Séance du 15 juin 1999
FONCTIONNEMENT
DES ASSEMBLÉES PARLEMENTAIRES
Adoption des conclusions du rapport d'une commission
M. le président.
L'ordre du jour appelle la discussion des conclusions du rapport (n° 409,
1998-1999) de M. Henri Revol, fait au nom de la commission des affaires
économiques et du Plan sur :
- la proposition de loi (n° 436, 1997-1998) de Mme Hélène Luc, MM. Ivan Renar,
Jack Ralite, Mme Marie-Claude Beaudeau, M. Jean-Luc Bécart, Mmes Danielle
Bidard-Reydet, Nicole Borvo, MM.
Jean Derian,
Michel Duffour, Guy
Fischer, Pierre Lefebvre, Paul Loridant,
Louis Minetti, Robert Pagès
et
Mme Odette Terrade tendant à améliorer la représentation parlementaire au sein
de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et
technologiques ;
- la proposition de loi (n° 235, 1998-1999) de MM. Henri Revol, Marcel Deneux,
Charles Descours, Pierre Laffitte et Franck Sérusclat tendant à modifier
l'article 6
ter
de l'ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 modifiée,
relative au fonctionnement des assemblées parlementaires.
Dans la discussion générale, la parole est à M. le rapporteur.
M. Henri Revol,
rapporteur de la commission des affaires économiques et du Plan.
Monsieur
le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, avant
d'examiner le contenu de la proposition de loi présentée par la commission des
affaires économiques, permettez-moi de rappeler brièvement l'origine, le rôle
et le mode de financement de l'Office parlementaire d'évaluation des choix
scientifiques et technologiques.
L'office est né en 1983, sur l'initiative du Parlement : sa création a été
décidée à l'unanimité par l'Assemblée nationale et par le Sénat pour doter le
législateur d'un outil indépendant d'évaluation scientifique.
A cette époque, en effet, l'importance et la complexité des choix
scientifiques et technologiques en matière spatiale, de télécommunications ou
de nucléaire ont fait naître le besoin d'une évaluation parlementaire,
indépendante des choix du Gouvernement en matière de politique scientifique et
technologique.
Dès 1972 était d'ailleurs créé, dans ce but, un office des choix
technologiques auprès du Parlement américain, l'
Office of technology
assessment
- l'OTA - qui a servi de modèle, ce mouvement s'étendant
progressivement à l'Europe entière, jusqu'au Parlement européen, qui est
désormais doté d'une structure équivalente.
En France, c'est la loi du 8 juillet 1983 qui a créé l'Office parlementaire
d'évaluation des choix scientifiques et technologiques en lui donnant pour
mission « d'informer le Parlement des conséquences des choix de caractère
scientifique et technologique afin, notamment, d'éclairer ses décisions ».
A cet effet, il « recueille des informations, met en oeuvre des programmes
d'études et procède à des évaluations ».
L'office est composé de huit députés et de huit sénateurs désignés de façon à
assurer, au sein de chaque assemblée, une représentation proportionnelle des
groupes politiques.
Pour chaque titulaire, un suppléant est désigné. Mis en place pour voter en
cas d'absence du membre titulaire, et ce sur le modèle des commissions mixtes
paritaires, les membres suppléants ont, en réalité, pour le reste, les mêmes
pouvoirs que les membres titulaires et peuvent en particulier être nommés
rapporteur. Le droit de vote est d'ailleurs peu fréquemment exercé à l'office,
dont les décisions - l'histoire le montre ! - sont souvent consensuelles et
sont prises à l'unanimité.
Le texte de la loi de 1983 précise que le président et le vice-président de la
délégation n'appartiennent pas à la même assemblée. L'usage veut que la
présidence soit assurée, de façon alternative, par un député et par un
sénateur, pour des périodes successives de trois ans calquées sur les
renouvellements partiels du Sénat.
Le législateur de 1983 a été soucieux de respecter l'équilibre entre la
délégation et les commissions permanentes.
