Séance du 30 mars 1999







M. le président. Par amendement n° 70, MM. Larcher, Belot et Revet, au nom de la commission spéciale, proposent d'insérer, après l'article 22, un article additionnel ainsi rédigé :
« Lorsque, pour l'exercice de leurs compétences relatives à l'aménagement du territoire et au développement économique, les collectivités territoriales et leurs groupements décident de mener des actions communes dans des conditions fixées par une convention, cette convention désigne pour chacune des actions envisagées l'une de ces collectivités ou l'un de ces groupements pour en coordonner la programmation et l'exécution.
« La convention peut charger la collectivité ou le groupement chef de file d'exercer pour le compte des parties à la convention les missions du maître d'ouvrage au sens de la loi n° 85-704 du 12 juillet 1985 relative à la maîtrise d'ouvrage et à ses rapports avec la maîtrise d'oeuvre privée et d'en assumer les droits et obligations. Un cahier des charges annexé à la convention peut, en outre, définir les moyens communs de fonctionnement nécessaires à la réalisation de ces actions.
« Sauf stipulation contraire, pour des actions communes à la région et au département : la région est la collectivité chef de file pour la programmation et l'exécution des actions d'intérêt régional ; le département est la collectivité chef de file des actions relatives au développement local et à la promotion des solidarités réciproques entre la ville et l'espace rural. »
Cet amendement est assorti d'un sous-amendement n° 330, présenté par M. Vasselle, et tendant, dans le troisième alinéa du texte proposé par l'amendement n° 70 pour insérer un article additionnel après l'article 22, après les mots : « le département », à insérer les mots : « ou le groupement ».
La parole est à M. Larcher, rapporteur, pour défendre l'amendement n° 70.
M. Gérard Larcher, rapporteur. Le temps serait couvert au Sénat lors de l'examen des rapports entre les trois niveaux de collectivités que sont les communes, les départements et les régions, avaient annoncé certains. Or, vous l'avez constaté depuis le début de notre discussion, il n'en est rien. En effet, depuis longtemps, le Sénat a su faire de ces trois niveaux de collectivités une complémentarité.
Aujourd'hui, nous souhaitons lui donner une traduction législative, notamment à travers la notion de « collectivité chef de file ».
Pour ce faire, la commission spéciale a beaucoup apporté dans la réflexion préparatoire. Puisque le président du Sénat est présent, je précise que la commission spéciale, si elle demeure une procédure exceptionnelle, permet parfois de faire se rencontrer des talents, des sensibilités et expériences complémentaires. En l'occurrence, ces expériences complémentaires, sous l'autorité du président François-Poncet, ont résulté de la présence des rapporteurs MM. Revet et Belot, mais aussi des présidents Raffarin, Puech et Delevoye, qui ont participé à nos travaux, les éclairant et leur apportant cette dimension. Cela nous a permis de poser les fondements législatifs d'un principe que nous avions souhaité et inscrit en décembre 1994, mais qui n'avait pas encore trouvé de traduction législative.
Le présent amendement vise donc à fixer le principe de la collectivité chef de file pour des actions communes à plusieurs collectivités ou groupements, qui sont arrêtées par voie de convention pour l'exercice des compétences en matière d'aménagement du territoire et de développement économique. L'amendement tend à préciser le rôle qui sera dévolu à la collectivité chef de file, à savoir assurer la coordination de la programmation et l'exécution de ces actions.
En outre, les parties à la convention pourront décider de lui confier les responsabilités du maître d'ouvrage. Un cahier des charges annexé à la convention pourra définir les moyens communs de fonctionnement nécessaires à la réalisation desdites actions.
Par ailleurs, l'amendement a pour objet de désigner, pour les actions communes à la région et au département, la collectivité qui sera chef de file : la région pour les actions d'intérêt régional que constituent notamment les grandes infrastructures ; le département pour le développement local, mais aussi pour le lien entre la ville et le territoire rural.
Les parties à la convention auront la faculté, en fonction des réalités locales, faites de ces diversités que nous revendiquons comme une réalité de la vie dans nos territoires, de désigner un autre chef de file ; c'est la clause de stipulation contraire qui fait l'objet de l'accord.
