Séance du 5 mai 1999







M. le président. Je suis saisi, par Mme Beaudeau, MM. Loridant, Foucaud et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, de quatre amendements.
L'amendement n° 162 a pour objet d'insérer, avant le titre Ier, une division additionnelle ainsi rédigée :
« Titre...
« Du pôle financier public. »
L'amendement n° 163 vise à insérer, avant le titre Ier, un article additionnel ainsi rédigé :
« Il est institué un "pôle financier public" autour de la Caisse des dépôts et consignations, associant le réseau des services financiers de La Poste, le réseau des caisses d'épargne et de la prévoyance, la Banque de développement des PME, le réseau des organismes d'assurance crédit à l'exportation, le Crédit foncier de France.
« Pour remplir les missions qui lui sont confiées par la présente loi, le pôle financier public développe des coopérations renforcées avec le Crédit populaire, le réseau des caisses du Crédit mutuel, le réseau des caisses du Crédit agricole mutuel.
« Ces coopérations renforcées peuvent conduire, le cas échéant, à accroître le nombre des institutions, établissements ou réseaux, partie prenante au pôle financier public. »
L'amendement n° 164 tend à insérer, avant le titre Ier, un article additionnel ainsi rédigé :
« Le pôle financier public est chargé d'une mission de service public de l'épargne et du crédit, au service du financement de l'emploi et de la formation. Il s'efforce notamment de développer une sélectivité nouvelle du crédit en distribuant des prêts à long terme à l'investissement dont les taux d'intérêt seront abaissés à proportion de l'efficacité en termes d'emploi et de formation des opérations ainsi financées.
« Pour remplir cette mission, il développe les coopérations nécessaires en France avec toutes les banques et institutions financières. Il recherche aussi, en en définissant lui-même les conditions, un partenariat avec les institutions financières analogues des autres pays de l'Union européenne. Il insère son action dans le cadre des orientations du système européen de banques centrales et de la Banque centrale européenne.
« Dans ce cadre, chacun des réseaux et établissements partie prenante du pôle financier public exerce les missions d'intérêt général qui lui sont confiées. »
L'amendement n° 165 a pour but d'insérer, avant le titre Ier, un article additionnel ainsi rédigé :
Un comité stratégique du pôle financier public définit les grandes orientations permettant d'atteindre les missions de service public définies.
« Y siègent les représentants des instances dirigeantes des différentes institutions parties prenantes au pôle, des représentants des assemblées parlementaires nationales, des représentants des organisations patronales, des représentants des organisations syndicales représentatives des salariés.
« Il veille aussi à l'établissement de relations institutionnelles et financières équilibrées entre chacune de ses composantes.
« Une délégation régionale du comité stratégique du pôle financier public est instituée dans chaque région de France. Le secrétariat en est assuré par la succursale régionale de la Banque de France. Le directeur de celle-ci y siège ès qualité ainsi que des membres élus du Conseil régional et du Conseil économique et social régional.
« Un décret pris en Conseil d'Etat fixe les conditions d'application du présent article. »
Madame Beaudeau, je vous propose de réserver l'amendement n° 162 jusqu'après l'examen de l'amendement n° 165, car il tend à insérer une division additionnelle. (Mme Beaudeau fait un signe d'assentiment.)
Vous avez donc la parole, pour défendre l'amendement n° 163.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Cet amendement tend à définir à la fois d'une manière souple et relativement précise les contours du périmètre du pôle financier public dont nous souhaitons que l'existence soit consacrée par le présent projet de loi.
Il ne s'agit pas, ici, de répondre d'une manière que l'on pourrait qualifier de défensive à la constitution dans le secteur bancaire privatisé de quelques mastodontes financiers, comme l'actualité récente le montre.
Il ne s'agit pas non plus de demander aujourd'hui la constitution d'une nébuleuse d'organismes aux statuts les plus divers, en renforçant entre eux les liens capitalistiques qu'ils seraient amenés à entretenir.
Il ne s'agit pas plus, en urgence, de décider, au nom de ce que l'on pourrait appeler, ici ou là, « la nostalgie de l'économie administrée », de contraindre des organismes financiers ou des institutions financières spécialisées à travailler ensemble, sous la férule des autorités de l'Etat.
Il s'agit, en fait, pour nous, de décliner, dans le cadre de ce titre additionnel que nous souhaitons insérer dans le projet de loi, les conditions de la nécessaire évolution de l'utilisation du crédit dans notre pays. La France est en effet confrontée à une double réalité.
Il s'agit, tout d'abord, de la persistance - ce qui est préoccupant - d'un taux de chômage important, chômage associé dans de nombreux cas à une insuffisance de formation des salariés, reflet de politiques restrictives de la dépense publique et d'une affectation trop peu transparente des moyens de la formation contractuelle dans l'entreprise.
De notre point de vue, on ne peut d'ailleurs pas répondre à cette exigence de formation et de création d'emplois en persistant à faciliter le recours au travail peu qualifié et faiblement rémunéré, processus qui tend à reporter sur les générations futures le coût éventuel et bien sûr prévisible de la suppression progressive des emplois.