Aussi l'office ne peut-il s'autosaisir et doit être sollicité soit par le
bureau de l'une ou l'autre assemblée - sur l'initiative du bureau lui-même ou à
la demande d'un président de groupe ou soixante députés ou quarante sénateurs -
soit par une commission spéciale ou permanente.
Ce mode de saisine respecte les rôles respectifs des commissions et de la
délégation et permet une bonne coordination de leurs travaux. Il a d'ailleurs
servi de référence lors de l'adoption, en 1996, des lois créant l'Office
d'évaluation des politiques publiques et l'Office d'évaluation de la
législation, ainsi que, plus récemment, lors de la discussion du projet de loi
d'orientation pour l'aménagement et le développement durable du territoire, en
ce qui concerne la future délégation à l'aménagement du territoire.
Les sujets abordés par l'office se répartissent à peu près également entre
quatre grands thèmes : l'énergie, l'environnement, les nouvelles technologies
et les sciences de la vie. Je ne détaillerai pas, bien entendu, la liste
impressionnante des rapports rédigés par l'office, ni celle des saisines en
cours, mais je tiens à soulilgner qu'il lui ont permis d'acquérir peu à peu,
sur certains sujets, une renommée internationale qui a fait de la délégation un
vecteur du rayonnement scientifique du Parlement en France, en Europe et dans
le monde.
L'office est d'ailleurs assisté, en vertu de la loi de 1983, d'un conseil
scientifique constitué de quinze personnalités de haut niveau choisies en
raison de leurs compétences dans diverses disciplines scientifiques.
A l'heure où les choix scientifiques paraissent de plus en plus cruciaux, mais
également de plus en plus obscurs à nombre de nos concitoyens, la délégation a
aussi développé sa fonction d'intermédiaire entre la science et la société,
notamment par l'organisation d'auditions thématiques ouvertes au public
portant, par exemple, sur la politique spatiale, le nucléaire, les nouvelles
technologies de l'information ou les organismes génétiquement modifiés.
L'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques
a donc rempli, j'ai la faiblesse de le penser, la mission d'évaluation
indépendante, au service du Parlement, que lui avait confiée le législateur en
1983. C'est pourquoi je me permets, monsieur le président, monsieur le
secrétaire d'Etat, mes chers collègues, ce petit rappel en forme d'hommage à
tous ceux, au premier rang desquels se trouvent mes collègues membres de
l'office, qui ont contribué à son succès.
La commission des affaires économiques a examiné deux propositions de loi
tendant, toutes deux, à modifier la composition de l'office pour en accroître
le pluralisme : la proposition de loi n° 436, déposée en mai 1998 par Mme
Hélène Luc et plusieurs de ses collègues, tendant à améliorer la représentation
parlementaire au sein de l'Office parlementaire d'évaluation des choix
scientifiques et technologiques, et la proposition de loi n° 235, que j'ai
déposée avec nos collègues Marcel Deneux, Charles Descours, Pierre Laffitte et
Franck Sérusclat, membres de l'office, relative au fonctionnement des
assemblées parlementaires.
La commission a conclu à l'adoption de la proposition de loi dans la rédaction
qu'elle vous soumet aujourd'hui, qui reprend la proposition de loi n° 235,
moyennant une modification de son article 2.
Estimant que « le pluralisme n'est pas actuellement totalement respecté » à
l'office « puisque, par exemple, le groupe communiste républicain et citoyen du
Sénat n'est pas présent au sein de cet organisme », la proposition de loi de
Mme Hélène Luc et de plusieurs de ses collègues tend à augmenter le nombre des
membres « afin de permettre une amélioration de la représentation des groupes
politiques en son sein ».
La solution proposée visait à faire passer la délégation à dix députés et dix
sénateurs, au lieu de huit députés et huit sénateurs actuellement, auxquels
s'ajouterait un nombre équivalent de suppléants dans chaque assemblée. La
délégation comporterait donc quarante membres au total, contre trente-deux
aujourd'hui, soit vingt députés et vingt sénateurs. Cet accroissement du nombre
de membres permettait une meilleure représentation des groupes aux effectifs
les moins nombreux.
