Séance du 4 mai 1999







M. le président. Je suis saisi de deux amendements présentés par MM. Delevoye, de Raincourt, de Rohan, Braye, Ceccaldi-Raynaud, Eckenspieller, Schosteck, Pépin, Revet, Delaneau, Falco, Garrec et du Luart.
L'amendement n° 309 rectifié bis tend à insérer, après l'article 69, un article additionnel ainsi rédigé :
« Les articles L. 2121-28, L. 3121-24 et L. 4132-23 du code général des collectivités territoriales sont complétés, in fine , par un alinéa ainsi rédigé :
« L'élu ou le représentant de chaque groupe d'élus décide des conditions et des modalités d'exécution du service confié que ces collaborateurs accomplissent auprès d'eux ou de ces groupes. »
L'amendement n° 310 rectifié bis vise à insérer, après l'article 69, un article additionnel ainsi rédigé :
« L'article 110 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale est complété, in fine , par un alinéa ainsi rédigé :
« Ces collaborateurs ne rendent compte qu'à l'autorité territoriale auprès de laquelle ils sont placés et qui décide des conditions et des modalités d'exécution du service qu'ils accomplissent auprès d'elle. »
La parole est à M. Delevoye, pour présenter ces deux amendements.
M. Jean-Paul Delevoye. Avec ces deux amendements, il s'agit de combler un vide juridique.
La loi du 26 janvier 1984 prévoit la possibilité, pour l'autorité territoriale, de recruter des collaborateurs, mais rien n'est dit sur leur statut, ce qui crée aujourd'hui un vrai problème pour la détermination de l'autorité compétente. Or il y va de la vitalité du débat démocratique au sein même de nos collectivités territoriales.
Bien évidemment, ces amendements confirment le contrôle de légalité, qui est toujours réel, sur les procédures de recrutement, ainsi que le contrôle de la chambre régionale des comptes, qui conserve ses prérogatives, notamment par le biais du contrôle budgétaire : c'est la double règle de 25 % des indemnités versées chaque année et de 80 % du salaire le plus élevé.
Nous affirmons clairement par ailleurs l'autorité du chef de groupe, qui devient responsable soit au niveau de l'exécutif, soit au niveau du groupe politique.
Je crois que ces deux amendements sont un exercice de clarification, de transparence et d'efficacité pour notre démocratie locale.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s 309 rectifié bis et 310 rectifié bis ?
M. Daniel Hoeffel, rapporteur. L'amendement n° 309 rectifié bis prend en compte la situation des collaborateurs des élus et des groupes d'élus. Il précise que l'élu ou le représentant de chaque groupe décide des conditions et des modalités d'exécution du service confié à ces collaborateurs, ce qui, dans le fonctionnement d'une collectivité territoriale, apparaît absolument normal.
Les dispositions actuelles du code général des collectivités territoriales qui régissent les groupes d'élus permettent à l'autorité territoriale, dans les conditions fixées par l'organe délibérant et sur proposition des représentants de chaque groupe, d'affecter aux groupes d'élus une ou plusieurs personnes.
Un crédit est ouvert au budget de la collectivité, sur un chapitre spécialement créé à cet effet, dans la limite de 25 % des indemnités versées chaque année. L'autorité territoriale est l'ordonnateur de ces dépenses, la collectivité locale restant l'employeur de ces collaborateurs.
L'adoption de l'amendement aurait pour effet de renforcer le lien existant entre ces derniers et le groupe auquel ils sont affectés, en confiant aux représentants des groupes les attributs de l'autorité hiérarchique sur les modalités d'exécution du service.
Cet amendement apparaît absolument nécessaire, dans la période actuelle, pour lever un certain nombre d'ambiguïtés, pour clarifier la situation et pour donner aux collectivités territoriales, à l'heure de la décentralisation, des moyens de travailler conformes à l'importance des compétences qui leur ont été dévolues.