La seconde réalité qui marque le paysage économique et social de notre pays est celle de la croissance et de l'importance des moyens financiers dont nous disposons a priori pour répondre aux exigences.
J'observe d'ailleurs ici cette réalité tend à aiguiser les appétits de certains vis-à-vis des fonds d'épargne - 800 milliards de francs, je le rappelle - indépendamment de la question de l'utilité sociale et économique de ces fonds.
Il existe en effet dans notre pays, à travers les différents réseaux de proximité, comme dans le secteur « banal » de la banque et de l'assurance, des liquidités importantes, dont l'utilisation est déterminante pour faciliter le fonctionnement de l'ensemble de l'économie et pour faire en sorte que la richesse qui est créée par le travail n'aboutisse naturellement qu'à y revenir, par le biais de circuits de financement renouvelés et revivifiés.
Dans les faits, nous estimons donc nécessaire que l'ensemble des réseaux que nous citons explicitement dans la formulation de cet amendement soit partie prenante d'une démarche prioritaire de financement à moindre coût de l'emploi et de la formation, ceux-ci étant considérés comme les finalités impérieuses de toute réforme du crédit.
Chacun de ces établissements, dans le cadre des missions qu'il a pu accomplir dans le passé, a d'ailleurs pu répondre à ces finalités. Par exemple, on ne dira jamais assez que l'existence d'une utilisation prioritaire des fonds déposés sur le livret A au profit du financement du logement social est en elle-même une condition du maintien et du développement de l'emploi dans le secteur du bâtiment, en même temps qu'un facteur d'innovation architecturale ou technique.
Mais, nous l'avons dit, nous ne sommes pas des nostalgiques désespérés du passé et nous considérons que la création de ce pôle financier public favorisera l'utilisation la plus productive d'emploi à travers une démarche la plus décentralisée possible - ce qui est à la fois une nécessité et une forme de rupture avec le passé - que nous décrirons par la suite.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur. Je suis très intéressé par cet amendement. En effet, alors qu'il s'agit d'un texte technique, un peu aride, qui traite de dispositions de nature financière, nous commençons, grâce à Mme Beaudeau et aux membres du groupe communiste républicain et citoyen, par de grandes envolées, de grandes perspectives qui nous aérent, il faut bien le reconnaître, en cette fin d'après-midi, dans cet hémicycle un peu confiné par force et par architecture.
Cela étant dit, hélas ! chère collègue, il faut revenir sur terre et constater que le pôle financier public que vous évoquez n'est qu'une fresque, peut-être agréable à certains yeux, mais en tout cas très éloignée de la réalité. Au demeurant, vous nous proposez cela en antichambre à l'examen d'un projet de loi sur les caisses d'épargne. Or, les caisses d'épargne rénovées, restructurées, avec leur nouveau statut, seront-elles des entités du secteur public ? J'ai le regret de vous répondre : non. Ce seront des sociétés coopératives, régies par le droit de la coopération, des entreprises tout aussi privées que le Crédit agricole, le Crédit mutuel ou les banques populaires.
Aussi, en dehors du discours général que vous avez tenu, j'avoue ne pas comprendre comment on peut instituer un pôle financier public s'agissant d'entités extrêmement diverses qui n'ont aucun rapport de capital entre elles, qui obéissent à des logiques très différentes et se situent sur des métiers fort éloignés les uns des autres.
A la lecture du compte rendu des débats qui se sont déroulés à l'Assemblée nationale, j'ai cru comprendre que vos collègues députés du groupe communiste s'étaient livrés, pour des raisons de doctrine, à une sorte de démonstration ; au Palais-Bourbon, M. le ministre l'avait accueillie avec beaucoup d'amabilité, pour des raisons inhérentes à l'arithmétique parlementaire. Mais je pense que le commentaire que M. le ministre fera dans un instant confortera l'approche que je viens de présenter et l'avis défavorable émis par la commission des finances sur une proposition qui n'a pas sa place dans le projet de loi et qui va à l'encontre de toute l'évolution de la vie financière et de l'ensemble des entreprises concernées.
Aujourd'hui, on ne peut plus considérer que l'Etat, par le moyen d'un secteur public, de procédures, de tutelles, soit vraiment en mesure de contingenter, de contrôler, de réaliser des opérations d'économie dirigée, de distribuer des crédits bonifiés et de dire ce qui est bien et ce qui est mal. Tout cela va complètement à rebours de toute l'évolution observée dans l'Union européenne et sur laquelle le nouveau président de la commission de l'Union européenne, M. Romano Prodi, s'exprimait d'ailleurs devant le Parlement européen voilà seulement quelques heures, à en croire la presse.
Or M. Prodi - vous le savez, madame Beaudeau - bien que faisant profession ici de libéralisme économique, a gouverné l'Italie avec vos amis, ce qui prouve, mes chers collègues, qu'il faut savoir évoluer avec son temps !
Mme Marie-Claude Beaudeau. C'est vous qui faites de l'idéologie !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Vous ne serez pas étonnés, mesdames, messieurs les sénateurs, que le Gouvernement ne partage pas les analyses du rapporteur.
