Séance du 2 juin 1999
M. le président.
Par amendement n° 102, MM. Eckenspieller, Haenel, Lorrain et Ostermann
proposent d'insérer, après l'article 18, un article additionnel ainsi rédigé
:
« L'article L. 741-10 du code de la sécurité sociale est complété
in
fine par un alinéa ainsi rédigé :
« ...° s'il justifie d'une couverture d'assurance maladie, soit au titre du
système de sécurité sociale du pays où s'exerce son activité professionnelle,
soit auprès d'un organisme privé ou mutualiste, sous réserve que son contrat
s'applique aux ayants droit et qu'il couvre expressément l'assurance maternité
et tous les soins de santé reçus en France. »
La parole est à M. Eckenspieller.
M. Daniel Eckenspieller.
Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, notre pays
compte de nombreux frontaliers résidant en France mais travaillant dans un Etat
limitrophe. Lorsque ce dernier est un pays membre de l'Union européenne, la
législation sociale communautaire s'applique, et il n'y a pas de problème
majeur.
S'agissant de la Suisse, la situation est différente et concerne de nombreux
salariés résidant notamment en Haute-Savoie, dans le Jura, dans le Doubs ou
dans le Haut-Rhin. Ce dernier département compte à lui seul environ 30 000
frontaliers migrant tous les jours vers la Suisse. Or, un certain nombre
d'entre eux ont eu recours à un moment donné à l'assurance personnelle
française comme couverture d'assurance maladie. Ils sont dès lors soumis à la
réglementation de l'assurance personnelle qui, aux termes de l'article 741-10
du code de la sécurité sociale, prévoit de façon stricte uniquement trois
changements de situation permettant de mettre fin à leur contrat : le fait de
devenir assuré obligatoire par le changement de situation, le fait de devenir
ayant droit d'un assuré obligatoire ou le fait de résider plus d'un an hors de
France.
Certains d'entre eux souhaitent résilier leur affiliation à l'assurance
personnelle pour pouvoir recourir à une protection identique, soit auprès de
l'organisme d'assurances public suisse, soit - et c'est le cas le plus fréquent
- auprès d'un organisme privé ou mutualiste en France.
Cette situation n'étant pas prévue par l'article L. 741-10 du code de la
sécurité sociale, il en résulte de multiples contentieux pour la caisse
primaire d'assurance maladie d'Alsace-Lorraine, et sans doute également pour
celle des autres départements concernés, dans la mesure où les frontaliers
ayant fait le choix d'un autre régime de protection refusent de continuer à
payer leur cotisation d'assurance personnelle.
L'objet de cet amendement est donc double : d'une part, permettre l'exercice
du libre choix pour les personnes concernées et, d'autre part, mettre fin à
l'abondant contentieux résultant de la situation que je viens de décrire.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Charles Descours,
rapporteur. Cet amendement, chacun l'a compris, vise à mieux prendre en
compte la situation des travailleurs frontaliers en Suisse en facilitant leur
sortie du régime de l'assurance personnelle.
Je comprends parfaitement le souci qui anime les auteurs de cet amendement, et
ce d'autant plus que j'ai reçu les représentants de ces travailleurs
frontaliers. Je rappellerai cependant aux auteurs de l'amendement que le régime
de l'assurance personnelle est supprimé par le projet de loi et que cet
amendement paraît donc satisfait.
Cela étant, tout en invitant les auteurs de cet amendement à le retirer,
j'admets qu'un vrai problème se pose avec la Suisse s'agissant des travailleurs
frontaliers, auxquels la législation européenne n'est pas applicable. En
attendant qu'un accord, que l'on nous annonce comme prochain, intervienne entre
l'Union européenne et la Suisse sur cette question, des difficultés se posent
donc aujourd'hui. En effet, ces travailleurs sont généralement affiliés, du
fait de leur emploi, à un régime d'assurance maladie ou à une société
d'assurance suisse, comme M. Eckenspieller l'a dit. Ces organismes, plus durs
que le système français, n'assurent pas toujours la couverture des soins reçus
par l'intéressé et par ses ayants droit sur le territoire français. C'est de là
que vient le problème.
C'est pourquoi les travailleurs frontaliers en Suisse sont souvent affiliés
parallèlement à l'assurance personnelle française. Ils cotisent donc
actuellement deux fois. Dans ce cas, la cotisation à l'assurance personnelle
est assise sur une base forfaitaire annuelle égale à la moitié du plafond des
cotisations de sécurité sociale, soit une cotisation annuelle de 12 723
francs.