La décentralisation forme un tout, et il s'agit ici d'un amendement qui contribuera à lui donner toute sa plénitude.
Je souhaite simplement, m'adressant à M. Delevoye, que l'avis favorable de la commission soit assorti de l'ajout, à la fin de l'amendement, des mots : « au sein de l'organe délibérant ». Nous en avons d'ailleurs discuté en commission des lois et cela ne devrait pas, je crois, porter atteinte à la philosophie des dispositions présentées par M. Delevoye.
En ce qui concerne l'amendement n° 310 rectifié bis , qui concerne, lui, la situation des collaborateurs de cabinet, je n'insisterai pas : il répond lui aussi au souci de favoriser le plein épanouissement et la commission y est, bien entendu, favorable.
M. le président. Monsieur Delevoye, acceptez-vous la proposition de M. le rapporteur ?
M. Jean-Paul Delevoye. L'expression : « au sein de l'organe délibérant » vise peut-être un espace géographique un peu restrictif. On pourrait peut-être la modifier, par exemple en la remplaçant par la formule : « dans l'intérêt de la collectivité locale ».
Cela étant, la proposition de M. le rapporteur ne soulève, sous réserve de cette conséquence juridique qui mériterait d'être analysée, aucun problème particulier.
M. le président. Je suis donc saisi d'un amendement n° 309 rectifié ter, tendant à insérer, après l'article 69, un article additionnel ainsi rédigé :
« Les articles L. 2121-28, L. 3121-24 et L. 4132-23 du code général des collectivités territoriales sont complétés, in fine , par un alinéa ainsi rédigé :
« L'élu ou le représentant de chaque groupe d'élus décide des conditions et des modalités d'exécution du service confié que ces collaborateurs accomplissent auprès d'eux ou de ces groupes au sein de l'organe délibérant. »
Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s 309 rectifié ter, et 310 rectifié bis ?
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur. Le Gouvernement n'est pas favorable à l'amendement n° 309 rectifié ter , qui risquerait de donner lieu à une interprétation trop extensive, rendant difficile l'articulation avec les règles normales de gestion des fonctionnaires territoriaux.
Quant à l'amendement n° 310 rectifié bis , il n'apparaît pas nécessaire, parce que la proposition qui est faite de mentionner que ces collaborateurs ne dépendent que de la seule autorité territoriale auprès de laquelle ils sont placés n'apporte aucun effet juridique nouveau par rapport aux conséquences actuelles de la loi. Par conséquent, cet amendement est superfétatoire.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 309 rectifié ter .
M. Robert Bret. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Bret.
M. Robert Bret. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous venons, depuis le début du mois, de mener un important débat sur le développement de la coopération intercommunale, et voici que notre collègue Jean-Paul Delevoye dépose en son nom propre deux amendements, qui n'ont d'ailleurs qu'un rapport très lointain avec le reste et qui portent sur le fonctionnement des cabinets d'élus locaux.
Avec l'amendement n° 309 rectifié ter , M. Delevoye nous propose que « le représentant de chaque groupe d'élus apprécie seul, à l'exclusion de toute autre autorité, l'effectivité et les modalités d'exécution du service que ces personnes accomplissent auprès de ces groupes. »
Avec l'amendement n° 310 rectifié bis , il prévoit que « ces collaborateurs ne rendent compte qu'à l'autorité territoriale auprès de laquelle ils sont placés et qui apprécie seule, à l'exclusion de toute autre autorité, l'effectivité et les modalités d'exécution du service qu'ils accomplissent auprès d'elle. »
Ces deux amendements ont en commun d'être particulièrement clairs, ce qui est une excellente chose, mais leur contenu l'est évidemment un peu moins.
Si nous ne sommes pas opposés au fait de mener une réflexion sur le statut des collaborateurs de cabinet et d'élus, cette réflexion peut-elle conduire à créer aussi les conditions d'une sorte d'irresponsabilité, au sens juridique du terme, tant des intéressés que de leurs employeurs ?
