il est encadré, puisqu'il est applicable dans les seules zones de revitalisation rurale et dans les zones urbaines sensibles, et le remboursement peut être partiel.
Cet amendement va aussi dans le sens de ce que souhaite le Gouvernement, puisque nous y encourageons la création de maisons de services publics.
Concertation, contractualisation et compensation, c'est en ces termes que le Gouvernement a défini sa ligne d'action en matière de services publics lors du CIADT du 15 décembre dernier. Je pense que cet amendement s'inscrit absolument dans cette démarche !
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Gérard Larcher, rapporteur. Répondant tout à l'heure à notre collègue M. Vasselle, j'évoquais le principe selon lequel les collectivités locales ne doivent pas être appelées à compenser financièrement le maintien des services publics sur le territoire.
La commission spéciale est favorable au présent amendement, sous réserve d'une modification rédactionnelle tendant à rétablir une cohérence avec le projet de loi de M. Zuccarelli et avec notre propre amendement n° 69 rectifié, qui sera appelé tout à l'heure, et qui vise à substituer la notion de maison « des » services publics, figurant dans le projet de loi de M. Zuccarelli, à la notion de maison « de » services publics.
Je tiens à ce que chacun mesure bien le coût du seul service postal sur le territoire et l'incapacité pour les collectivités locales de le compenser : il est compris entre 3 et 4 milliards de francs. Pour 1997, la coût de cette participation à l'aménagement du territoire, à la fois urbain et rural, s'élève ainsi à 3,7 milliards de francs.
Je rappelle que le service financier de La Poste, notamment dans les territoires urbains en difficulté, coûte à cette dernière entre 300 et 600 millions de francs. La Poste est en effet l'unique guichet bancaire pour les plus démunis, et ceux qui n'ont plus d'autre accès à ce genre de service le trouvent grâce à La Poste.
Cette mission tout à fait essentielle doit être soulignée, car la préoccupation d'aménagement du territoire et de maintien du service public est aussi bien urbaine que rurale. Mais il faut en mesurer le coût, qu'il est impossible de faire assumer, par une sorte de transfert déguisé, par les collectivités les plus démunies, celles qui connaissent le plus de difficultés étant celles qui devraient compenser. Ce serait une discrimination négative qui irait à l'inverse de notre démarche d'aménagement et de développement du territoire.
Voilà pourquoi, sous réserve de sa rectification, nous émettons un avis favorable à l'amendement qu'a défendu M. Domeizel.
M. Jean-Pierre Raffarin. Cela concerne aussi le terroir urbain...
M. Gérard Larcher, rapporteur. ... et paysager ! (Sourires.)
M. le président. Monsieur Domeizel, acceptez-vous de rectifier votre amendement dans le sens que suggère M. le rapporteur ?
M. Claude Domeizel. Bien sûr, monsieur le président !
M. le président. Il s'agit donc de l'amendement n° 318 rectifié ter.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Nous entamons là une série d'amendements consacrés à un véritable problème, celui de la compensation.
Vous l'aurez compris, le Gouvernement a souhaité ici mettre en place et accompagner une démarche de modernisation des services publics qui ne se traduise pas par la résignation à des restructurations et à des suppressions de services, mais qui permette d'améliorer la qualité des services rendus aux usagers, qu'ils soient quotidiens ou plus spécifiques.
Il a également souhaité accompagner le développement de nouvelles pratiques et de nouveaux métiers pour répondre à de nouveaux besoins exprimés par les citoyens et il a enfin souhaité que les services publics contribuent comme ils le doivent à la qualification de tous les territoires dans leur spécificité.
L'article 22, amendé de façon significative par l'Assemblée nationale, propose à cette fin un double mécanisme : parfaire les dispositifs de planification territoriale que doivent élaborer les établissements et organismes publics ainsi que les entreprises nationales chargées d'un service public, et instituer une procédure conventionnelle susceptible d'offrir aux différents acteurs locaux un cadre souple, propre à la modernisation et à l'innovation en matière de services publics.
La procédure conventionnelle s'impose. Gage de souplesse et d'efficacité, elle est particulièrement adaptée à la diversité des situations locales, que ce soit au regard de la pertinence du cadre géographique, des missions à remplir ou encore des conditions d'exercice par les personnels. En raison de l'échelle considérée - il est ici traité d'une échelle très locale - et des nécessaires ajustements locaux pour les questions de services aux usagers, rien n'est possible sans l'initiative des acteurs concernés et sans l'élaboration de projets de développement avec eux et à leur service.
C'est pourquoi il ne me semble pas possible d'introduire un mécanisme financier ou fiscal automatique tel que le proposent une série d'amendements.
L'Etat ne peut afficher a priori des compensations dans le cadre de conventions auxquelles il n'est pas nécessairement partie prenante, d'autant que certaines sont déjà encadrées par des dispositifs originaux au sein des contrats de services publics.
Vous avez, l'un et l'autre, monsieur Domeizel, monsieur le rapporteur, donné l'exemple de La Poste, et ce n'est pas par hasard. Il serait relativement déraisonnable que l'Etat prenne l'engagement de compenser, quoi qu'il arrive, les conséquences des décisions prises de façon unilatérale par La Poste ou par des acteurs locaux.
L'intervention peut comporter une dimension financière, mais elle ne se réduit pas à cela. Elle doit consister en une stratégie d'accompagnement d'ensemble, telle que l'a bien décrite, notamment, le dernier comité interministériel d'aménagement du territoire du 15 décembre 1998 : interventions du fonds national d'aménagement et de développement du territoire, le FNADT, crédits d'aide au logement pour gérer la désaffection d'une emprise publique, enveloppes spécifiques déléguées aux préfets pour favoriser l'installation dans les anciens locaux de nouvelles activités économiques, etc.
