Séance du 2 juin 1999
M. le président.
« Art. 9. _ I. _ A l'article L. 814-5 du code de la sécurité sociale, les mots
: "Les dépenses entraînées par l'attribution de l'allocation spéciale, par
l'action sociale prévue par l'article L. 814-7 et par la prise en charge, au
titre de l'article L. 741-4, des cotisations d'assurance personnelle des
titulaires de l'allocation spéciale" sont remplacés par les mots : "Les
dépenses entraînées par l'attribution de l'allocation spéciale et par l'action
sociale prévue par l'article L. 814-7".
« II. _ Au 2° du premier alinéa de l'article L. 135-3 du code de la sécurité
sociale, le taux : "60 %" est remplacé par le taux : "55 %". »
Sur l'article, la parole est à M. Descours, rapporteur.
M. Charles Descours,
rapporteur. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le
secrétaire d'Etat, mes chers collègues, je souhaite expliquer la position de la
commission des affaires sociales sur les articles 9 à 12. J'en profiterai
d'ailleurs pour présenter les amendements de la commission, afin de gagner du
temps.
La suppression de l'assurance personnelle en conséquence de l'institution
d'une couverture de base sur le critère de la résidence entraîne, dans le
projet de loi, des transferts financiers d'une rare complexité.
Le Gouvernement propose d'éclater l'affectation du 1 % de prélèvement social
sur les revenus du patrimoine et les produits de placements, jusque-là affecté
à la CNAF, la Caisse nationale des allocations familiales, entre la CNAMTS, la
Caisse nationale de l'assurance maladie des travailleurs salariés, à hauteur de
0,56 %, et la CNAF, pour 0,44 %.
Il propose également d'éclater les droits de consommation sur les alcools dits
« droits 403 ». Ces droits sont actuellement répartis entre le FSV, le Fonds de
solidarité vieillesse, que M. Vasselle connaît bien, à hauteur de 60 %, et les
différents régimes d'assurance maladie, à hauteur de 40 %. Le projet de loi
prévoit une baisse des « droits 403 » en faveur du FSV à 55 % et la création
d'une affectation « pleine » à la CNAMTS de 5 %.
Enfin, le Gouvernement propose d'affecter l'intégralité de la cotisation sur
les véhicules à moteur à la CNAMTS, alors que cette cotisation est actuellement
affectée à l'ensemble des régimes d'assurance maladie, c'est-à-dire la CANAM et
la MSA, notamment.
Les choix que traduit le projet de loi sont critiquables à trois titres.
Premièrement, la complexité de l'affectation de certaines recettes est accrue
alors qu'il importe de rendre plus lisibles les ressources des différentes
caisses de sécurité sociale.
Deuxièmement, la compensation de moindres dépenses se fait par de moindres
recettes, alors qu'il serait plus logique d'opérer une compensation entre
dépenses.
Troisièmement, l'Etat économise de l'argent sur le financement de la
couverture maladie de base - 351 millions de francs - mais le solde de ces
transferts se traduit en revanche par une charge accrue pour la CNAMTS - 0,9
milliard de francs qui vient s'ajouter au déficit actuel de l'assurance
personnelle - et par un manque à gagner pour la CNAF de l'ordre de 300 millions
de francs, selon l'étude d'impact, et de 600 millions de francs, si j'en crois
la réévaluation à la hausse du rendement du prélèvement social, faite par la
commission des comptes du 31 mai dernier.
Aussi, la commission des affaires sociales vous propose un dispositif
simplifié.
Sa première proposition vise à compenser la suppression des cotisations
d'assurance personnelle prise en charge aujourd'hui par la CNAF par un retour
partiel de l'allocation de parent isolé, l'API, dans le giron de la branche
famille.
La charge de l'allocation de parent isolé vient d'être transférée au budget de
l'Etat par la loi de finances pour 1999. Il s'agissait de réparer les
conséquences du « pas de clerc » du Gouvernement, qui avait décidé, dans la loi
de financement de la sécurité sociale pour 1998, de placer les allocations
familiales sous condition de ressources.
Cette opération avait été neutralisée par le transfert, de la CNAF vers le
budget général, de la prise en charge de l'API. Cette prestation n'avait été
choisie qu'à cause de son montant - 4,2 milliards de francs - qui correspondait
à l'économie résultant pour l'Etat du plafonnement du quotient familial.