J'ai pu constater l'existence d'un large accord sur l'objectif, que je
partage, d'accroître le pluralisme, donc la représentativité, de l'office, au
service de son indépendance.
La proposition de loi n° 235, que j'ai déposée avec plusieurs de nos collègues
membres de l'office, a d'ailleurs, en partie, le même objet. Elle s'attache, en
outre, à accompagner la réalisation de cet objectif d'une représentation des
différents groupes la plus fidèle possible à leur poids au sein de chaque
assemblée et à améliorer le texte de loi en vigueur pour le rendre plus
cohérent avec le mode de fonctionnement réel de l'office.
Le texte adopté par la commission, qui reprend la proposition de loi n° 235,
prévoit, dans l'article 1er, de supprimer la distinction entre membres
titulaires et membres suppléants puisque, comme je l'ai indiqué, il n'y a, dans
la pratique, aucune distinction, hormis les votes, qui interviennent très
rarement, entre les titulaires et les suppléants. Cette suppression permet
d'appliquer à une assiette élargie le mode de calcul proportionnel et
d'accroître ainsi automatiquement la représentation des groupes les moins
nombreux au sein de la délégation.
En outre, en portant de 16 à 18 le nombre des membres de chaque assemblée au
sein de l'office, l'équilibre entre les groupes aux effectifs les plus nombreux
et ceux dont les effectifs sont moins nombreux est plus fidèle à leur poids
respectif au sein de chaque assemblée.
L'article 1er tend également à inscrire dans le droit une pratique selon
laquelle le bureau constitué après chaque renouvellement, c'est-à-dire soit
après un renouvellement partiel du Sénat, soit après un renouvellement de
l'Assemblée nationale, reste en fonction jusqu'au renouvellement suivant.
Cet article tend, par ailleurs, à remplacer le titre de vice-président par
celui de premier vice-président, pour mieux mettre en évidence la place du
principal représentant de l'assemblée à laquelle n'appartient pas le président.
A ce propos, je souligne l'importance du rôle du président, bien sûr, mais
aussi du vice-président, qui représente l'office dans différentes instances.
L'article 2 de la proposition de loi de la commission reporte, pour assurer la
continuité de l'office et notamment des saisines en cours, à octobre 2001
l'entrée en vigueur de la loi, afin que les membres titulaires et suppléants de
la délégation en exercice restent en fonction jusqu'à cette date. Le texte de
loi n'entrerait donc en vigueur pour les deux assemblées qu'à ce moment, ce qui
permettra en outre une synchronisation entre l'Assemblée nationale et le Sénat
pour le passage de seize à dix-huit membres.
Enfin, l'article 3 vise à porter à vingt-quatre, contre quinze actuellement,
le nombre des membres du conseil scientifique chargé d'assister l'office. En
effet, la limitation à quinze membres ne permet pas la représentation des
diverses disciplines scientifiques qui sont très nombreuses et dont il est
souhaitable que s'entoure l'office. Cet accroissement permettra d'augmenter la
variété des spécialités représentées au sein du conseil scientifique et de
couvrir ainsi le spectre le plus large possible de disciplines.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, je
demande donc à notre assemblée, au nom de la commission des affaires
économiques et du Plan, d'adopter la proposition de loi dans la rédaction
qu'elle vous soumet aujourd'hui.
(Applaudissements.)
M. le président.
Monsieur le rapporteur, permettez-moi de dire combien les travaux de l'office
sont appréciés par l'ensemble de nos collègues pour leur qualité et le suivi
d'un certain nombre de dossiers. Je pense, par exemple, au dossier de
l'énergie, notamment de l'énergie nucléaire, par lequel l'office s'est
particulièrement distingué au cours de ces dernières années.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. le secrétaire
d'Etat.
M. Bernard Kouchner,
secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.
