Séance du 10 juin 1999
M. le président.
« Art. 18. - Le conseil des ventes volontaires de meubles aux enchères
publiques comprend, outre un président nommé par décret sur proposition du
garde des sceaux, ministre de la justice, dix membres nommés pour quatre ans
:
« 1° Cinq personnes qualifiées désignées respectivement par le garde des
sceaux, ministre de la justice, par le ministre chargé de l'économie et des
finances, par le ministre chargé de la culture, par le ministre chargé de
l'intérieur et par le ministre chargé du commerce ;
« 2° Cinq représentants des professionnels, dont un expert.
« Des suppléants sont désignés en nombre égal et dans les mêmes formes.
« Un magistrat du parquet est désigné pour exercer les fonctions de
commissaire du Gouvernement auprès du conseil des ventes volontaires de meubles
aux enchères publiques.
« Le financement du conseil est assuré par le versement de cotisations
professionnelles acquittées par les sociétés de ventes volontaires de meubles
aux enchères publiques et par les experts agréés. Le montant de ces cotisations
est fixé par le conseil en fonction de l'activité des assujettis.
« Un décret en Conseil d'Etat fixe les modalités d'organisation et de
fonctionnement du conseil. »
Je suis saisi de trois amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion
commune.
Les deux premiers sont identiques.
L'amendement n° 54 est présenté par M. Dejoie, au nom de la commission des
lois.
L'amendement n° 16 est déposé par M. Gouteyron au nom de la commission des
affaires culturelles.
Tous deux tendent à remplacer les premier à troisième alinéas de cet article
par quatre alinéas ainsi rédigés :
« Le conseil des ventes volontaires de meubles aux enchères publiques comprend
onze membres désignés pour quatre ans :
« - cinq personnes qualifiées nommées par le garde des sceaux, ministre de la
justice ;
« - six représentants élus des professionnels, dont deux experts agréés.
« Le président est élu par les membres du conseil en leur sein. »
Par amendement n° 116, le Gouvernement propose de rédiger ainsi le deuxième
alinéa (1°) de l'article 18 :
« 1° Cinq personnes qualifiées nommées par le garde des sceaux, ministre de la
justice ; »
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 54.
M. Luc Dejoie,
rapporteur. L'amendement n° 54 tend à modifier la composition du conseil
des ventes qui est créé par la loi.
A entendre les orateurs lors de la discussion générale, le but c'est de
libéraliser, d'organiser de manière plus simple la profession pour permettre
d'affronter la concurrence internationale dans de meilleures conditions.
Pourtant, le conseil des ventes est placé entre les mains de
non-professionnels.
Il nous est apparu qu'il y avait là une certaine contradiction et nous
proposons une nouvelle rédaction de l'article.
Le conseil des ventes volontaires de meubles aux enchères publiques comprendra
onze membres désignés pour quatre ans. Sur ce point, il n'y a pas de
problème.
Il comprendra cinq personnes qualifiées nommées par le garde des sceaux,
ministre de la justice. Certes, il aurait été possible de prévoir qu'elles
soient nommées par cinq ministères différents. Mais nous savons très bien que,
en ce cas, cela prendrait non pas cinq fois, mais peut-être cinquante fois plus
de temps. Aussi, apparaît-il beaucoup plus simple de prévoir que ces personnes
seront désignées par le garde des sceaux.
Le conseil comprendra, en outre, six représentants élus des professionnels,
dont deux experts agréés.
Enfin, le président sera élu par les membres du conseil en leur sein. Cette
modification est importante, je veux bien le reconnaître, par rapport au projet
de loi, mais la commission a la faiblesse de penser qu'elle correspond plus à
l'esprit même de libéralisation qui sous-tend le projet de loi.
M. le président.
La parole est à M. Gouteyron, rapporteur pour avis, pour défendre l'amendement
n° 16.
M. Adrien Gouteyron,
rapporteur pour avis. Ainsi que vous l'avez remarqué, l'amendement de la
commission des affaires culturelles est identique à celui de la commission des
lois. Nous avons en effet travaillé ensemble sur ce point, qui est très
important.
Je n'ai pas grand-chose à ajouter aux propos que vient de tenir M. le
rapporteur, si ce n'est pour préciser que la désignation des personnes
qualifiées par un seul ministre permettra non seulement d'accélérer le
processus, mais aussi de mieux équilibrer les nominations.
Il est normal, par ailleurs, de porter de cinq à six le nombre des
représentants des professionnels en leur adjoignant un second expert agréé. En
effet, cet organisme ne doit pas être assimilé à une autorité administrative
indépendante, comme on en connaît aujourd'hui beaucoup dans notre pays.
