Séance du 11 mai 1999







M. le président. La parole est à M. du Luart, auteur de la question n° 519, adressée à M. le ministre de l'intérieur.
M. Roland du Luart. Monsieur le ministre, je souhaiterais vous interroger sur les effets du décret du 16 décembre 1998 sur la réglementation des armes, dont on peut comprendre l'inspiration mais qui soulève plusieurs difficultés graves pour les chasseurs.
Il s'agit tout d'abord du fusil dit « à pompe », qui est maintenant classé en quatrième catégorie et ne peut plus être utilisé par les chasseurs de gibier d'eau, soit 200 000 chasseurs aux moyens modestes. C'est une véritable spoliation, puisqu'ils ne peuvent plus ni utiliser ni revendre ces fusils ; c'est à mon sens d'autant plus choquant qu'ils venaient de déclarer ces armes auprès du ministère de l'intérieur, au titre d'un décret de 1995. Il convient donc de prendre rapidement des mesures transitoires, confirmant peut-être les interdictions à la vente mais permettant en tout cas aux détenteurs actuels de continuer à les utiliser.
Il s'agit ensuite de régler les problèmes juridiques liés à l'emploi, à l'article 5 du décret, du mot « acquisition », qui interdirait par exemple à toute personne de détenir des armes de chasse acquises par héritage si elle n'est pas elle-même détentrice d'un permis de chasse visé et validé.
Ce décret pose enfin de nombreux autres problèmes pour les tireurs sportifs, les collectionneurs, les candidats au permis de chasser, qui doivent s'initier au tir pour pouvoir passer leur examen, et les organisateurs de ball-trap, problèmes qu'il convient de régler, étant entendu qu'ils n'ont absolument aucun impact en termes de sécurité publique.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur. Monsieur le sénateur, vous n'ignorez pas qu'un très grand nombre d'accidents se sont produits ces dernières années du fait de l'utilisation d'armes à feu faciles à acquérir et ont entraîné mort d'homme dans certaines circonstances où j'ai été amené à prendre des sanctions. Ce problème est grave.
Le décret n° 98-1148 du 16 décembre 1998, qui modifie le décret n° 95-589 du 6 mai 1998 relatif au régime des armes, reclasse en quatrième catégorie des armes jusqu'alors classées en septième ou en cinquième catégorie, parmi lesquelles les fusils à pompe à canon lisse dont le chargeur ou le magasin peut contenir cinq cartouches au plus, ce qui est déjà beaucoup !
Cette mesure obéit à des préoccupations de sécurité publique. Elle a été rendue nécessaire en raison de la diffusion excessive de ces fusils à pompe qui, en raison d'un maniement aisé, d'un prix relativement peu élevé et d'un effet certain de mode, sont devenus des armes utilisées à de toutes autres fins que la chasse, y compris dans nos banlieues. C'est donc à la suite du rapport de l'inspecteur général de la police nationale Claude Cances que j'ai été conduit à prendre cette mesure.
Au regard de cette évolution dangereuse et préoccupante pour la sécurité publique, il a paru nécessaire de reclasser ces armes en arme de défense, c'est-à-dire en quatrième catégorie.
Le reclassement en quatrième catégorie implique que l'acquisition, la détention de ces armes sont prohibées, sauf autorisation délivrée par l'autorité préfectorale pour les seuls motifs et dans les conditions prévus par la réglementation en vigueur, à savoir la défense, en vertu de l'article 31 du décret précité du 6 mai 1995, ou le tir sportif, conformément à l'article 28 du même décret. Ce dernier motif ne peut par ailleurs pas être retenu pour le fusil à pompe, qui n'est pas une arme de tir sportif.
En tout état de cause, monsieur le sénateur, la chasse ne constitue pas un motif de détention d'une arme de quatrième catégorie, et aucune mesure dérogatoire n'est prévue par la réglementation en vigueur pour les détenteurs des armes qui font l'objet du reclassement en quatrième catégorie effectué par le décret précité du 16 décembre 1998. Par conséquent, une mesure transitoire n'est ni prévue ni nécessaire. Il s'agit d'une mesure d'interdiction.
Outre le reclassement en quatrième catégorie, le décret du 16 décembre 1998 introduit également dans le décret du 6 mai 1995 une disposition aux termes de laquelle tout acquéreur d'arme ou de munitions de cinquième catégorie doit présenter au vendeur un permis de chasser ou une licence de tir sportif en cours de validité.
Cette disposition, qui concerne l'acquisition des armes ou des munitions de chasse ou de tir sportif de ball-trap, est une mesure de bon sens puisqu'elle conditionne cette acquisition à une pratique des activités pour lesquelles ces armes et ces munitions sont destinées. Son application ne doit pas non plus être limitée.
Toutefois, ce dispositif ne s'applique qu'aux personnes qui achètent des armes ou des munitions de cinquième catégorie. Il ne concerne donc pas, je vous l'accorde, celles qui entrent en possession d'une arme ou de munitions de cinquième catégorie par voie successorale. Ainsi, si les personnes qui héritent d'une arme ne l'utilisent pas à la chasse ou au tir sportif de ball-trap, elles peuvent la détenir, sous réserve de la déclarer s'il s'agit d'une arme de cinquième catégorie soumise à déclaration, sans être pour autant titulaires d'un permis de chasser ou d'une licence de tir en cours de validité.
M. Roland du Luart. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. du Luart.
M. Roland du Luart. Monsieur le ministre, je vous remercie d'avoir répondu à la question que je vous avais soumise. Cette question comportait deux aspects, et visait, en premier lieu, le problème des fusils à pompe.
Je comprends la préoccupation sécuritaire qui doit prévaloir, notamment en banlieue. Mais je suis convaincu que, si les chasseurs, quant à eux, déclarent bien leurs armes, les gangsters n'agiront jamais ainsi ! Nous sommes donc un peu à côté de nos pompes s'agissant de cette réponse, si j'ose m'exprimer ainsi. (Sourires.)
Monsieur le ministre, normalement, aucune arme ne doit permettre aujourd'hui de tirer cinq coups. Tous les chargeurs dont les chasseurs se servent sont limités à deux coups. Vos services devraient donc savoir qu'aucun fusil à pompe en action de chasse ne peut légalement tirer plus de deux coups.
Cela dit, je peux très bien comprendre le problème sécuritaire dont vous faites état, connaissant les difficultés auxquelles vous êtes actuellement confronté dans les banlieues, monsieur le ministre.
Le second aspect de la question concernait l'emploi du mot. Je vous remercie de m'avoir confirmé que ce terme ne vise pas les personnes détenant des fusils par héritage ; le contraire aurait en effet constitué une aberration.
Enfin, un point me paraît quelque peu obscur en l'état actuel de la réglementation : un jeune chasseur, pour obtenir son permis de chasser, doit obligatoirement passer une épreuve pratique de tir. Comment pourra-t-il s'y préparer puisque, n'ayant pas encore son permis, il n'a pas le droit d'acquérir des cartouches ? Il est donc nécessaire de procéder à une adaptation à cet égard. Nous sommes en effet tous très attachés - comme Mme Voynet et comme vous-même, monsieur le ministre, j'en suis sûr - au maintien d'une épreuve pratique au permis de chasser, pour éviter tout accident lorsqu'un chasseur pratiquera le sport qu'il chérit.

AVION DE TRANSPORT MILITAIRE DU FUTUR (ATF)