Nous craignons même que ces deux amendements ne viennent, en quelque sorte, interférer sur quelques affaires en cours auprès des tribunaux.
Nous ne pensons pas, même si nous pouvons comprendre la nécessité de clarifier certains points et de permettre aux collaborateurs d'élus d'accomplir les missions qui leur sont confiées, que cela soit de bonne politique. Cela risque d'apparaître comme un usage dérogatoire de leur contribution à la charge publique.
Aussi, nous ne voterons pas ces deux amendements de circonstance et d'opportunité, même s'ils posent un vrai problème. La réponse apportée ne nous semble pas, en effet, la bonne.
M. Jean-Claude Peyronnet. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Peyronnet.
M. Jean-Claude Peyronnet. Nous ne voterons pas, nous non plus, ces deux amendements.
Le premier concerne les fonctionnaires ou les employés des groupes politiques, et la façon dont les choses sont présentées ne nous semble pas convenable. Par exemple, il va de soi que l'autorité fonctionnelle est le président de groupe. Que la responsabilité juridique soit celle, et uniquement celle, de celui qui signe le contrat, c'est-à-dire de l'autorité territoriale, c'est aussi une réalité, nous semble-t-il.
Autrement dit, que tel ou tel président de groupe puisse décider de l'emploi de ces fonctionnaires, avec l'accord de l'autorité territoriale, c'est une chose. Il n'en demeure pas moins que la configuration est tout à fait différente de celle des assitants parlementaires, dont le contrat est signé par le parlementaire.
Toutefois, la responsabilité juridique de ces fonctionnaires relève nécessairement de celui qui signe le contrat, c'est-à-dire du président de la collectivité, qu'il soit maire ou président de conseil général. Avec cet amendement, on ne se prémunit donc pas contre les difficultés juridiques que l'on voudrait éviter et on complique singulièrement l'exercice.
Le second amendement, qui concerne les cabinets, peut effectivement sembler inutile, M. le ministre l'a indiqué.
L'objet de cet amendement vise d'ailleurs les maires, les adjoints aux maires, les présidents ou vice-présidents de conseils généraux ou régionaux. Or les cabinets emploient des personnels affectés à l'exécutif, c'est-à-dire aux présidents de conseil général ou régional, aux maires, et non pas aux vice-présidents et aux maires-adjoints. Cette dérive, qui ne figure pas dans le texte de l'amendement mais dans son exposé des motifs, peut être dangereuse.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 309 rectifié ter, accepté par la commission et repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 69.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 310 rectifié bis, accepté par la commission et repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 69.
Par amendement n° 219, M. Michel Mercier, au nom de la commission des finances, propose d'insérer, après l'article 69, un article additionnel ainsi rédigé :
« Dans l'article L. 5334-12 du code général des collectivités territoriales, les mots : "l'article précédent" sont remplacés par les mots : "l'article L. 5334-6". »
La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Michel Mercier, rapporteur pour avis. Cet amendement est purement rédactionnel.
Comme c'est le dernier que je présente au nom de la commission des finances, j'en profite pour remercier la commission des lois, son président et son rapporteur, d'avoir su associer pleinement la commission des finances à la discussion de ce texte.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur. Favorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 219, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 69.
Par amendement n° 387, MM. Vasselle et Hyest proposent d'insérer, après l'article 69, un article additionnel ainsi rédigé :
« A la fin du troisième alinéa de l'article 36 de la loi 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, les mots : "consistant en conversation avec le jury" sont supprimés. »
La parole est à M. Hyest.
M. Jean-Jacques Hyest. Les collectivités locales sont de plus en plus confrontées à des problèmes d'organisation de concours, notamment de concours sur titres, puisque, vous le savez, les textes actuels obligent à faire passer à chaque candidat un entretien.