D'abord, il ne les partage pas sur M. Prodi - mais ce n'est pas le sujet du débat d'aujourd'hui - car ce que prouve la façon dont l'Italie a été gouvernée, c'est justement que nos économies européennes ont encore besoin de l'intervention publique.
Il ne partage pas non plus les vues de M. Marini sur l'inéluctabilité de la domination des marchés. Si vraiment vous croyez ce que vous dites, monsieur le rapporteur, il faut d'urgence quitter la commission des finances, vous occuper d'affaires étrangères ou d'autre chose ! Il n'y a plus rien à faire en matière législative, sur le plan économique, si vous pensez véritablement qu'il faut laisser tout le pouvoir au marché.
En réalité, vous ne le pensez pas, et même vous qui êtes un libéral sinon extrême du moins engagé, vous savez bien que l'Etat, le législateur ont besoin d'intervenir, et c'est pour cela que vous vous en préoccupez et que vous êtes rapporteur de la commission des finances sur ce texte. Il est donc bien légitime que nous allions plus loin que vous encore.
Je suis convaincu que, dans notre pays, et pour longtemps, nous avons besoin de régulations mises en place par la puissance publique. Ce n'est d'ailleurs pas vrai seulement pour un pays comme le nôtre : c'est vrai du système monétaire international, c'est vrai de l'ensemble de la mécanique que nous connaissons.
Comme le disait tout à l'heure à juste raison M. Loridant, à la tribune, ce système que nous connaissons a mis 40 % des économies de la planète en difficulté.
C'est parce que nous manquons de régulation - et non parce que la régulation est trop importante - que le système économique ne fonctionne pas bien, et c'est bien aux Etats de la mettre en oeuvre.
Que cette mise en oeuvre soit différente de celle que nous avons connue il y a dix, vingt ou trente ans, c'est exact : l'intervention publique n'est plus la même, et ce que nous essayons de construire ensemble pour les caisses d'épargne est la preuve, s'il en fallait une - mais il y en a bien d'autres ! - du fait que nous n'agissons plus comme voilà vingt ans. Mais il ne faut pas jeter le bébé avec l'eau du bain ! Il ne faut pas croire que, pour autant, il suffit de laisser les marchés seuls.
L'existence dans notre pays d'un pôle public - je reviendrai sur ce dernier terme - jouant un rôle spécifique est souhaitable. Il n'y a pas d'arithmétique dans ce que j'évoque là.
Pour ma part, je n'ai jamais prétendu, au contraire de mes prédécesseurs, qu'il fallait privatiser la Caisse des dépôts et consignations. Elle est publique, et nous en avons besoin comme telle. Etant donné qu'elle est l'actionnaire de référence des caisses d'épargne, parler d'un ensemble public a un sens.
Je n'ai pas voulu privatiser la CNP : il n'y avait aucune raison de la mettre sur le marché ; elle est beaucoup mieux dans le secteur public.
Par conséquent, au total, nous avons bien un ensemble d'instruments - par exemple la BDPME ou La Poste - qui jouent un rôle différent de celui des autres institutions. Loin de moi l'idée que toute l'économie doit fonctionner ainsi ! Mais il me paraît souhaitable d'avoir un pôle public, avec une Caisse des dépôts et consignations puissante comme elle l'est, qui joue un rôle qu'aucune autre institution ne peut jouer, avec des réseaux lui étant associés - dans l'assurance, la CNP ; dans la banque de détail, le réseau des caisses d'épargne, etc. - et de pouvoir par là même faire passer des orientations que nous avons du mal à faire passer.
Pourquoi avons-nous besoin dans notre pays de la BDPME ? Peut-être me répondrez-vous qu'elle ne nous est pas nécessaire, mais je ne crois pas que vous irez jusque-là ! Si l'on en a besoin, c'est bien parce que les autres éléments du système financier ne remplissent pas suffisamment la mission en direction des PME que nous voulons voir exercée. Il y a donc des raisons pour que, dans notre pays, des éléments financiers, dont la Caisse des dépôts et consignations est certainement l'élément le plus important, répondent à l'impulsion des pouvoirs publics, et je ne vois pas ce qu'il y a d'anachronique à souhaiter un pôle financier public cohérent plutôt que des éléments épars.
Toutefois, je considère - et là je rejoins Mme Beaudeau - qu'il faut réfléchir à la structuration, à la coopération, à l'activité de ce pôle. Il ne faut pas le figer dans des articles de loi, outre le fait que, sans doute, cette loi-là ne serait pas celle qui serait le mieux adaptée pour comporter ces articles. Mais, indépendamment de cela, je ne suis pas sûr qu'il faille figer les missions ou l'étendue, le périmètre de ce pôle. Nous avons parlé du Crédit foncier à plusieurs reprises. Je ne sais pas, finalement, quel sera le sort d'adossement du Crédit foncier. Mais il ne faudrait pas qu'à un moment donné un périmètre fixé empêche d'autres éléments d'entrer dans ce pôle public.