C'est un organe à la fois professionnel et de surveillance auquel sont
associés les pouvoirs publics. Il faut tenir compte de cela. C'est pourquoi le
président est élu en son sein.
Il s'agit d'un dispositif qui va dans le sens d'une plus grande
libéralisation et d'une plus grande confiance accordée à la profession. Il faut
le reconnaître. Il va, nous semble-t-il, dans la ligne de ce que vous avez
voulu faire, madame la ministre. Nous espérons donc que vous donnerez sur ce
point important un avis favorable à la proposition qui est formulée.
M. le président.
La parole est à Mme le ministre, pour présenter l'amendement n° 116 et pour
donner l'avis du Gouvernement sur les amendements identiques n°s 54 et 16.
Mme Catherine Trautmann,
ministre de la culture et de la communication. En présentant l'amendement
n° 116, je pense que, une fois de plus, le Gouvernement fait un pas dans le
sens de votre honorable assemblée. Je voudrais par ailleurs expliquer pourquoi
il émet un avis défavorable sur les amendements n°s 54 et 16.
La création d'un conseil des ventes revient à mettre en place une autorité de
régulation du marché chargée de faire respecter, dans l'intérêt des
consommateurs et des sociétés de ventes, la législation relative au secteur des
ventes volontaires.
Il entre, en effet, dans le cadre de ses compétences de délivrer un agrément
aux sociétés de ventes après avoir vérifié qu'elles présentent toutes les
garanties nécessaires ainsi que de prendre des sanctions disciplinaires en cas
de violation de la réglementation.
Compte tenu de l'importance de ces missions, il importe que le conseil des
ventes puisse agir en toute impartialité. C'est la raison pour laquelle le
projet de loi prévoit que le conseil sera composé, à parité, par des personnes
qualifiées désignées par le Gouvernement ainsi que par des représentants des
professionnels. Cet équilibre est essentiel pour assurer l'indépendance et, par
là même, asseoir l'autorité de ce conseil.
Je suis défavorable aux amendements n°s 16 et 54, qui posent plusieurs
difficultés.
D'une part, ils favorisent les professionnels au détriment des personnes
qualifiées et rompent ainsi l'équilibre indispensable dans la composition du
conseil des ventes.
D'autre part, l'organisation d'élections pour les représentants des
professionnels, ainsi que le prévoient les amendements, sera en pratique
extrêmement difficile. En effet, il s'avère très délicat de trouver un mode de
scrutin adapté afin notamment d'éviter un risque de surreprésentation des
petites structures.
Cependant, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, nous
envisageons une désignation des membres du conseil des ventes qui représentent
les professionnels par l'autorité publique.
Actuellement, des réflexions sont en cours pour trouver des critères qui
permettront d'assurer la meilleure représentation possible des sociétés de
ventes et des experts, ce qui rejoint, je crois, votre avis sur le fond.
En effet, il conviendra que soient présentes au conseil des ventes les
différentes composantes de cette nouvelle profession, c'est-à-dire qu'il y ait
des représentants des professionnels parisiens et des professionnels
provinciaux, en tenant compte des nationaux, des ressortissants communautaires
et des étrangers.
La mise au point d'un mécanisme adapté n'est pas simple et je ne puis vous en
dire davantage aujourd'hui sur les modalités de désignation qui seront, en tout
état de cause, précisées dans le décret d'application de la loi.
Je tenais à présenter ces réflexions pour témoigner de l'importance qu'apporte
le Gouvernement à ces modalités de désignation, à leur simplification et à la
prise en compte des professionnels.
Les ministres adresseront leurs propositions au garde des sceaux, qui nommera.
Cette simplification est certainement de bon aloi.
Telles sont les raisons qui motivent l'amendement n° 116 et l'avis défavorable
du Gouvernement aux amendements n°s 16 et 54.
M. Luc Dejoie,
rapporteur. Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Luc Dejoie,
rapporteur. Sans aucun esprit de systématisme, je crois, madame la
ministre, que vos paroles ont, à l'instant, certainement dépassé votre pensée
quand vous avez dit que le système proposé faisait la part trop belle aux
professionnels par rapport aux personnes qualifiées. Que sont les
professionnels sinon d'abord des personnes qualifiées ? Ils sont, je crois, les
premières personnes qualifiées et il ne faut donc pas les distinguer
différemment !