S'agissant des travailleurs frontaliers en Suisse qui opteront pour
l'affiliation sur critère de résidence parce que le régime suisse auquel ils
sont affiliés n'assure pas la couverture des soins reçus en France, la
commission estime qu'il serait justifié de prévoir, par voie réglementaire, et
donc sous votre responsabilité, madame le ministre, des conditions de
cotisation plus favorables que celles qui sont prévues par le droit commun, à
l'image de la cotisation forfaitaire dont ils bénéficiaient auparavant pour
l'adhésion à l'assurance personnelle qui est désormais caduque.
J'espère donc, madame le ministre, que vous aurez à coeur de rassurer les 30
000 frontaliers auxquels notre collègue M. Eckenspieller faisait référence :
leur situation, demain, ne doit pas être plus défavorable qu'aujourd'hui.
J'invite donc les auteurs de cet amendement à le retirer ; mais sur le fond,
j'attends la position du Gouvernement.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité. L'amendement n° 102 vise
effectivement à adapter la législation relative à l'assurance personnelle, et
plus exactement les conditions de sortie, à la situation et au souhait des
travailleurs frontaliers occupés en Suisse.
Comme vient de le rappeler M. le rapporteur, je confirme que cet amendement
est sans objet, sauf à poser un problème qui mérite toujours de l'être : à la
date d'entrée en vigueur de la loi, tous les travailleurs frontaliers employés
en Suisse, ainsi que les membres de leurs familles, qui seront adhérents à
l'assurance personnelle, seront en effet radiés de cette assurance sans
transfert au régime général sur critère de résidence du fait de l'exclusion
mentionnée à l'alinéa 3° de l'article 8 dont nous avons déjà débattu.
Mais afin d'atténuer l'effet de cette radiation sans transfert au régime
général, le paragraphe I de l'article 19 du projet de loi crée une disposition
transitoire qui permet aux intéressés le souhaitant de relever du régime
général pour une période maximale de trois ans.
Par conséquent, monsieur Eckenspieller, votre amendement est déjà satisfait
par le projet de loi. Nous espérons d'ailleurs que, d'ici à trois ans, une
convention entre l'Union européenne et la Suisse permettra de régler un certain
nombre de problèmes rencontrés par les salariés frontaliers.
M. Charles Descours,
rapporteur. Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Descours, rapporteur.
M. Charles Descours,
rapporteur. Premièrement, la disposition transitoire vaut pour trois ans,
et nous espérons vous et moi, madame le ministre, qu'auparavant entrera en
vigueur une convention entre l'Union européenne et la Suisse.
Deuxièmement, ces travailleurs acquittaient jusqu'alors leurs cotisations sur
la base d'un forfait qui était attractif. Sur quelles bases paieront-ils leurs
cotisations pendant les trois ans ? Ce type de disposition relève du domaine
réglementaire, et nous ne pouvons donc pas légiférer à cet égard. Mais
j'aimerais bien, madame le ministre, que vous profitiez de votre présence dans
cette enceinte pour nous éclairer à ce sujet. Il ne faut en effet pas que la
situation de ces personnes se dégrade.
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité. Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à Mme le ministre.
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité. Le régime de résident est tout
à fait favorable, puisque les frontaliers qui adhéreront au régime général au
titre de la résidence paieront des cotisations avec un abattement de 3 500
francs, et ce afin de ne pas trop s'éloigner du régime précédent. Votre
souhait, monsieur le rapporteur, sera donc, là aussi, exaucé.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 102.
M. Jean-Louis Lorrain.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Lorrain.
M. Jean-Louis Lorrain.
Le problème des frontaliers nous inquiète effectivement. Il faudra que les
discussions avec les instances décisionnaires puissent reprendre, mais la
période de trois ans me paraît bien courte.
L'abattement de 3 500 francs est un geste que nous trouvons intéressant.
Mais nous avons des représentants locaux des frontaliers qui connaissent
particulièrement bien la législation s'appliquant à leur situation. Cette
dernière mériterait un certain suivi. Par conséquent, madame la ministre,
peut-être pourriez-vous user de votre influence pour demander un accueil
bienveillant et, surtout, un suivi au niveau des caisses ? Je sais très bien
que vous n'avez pas de moyens d'action directe à cet égard ; mais votre avis,
le suivi du dossier et l'intérêt que le Gouvernement pourrait porter à la suite
de cette opération seraient très importants pour nous.
M. Charles Descours,
rapporteur. Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Descours, rapporteur.
M. Charles Descours,
rapporteur. Aujourd'hui, ces travailleurs paient un forfait de 12 000
francs par an, c'est-à-dire que, si je m'en tiens à ce que vient de dire Mme le
ministre, ils seront pénalisés s'ils gagnent plus de 120 000 francs.