Je pense donc que c'est plus la pratique du pôle public qui en fait la réalité. Cette pratique doit découler de discussions, de débats, d'orientations sur l'utilisation de ce pôle, et non pas d'un cadre législatif fermé qui l'enserrerait dans un carcan et lui retirerait sans doute sa raison d'être.
C'est pourquoi autant je dis que nous avons intérêt à faire vivre le mieux possible les différents éléments et établissements financiers qui, en totalité ou pour partie, relèvent d'un capital public, et donc suivent une orientation qui peut être celle des pouvoirs publics, autant nous n'avons pas intérêt à figer cela dans un texte ; de toute façon, le voudrions-nous que ce texte-là ne serait sans doute pas le mieux adapté.
Ce que nous pouvons sans doute faire - et je vous propose que nous y réfléchissions - c'est introduire les considérations que je viens de formuler dans l'exposé des motifs du projet de loi relatif à l'épargne et à la sécurité financière, dans lequel il est légitime d'évoquer l'importance des associations publiques. Mais je ne vois pas comment nous pourrions introduire des articles limitatifs, et donc contraignants, dans un texte dont ce n'est pas l'objet.
Je vous propose donc, madame la sénatrice, de retirer ces amendements - le débat a sans doute été insuffisant, mais il a eu déjà un peu lieu, et il sera d'ailleurs repris à l'Assemblée nationale - afin que nous voyions ensemble comment l'évocation de ce débat peut apparaître - car il doit apparaître - dans l'exposé des motifs et que nous puissions ainsi cheminer sur la constitution de ce pôle public et sur la manière de le faire vivre sans nous bloquer dans un débat législatif qui, de toute façon - vous le reconnaissiez vous-même - n'apporterait sans doute pas grand-chose.
Telle est ma proposition. Je ne sais pas si elle peut vous satisfaire, madame Beaudeau. Si elle vous satisfaisait, cela nous permettrait, je crois, d'avancer positivement dans cette direction.
M. le président. Madame Beaudeau, les amendements sont-ils maintenus ?
Mme Marie-Claude Beaudeau. Je comprends très bien le propos de M. le ministre, puisque le débat a eu lieu également en partie à l'Assemblée nationale et que j'en ai lu le compte rendu.
La proposition nouvelle que vous formulez aujourd'hui, monsieur le ministre, c'est l'insertion dans l'exposé des motifs du projet de loi d'un certain nombre de modifications.
Cela ne peut nous suffire, monsieur le ministre. Il nous faut maintenant plus que des paroles : il nous faut non seulement des écrits généraux, mais aussi des éléments concrets. Nous avons pris, les uns et les autres, un certain nombre d'engagements, et je crois pouvoir vous dire, au nom de mon groupe, qu'il nous est impossible de retirer ces amendements.
M. Philippe Marini, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Marini, rapporteur. Je suis un peu comme Mme Beaudeau : j'apprécie les choses concrètes. M. le ministre a formulé une contre-proposition consistant en une modification de l'exposé des motifs du projet de loi.
Je voudrais bien comprendre ce que vous entendez par là, monsieur le ministre. L'exposé des motifs en question, puisque nous ne le votons pas, n'est pas un texte législatif : c'est l'exposé liminaire du Gouvernement, qui a déjà été établi, si je ne me trompe, lors de la présentation du projet de loi en conseil des ministres. Vous envisagez donc, me semble-t-il, de modifier en quelque sorte rétrospectivement cet exposé des motifs, ce qui est tout à fait, semble-t-il, votre droit.
Mais, pour autant, ce texte n'aura pas de portée législative puisqu'il n'aura pas été voté par les chambres du Parlement.
Par ailleurs, quelle diffusion envisagez-vous de donner à cet énoncé d'intentions ?
M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Fort heureusement, le matériau législatif ne se limite pas aux articles qui sont votés, monsieur le rapporteur ; nos discussions et les comptes rendus qui en sont donnés participent à l'élaboration de la législation dans notre pays ; il en est de même des exposés des motifs. Par conséquent, tout ce qui constitue l'exposé des motifs du texte, comme ce que, par ma voix, le Gouvernement a exprimé lors de mon intervention liminaire, ainsi d'ailleurs que les réponses que je vous apporte et les discussions qui sont conduites ici font partie d'un matériau qui traduit la politique du Gouvernement.
Quant à la diffusion ? La plus grande, je l'espère, monsieur le rapporteur ! (Sourires au banc de la commission.)
L'objectif est clair. Nous avons, avec un certain nombre de représentants de l'opposition sénatoriale, une convergence de vues sur ce qu'il faut faire. Nous avons une divergence sur le fait de savoir si on peut l'inscrire dans la loi.
Pour ma part, je pense qu'on ne peut pas inscrire cela dans la loi et, de toute façon, pas dans celle-là, quand bien même on pourrait faire une loi sur ce sujet. De toute façon, je pense que ce point n'a pas de caractère législatif, et, dans ces conditions, je ne propose pas que soient retenus les amendements de Mme Beaudeau.