Monsieur le
président, monsieur le rapporteur, mesdames les sénatrices, messieurs les
sénateurs, la proposition de loi présentée par M. Henri Revol, actuel président
de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et
technologiques, et quatre de ses collègues, représentant la quasi-totalité des
groupes parlementaires du Sénat, et qui a pour objet d'améliorer la
représentation des députés et des sénateurs au sein de cette délégation
parlementaire, est une initiative pertinente, qui recueille le soutien entier
du Gouvernement.
L'évaluation est au coeur, en effet, de la démarche législative.
Entre le contrôle, vérification de régularité, et l'expertise, analyse
technique, l'évaluation intègre une part de jugement, comporte une analyse des
moyens requis, voire, quand elle s'exerce
a posteriori,
une appréciation
des résultats et de leur efficacité.
Le législateur de 1983, qui a créé, dans le scepticisme, rappelons-le, la
délégation parlementaire dénommée « Office parlementaire d'évaluation des choix
scientifiques et technologiques », n'a pas choisi la voie de la facilité
lorsqu'il s'est placé dans une démarche
a priori
, dans un domaine
jusque-là monopolisé par l'expertise technique et dans une matière, la science
et la technologie, où le Parlement était singulièrement et anormalement
absent.
Face à un environnement d'une technicité croissante, il était temps que le
Parlement se dote d'un instrument lui permettant d'évaluer les conséquences des
progrès ou des choix scientifiques et technologiques.
Le bilan aujourd'hui, plus de quinze ans après sa création, est éloquent.
L'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques
est devenu un outil irremplaçable permettant au Parlement de mieux apprécier,
en toute indépendance du Gouvernement, les grandes orientations de la politique
scientifique et technologique, d'anticiper les conséquences du progrès
technique et de réaliser un suivi de certains grands programmes technologiques
ou industriels, comme la sécurité et la sûreté des installations nucléaires.
Les questions de santé, comme l'amiante, ou les liens entre la santé et
l'environnement l'ont également retenu, et dès 1992, avec le rapport de votre
collègue M. Franck Sérusclat, il se préoccupait d'éthique biomédicale.
Dès 1990, l'office s'est penché sur les applications des biotechnologies à
l'industrie agroalimentaire - nous sommes dans le vif de l'actualité - étude
actualisée par le rapport, consacré plus spécifiquement aux OGM, les organismes
génétiquement modifiés, de M. Jean-Yves Le Déaut, en juin 1998.
Sur son modèle, deux autres offices, consacrés l'un à l'évaluation de la
législation, l'autre à l'évaluation des politiques publiques, ont été créés par
deux lois du 14 juin 1996.
L'office est ainsi devenu un instrument efficace au service de l'information
du Parlement dans le domaine scientifique, technologique ou industriel.
Plusieurs lois prévoient soit son information, soit sa participation dans la
désignation de représentants du Parlement au sein de diverses instances, soit
encore sa représentation au sein du conseil d'administration de différents
organismes.
C'est ainsi qu'en application de l'article 21 de la loi du 29 juillet 1994
relative au don et à l'utilisation des éléments et produits du corps humain, à
l'assistance médicale à la procréation et au diagnostic prénatal, votre
collègue M. Claude Huriet et le député M. Alain Claeys ont procédé à une
remarquable évaluation de l'application de cette loi, en février dernier. Elle
éclairera la mise à jour, pas commode, au premier semestre 2000, de la
législation française sur la bioéthique, laquelle a inspiré tant la Convention
européenne sur les droits de l'homme et la biomédecine d'Oviedo, signée en
1996, que la Déclaration universelle sur le génome humain et les droits de
l'homme de 1998.
L'office parlementaire est donc devenu un interlocuteur reconnu par l'ensemble
de la communauté scientifique et éducative et il entretient des liens continus
avec elle, approfondissant ainsi le dialogue entre monde politique et monde
scientifique.