Imaginez le recrutement d'un médecin de PMI : cinquante ou soixante candidats peuvent se présenter ! Aucune présélection n'étant prévue - alors qu'il pourrait en être exigé une, comme c'est le cas pour un certain nombre d'autres catégories - les jurys durent des jours et des jours, ce qui entraîne de lourdes conséquences financières.
De plus, bien souvent, le jury doit comporter des élus, et on n'en trouve pratiquement plus pour remplir cette tâche. Les concours risquent donc d'être mis en cause sur le plan de la légalité.
Pour tous ces motifs, bien que je reconnaisse que cet amendement ne concerne qu'indirectement la coopération intercommunale, il faudrait que nous résolvions très rapidement ce problème, sans quoi tant le Centre national de la fonction publique territoriale que les centres de gestion n'arriveraient plus à organiser les concours.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Daniel Hoeffel, rapporteur. La commission est favorable à cet amendement, qui tend à instaurer des épreuves de présélection et à remédier à certaines difficultés dans l'organisation des concours.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur. Sagesse.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 387, accepté par la commission et pour lequel le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 69.
M. le président. Par amendement n° 388 rectifié ter, MM. Hyest, de Raincourt, Raffarin, Monory et Barnier proposent d'insérer, après l'article 69, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - L'article 14 de la loi n° 84-594 du 12 juillet 1984 relative à la formation des agents de la fonction publique territoriale et complétant la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale est modifié comme suit :
« a) Le quatrième alinéa est supprimé.
« b) Après les mots : "présent article", la fin du cinquième alinéa est supprimée.
« II. - L'article 21 de la loi n° 90-1067 du 28 novembre 1990 relative à la fonction publique territoriale et portant modification de certains articles du code des communes est ainsi modifié :
« 1. Le dernier alinéa est supprimé.
« 2. Après le deuxième alinéa, sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :
« Pour ce qui concerne les régions et les départements, les organes délibérants peuvent attribuer au directeur général des services et à son adjoint, indépendamment de leur régime indemnitaire, un logement par nécessité absolue de service, les moyens d'entretien et de service y afférents, des frais de réception et la mise à disposition permanente d'un véhicule. Une délibération prévoit ces attributions et précise les moyens mis à disposition.
« Les décisions individuelles sont prises en application des délibérations prévues aux alinéas précédents par l'autorité ayant le pouvoir de nomination. »
La parole est à M. Hyest.
M. Jean-Jacques Hyest. Cet amendement comporte deux parties.
La première concerne les ordonnateurs secondaires.
L'année dernière, nous avions supprimé, dans le cadre d'une disposition législative, les comptables secondaires du CNFPT. Par cohérence, et pour appliquer la nouvelle nomenclature comptable, il convient également de modifier les textes concernant les ordonnateurs secondaires, qui ne se justifient plus.
Quant à la seconde partie de l'amendement, elle se justifie par son texte même et n'appelle pas de commentaire particulier.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Daniel Hoeffel, rapporteur. Après mûre réflexion, la commission a émis un avis favorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur. Le Gouvernement pourrait accepter cet amendement s'il ne comportait que le paragraphe I, qui est, au fond, une disposition de cohérence se situant dans le prolongement de la loi du 2 juillet 1998.
En revanche, le Gouvernement ne peut être favorable au paragraphe II de l'amendement car il présente plusieurs inconvénients cumulés : c'est d'abord un cavalier ; ensuite et surtout, il rompt les parités, d'une part, entre les fonctions publiques et, d'autre part, au sein de la fonction publique territoriale.
Je demande donc aux auteurs de l'amendement de bien vouloir en retirer le paragraphe II s'ils souhaitent que j'émette un avis favorable.
M. le président. Monsieur Hyest, suivez-vous ce jugement de Salomon ?
M. Jean-Jacques Hyest. Monsieur le président, cela m'est très difficile. Je tiens autant, avec les cosignataires de cet amendement, à son paragraphe I qu'à son paragraphe II.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 388 rectifié ter.
