Séance du 24 juin 1999
M. le président.
La parole est à M. Foucaud.
M. Thierry Foucaud.
Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les
ministres, ma question s'adresse à Mme la ministre de l'emploi et de la
solidarité.
Depuis l'entrée en vigueur de la loi d'orientation et d'incitation à la
réduction du temps de travail, la frange la plus hostile du patronat français
tente, par tous les moyens, de mettre en échec un projet qui répond à une forte
attente de millions de salariés dans notre pays.
L'agressivité verbale du baron Antoine-Ernest Seillières, président du MEDEF,
le Mouvement des entreprises de France, ne mérite, selon nous, aucune
concession de la part du Gouvernement, mais doit, au contraire, susciter la
volonté farouche d'aboutir à un passage aux 35 heures favorable aux salariés et
donc à l'emploi.
(Murmures sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
Pardonnez-moi de parler de sujets qui peuvent fâcher.
(Exclamations sur les mêmes travées.)
M. Philippe Marini.
Intéressant !
M. Thierry Foucaud.
Force est de constater que la période dite d'adaptation d'un an supplémentaire
envisagée par la seconde loi sur les 35 heures n'est pas de nature à nous
rassurer...
M. Alain Vasselle.
Nous non plus !
M. Thierry Foucaud.
... ni à rassurer les salariés, le mouvement syndical ou les sans-emploi.
S'il faut, certes, se féliciter de voir l'échéance du 1er janvier 2000
maintenue pour les entreprises de plus de vingt salariés, il y a en revanche
tout lieu de s'interroger sur l'opportunité d'un régime transitoire de
majoration des heures supplémentaires réduite à 10 %, au lieu de 25 %.
M. Henri de Richemont.
C'est le réalisme démocratique !
M. Thierry Foucaud.
Quel intérêt, dès lors, pour les employeurs de réduire le temps de travail à
35 heures si la taxation est si peu contraignante ? Cette seconde loi ne
risque-t-elle pas d'annihiler la dynamique lancée par la première loi, voire
d'accélérer un détournement du dispositif au profit de l'annualisation et de la
flexibilité ?
M. Henri de Raincourt.
C'est le but !
M. Thierry Foucaud.
Ne faut-il pas craindre également l'apparition d'un double SMIC ?
Plus grave encore, le nouveau mode d'évaluation du temps partiel ne
risque-t-il pas d'entraîner une généralisation du travail précaire et une
désorganisation complète du marché du travail ?
M. le président.
Monsieur Foucaud, veuillez poser votre question.
M. Thierry Foucaud.
Ma question est la suivante : estimez-vous, comme nous, madame la ministre,
que les résultats réels en termes de création d'emplois des premiers accords
conclus depuis un an, et cela malgré des freins, sont un encouragement à
accélérer le rythme du passage aux 35 heures et permettent au Gouvernement de
maintenir le cap des engagements pris devant les électeurs en juin 1997 ?
(Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et
citoyen.)
M. Alain Vasselle.
Bonne question !
M. le président.
La parole est à Mme le ministre.
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité. Le nombre de chômeurs, qui
reste encore très important dans notre pays, malgré une baisse sans précédent,
nous impose de trouver ensemble les meilleures conditions pour mettre en
application les 35 heures.
M. Alain Vasselle.
Ce ne sont pas les 35 heures qui font baisser le chômage !
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité. Monsieur le sénateur, 73 000
chômeurs en moins, la moitié de la baisse du chômage de l'année dernière, ce
n'est pas rien ! En tout cas, j'attends toujours les propositions de
l'opposition pour réduire le chômage dans notre pays.
M. Henri de Richemont.
C'est la croissance qui a fait baisser le chômage !
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité. Si nous faisons une loi, ce
n'est pas pour plaire ou pour déplaire, pour faire ou non des concessions,
c'est pour parvenir au but recherché, et je suis convaincue que nous en
trouverons ensemble les modalités.
S'agissant de la période d'adaptation, je veux redire que la durée légale du
travail passera, dès le 1er janvier 2000, à 35 heures et que l'ensemble des
dispositions de la loi - hormis celles qui concernent les heures
supplémentaires, point sur lequel je reviendrai dans un instant -
s'appliqueront à cette date.
Pourquoi prévoir une période d'adaptation ? Tout simplement, parce que si nous
souhaitons réussir les 35 heures, nous savons depuis un an - c'était d'ailleurs
le choix primitif du Gouvernement - que nous y parviendrons par la
négociation.
M. Henri de Richemont.
C'est nouveau, ça !
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité. Il s'agit de traiter très
concrètement des conditions de vie des salariés, de l'articulation de leurs
vies familiale et professionnelle, de la compétitivité des entreprises, de
l'utilisation des équipements, mais aussi de l'articulation financière pour
créer le maximum d'emplois.
Or nous savons aussi que la négociation demande six à neuf mois pour aboutir.
Reconnaissez avec moi que, si nous avions appliqué les 25 % et le contingent de
130 heures à partir de 35 heures dès le 1er janvier 2000, nous aurions sans
doute provoqué des décisions unilatérales des chefs d'entreprise qui auraient
comporté pour les salariés des risques de baisse de salaire. Confiants dans le
succès de la négociation, nous ne voulons pas courir ces risques.
Je voudrais vous rassurer sur plusieurs points : tout d'abord, la loi fixera
des garanties sur le travail à temps partiel, dont les modalités seront
améliorées par ce second texte.
Les garanties porteront également sur le SMIC : non seulement aucun smicard ne
verra son salaire baisser, non seulement le pouvoir d'achat du SMIC sera
maintenu, mais la participation aux fruits de la croissance progressera tout au
long des années.
Enfin, vous n'avez pas à craindre que nous revenions sur le principe global
selon lequel la formation, pour être utile à l'activité du salarié, reste prise
sur le temps de travail. Nous entendons en effet que les heures libérées par la
réduction de la durée du travail soient utilisées par le salarié pour sa
formation personnelle ou qualifiante extérieure à son activité.
Cette loi est donc bien faite pour réussir.
Mais ma conviction profonde est que la négociation nous permettra d'aller
encore au-delà des résultats très significatifs déjà obtenus.
J'ai également la conviction, monsieur le sénateur, que l'ensemble de la
gauche plurielle se retrouvera autour du Gouvernement pour relever ce défi des
35 heures, car ce n'est pas seulement pour l'an 2000 que nous devrons réussir
mais pour les années ultérieures. Je ne doute pas que l'enjeu de l'emploi nous
réunira.
(Applaudissements sur les travées socialistes et sur les travées du groupe
communiste républicain et citoyen, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
UTILISATION DES FARINES ANIMALES