A travers ces principes ainsi posés s'écrivent mieux l'action complémentaire entre régions et départements et les rapports avec les communes et les groupements de communes. J'y vois un pas en avant important, qui a été le fruit du travail de la commission spéciale. Permettez-moi, monsieur le président, d'en remercier l'ensemble de ses membres, qui proposent ainsi au Sénat une avancée législative fondamentale sans bouleverser les compétences telles qu'elles ont été définies à travers leurs textes fondateurs.
En outre, le principe selon lequel il n'y a pas de supériorité d'une collectivité par rapport à une autre est totalement respecté dans la rédaction que nous vous proposons, mes chers collègues.
M. le président. La parole est à M. Vasselle, pour défendre le sous-amendement n° 330.
M. Alain Vasselle. Si j'approuve bien entendu l'amendement n° 70 - je l'ai d'ailleurs indiqué en commission spéciale - j'éprouve cependant, comme vient de le dire M. Larcher, une préoccupation concernant les groupements de communes. En effet, le premier alinéa de l'amendement n° 70 fait référence aux collectivités territoriales et à leurs groupements ; le deuxième alinéa fait référence à la collectivité ou au groupement chef de file ; mais le dernier alinéa est réducteur par rapport au rôle que pourraient jouer les groupements en qualité de chef de file puisque seuls le département et la région y sont visés.
C'est la raison pour laquelle j'ai éprouvé le besoin de déposer un sous-amendement pour ajouter, dans ce dernier alinéa, les mots « ou le groupement ». Toutefois, je souhaite rectifier mon sous-amendement : afin que ce dernier soit totalement cohérent avec la rédaction de l'amendement, je propose la rédaction suivante :
« Sauf stipulation contraire pour des actions communes à la région et au département et au groupement : la région est la collectivité chef de file pour la programmation et l'exécution des actions d'intérêt régional ; le département ou le groupement est la collectivité chef de file des actions relatives au développement local et à la promotion des solidarités réciproques entre la ville et l'espace rural. »
Nous avons prévu que les pays pourraient être signataires des contrats de plan ; par conséquent, au travers des pays, les groupements de communes pourraient l'être, puisqu'il a été prévu dans la loi que les groupements de communes pouvaient se constituer en syndicats mixtes pour signer le contrat de plan. Le groupement peut donc, pour certaines compétences ou pour certaines dépenses, devenir le chef de file de l'action qu'il y aurait lieu de mener dans le cadre du contrat de plan. Cela ne doit pas être systématiquement le département ou la région, d'autant plus lorsqu'il s'agit d'une compétence du groupement ou des communes.
Il m'est donc apparu utile de compléter à cette fin l'amendement de la commission, lequel, sous cette réserve, me paraît tout à fait pertinent.
M. le président. Je suis donc saisi d'un sous-amendement n° 330 rectifié, présenté par M. Vasselle et visant, dans le troisième alinéa du texte proposé par l'amendement n° 70 pour insérer un article additionnel après l'article 22, après les mots : « et au département », à insérer les mots : « et au groupement », et, après les mots : « le département », à insérer les mots : « ou le groupement ».
Quel est l'avis de la commission ?
M. Gérard Larcher, rapporteur. Comme nous l'avons évoqué en commission spéciale, aux travaux de laquelle Alain Vasselle a largement participé, le troisième alinéa du texte proposé par la commission spéciale désigne une collectivité chef de file pour les seules actions communes à la région et au département. Nous n'avons visé ni les communes ni les groupements, et ce en plein accord d'ailleurs avec notre collègue qui a la responsabilité de présider l'association des maires de France. Dans ces conditions, les groupements de communes ou les communes ne sont pas concernés directement.
Cependant, dans les autres cas, il appartiendra à la convention de désigner le chef de file qui pourra être éventuellement un groupement de communes.
C'est pourquoi, en l'état actuel du texte et soucieuse de l'équilibre de ce dernier, la commission ne peut émettre un avis favorable sur ce sous-amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 70 et sur le sous-amendement n° 330 rectifié ?
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. La loi du 4 février 1995 prévoit, dans son article 65, l'élaboration d'une nouvelle loi sur la répartition des compétences, chargée de réviser la loi du 7 janvier 1983 et de définir « les conditions dans lesquelles une collectivité pourra assumer le rôle de chef de file pour l'exercice d'une compétence ou d'un groupe de compétences relevant de plusieurs collectivités territoriales ».