Pour autant, je partage les objectifs qui sont les siens. C'est là un peu le paradoxe. (M. le président de la commission rit.) Je crois que nous avons besoin de faire vivre ce qui est public, mais je ne vois pas pour autant comment nous pourrions faire une loi définissant les missions de ce pôle. De toute façon, cela ne peut pas entrer dans ce texte-là.
J'évoquais donc l'idée que les propositions quant au pôle public ne restent pas à l'état de discours à l'Assemblée nationale ou au Sénat, mais qu'elles soient introduites dans l'exposé des motifs du texte, car cela relève d'une orientation politique et non pas d'un article de loi.
Mais si Mme Beaudeau, comme c'est tout à fait son droit, n'acceptait pas cette proposition et préférait maintenir ses amendements, je demanderais alors au Sénat de ne pas les retenir. Je pense en effet que nous ne pouvons pas figer l'avenir par l'adoption de ces amendements. Et quand bien même nous voudrions le faire, un projet de loi sur les caisses d'épargne ne serait pas le cadre adéquat, car c'est là un sujet beaucoup plus vaste que la question des seules caisses d'épargne.
M. le président. La parole est à Mme Beaudeau, pour défendre les amendements n°s 164 et 165.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Monsieur le ministre, nous ne cherchons pas à figer l'avenir ; au contraire, nous voulons l'assurer, et ensemble.
L'amendement n° 164 porte sur la définition la plus précise possible des missions effectivement dévolues au pôle financier public dont nous déclinons, dans cette série d'amendements portant articles additionnels avant l'article 1er, les caractéristiques. Je ne peux ici manquer de rappeler que la formulation de l'amendement n° 164 vise en particulier à répondre aux propositions faites par le Gouvernement lui-même, appelant, dans le cadre du débat parlementaire mené sur le projet de loi à l'Assemblée nationale, à l'organisation d'un « pôle financier public qui aurait vocation à animer une réforme importante du service public de l'épargne et du crédit, au service du financement de l'emploi et de la formation ».
Il va sans dire que notre réflexion essentielle dans le cadre de la mise en place de ce pôle financier public part d'un constat pour le moins clair. Ce constat est celui qui procède de l'existence dans notre pays d'une masse importante de sommes disponibles, et pas uniquement dans les fonds d'épargne centralisés, pour faire face aux besoins de financement de l'activité et pour créer les conditions du développement économique et social, celui-ci ayant, de par la réalité de la création d'emplois associée à tel ou tel investissement ou à tel ou tel effort de recherche-développement, vocation à être ainsi quantifié et mesuré.
Nous proposons, en fait, que le niveau de création d'emplois et de mise en oeuvre de politiques de formation soit l'élément de définition des conditions de participation des fonds rassemblés dans le cadre du pôle financier public et, notamment, du taux d'intérêt associé à ces financements.
Il s'agira donc de mettre les institutions participant au pôle financier public en situation de proposer, notamment aux petites et moyennes entreprises, des fonds les moins coûteux possibles et dont le remboursement, tant en capital qu'en intérêts, sera d'autant plus facilité que la croissance de l'entreprise sera pleinement associée à sa capacité de création d'emplois et d'optimisation des compétences des salariés.
La spécificité des fonds collectés par les différents réseaux associés permettra de mener avec le maximum de réussite cette politique de définition de financement en dehors des simples règles du marché financier et bancaire traditionnel.
Nous observerons d'ailleurs, à ce propos, que l'une des caractéristiques du pôle financier public est de répondre néanmoins, à une préoccupation récurrente qui nous anime : nous constatons qu'il y a aujourd'hui, dans un contexte de faiblesse des taux d'intérêt de court terme et de désinflation, persistance d'une difficulté à mobiliser les fonds collectés par les établissements bancaires ou les capitaux propres des entreprises au financement de l'emploi et de la formation, une part importante demeurant utilisée aujourd'hui pour mener notamment, vous le savez bien, monsieur le ministre, de coûteuses opérations capitalistiques.
L'existence du pôle financier public a donc aussi, à nos yeux, la vertu de mettre en évidence la nécessité de changer les règles du jeu en termes d'utilisation du crédit.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 163.
M. Jean-Louis Carrère. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Carrère.
M. Jean-Louis Carrère. Sans allonger le débat, je veux simplement dire à notre collègue Mme Beaudeau que je comprends son souci et que je le partage. S'agissant, toutefois, d'un projet de loi modifiant le statut des caisses d'épargne, il ne me paraît pas judicieux d'intégrer cette préoccupation dans la rédaction de ce texte. Une telle initiative serait, au contraire, contre-productive par rapport aux souhaits et aux soucis légitimes exprimés.
Je ne sais pas quelle est la meilleure méthode. S'agit-il d'évoquer cette préoccupation dans l'exposé des motifs et d'engager une réflexion sur les modalités de mise en oeuvre du pôle public d'épargne ? En tout cas, je vous demande très clairement de ne pas ajouter dans ce texte un concept qui n'y aurait pas sa place, sauf à en changer complètement la nature et à envisager concrètement de réaliser un holding, par exemple.