M. Jean-Claude Peyronnet. Je demande la parole contre l'amendement.
M. le président. La parole est à M. Peyronnet.
M. Jean-Claude Peyronnet. Je souhaiterais que l'amendement n° 388 rectifié ter soit mis aux voix par division car, si je suis assez d'accord avec sa première partie, sa seconde ne m'agrée pas.
En effet, le paragraphe II de cet amendement amène à se poser un certain nombre de questions. Pourquoi écrire « et à son adjoint » ? En général, un directeur général des services a plusieurs adjoints !
Par ailleurs, si je comprends bien l'intérêt qu'il y a à tenter de sécuriser la situation d'un certain nombre de nos collaborateurs au sein des régions et des départements, je suis très réservé quant à l'extension extrême des avantages matériels qui est proposée par les auteurs de l'amendement. Certes, c'est par parallélisme avec la situation des membres du corps préfectoral, qui bénéficient de tels avantages, voire plus, mais, en l'occurrence, il s'agit de collaborateurs qui ne relèvent que de la fonction publique territoriale.
Je considère que cette proposition est excessive et qu'elle risque en outre d'accroître les disparités au sein de la fonction publique territoriale et à celui même des collectivités territoriales, dans la mesure où les directeurs généraux des services bénéficieront d'avantages dont seront privés leurs adjoints - puisque, je le répète, ils ont en général plusieurs adjoints.
M. Henri de Raincourt. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. de Raincourt.
M. Henri de Raincourt. Je suis un peu gêné d'intervenir dans cette discussion car, pour des raisons qu'un certain nombre d'entre nous peuvent comprendre, je ne suis pas sûr que tout cela doive nécessairement donner lieu à un très long développement. Mais, devant la tournure qu'a prise ce débat, je me dois de le faire.
Je rappellerai d'abord qu'il s'agit de modifier, dans une rédaction correspondant à la réalité d'aujourd'hui, l'article 21 de la loi de 1990. Or, que je sache, en 1990, nous n'assumions pas les responsabilités gouvernementales. Si nous en sommes aujourd'hui arrivés, hélas ! là où nous en sommes, c'est parce que ledit article 21 de ladite loi de 1990 fait l'objet d'une jurisprudence et d'une interprétation restrictives à l'excès, qui pourraient d'ailleurs nous conduire, si nous n'étions dans une enceinte composée de gens bien élevés, à nous demander qui fait la loi et jusqu'à quel point des gens qui ne sont pas les élus du peuple peuvent s'arroger le droit de dénaturer à ce point un texte voté par les élus du peuple !
Je veux dire par là qu'il n'y a aucun excès dans la rédaction de l'amendement n° 388 rectifié ter qui est soumis ce soir à l'examen et à l'approbation du Sénat.
J'ajoute que dans les textes, même pas dans les circulaires de la fin de l'année 1998, qui régissent ces mêmes éléments s'agissant du corps préfectoral, aucune espèce de comparaison n'est établie entre les deux fonctions, et tel n'est pas du tout l'objectif recherché par les auteurs de l'amendement.
Ce que nous voulons, c'est, tout simplement, que les responsables des différentes collectivités territoriales puissent - est-ce vraiment excessif ? - recruter des collaborateurs de haut niveau et qui ne soient pas « sous-traités » sur les plans tant de la rémunération que des avantages afférents à leurs fonctions. Sinon, nous aurons les plus grandes difficultés à en trouver.
L'actualité nous fournit suffisamment de preuves qui montrent que c'est tout de même au législateur de faire la loi. L'exercice auquel nous sommes appelés ce soir consiste simplement à réactualiser l'article 21 de la loi de 1990, et à rien d'autre. (Bravo ! et applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR, de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Jean-Pierre Raffarin. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Raffarin.