Avec six commissions permanentes, trois délégations parlementaires - à l'Union
européenne, pour les problèmes démographiques, pour la planification - trois
offices parlementaires, et compte tenu des larges pouvoirs d'investigation et
d'information du Parlement, on peut considérer que les parlementaires disposent
aujourd'hui des moyens d'information et d'expertise nécessaires à l'exercice de
leurs missions.
Image du bicamérisme, ces délégations parlementaires fonctionnent sur le
principe de la parité. Elles sont composées d'autant de députés que de
sénateurs et gérées alternativement, vous l'avez dit, monsieur le rapporteur,
par l'une puis l'autre assemblée. De nombreux rapports de l'Office
parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques ont ainsi
été cosignés par un membre de chaque assemblée.
Pourtant, l'étroitesse de leur composition - huit titulaires et huit
suppléants dans chaque assemblée, à l'image des commissions mixtes paritaires -
fait que le groupe parlementaire communiste républicain et citoyen du Sénat et
le groupe RCV de l'Assemblée nationale n'y disposent de représentants qu'en
puisant sur le « contingent » des groupes socialistes de chaque assemblée.
Or, les dispositions du paragraphe II de l'article 6
ter
de
l'ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées
parlementaires précisent que la composition de la délégation doit assurer « une
représentation proportionnelle des groupes politiques », ce qui n'est donc pas
exactement le cas.
Cette imperfection de la représentation des groupes parlementaires a donc
conduit le groupe communiste républicain et citoyen du Sénat à alerter votre
assemblée en déposant une première proposition de loi, le 19 mai 1998. Celle
que nous examinons aujourd'hui en reprend l'objectif, tout en proposant de
nouvelles modalités.
La proposition de loi, plus audacieuse, porte la composition de l'office à
dix-huit parlementaires, en abolissant la distinction, peu opérationnelle et, à
vrai dire, tombée en désuétude, entre « titulaires » et « suppléants », les uns
et les autres se voyant dans les faits confier les mêmes tâches en qualité de
rapporteur d'une étude.
Par ailleurs, elle crée, de manière opportune, un poste de vice-président, qui
animera le réseau européen de concertation et d'échanges d'informations avec
les structures comparables des autres parlements européens, l'
European
parliamentary technology assessment.
Afin de permettre la représentation de nouvelles disciplines scientifiques,
elle porte, enfin, de quinze à vingt-quatre le nombre de membres du conseil
scientifique chargé d'assister l'office.
Le Gouvernement a donc considéré très favorablement - je l'ai dit d'emblée -
la proposition de loi et les modifications qui y ont été apportées par votre
commission des affaires économiques.
En améliorant la représentation parlementaire de l'office, elle contribue à
son meilleur fonctionnement.
Cette application du principe d'équilibre entre les différents groupes
parlementaires de la majorité comme de l'opposition gagnerait sans doute à être
étendue à d'autres procédures parlementaires.
S'agissant toutefois d'une modification de la composition d'une délégation
parlementaire, et afin de respecter l'esprit de la séparation des pouvoirs, le
Gouvernement s'en remettra à la sagesse du Sénat sur les conclusions de votre
commission des affaires économiques relatives aux propositions de loi qui lui
étaient soumises.
(Applaudissements.)
M. le président.
La parole est à M. Renar.
M. Ivan Renar.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues,
l'objet des propositions de loi que nous examinons aujourd'hui est le fruit
d'un assez large consensus et s'inscrit pleinement dans l'idée que nous nous
faisons du rôle du Parlement.
En 1983, par la volonté unanime des deux chambres du Parlement, l'Office
parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques voyait le
jour.
Nous connaissons tous la place prise aujourd'hui au niveau tant national
qu'international de cette quasi-institution, son rôle éminent dans l'interface
entre, d'une part, le monde scientifique en charge de la recherche et de la
science et, d'autre part, la sphère du politique amenée à prendre un certain
nombre de décisions ayant nombre d'incidences pour la science elle-même.
De cette notoriété, mais pas seulement d'elle, des exigences de la science, de
la complexité des choix à effectuer et, enfin, de la multiplicité des champs et
des disciplines scientifiques découlent aujourd'hui les deux propositions de
loi que nous examinons.