Je me permetrai de citer notre collègue Jacques Machet, rapporteur de la
commission des affaires sociales pour la branche famille du projet de loi de
financement de la sécurité sociale pour 1999, qui commentait ainsi cette
opération : « Rien ne justifie, sur le plan des principes, le financement par
l'Etat de l'API qui constitue précisément une reconnaissance de la fonction
parentale. »
Alors que le chef de l'Etat vient de rappeler la nécessité du maintien de la
politique familiale, je vous propose, au nom de la commission, de maintenir
intégralement à la CNAF le prélèvement de 1 % sur les revenus du patrimoine et
les produits de placement, et de transférer 60 % du coût de l'API du budget
général vers la CNAF ; la CNAF percevrait donc du budget général une subvention
correspondant à 40 % du coût de l'API. Enfin, l'Etat, constatant une économie
budgétaire de 2,52 milliards de francs, la neutraliserait par une affectation
supplémentaire de droits sur les tabacs à la CNAMTS.
Tel est l'objet de l'amendement n° 7, à l'article 10.
Cette première proposition permet ainsi à la fois de donner une ressource à la
CNAMTS et de ne pas compliquer l'affectation du prélèvement social sur les
revenus du patrimoine et les produits de placement, prélèvement extrêmement
dynamique, ce qui signifie, dans le langage de Bercy, qu'il augmente alors que
d'autres prélèvements sont stables.
Notre deuxième proposition vise à ne pas compliquer l'affectation des droits
sur les alcools.
Je rappelle qu'il existe déjà une cotisation sur les boissons alcooliques, qui
bénéficie à la seule CNAMTS, cotisation instituée par l'article 26 de la loi n°
83-25 du 19 janvier 1983.
La CNAMTS bénéficierait ainsi, si le projet du Gouvernement était accepté, de
trois ressources liées aux alcools : la cotisation sur les boissons
alcooliques, un peu plus de 80 % des 40 % des « droits 403 », et 5 % « en
direct » de ces droits.
La commission vous propose de laisser inchangée la répartition des « droits
403 », c'est-à-dire 60 % pour le FSV et 40 % pour les régimes d'assurance
maladie.
Tel est l'objet de l'amendement n° 6, à l'article 9.
La commission a tenu compte du fait que le FSV n'a pas reçu de « compensation
» du fait de la suppression du droit de fabrication sur les alcools - les «
droits 406 » - par la dernière loi de finances et la dernière loi de
financement de la sécurité sociale, ce qui a entraîné une perte de l'ordre de
350 millions de francs.
La CNAMTS bénéficierait en compensation d'une affectation des droits sur les
tabacs plus favorable que celle qui est prévue par le Gouvernement.
La troisième proposition vise à maintenir l'affectation intégrale prévue par
le projet de loi de la cotisation sur les véhicules terrestres à moteur en
faveur de la CNAMTS - c'est l'article 12.
La commission a hésité un moment entre deux attitudes. En effet, la cotisation
sur les véhicules terrestres à moteur, prévue à l'article L. 213-1 du code des
assurances, créée en 1967, était censée faire participer les possesseurs
d'automobile aux frais d'assurance maladie occasionnés par les accidents de la
circulation.
En application de l'article 12 du projet de loi, cette taxe serait affectée
non plus à l'ensemble des régimes obligatoires d'assurance maladie mais au seul
régime des travailleurs salariés. Pourquoi, si ce n'est pour des raisons
simplement budgétaires ? Les autres régimes, qu'il s'agisse du régime agricole
ou du régime des travailleurs indépendants entre autres, seraient là-dessus
pénalisés.
La commission constate que l'affectation exclusive à la CNAMTS de la taxe sur
les véhicules terrestres à moteur fragilise singulièrement le bien-fondé de
cette dernière, qui continuera d'être acquittée par tous les possesseurs
d'automobile, quel que soit leur régime d'affiliation.
A contrario, la commission des affaires sociales a été sensible à la
simplification opérée par le projet de loi qui met fin à l'un des travers du
financement de la sécurité sociale, celui d'un éclatement des contributions
entre plusieurs bénéficiaires.
C'est finalement ce dernier argument qui l'a emporté dans notre esprit.
La commission appelle donc à une rationalisation de la fiscalité sociale par
l'examen systématique des « recettes de poche » qui lui sont affectées.