M. Jean-Pierre Raffarin. Je suis un peu étonné des réserves qui ont été exprimées. Nous ne demandons que la transparence ! Nous demandons que certaines ambiguïtés du texte de 1990 soient levées. Nous le demandons dans l'intérêt général, pour que les collectivités territoriales, moteurs de la décentralisation, puissent exercer leurs responsabilités avec la netteté à laquelle nous aspirons et que nous ne pouvons obtenir aujourd'hui, faute de disposer des textes suffisants.
Nous voulons une clarification. C'est pourquoi le législateur, à qui on reproche de ne pas avoir été suffisamment précis, doit s'engager. Il subsiste un certain nombre d'ambiguïtés sur des fonctions éminemment importantes dans l'équilibre de notre République. Un certain nombre de collaborateurs assument des responsabilités sans bénéficier de la transparence de statut à laquelle ils ont droit.
Monsieur le ministre, je suis préoccupé de voir combien il est difficile aujourd'hui pour nos collectivités d'attirer les meilleurs. Face aux difficultés qui nous sont constamment opposées, on en vient à se demander si un vent de recentralisation, par le biais de contraintes, ne vient pas à souffler pour brider le développement des collectivités territoriales.
Nombreux sont les acteurs de la décentralisation qui ont en charge de très lourdes responsabilités. Dans cette jeune décentralisation, nous sommes souvent des défricheurs et il nous faut fréquemment faire preuve de créativité et trouver des solutions à des problèmes qui surgissent imprévisiblement.
Toujours nous devons réagir avec célérité face aux problèmes que posent l'évolution des procédures et l'extrême complexité dans laquelle, aujourd'hui, se développe la décentralisation.
Ces collaborateurs qui travaillent à nos côtés ont droit, eux aussi, à la transparence. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)
M. Michel Barnier. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Barnier.
M. Michel Barnier. Monsieur le ministre, vous ne devez pas être étonné que, de manière publique, simple et sincère, nous soulevions cette question. Vous êtes devant la Haute Assemblée, une assemblée qui représente les collectivités territoriales. Nombre d'entre nous sont en charge de collectivités territoriales, d'exécutifs départementaux et, comme vous, monsieur le ministre, nous sommes soucieux que ces collectivités fonctionnent correctement.
Si nous soulevons ce problème - je remercie M. Hyest de nous avoir permis de le faire - c'est que s'exprime actuellement un vrai besoin de transparence et de sécurité juridique de la part de nos principaux collaborateurs. Il ne s'agit pas d'autre chose.
Les collectivités délibéreront de manière transparente ; les délibérations seront soumises au contrôle de légalité, au jugement des citoyens, des contribuables. Les collectivités ne seront pas obligées d'accorder tel ou tel avantage, ou tel ou tel moyen de travail, mais elles en auront la possibilité.
Monsieur le ministre, je suis devenu président de conseil général en 1982, au moment où la loi Defferre est entrée en vigueur. Au mois de février 1982, les services de mon assemblée départementale comptaient treize agents ; au mois d'avril de la même année, par magie, ou par la force de la loi Defferre, ils sont passés à 650 personnes. Il a fallu que je trouve très vite un responsable de ces services. Où suis-je allé le chercher, monsieur le ministre ? C'est un hommage que je rends à la fonction publique d'Etat : j'ai recruté un sous-préfet, qui est aujourd'hui préfet de région. C'était un très bon fonctionnaire, comme vous en comptez beaucoup sous votre autorité. Ce sous-préfet avait droit, dirigeant 650 personnes, aux mêmes conditions de travail qu'il avait connues dans la fonction publique d'Etat, et qu'il a d'ailleurs retrouvées ensuite.
La plupart des départements et des régions furent confrontés aux mêmes problèmes.
Mon département emploie aujourd'hui 700 agents. D'autres en comptent 1 500, voire 2 000. Les directeurs généraux assument de très lourdes responsabilités. Je pense à la sécurité sur les routes, qui exige une vigilance quotidienne de la part du directeur général, je pense aux responsabilités liées au transport scolaire et, chez moi, en montagne, aux risques naturels - il y a des alertes chaque semaine. D'où la nécessité d'un logement de service, où le directeur général doit pouvoir être joint en permanence.