La notion de chef de file offre une piste de réflexion intéressante évoquée dans plusieurs rapports consacrés à la décentralisation. Elle s'inspire de l'idée que, sur un certain nombre de sujets complexes, une coordination interinstitutionnelle est nécessaire, compte tenu de la fragmentation des compétences entre collectivités. Selon cette proposition, la collectivité chef de file pourrait se voir reconnaître un rôle d'impulsion, d'animation, voire d'exercice de compétence pour le compte d'autrui.
Pour autant, la notion de chef de file ne s'est jamais réellement imposée en droit français parce qu'elle risque soit d'entraîner une logique de tutelle d'une collectivité sur d'autres si elle est imposée, soit d'encourager les collectivités à aliéner leurs compétences si toute liberté leur est donnée de désigner le chef de file à partir de conventions à géométrie variable.
Les principes de non-tutelle et d'inaliénabilité des compétences restreignent par conséquent les possibilités d'application de cette notion.
Par ailleurs, je rappelle que, dans sa séance du 26 janvier 1994 consacrée à l'examen de la loi d'orientation, le Conseil constitutionnel a considéré non conforme à la Constitution un alinéa de l'article 65 précisant que, « jusqu'à la date d'entrée en vigueur de la loi, les collectivités territoriales pourront par convention désigner l'une d'entre elles comme chef de file pour l'exercice d'une compétence ou d'un groupe de compétences relevant de plusieurs collectivités territoriales ». Cette décision était motivée par le fait qu'il appartient au seul législateur, en vertu de l'article 34 de la Constitution, de déterminer les principes de libre administration des collectivités, de leurs compétences et de leurs ressources. Par conséquent, expliquait le Conseil constitutionnel, le législateur ne saurait renvoyer à une convention conclue entre des collectivités territoriales le soin de désigner l'une d'entre elles comme chef de file. Il doit donc préalablement désigner la collectivité chef de file selon les champs de compétences traités.
A cet égard, je dois dire que l'amendement n° 70 tend, sur la forme et la procédure prévues, à respecter les principes de la décentralisation dès lors qu'il identifie les champs de compétences concernés - l'aménagement du territoire, le développement économique - qu'il définit les cas où régions et départements pourraient être chef de file, qu'il précise que ce rôle de chef de file serait restreint à un programme d'action précis défini par voie de convention et par un cahier des charges, le cas échéant.
Ce n'est donc pas pour ce motif que le Gouvernement entend s'opposer à l'amendement dans la mesure où il cherche à faire du département le chef de file en matière de développement local et d'organisation des solidarités entre espaces urbains et ruraux.
Le Gouvernement est défavorable à l'amendement n° 70 tout simplement parce que ce texte est contraire à l'esprit du projet de loi d'orientation pour l'aménagement et le développement durable du territoire.
L'extension des prérogatives du département dans les deux domaines visés - l'aménagement du territoire et le développement économique - n'est pas de nature à clarifier les compétences. On peut remarquer que seules les compétences majeures de la région sont ici concernées pour la mise en oeuvre de ce dispositif, qui semble jouer à sens unique. On assiste à une sorte de démembrement des compétences de la région invitée à partager ses deux compétences fondamentales avec d'autres alors que rien n'est dit sur les modalités de travail en commun pour des compétences qui seraient davantage dans le champ des départements ou des groupements de communes.
D'ailleurs, la formulation actuelle ne résout qu'imparfaitement les problèmes auxquels on est confronté dans la « vraie vie », si je peux dire. Le sous-amendement n° 330 rectifié l'illustre bien puisque, loin de simplifier la répartition des tâches entre le département et les groupements de communes, il met ces derniers en concurrence sur les quelques fonctions disputées aux régions.
Je voudrais dire aussi ma perplexité à l'idée de devoir traiter de groupements de communes sans préciser quel serait leur statut : SIVOM, syndicat mixte, district, EPCI ? On ne le sait. Il me semble que ce n'est pas tout à fait conforme au souci de simplification que vous aviez manifesté lors de mon audition par la commission spéciale et depuis. Il me semble que la notion de chef de file reste intéressante ; elle pourrait être utilement approfondie pour faciliter la coordination interinstitutionnelle. Mais une telle introduction dans notre droit doit faire l'objet d'un débat approfondi et d'une véritable loi sur la répartition des compétences, comme cela est prévu à l'article 65 de la loi du 4 février 1995.