Bien qu'il partage complètement l'objectif de nos collègues du groupe communiste républicain et citoyen, le groupe socialiste ne s'associera pas au vote de ces amendements. M. Gérard Delfau. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Delfau.
M. Gérard Delfau. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je prendrai l'exact contrepied de M. le rapporteur, d'abord pour faire ce constat : le secteur financier privé ne remplit pas quelques missions d'intérêt général aussi vitales pour la population que l'accès aux services financiers de base, le financement pour la création et le développement de la très petite entreprise, l'accès des couches populaires à l'achat de logements, et j'en oublie forcément car je ne veux pas faire une énumération exhaustive. Il y a là, en cette fin de siècle, un problème grave.
Par ailleurs, tout un autre secteur, que Mme Beaudeau et ses collègues du groupe communiste républicain et citoyen appellent « pôle financier public », remplit pour partie - pour partie seulement, d'ailleurs - et souvent avec difficulté ces fonctions. Il faut donc avancer, non seulement pour pérenniser, mais aussi pour clarifier et conforter les missions de ce secteur.
Mais surgissent alors, madame Beaudeau, un certain nombre de questions, et en premier lieu un problème de dénomination. Je préfère, pour ce qui me concerne - mais cette opinion est à confronter à d'autres - parler de « services financiers publics mixtes », parce que les statuts juridiques sont différents, parce que les missions sont duales : tantôt il s'agit d'activités sur le marché, tantôt de services réservés. Le livret A et le service du courrier, pour La Poste, en sont de bons exemples.
Nous devons par ailleurs mener une réflexion sur le périmètre, comme vous l'indiquez, d'ailleurs, dans l'objet de vos amendements.
M. le ministre, qui est expert en la matière, a bien évidemment soulevé la question : doit-on inclure ou non La Poste dans ce champ ? Celle-ci, par ses services financiers, assure, évidemment, une mission de cohésion sociale et d'aménagement du territoire, ce qui plaide en ce sens ; mais, dans le même temps, je milite pour l'unité de La Poste et je ne voudrais pas voir ainsi ouvrir une brèche qui permettrait à certains de proposer un découpage de cet opérateur public autonome, au nom des difficultés que parfois il rencontre dans ce rôle.
S'agissant des missions de la Caisse des dépôts et consignations, il faut clarifier la notion de chef de file. Quel sera le lien organique avec le capital de chaque entreprise ? La Caisse des dépôts et consignations elle-même est une structure duale, et les salariés défendent l'unité de cet établissement, ce que je comprends.
Bref, chaque fois que l'on pose de nouvelles questions, on se dit qu'il faut avancer tout en étant précautionneux, car il ne faudrait pas aller à l'encontre de l'objectif recherché.
J'ajoute un dernier élément de réflexion : nous aurions tout intérêt à opérer une liaison avec le traité sur l'Union européenne, plus précisément avec l'article 90-2, récemment conforté par l'article 7 D, qui fait état de services d'intérêt économique général.
Si nous voulons conforter nos services publics et nos opérateurs publics, il importe donc de rechercher des articulations, des collaborations, et pourquoi pas une certaine homogénéisation sur les bases que nous défendons et non pas sur des options contraires.
Bref, tout en m'étant exprimé dans la presse en faveur d'un pôle financier mixte, je suis perplexe à cet instant du débat. Il importe, à mes yeux, que M. le ministre concrétise rapidement sa proposition, mais je ne parle ici qu'en mon nom personnel : peut-être pourrait-il s'engager à ce que l'exposé des motifs du projet de loi ne soit que le début d'une réflexion qu'il pourrait conduire, à sa diligence mais pourquoi pas conjointement avec le Parlement, pour aboutir assez rapidement, soit à un texte de loi soit à une déclaration assez précise pour introduire une clarification entre ceux qui suivent les positions adoptées par le rapporteur et ceux qui soutiennent le point de vue que Mme Beaudeau et moi nous défendons.
M. Paul Loridant. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Loridant.
M. Paul Loridant. Je crois qu'il faut bien analyser la proposition du groupe communiste républicain et citoyen et voir comment elle s'inscrit dans la dynamique du Gouvernement ... et de la majorité plurielle, il faut parler clairement.
M. le ministre a envoyé une lettre à M. Robert Hue lui indiquant qu'il souhaitait l'établissement d'un pôle financier public.
M. Philippe Marini, rapporteur. Ah ! voilà l'exposé des motifs : c'est la lettre à Robert Hue !
M. Paul Loridant. Nous prenons donc acte des intentions du Gouvernement, nous nous situons bien dans le domaine public.
Notre groupe formule une série de propositions, mais je précise à notre collègue M. Carrère qu'il s'agit non pas de dévier du débat sur les caisses d'épargne, mais de proposer un chapitre à part dans lequel sont réaffirmés les prinicipes de ce pôle financier public. Nous en dessinons un premier contour, peut-être insuffisant, mais dont l'objet est de prendre acte de cette orientation. Et, comme vous l'avez dit et les uns et les autres, nous constatons que le secteur financier privé - pour employer cette expression - est très largement défaillant puisqu'un certain nombre d'exclus ne peuvent pas avoir, par exemple, de compte bancaire.