Nous demandons simplement que les conditions de travail et de vie qui sont offertes à ces hauts fonctionnaires territoriaux soient sécurisées davantage par des délibérations publiques et, plus sûrement que ce n'est le cas, aux termes de la loi de 1990, comme l'a dit M. Jean-Pierre Raffarin.
Je pense aussi, monsieur le ministre, que vous devez être attentifs, comme nous le sommes, à ce que ces fonctionnaires de qualité qui viennent pour un temps se placer sous notre autorité, afin de travailler dans une collectivité locale, puissent revenir au service de l'Etat. Je crois que notre pays a besoin de cette perméabilité-là, de ce décloisonnement-là. Nous ne cherchons pas à assimiler les fonctionnaires territoriaux aux fonctionnaires de l'Etat, préfets, secrétaires généraux ou sous-préfets. Vous m'avez dit dans votre bureau, monsieur le ministre - et j'ai entendu ce message - que l'Etat, c'était l'Etat.
Néanmoins, les responsabilités que la loi de décentralisation a données à ces directeurs généraux de services départementaux ou régionaux et à leurs adjoints - je crois, monsieur Peyronnet, que l'on doit s'en tenir à l'adjoint qui remplace en cas de nécessité le directeur général ; car cela permettra d'éviter certains abus - sont telles que l'on peut parfois les comparer à celles qu'assument non pas les préfets, mais les secrétaires généraux de préfecture ou certains sous-préfets.
Ce que nous demandons, monsieur le ministre, est juste et simple. Cela correspond au souci de sécurité juridique à laquelle ont droit ces collaborateurs qui peuvent être les vôtres à un moment ou à un autre de leur carrière. C'est aussi un souci de transparence qui nous anime, et c'est pourquoi nous n'avons aucun scrupule, aucune réticence à évoquer publiquement cette question.

(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. Robert Bret. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Bret.
M. Robert Bret. Cet amendement de M. Hyest, quoique plus précis, et donc a fortiori moins pernicieux, ressemble aux amendements n°s 309 rectifié ter et 310 recifié bis de M. Delevoye.
S'il est nécessaire d'engager une réflexion sur le statut des élus locaux et de leurs collaborateurs, et de lever toutes les ambiguïtés qui existent, vous conviendrez avec moi que ces dispositions ne se rattachent que de façon très lâche à la coopération intercommunale.
Certes, il nous faut apporter des réponses législatives aux problèmes que vous avez soulevés, notamment en prévoyant un cadre juridique sécurisant. Mais il nous faut aussi engager un vrai débat sur ces questions. Nous ne devons pas nous prononcer dès ce soir, ces questions méritent un examen plus ample, il faut les travailler encore.
Pour toutes ces raisons, nous voterons contre cet amendement, bien que nous soyons favorables à la première partie, qui ne pose pas de problème.
M. Jean-Claude Peyronnet. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Peyronnet.
M. Jean-Claude Peyronnet. Je conteste tout à fait vos remarques sur l'adjoint, mes chers collègues. En effet, ne nous voilons pas la face : un fonctionnaire n'est pas « scotché » à son bureau ou à son appartement tous les samedis et tous les dimanches, et il ne se partage pas ces permanences de week-end avec un seul de ses collaborateurs.
Les responsables sont au nombre de trois, quatre, voire cinq. Et, pour les services de protection maternelle et infantile en particulier, on peut joindre l'un d'eux, à tout moment, tout au long de l'année.
Faut-il pour autant qu'ils aient tous des logements de fonction par nécessité absolue de service ?
J'ajoute que, selon moi, avec ce dispositif, vous introduisez une fausse sécurité juridique. En effet, à partir du moment où il sera prévu de fournir un appartement par nécessité absolue de service, l'opportunité de la nécessité de service et sa justification seront du ressort de la légalité et du contrôle des comptes.