Je ne suis pas favorable, en revanche, à la méthode qui consiste à introduire cette notion au détour d'un amendement, et pour aller dans une direction tout à fait contraire à l'esprit du projet de loi.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur l'amendement n° 70 et sur le sous-amendement n° 330 rectifié.
M. Gérard Larcher, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Larcher, rapporteur.
M. Gérard Larcher, rapporteur. Je voudrais, avant que ne s'engage sans doute le débat, apporter une précision : naturellement, nous avons été sensibles aux dispositions déclarées non conformes à la Constitution.
Je voudrais rappeler que, aujourd'hui, à la différence d'ailleurs de notre intention de 1994, nous visons des actions communes librement engagées, à compétences inchangées, par les collectivités, dans un cadre conventionnel. Par conséquent - et c'est là la différence par rapport au texte de décembre 1994 - l'amendement ne vise pas les compétences ou groupes de compétences communes à plusieurs collectivités. Voilà pour l'aspect constitutionnel.
Mais à vous entendre, madame le ministre, j'ai eu le sentiment que vous n'aviez pas réglé ce que, pour notre part, nous avons résolu depuis un certain temps, à savoir l'équilibre entre région, département et commune. J'ai cru à certains moments, moi qui ne suis pas membre d'un conseil général, que les départements trouvaient peu de place dans les préoccupations du Gouvernement. Nous, nous considérons que nous avons besoin de ces niveaux pour l'aménagement et le développement durable du territoire. Nous avons donc balayé ces difficultés dans la mesure où nous savons qu'il s'agit de coordination. Et c'est de la complémentarité entre ces niveaux de collectivités que naîtra une véritable politique d'aménagement et de développement du territoire sur le plan tant de la région que de chacune des collectivités. M. Jean François-Poncet, président de la commission spéciale. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission spéciale.
M. Jean François-Poncet, président de la commission spéciale. Nous abordons un point dont chacun sent bien qu'il est primordial. J'avoue être stupéfait par l'attitude négative de Mme le ministre, attitude qui traduit un conservatisme que je trouve tout à fait étonnant dans un domaine où chacun sait qu'il faut avancer et où chacun sait également que, si l'on n'avance pas, c'est parce qu'il est impossible, depuis des années, de mettre d'accord départements et régions.
Alors que nous y parvenons, que nous faisons un pas en avant, voilà que le Gouvernement nous dit : « Stop ! Et nous restons donc plantés dans la confusion !
Revenons une seconde en arrière. Dans certains domaines, la répartition des compétences entre départements et régions est claire et s'applique sans aucun problème. Je pense, par exemple, aux lycées et à la formation professionnelle, qui relèvent de la compétence des régions, aux collèges et à l'aide sociale, qui ressortissent à celle des départements, et je pourrais continuer cette énumération.
Mais il est un domaine totalement partagé : celui qui concerne l'économie, le développement. A certains égards, c'est le principal, car qui dit développement dit emploi.
Nous savons bien que toutes nos collectivités, qu'elles soient communales, départementales ou régionales - je n'ai pas besoin de parler de l'Etat - ne peuvent pas rester l'arme au pied devant l'attente des populations ! Par conséquent, toutes interviennent.
Le problème est de savoir s'il faut laisser ces compétences totalement partagées s'exercer sans tenter d'établir un peu d'ordre. C'est cet ordre que la commission vous propose, mes chers collègues.
Naturellement, nous aurions pu être beaucoup plus audacieux et proposer carrément une répartition des compétences dans le domaine économique. Nous aurions pu, par exemple, conformément à certaines propositions étudiées en 1994 et en 1995, balayer les financements croisés, répartir - il faudrait évidemment en arriver là - les recettes fiscales de façon très claire, la taxe professionnelle cessant d'être partagée.