Mme Catherine Trautmann,
ministre de la culture et de la communication. Vous jouez sur les mots
!
M. Luc Dejoie,
rapporteur. Dans un pays comme le nôtre, comment peut-on ne pas admettre
que le meilleur système, le plus démocratique qui soit, est l'élection et non
la désignation pure et simple par le Gouvernement ?
En tant que rapporteur, il me semble que le meilleur moyen, le plus juste, le
plus équilibré, c'est bien l'élection.
De surcroît, ce n'est pas parce que ce sont des professionnels élus qu'ils
sont dans l'incapacité de définir ou d'appliquer des sanctions. Il existe bien
d'autres professions dans notre pays au sein desquelles les représentants élus
sont détenteurs et titulaires d'un pouvoir disciplinaire ! Si cela ne pose
aucun problème dans d'autres professions, je ne vois pas pourquoi cela en
poserait ici !
Je maintiens donc le point de vue de la commission des lois sur la composition
du conseil des ventes et sur les modalités d'élection des professionnels et des
experts.
M. le président.
Je vais mettre aux voix les amendements identiques n°s 54 et 16.
Mme Dinah Derycke.
Je demande la parole contre les amendements.
M. le président.
La parole est à Mme Derycke.
Mme Dinah Derycke.
Nous ne voterons pas ces deux amendements, car nous ne pouvons accepter - et
sur ce point nous partageons l'opinion de Mme la ministre - la prédominance des
représentants élus des professionnels, qui sont au nombre de six, par rapport
aux cinq personnes qualifiées.
Il en est de même pour l'élection des représentants des professionnels, qui
pose d'énormes difficultés. Les professionnels eux-mêmes nous ont fait savoir
qu'il leur était difficile de procéder à une telle élection en respectant tous
les critères de représentativité des uns et des autres. De plus, une élection
par les professionnels risquerait de compromettre l'entrée au conseil de
représentants des sociétés étrangères.
Par ailleurs, la présence de deux experts nous paraît inutile. Celui qui est
prévu dans le projet de loi nous semble suffisant.
Nous n'acceptons pas non plus que le président soit élu au sein du conseil et
non plus désigné par le garde des sceaux.
Un point néanmoins nous semble positif dans ces amendements : les cinq
personnalités qualifiées, désignées par le Gouvernement, le seront par le seul
garde des sceaux et non plus par tous les ministres concernés, comme il est
prévu dans le texte initial. En effet, nous le savons bien, quand cinq
ministres doivent intervenir pour désigner des personnes, les délais sont
beaucoup plus longs.
Pour toutes ces raisons, je ne peux voter les amendements des deux
commissions. Je me rallierai donc à l'amendement n° 116 du Gouvernement, qui
confie au garde des sceaux la nomination de ces cinq personnes qualifiées,
solution plus rapide et moins lourde à gérer.
J'aurais néanmoins souhaité qu'il soit précisé que ces cinq personnes sont
nommées par le garde des sceaux, sur proposition des ministres concernés, en
considérant que le ministre de la culture, au moins, devrait avoir son mot à
dire ! Je n'ai pas déposé de sous-amendement sur ce point. Nous reviendrons sur
ce sujet à l'occasion de la deuxième lecture.
M. René-Georges Laurin.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Laurin.
M. René-Georges Laurin.
Il ne faut pas oublier, c'est important, que ce conseil des ventes jouera, en
matière disciplinaire, le même rôle que celui qui est actuellement dévolu aux
compagnies, ce qu'on appelait autrefois les chambres.
Connaissant bien ces milieux, il me paraît impossible de confier aux
fonctionnaires le soin de se prononcer sur la discipline ou sur
l'indiscipline.
Ce qui me fait encore plus peur, c'est d'avoir entendu tout à l'heure l'un de
nos collègues parler de la place qu'il fallait laisser aux sociétés étrangères
dans ce conseil des ventes. Il n'est nullement question de faire un conseil des
ventes européen ! Il s'agit de créer un conseil des ventes qui sera chargé
d'organiser les ventes et de les vérifier.
Il me paraît préférable de revenir à la rédaction de la commission. L'élection
du président est importante pour asseoir son autorité. En effet, s'il est nommé
par le secrétaire d'Etat à la formation professionnelle, par exemple, il n'aura
aucune autorité. Donc, ce n'est pas sérieux.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix les amendements identiques n°s 54 et 16, repoussés par le
Gouvernement.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président.
En conséquence, l'amendement n° 116 n'a plus d'objet.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 18, ainsi modifié.
(L'article 18 est adopté.)
Article 19