Vous croyez mettre vos collaborateurs à l'abri, mais ils ne le seront pas plus qu'ils ne l'étaient précédemment.
Je ne dis pas que cette question ne devait pas être étudiée, mais elle l'a été trop rapidement. Vos explications ne m'ont pas convaincu ; elles ont au contraire conforté mes réticences.
Je ne voterai donc pas cet amendement, tout en reconnaissant qu'il soulève un vrai problème. Nos collaborateurs ont en effet besoin de plus de sécurité juridique. Mais vous n'introduisez ici qu'un leurre.
M. Josselin de Rohan. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. de Rohan.
M. Josselin de Rohan. Plusieurs orateurs ont expliqué avec beaucoup de clarté et de pertinence les raisons qui les avaient amenés à déposer cet amendement, que je soutiens très vigoureusement.
Il ne faudrait pas que ce débat tourne à la mesquinerie. Nous sommes animés par un souci d'équité. Nous voulons en effet que nos collaborateurs, qui exercent des responsabilités très importantes, qui dirigent des services très nombreux, aient les moyens de vivre décemment et perçoivent une rémunération convenable. Il faut dire les choses telles qu'elles sont.
Or nous avons assisté à des « chipotages », à des contestations qui ne nous paraissent pas dignes du débat.
Il est parfaitement normal qu'un fonctionnaire de grande qualité puisse bénéficier d'un logement de fonction et avoir une voiture pour se déplacer. Il y a par exemple entre la capitale de la région et le bout extrême de la Bretagne, 250 kilomètres ! Qu'on ne vienne pas ici « chipoter » sur le point de savoir s'il doit disposer d'une voiture qui lui soit personnellement affectée ou s'il doit utiliser le pool des chauffeurs ! C'est véritablement grotesque.
Je ne vois pas en quoi - monsieur le ministre, je vous le dis très sincèrement - le fait que le directeur général des services de la région Bretagne dispose d'un logement de fonction et d'une voiture en propre attente à la majesté de l'Etat et ruine son crédit !
Le directeur général des services sera très fréquemment l'interlocuteur du secrétaire général de la préfecture de région ou même du préfet de région. Les élus ont donc tout intérêt à ce que les fonctionnaires qu'ils recrutent soient d'excellente qualité, cela facilitera le dialogue.
Par ailleurs, il serait intéressant que nous organisions des passerelles entre la fonction publique territoriale et la fonction publique de l'Etat. Ainsi, ces deux fonctions publiques se comprendront mieux. Ainsi, la décentralisation sera vécue non pas comme un antagonisme, mais au contraire comme une nécessaire collaboration entre l'Etat, les assemblées territoriales et les organismes décentralisés.
Je vous en prie, ne faisons pas de cette question une affaire théologique, ou idéologique. Faisons preuve de bon sens, et d'esprit pratique.
La disposition proposée n'a absolument rien de révolutionnaire ; elle nous paraît tout simplement dictée par l'équité. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. André Dulait. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Dulait.
M. André Dulait. Monsieur le ministre, je ne reprendrai pas les excellents arguments qui viennent d'être évoqués par quelques orateurs avant moi. Mais, parce que je sais que vos préoccupations sont les nôtres, je voudrais simplement vous rappeler la réponse à une question écrite que vous m'aviez adressée le 17 novembre 1997.
Je vous lis sa conclusion : « En revanche, sous réserve de l'appréciation souveraine des juges du fond, la référence à l'emploi de secrétaire général de préfecture pour un emploi de directeur général des services des départements ou des régions semble respecter la limite rappelée par la Haute Assemblée. »
Monsieur le ministre, je souhaitais, dès cette époque, bien clarifier la position des uns et des autres. Je pense que le débat que nous venons d'avoir ne peut qu'éclairer votre position, qui était d'ailleurs déjà très claire à cette époque.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 388 rectifié ter, accepté par la commission et repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 69.

Article 1er (suite)