Nous sommes finalement arrivés à la conclusion que, si nous voulions sortir de l'immobilisme, faire un pas en avant, le mieux était de ne pas toucher à la répartition des compétences - nous n'y touchons pas - de ne pas éliminer les financements croisés car, s'ils sont, c'est vrai, source de complication, ils présentent l'avantage d'obliger les collectivités à coopérer.
Par conséquent, dans ce domaine vital, il y a une concertation, il y a une coopération. Rares sont aujourd'hui les dossiers financés sans la participation commune de la région, du département et de l'Europe, voire, parfois, quand il a un peu d'argent, de l'Etat. Voilà ce qui se passe !
A partir du moment où l'on ne touche pas aux compétences, où l'on maintient les financements croisés pour des raisons de coordination, est-il impossible d'avancer ? Nous avons pensé que nous le pouvions à travers cette notion de chef de file.
Dans le texte qui vous est proposé par la commission spéciale, il est prévu à la fois que les collectivités sont libres de désigner ce chef de file et que ce qui relève du développement local, de l'espace rural, des relations entre les villes moyennes et la campagne, relève du département, tandis que les problèmes régionaux relèvent du conseil régional. C'est d'ailleurs, pour l'essentiel, ce qui se passe, et la disposition proposée colle à la réalité : c'est le département qui est le plus proche des préoccupations de développement local et rural, alors que certaines compétences - les infrastructures, l'université - relèvent de la région.
Avec beaucoup de prudence, nous faisons un pas en avant, car nous ne pouvons toujours attendre la loi de répartition des compétences qui était prévue en 1995. Même s'il nous propose trois projets de loi, le Gouvernement fait-il aujourd'hui un seul pas en avant dans la répartition des compétences ? Aucun !
Alors, de grâce ! que le Gouvernement ne nous empêche pas d'avancer. Nous avons réussi ce miracle de mettre d'accord les régions, les départements, les communes. Qu'on nous laisse avancer, que l'on ne nous empêche pas de progresser, c'est tout ce que nous demandons ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées du RDSE, du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président. Je vais mettre aux voix le sous-amendement n° 330 rectifié.
M. Jean-Pierre Raffarin. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Raffarin.
M. Jean-Pierre Raffarin. J'exprimerai un avis réservé sur ce sous-amendement.
Ce débat est très important puisque, M. le rapporteur l'a dit tout à l'heure, il concerne la répartition des rôles spécifiques des départements et des régions.
Introduire les groupements à cet endroit du projet de loi me paraît compliquer la réflexion.
Cela étant, madame la ministre, comme je l'ai dit à plusieurs reprises, j'ai de la sympathie pour votre texte. En effet, vous privilégiez le contrat en tant qu'outil d'aménagement du territoire. Vous prévoyez ainsi en amont des contrats et des schémas pour assurer une cohérence, tandis que vous prévoyez en aval une logique de projet.
Je suis personnellement d'accord avec ce qui a été dit des pays et des agglomérations afin d'améliorer le texte. Mais qu'est-ce qu'un contrat ? C'est la confiance plus que la hiérarchie, c'est-à-dire que l'on se met autour de la table et que l'on établit des relations de confiance.
Comme M. le président François-Poncet vient de le dire, deux grandes logiques prévalent en matière de compétences. L'une est la logique de la segmentation, de la répartition, du « qui fait quoi », l'autre est la logique du partage : on se met autour de la table, on développe tous ensemble un projet dans une matière donnée, on met en commun les compétences de chacun.
Certes, l'inconvénient du contrat, c'est le manque de lisibilité : très souvent, quand on accuse les financements croisés, c'est parce que l'on ne sait pas très bien qui est responsable. Mais cette lisibilité existe déjà avec l'attribution à l'un des partenaires de la maîtrise d'ouvrage ! Ainsi, à l'occasion de la mise en place du plan Université 2000, la maîtrise d'ouvrage a été attribuée non pas à celui qui avait la meilleure compétence sur le sujet, mais au plus proche du terrain. Ainsi, le département de la Charente-Maritime a obtenu la maîtrise d'ouvrage de l'université de La Rochelle, dans le cadre du plan Université 2000, parce qu'il était le mieux placé pour veiller, au nom de tous les partenaires, à la bonne fin du chantier. Cette idée n'est pas si révolutionnaire que cela !