On n'est donc pas seulement en train de réfléchir à la façon de rendre le service après une restructuration ou une suppression ; on appréhende l'ensemble des effets de la restructuration sur le territoire concerné, parmi lesquels figurent, bien évidemment, les conditions dans lesquelles sera rendu le service.
Je tiens à ce que ces questions fassent l'objet d'un traitement tout à fait spécifique dans le cadre des prochains contrats de plan Etat-régions, au sein du volet territorial.
S'agissant de l'amendement n° 318 rectifié ter , il me semble difficile de retenir un dispositif législatif qui conduirait à un système de remboursement automatique pour une participation que les collectivités détermineraient librement.
S'il est nécessaire de rappeler que c'est à l'Etat d'accompagner ces démarches de modernisation et de qualification territoriale, la procédure doit être contractuelle et associer l'Etat, l'établissement public concerné et les collectivités, selon des modalités qui tiendront compte des spécificités du territoire concerné.
Par conséquent, malgré l'intérêt de la problématique traitée, le Gouvernement émet un avis défavorable sur l'amendement.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 318 rectifié ter .
M. Gérard Delfau. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Delfau.
M. Gérard Delfau. Nous abordons là, effectivement, un sujet difficile.
S'agissant de La Poste, voilà à peu près vingt ans que les élus locaux s'évertuent - parfois sans y parvenir - à refuser des transferts de charges, transferts de charges qui atteignent d'ailleurs les communes les plus petites, s'agissant tout particulièrement des agences postales c'est-à-dire celles qui, en règle générale, sont sans ressources.
On aboutit à ce paradoxe que j'ai souvent déconcé : si l'on habite une capitale, nationale ou régionale, La Poste fournit les équipements et les agents de la fonction publique ; si l'on habite une commune moyenne, La Poste fait financer pour partie les équipements contre un loyer plus ou moins important, mais elle fournit les agents ; et si l'on habite dans une petite commune, c'est le contribuable local qui doit payer et l'équipement et, d'une certaine façon, au moins pour partie, l'agent.
C'est là une inégalité choquante dont le Parlement, et tout particulièrement le Sénat, s'est souvent saisi et que nous n'avons jamais pu remettre en question.
Pour que les choses soient bien claires, je répéterai, après l'avoir dit en d'autres lieux, que ce n'est pas le contrat de plan signé l'an passé entre l'Etat et La Poste qui peut donner à cette dernière les moyens de mettre fin à cette situation.
Après avoir énoncé le problème, j'en viens à la question de fond en ce qui concerne, pour l'instant, La Poste, me réservant d'en terminer sur l'équilibre général de l'article et de l'amendement.
Comme l'a dit notre collègue Claude Dumeizel en présentant l'amendement, nous sommes, aujourd'hui, tout particulièrement, confrontés à une contradiction : il faut mettre fin à l'inégalité choquante entre les communes que j'évoquais voilà un instant et, dans le même temps, permettre à La Poste d'équilibrer ses charges puisque, depuis 1990, elle le doit. Et tout cela dans un contexte qui n'a pas encore été évoqué dans cette assemblée, qui devrait pourtant nous préoccuper et qui est le suivant.
Il y a eu, ces trois ou quatre dernières années - M. le rapporteur le sait bien - des concentrations et des rachats très importants de postes, notamment européennes.
M. Gérard Larcher, rapporteur. Absolument !
M. Gérard Delfau. Pour mémoire, la poste allemande a consacré, en 1998, entre 30 et 60 milliards de francs à des rachats, y compris d'opérateurs privés français.
La poste néerlandaise, privatisée, vous le savez, a commencé voilà déjà cinq ou six ans. Il semble - on ne sait pas exactement - qu'elle ait consacré entre 10 et 20 milliards de francs à des rachats.
Le plus étonnant est la position de la Grande-Bretagne. Le gouvernement britannique a en effet annoncé - je dis bien « annoncé » - qu'il allait mettre 10 milliards de francs à la disposition de Royal Mail. Comme s'il n'y avait pas d'autorité à Bruxelles ! Car aucun commissaire européen ne s'en est offusqué.
M. Philippe François. Très juste !
M. Gérard Delfau. Dans le même temps, je rappelle pour que l'on voie bien la gravité de la situation, que La Poste est autorisée, cette année, à investir, sur ses fonds propres, 4,4 milliards de francs.
En fait, les gouvernements successifs n'ont pas pris leurs responsabilités. De ce point de vue, en son temps, j'avais eu le courage de dénoncer la décision deM. Balladur concernant le moratoire, en disant que c'était une mauvaise décision, qui ne pouvait que figer la situation et différer les problèmes.
Et parce que ces responsabilités n'ont pas été prises, apparaît aujourd'hui le risque de la fin des services réservés. Même si ce n'est pas joué - la Commission européenne a cela dans ses projets, et la directive lui en donne la possibilité - il y aura la pression des autres opérateurs postaux, publics ou privés, notamment européens.
Bien évidemment - c'est là que je voulais en venir - La Poste est donc normalement tentée de transférer une partie de son coût sur les collectivités locales, et ce, finalement, avec le consentement tacite et implicite des pouvoirs publics.
M. le président. Veuillez conclure, monsieur Delfau.
M. Gérard Delfau. C'est la raison pour laquelle cet amendement, certes un peu couperet, qui, au fond, préserve plus qu'il ne bâtit, reçoit en tout cas mon approbation.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 318 rectifié ter, accepté par la commission et repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Mes chers collègues, compte tenu de l'heure, nous allons interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt-deux heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures cinquante-cinq, est reprise à vingt-deux heures, sous la présidence de M. Jean Faure.)