Nous savons que le financement des PME obéit à une approche particulière : la rentabilité n'y étant pas nécessairement assurée, il y a un risque supérieur. Nous savons aussi que La Poste, au même titre, d'ailleurs, que les caisses d'épargne, joue un rôle essentiel qui consiste à assurer à un certain nombre de nos concitoyens des services essentiels pour la vie quotidienne. Encore faudrait-il que le Gouvernement nous précise comment va se faire la coordination entre la banque des PME, La Poste, la Caisse des dépôts et consignations et le réseau des caisses d'épargne !
Allez-vous créer un GIE ? Y aura-t-il un coordinateur pour ces établissements ? Avez-vous l'intention de rédiger une instruction à destination de ces établissements pour vous assurer que l'ensemble sera cohérent et viendra en appui de l'action gouvernementale, prendrez-vous en charge un domaine qui, il faut bien le dire, n'est pas assuré par le secteur public ?
Tel est l'objet de ces amendements, que notre groupe votera. Nous avons compris que nos collègues du groupe socialiste, aujourd'hui, en saisissent la nécessité mais n'en voient pas l'opportunité. Quant à M. le ministre, il doit nous dire quelles sont réellement ses intentions et, surtout, son calendrier.
M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Nous n'allons pas prolonger le débat sur ce point : tout ce qui a été dit est public.
Je ne vois pas pourquoi un coordinateur des différents éléments du pôle public serait nécessaire, car le coordinateur, c'est le ministre ! Si le Gouvernement a souhaité réunir dans un même ministère tous les éléments, y compris La Poste, qui font partie de ce que nous pouvons considérer comme cette « sphère publique », pour reprendre le vocabulaire de M. Delfau, c'est bien parce que le coordinateur, c'est le Gouvernement !
Je ne crois cependant pas qu'il faille figer cette situation dans un texte de loi. Soyons clairs : oui, à une activité publique différente de l'activité privée, mais oui à condition que ce soit une activité publique qui vit, qui se développe, qui évolue et qui n'est pas enserrée dans un carcan.
L'activité économique ne se définit pas par des textes de loi. C'est parce que, moi le premier, nous l'avons peut-être trop cru dans le passé que des difficultés sont apparues sur certains sujets. Sachons faire le partage ! Ne refusons pas le public au nom de l'efficacité ! Le public est très efficace dans de très nombreux domaines, mais il faut lui donner les possibilités d'évoluer, de s'adapter, de fonctionner.
Par conséquent, ce n'est pas un problème législatif. Au demeurant, l'argumentation développée par M. Delfau à propos de La Poste montre bien toute la difficulté qu'il y a à agir en la matière. Ne nous mettons donc pas nous-mêmes des boulets aux pieds en nous donnant une sorte de satisfaction illusoire parce que nous aurons inséré trois articles dans une loi, alors que nous savons très bien que ce n'est pas un sujet qui relève de la loi : c'est un sujet d'action économique.
M. Philippe Marini, rapporteur. Voilà qu'il devient libéral ! (Sourires.)
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Ne jetez pas de l'huile sur le feu, monsieur le rapporteur ! (Nouveaux sourires.)
M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. On en reparlera !
M. Delfau dit que c'est le début d'une discussion - ce n'est même pas son début, on l'a déjà entamée il y a longtemps ! - qu'il faudra poursuivre, et c'est également ce que vous voulez dire. D'accord, mais une discussion concrète sur la façon de faire évoluer l'activité de la BDPME, de La Poste, de la CNP !
Voilà pourquoi je disais que le coordinateur, c'était le ministre ; c'est de lui que tout cela relève, en concertation, bien sûr, avec les parlementaires, sont tout particulièrement avec sa majorité, et en dehors de tout carcan juridique, j'y insiste.
Il n'y a pas de divergence entre nous sur l'objectif à atteindre ; quant au moyen de l'atteindre, il ne me paraît pas utile - je n'y vois même que des inconvénients - à mettre en place des instruments pour définir un périmètre ou mener des missions qui sont, au surplus, très délicates à conduire.
Dans les amendements présentés, d'inspiration au demeurant sympathique, on nous propose de mettre en place une politique de taux bas. Belle orientation ! Mais, en termes législatifs, cela ne veut pas dire grand-chose : qu'est-ce que des taux bas ? Bas par rapport à quoi ? Bas de combien par rapport au taux du marché ? Tout cela relève d'une appréciation concrète. C'est la politique économique de tous les jours et, cette politique, il est normal que le Gouvernement la conduise, sous le contrôle et avec l'appui de sa majorité.
On ne va tout de même pas essayer de fixer la politique du Gouvernement dans des textes de loi à l'avance ! D'abord, on n'y parviendrait pas ; ensuite, on ne sait plus très bien à quoi servirait un gouvernement.
Ne nous y trompons pas : une orientation politique, c'est une chose, et la définition de ses axes de gestion n'a pas à figurer dans un texte de loi, en tout cas, pas dans un texte sur les caisses d'épargne.