La quatrième et dernière proposition vise à tirer les conséquences de ce qui
précède sur les droits sur les tabacs affectés à la CNAMTS - c'est l'article
11.
Conséquence des propositions précédentes, le prélèvement sur les tabacs opéré
au profit de la CNAMTS serait majoré. Ses recettes seraient ainsi plus
cohérentes. Au lieu des 3,5 milliards de francs prévus par le projet de loi, la
commission estime que 7 milliards de francs seront nécessaires.
C'est l'objet de l'amendement n° 8, à l'article 11.
Cette recette est de toute façon actuellement virtuelle, puisqu'il
appartiendra à la loi de finances pour 2000 d'en décider ainsi.
Voilà, mesdames et messieurs, pourquoi votre fille est muette !
M. le président.
Par l'amendement n° 6, M. Descours, au nom de la commission des affaires
sociales, propose de supprimer le II de l'article 9.
M. le rapporteur a déjà défendu cet amendement.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité. Monsieur le président,
mesdames, messieurs les sénateurs, la commission des affaires sociales propose
un système de transfert financier différent de celui que prévoit le projet de
loi. Je rappelle que ce dernier compense la disparition de la recette que sont
les cotisations d'assurance personnelle pour la CNAM par le transfert de quatre
recettes de remplacement. Ces régimes, qui finançaient effectivement
l'assurance personnelle, n'auront plus à le faire. Il n'est donc pas aberrant
qu'on leur demande de remonter ces recettes vers la CNAM, comme nous le faisons
d'ailleurs avec les conseils généraux par rapport à la couverture
complémentaire et à l'aide médicale gratuite.
Ces quatre recettes de remplacement sont les suivantes : 5% des droits sur les
alcools enlevés au FSV qui remplacent les cotisations versées par celui-ci ; 28
% du prélèvement de 2 % sur les revenus des capitaux enlevés à la CNAF qui
remplacent les cotisations payées par celle-ci ; la part de la cotisation sur
les véhicules terrestres à moteur allant actuellement aux autres caisses
maladie qui remplace la quote-part du déficit par l'assurance personnelle payée
par celle-ci et d'ailleurs simplifie, comme vous l'avez dit, monsieur le
rapporteur, le système ; enfin, une part des droits sur le tabac qui remplace
les cotisations payées par les départements et par l'Etat.
La commission des affaires sociales propose que seule cette dernière recette
soit utilisée pour compenser la perte de cotisation d'assurance personnelle.
Pour atténuer la perte de recette de l'Etat, l'allocation de parent isolé
serait mise pour 40 % à la charge de la CNAF.
Le Gouvernement ne peut être d'accord avec cette répartition, qui me semble
appeler trois critiques.
Tout d'abord, elle m'apparaît contradictoire. Tout en déplorant le caractère
virtuel de la recette prélevée sur les tabacs, la commission propose d'en
augmenter l'importance et de s'appuyer sur celle-ci pour financer l'assurance
personnelle mise à la charge de la CNAM.
Cette répartition me semble par ailleurs déséquilibrée, car le FSV et les
régimes d'assurance maladie autres que la CNAM, ainsi que la CNAF,
réaliseraient un bénéfice puisqu'ils perdraient une dépense sans perdre la
recette correspondante. Le coût pour l'Etat serait ainsi augmenté et il y
aurait des gains d'opportunité que, je crois, rien ne justifie pour les autres
caisses.
Cette répartition fait intervenir l'allocation de parent isolé qui - nous en
conviendrons - n'a qu'un rapport très éloigné avec la CMU et dont le
financement est assuré par l'Etat, depuis cette année, en contrepartie de la
suppression des conditions de ressources des allocations familiales,
conformément à une demande de l'ensemble des associations familiales. Ces
dernières ne pourraient donc que critiquer la remise à la charge de la CNAF
d'une partie de l'API. La suppression de la condition de ressources des
allocations familiales et la contrepartie demandée par les associations ont
d'ailleurs été approuvées par la majorité sénatoriale.
Telles sont les raisons pour lesquelles j'émets un avis défavorable sur
l'amendement n° 6, tout comme sur les amendements n°s 7 et 8, déposés par la
commission des affaires sociales aux articles 10 et 11.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 6, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 9, ainsi modifié.
(L'article 9 est adopté.)
Article 10