Ces deux textes ont en commun de prévoir le renforcement de la représentation
parlementaire au sein de l'office, et nous nous en félicitons. En effet, c'est
aussi le résultat d'années d'efforts de notre part, le pluralisme n'étant
assuré, M. le secrétaire d'Etat l'a rappelé, que par délégation et par un geste
d'amabilité du groupe socialiste.
Mais, je le reconnais, la proposition de loi présentée par le rapporteur M.
Revol va plus loin que celle que nous avions déposée initialement, en
prévoyant, notamment, un accroissement du nombre de membres du conseil
scientifique chargé d'assister l'office, en portant ce nombre à vingt-quatre,
contre quinze actuellement.
Il s'agit là d'avancées réelles, pour la science mais aussi pour la
représentation parlementaire, et nous nous en félicitons.
De fait, la place prise aujourd'hui par la science, les évolutions de notre
société toujours plus technique, plus scientifique, avec toujours plus le
risque de dérives « scientistes », nous amènent à reconsidérer les clivages
politiques ordinaires afin de donner à chacun, et de manière démocratique, le
rôle qui lui revient.
Il y va, pour employer un mot à la mode, d'un pluralisme fondamental qui
permet d'enrichir et de conforter, nous n'en doutons pas, les décisions prises
par le Parlement dans les champs du scientifique et du technologique.
L'évaluation des choix scientifiques et technologiques pour notre pays
justifie quant à elle, au regard de la complexité grandissante de la science et
des technologies ainsi que de l'éclatement des disciplines, un accroissement
important du nombre des membres du conseil scientifique.
Procédant à ces choix décisifs pour l'office, je souhaiterais rappeler
l'attachement de notre groupe à quelques principes, au moment où un certain
nombre de décisions politiques sont en cours d'élaboration dans le domaine de
la recherche scientifique.
Doter notre pays et sa représentation nationale d'instruments nécessaires à
une meilleure compréhension des décisions prises ne doit en rien exclure la
communauté scientifique elle-même des choix scientifiques, notamment de la
réflexion et des responsabilités qui lui incombent en matière de politique de
recherche.
Pour la science - mais c'est aussi vrai pour bien des champs de la
connaissance, de la culture et du savoir - l'apport de tous est plus que jamais
indispensable.
La démocratie, la citoyenneté, la participation de chacun doivent irriguer
l'ensemble des activités de notre société, dans un équilibre permettant
d'éviter certaines dérives où les hommes et les femmes n'auraient plus de
place.
Nous sommes aujourd'hui appelés, en tant que parlementaires mais aussi
individuellement, à faire des choix dont les conséquences sont parfois tout
juste esquissées.
Nous vivons dans un monde où l'esprit est touché par les mutations techniques,
comme le corps est bouleversé par les mutations biotechnologiques. Avec les
autoroutes de l'information, la révolution numérique et les réalités
virtuelles, tout ce qui a fait l'homme est affecté dans toutes ses dimensions :
mémoire, représentation du monde, imaginaire.
Sans vouloir arbitrer un débat, qui serait myope, entre technophiles et
technophobes. Il est vrai que se pose le problème de la maîtrise éthique,
esthétique et sociale de ces processus inédits, et qu'il faut veiller à ce que
l'homme reste au centre de tout.
Les évolutions de la connaissance génétique, les évolutions biomédicale, la
société de l'information, les politiques énergétiques sont des dossiers, pour
n'en citer que quelques-uns, en constante évolution et qui appellent un
renouvellement continu de la réflexion, en même temps qu'un travail approfondi
de l'office.
Le texte qui résultera des propositions que nous examinons permettra à
l'office - nous n'en doutons pas - d'être l'instrument toujours mieux adapté à
l'évaluation des choix scientifiques et technologiques.
C'est donc sans réserve aucune que nous voterons le dispositif législatif qui
nous est proposé par la commission des affaires économiques.