Voilà ce que je pouvais dire sur ce sujet. Ne nous disputons pas alors que nous sommes d'accord sur le fond. Quant aux modalités, je vous ai dit quel était mon sentiment.
M. Joël Bourdin. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Bourdin.
M. Joël Bourdin. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je ne veux pas revenir sur les excellents arguments qui ont été développés de part et d'autre, notamment par M. le rapporteur et par M. le ministre.
Je veux toutefois insister, alors que j'entends parler de pôle public, sur le fait qu'une caisse d'épargne est une personne morale de droit privé. Ce n'est pas parce que la Caisse des dépôts et consignations a une participation dans la Caisse nationale - elle n'est d'ailleurs pas majoritaire - que l'on peut classer les caisses d'épargne dans le domaine public.
M. Philippe Marini, rapporteur. Absolument !
M. Joël Bourdin. Je fais partie de ceux qui souhaitent, bien sûr, que les caisses d'épargne diversifient quelque peu, à l'avenir, leurs participations. D'ailleurs - je pose la question - peut-être est-ce d'un pôle de mutuelles que nous avons besoin !
En tout cas, il faut laisser aux futurs dirigeants des caisses d'épargne le soin de définir leur politique en la matière. Peut-être iront-ils dans cette direction. Ce qui est sûr, c'est qu'il est assez difficile de leur imposer ce carcan dont j'entends parler maintenant.
M. Philippe Marini, rapporteur. Très bien !
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Ce débat extrêmement intéressant va peut-être me permettre d'obtenir une réponse plus précise à la question que j'ai posée, à l'occasion de la discussion générale, à M. le ministre sur le gouvernement d'entreprise, pour savoir qui, au fond, allait fixer la stratégie du groupe des caisses d'épargne.
M. le ministre m'a répondu tout à l'heure qu'il s'agissait d'une société coopérative, avec des porteurs de parts, et que ce sont donc les organes normaux de la société coopérative qui fixeraient la stratégie.
Puis, alors que M. Joël Bourdin évoquait, dans son excellent propos, la Caisse des dépôts et consignations, M. le ministre a insisté sur l'importance de cette dernière dans le capital du groupe et sur son appartenance au pôle public.
Alors, monsieur le ministre, ôtez-moi d'un doute ! Avec la naïveté que vous me connaissez, je vous ai demandé qui, au fond, allait commander. La réponse est simple, m'avez-vous dit : vous savez ce qu'est le statut coopératif ; il y a des organes.
Alors, en fin de compte, c'est public ou privé ?
M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Je veux répondre à M. le président de la commission et à son indignation feinte (Sourires.)
Il est clair pour tout le monde depuis le début que la Caisse des dépôts et consignations est censée avoir de 30 % à 35 % du capital, et probablement la minorité de blocage, au moins au démarrage du système.
Un actionnaire avec une minorité de blocage, cela veut dire quelque chose, et ce dans le cadre même, qui est celui que vous évoquiez, du gouvernement d'entreprise sinon rien ne veut plus rien dire.
Mais ce n'est pas tellement cela qui fait que le réseau des caisses d'épargne a légitimement droit de cité dans ce pôle public qui nous intéresse tant, visiblement vous autant que nous.
En fait, nous fixons dans la loi des missions d'intérêt général et, à ma connaissance, c'est plus la sphère publique que la sphère privée qui se sent concernée par les missions d'intérêt général.
La Caisse des dépôts et consignations, qui a une minorité de blocage, interviendra en effet, sous l'impulsion du Gouvernement, si d'aventure le réseau des caisses d'épargne voulait s'écarter de ces missions d'intérêt général que nous sommes nous-mêmes en train de fixer dans la loi. C'est parce qu'il y a intérêt général qu'il y a relation avec un pôle public d'intervention financière.
Les décisions seront prises selon les règles du gouvernement d'entreprise que vous évoquiez tout à l'heure, je le confirme, mais avec un partenaire public important, même s'il n'est pas majoritaire, à savoir la Caisse des dépôt et consignations et surtout avec d'autres partenaires qui devront s'inscrire dans le cadre de la loi qui définit les missions d'intérêt général.
A ma connaissance, vous ne proposez pas de modifier ces missions d'intérêt général dans les amendements que vous présentez, monsieur le président. Vous reconnaissez donc bien l'idée que ces missions, telles qu'elles sont issues de la discussion à l'Assemblée nationale, doivent être conduites. Nous en avons d'ailleurs beaucoup parlé au cours de la discussion générale.
Conduire des missions d'intérêt général, c'est rejoindre l'intérêt public que le Gouvernement est précisément chargé de mettre en oeuvre. Je ne vois là, pour ma part, aucune contradiction : les organes dirigeants des caisses d'épargne conduiront leur action normalement, dans le cadre, évidemment, de la loi que vous allez voter - vous ne voudriez tout de même pas qu'ils le fassent hors la loi ! Or, cette loi définit l'intérêt général. Il n'y a donc aucune difficulté.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 163, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. En conséquence, les amendements n°s 164, 165 et 162 n'ont plus d'objet.

4