Mais nous n'allons pas nous focaliser sur cette affaire ! Il faut que vous
publiiez un décret à cet égard, madame le ministre, afin que ces personnes ne
soient pas pénalisées.
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité. Elles ne le sont pas !
M. Charles Descours,
rapporteur. Mais si ! Et si un décret n'est pas publié, nous serons
obligés de dire que vous les pénalisez !
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité. Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à Mme le ministre.
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité. Il s'agit là d'appliquer un
régime plus favorable aux travailleurs frontaliers.
M. Charles Descours,
rapporteur. Mais non !
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité. Mais si ! S'ils étaient en
France et gagnaient cette somme-là, ils paieraient plus ! Avec l'abattement de
3 500 francs qui leur sera accordé, ils paieront moins que si, travaillant en
France, ils gagnaient la même somme !
S'ils décident de leur propre volonté d'adhérer au régime général, nous leur
donnons déjà la possibilité de ne pas payer de cotisation sur les 3 500 francs
; libre à eux ensuite d'adhérer au régime suisse ou de prendre une assurance
privée.
M. Charles Descours,
rapporteur. Vous préférez les payer à l'ANPE !
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité. Franchement, monsieur le
rapporteur, arrêtez ! Nous sortons vraiment là de l'épure ! Nous parlons de la
CMU, qui concerne les personnes les plus en difficulté. Je connais bien la
question des travailleurs frontaliers en Suisse. J'ai d'ailleurs reçu à
plusieurs reprises les parlementaires concernés. Ces travailleurs ont toute
liberté, je le répète, d'adhérer à une assurance privée ou au régime suisse. On
leur donne là la possibilité, bien qu'ils ne travaillent pas en France,
d'adhérer, au titre de la résidence, en France. On leur accorde un avantage par
rapport aux Français qui travaillent en France. Et vous me dites qu'on n'en
fait pas encore assez !
Je crois que nous avons véritablement trouvé une solution qui répond à leur
souci et qui, d'ailleurs, répond au souhait des auteurs de l'amendement. Ou
alors, je ne comprends pas le sens de ce que vous avez écrit, monsieur le
sénateur !
M. Daniel Eckenspieller.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Eckenspieller.
M. Daniel Eckenspieller.
Monsieur le président, je retirerai cet amendement si je suis sûr d'avoir bien
compris.
Madame le ministre, vous dites que les travailleurs frontaliers ont toute
liberté. C'est précisément cette liberté que nous revendiquons pour eux.
A ceux qui font le choix de recourir à l'assurance volontaire et de poursuivre
dans cette voie, les conditions que vous avez décrites doivent convenir, et
cela reste leur choix.
Le problème posé est celui des travailleurs fontaliers qui, à un moment donné,
ont eu recours à l'assurance personnelle française et qui, ensuite, se sont
assurés auprès d'un organisme d'assurance public suisse ou auprès d'un
organisme privé ou mutualiste en France. Or, ils ne peuvent pas sortir du
régime de l'assurance volontaire car ce cas n'est pas prévu par le code de la
Sécurité sociale.
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité. Maintenant, ils le peuvent !
M. Daniel Eckenspieller.
La caisse est aujourd'hui confrontée à de nombreux contentieux pour récupérer
des cotisations que les gens estiment ne plus devoir et pour lesquelles ils ne
reçoivent rien en contrepartie.
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité. Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à Mme le ministre.
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité. Monsieur le sénateur, je vous
confirme qu'effectivement les frontaliers qui travaillent en Suisse et qui
avaient adhéré à une assurance personnelle ne pouvaient pas en sortir, même
s'ils avaient adhéré, par exemple, à une assurance privée.
La suppression de l'assurance personnelle va pouvoir les en faire sortir, ce
qu'un certain nombre d'entre eux attendaient.
Nous leur ouvrons par ailleurs la possibilité, s'ils le souhaitent, d'adhérer,
au titre de la résidence, au régime général, avec l'abattement de cotisation
dont je parlais tout à l'heure. Ils peuvent donc tout à fait, dans le cas que
vous citiez, garder leur assurance privée sans avoir à adhérer au régime
général ou à rester affiliés à l'assurance personnelle, puisqu'elle aura
disparu.
Comme je vous le disais tout à l'heure, monsieur le sénateur, je crois
vraiment que le présent projet de loi répond à votre souci.
M. Daniel Eckenspieller.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Eckenspieller.
M. Daniel Eckenspieller.
Compte tenu des explications de Mme le ministre, je retire l'amendement,
monsieur le président.
M. le président.
L'amendement n° 102 est retiré.
Article 19