Le texte que nous proposons est souple. Nous disons : « sauf stipulation contraire ». Comme l'objectif est de mettre les gens d'accord, il ne s'agit pas d'imposer !
La règle générale est que la région s'occupe de ce qui est régional - ce n'est tout de même pas bouleversant - tandis que le département s'occupe du local et de l'articulation entre ville et campagne. C'est une logique locale que nous connaissons bien ! Je ne crois pas, madame la ministre, qu'il s'agisse là de bâtir une hiérarchie : il s'agit simplement d'organiser le contrat.
Je défends, dans votre texte, cette logique du contrat, mais je souhaite que le contrat soit lisible, et donc qu'il y ait un chef de file.
J'irai même plus loin : en ce qui concerne ma propre région, pour le prochain contrat de plan, je souhaite - et je le proposerai - que, pour chacun des articles du contrat, soit désigné un chef de file. Ainsi, nous saurons qui informera les autres du bon déroulement des affaires.
Vous semblez inquiète, madame la ministre, car vous pensez que cette proposition amputerait la région de ses compétences. Très franchement, je ne le crois pas, parce que je crois que la région n'a pas d'avenir contre le département. Certes, elle peut organiser un rapport de forces pour bloquer le processus, mais tout le monde peut tout bloquer en permanence ! C'est bien pourquoi, au demeurant, nous avons voulu surmonter la logique des blocages pour jouer la logique de la cohérence : si la région s'occupe de ce qui est régional, il est clair qu'elle sera complètement dans ses compétences ; dès qu'un dossier aura une dimension régionale, la région aura légitimité à intervenir, mais elle le fera en accord avec les uns et les autres.
C'est la raison pour laquelle, voulant faire du « Voynet plus que Voynet », si vous me le permettez, je pense que, dans la logique de ce projet de loi, la notion de chef de file est cohérente car elle rend l'organisation du contrat efficace et lisible.
Franchement, dans cette bataille, alors que nous avons évité la guerre entre les collectivités territoriales et que, en matière d'aménagement du territoire, les territoires dévitalisés sont condamnés, la seule logique qui compte est la fertilité : il faut forcer les partenaires à s'entendre pour agir et bâtir, et non pas organiser les égoïsmes.
L'adversaire de la décentralisation, c'est l'esprit féodal ! (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)
M. Alain Vasselle. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Vasselle.
M. Alain Vasselle. Je pourrais faire mienne l'argumentation qui a été développée par MM. Gérard Larcher, Jean François-Poncet et Jean-Pierre Raffarin, mais en l'étendant aux groupements de communes.
Je ne sais pas s'il est besoin de faire une explication de texte ou de procéder à une analyse de l'amendement n° 70, mais, à la fois dans le premier et dans le deuxième alinéa, sont visés les collectivités territoriales et leurs groupements. C'est ainsi que le deuxième alinéa prévoit notamment que « la convention peut charger la collectivité ou le groupement chef de file... » Par conséquent, les groupements sont bien visés !
C'est la raison pour laquelle, en toute cohérence et en toute logique, il m'apparaît souhaitable que les groupements soient également visés dans le dernier alinéa de l'amendement.
Tel est l'objet du sous-amendement n° 330 rectifié. Il s'agit, en effet, d'une négociation qui sera menée par voie conventionnelle entre la région, le département ou le groupement pour savoir qui sera chef de file.
La cohérence veut que l'on aille jusqu'au bout du raisonnement et que le partenariat entre les différentes collectivités territoriales soit complet. Le fait de ne laisser que le département et la région décider de la collectivité chef de file et de ne pas mettre le groupement à égalité dans le cadre des conventions et des discussions, c'est vraiment placer les communes et les groupements de communes en situation de tutelle à l'égard des autres collectivités territoriales !
Par conséquent, si l'on veut, je le répète, être cohérent jusqu'au bout, il faut adopter les dispositions que je vous propose. C'est la raison pour laquelle je maintiens mon sous-amendement, monsieur le président.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ? ...
Je mets aux voix le sous-amendement n° 330 rectifié, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(Après une première épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, adopte le sous-amendement.)
M. le président. Personne ne demande la parole ? ...
Je mets aux voix, ainsi modifié, l'amendement n° 70, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 22.

Article 22 bis