(Applaudissements.)
M. le président.
La parole est à M. Sérusclat.
M. Franck Sérusclat.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, il
m'a semblé pertinent d'évoquer devant vous une expérience personnelle, celle de
ma rencontre avec l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques
et technologiques.
Après des débuts cahotants - à la suite de sa création, en 1983, peu nombreux
étaient les sénateurs, voire les députés, à le connaître - l'office a pris
maintenant une place incontournable, grâce en particulier au rôle joué par deux
de ses présidents, MM. Le Déaut et Revol. Il est aujourd'hui vraiment le lieu
où sont posées les questions fondamentales pour l'évolution d'une société.
Je ne reviendrai pas sur le texte qui a été présenté par M. le rapporteur et
auquel j'ai donné mon accord en le cosignant ; je souhaiterais simplement faire
part au Sénat de quelques réflexions plus personnelles résultant des activités
que j'ai pu exercer, des recherches que j'ai pu effectuer et même des
découvertes particulièrement utiles à ma formation de parlementaire que j'ai pu
faire à l'occasion de mes travaux au sein de l'office.
Sans entrer dans le détail de ces travaux, je soulignerai simplement que, une
fois un rapport accepté, des possibilités étonnantes existent : non seulement
des possibilités matérielles et financières, mais aussi des possibilités, que
l'on garde trop secrètes, à mon avis, liées au travail effectué par les
administrateurs. En effet, tant au Sénat qu'à l'Assemblée nationale, les
parlementaires membres de l'office sont aidés par une cohorte étonnante
d'administrateurs, dont on n'a le droit de souligner ni le rôle
particulièrement nécessaire en matière d'organisation - je pense à cet égard
aux déplacements et aux conditions matérielles de travail - ni surtout la
capacité extraordinaire d'adaptation à un sujet qui,
a priori
, n'est pas
forcément de leurs compétences initiales. Je souhaiterais donc que l'on puisse
réellement associer aux travaux des parlementaires le nom et le rôle des
administrateurs, à moins que ceux-ci ne souhaitent garder une certaine
distance, ce qui n'est pas impossible. J'avoue en tout cas être souvent gêné
que leur rôle ne soit pas reconnu. En effet, les travaux que j'ai eu la chance
de voir acceptés par l'office m'ont permis d'acquérir des connaissances et une
relative maîtrise dans certains domaines. Je tenais aujourd'hui à souligner, à
l'occasion de l'examen de cette proposition de loi, la grande qualité
matérielle du travail au sein de l'office.
Un autre élément particulier m'a aussi apporté de très grandes satisfactions :
l'office, composé d'un ensemble d'hommes issus d'horizons politiquement
différents, est un lieu de débat tout à fait original marqué par la volonté
très manifeste et très efficace de présenter non pas une position politique
précise mais les éléments permettant aux parlementaires de choisir leur
position en connaissance de cause. Tous les rapporteurs, quels qu'ils soient,
ont toujours eu l'audace d'exprimer les avis des uns et des autres sur les
sujets les plus controversés, notamment sur ceux qui ont trait aux droits de
l'homme, et en particulier sur tout ce que l'on baptise du nom d'« éthique »,
sans trop savoir quel sens on donne à ce mot.
Par conséquent, l'office est marqué par le souci de réunir dans les rapports
des informations contradictoires de façon à permettre ensuite aux
parlementaires de se décider en fonction d'options politiques
parlementaires.
Telles sont les deux caractéristiques de l'office que je souhaitais souligner
en m'associant à la fois à la présentation du rapporteur, M. Revol, et à
l'analyse de M. le secrétaire d'Etat.
J'ajouterai une seule question : que se passerait-il en cas de dissolution ?
Ce cas n'a en effet pas été prévu par le texte qui nous est présenté.
Tel est l'hommage que je souhaitais rendre à l'Office parlementaire
d'évaluation des choix scientifiques et technologiques.
(Applaudissements.)
M. le président.
Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion des articles.
Article 1er