Séance du 29 juin 1999







M. le président. La parole est à Mme Derycke, auteur de la question n° 553, adressée à M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Mme Dinah Derycke. J'ai souhaité appeler l'attention de M. Gayssot sur une réforme que j'appelle de mes voeux en matière de sécurité routière : la mise en place d'une formation pratique, intégrée au permis de conduire et relative aux notions élémentaires de premiers secours dites « les cinq gestes qui sauvent ».
Le comportement à adopter en présence d'un accident de la route fait pour l'instant l'objet uniquement théorique, donc insuffisant. Il conviendrait, maintenant, d'y ajouter une formation pratique de cinq heures visant à apprendre cinq gestes précis, cinq réflexes : alerter, baliser, ranimer, comprimer et sauvegarder.
Cette proposition fait l'objet d'une large adhésion tant des Français - des sondages l'ont montré - que des associations de secourisme. De nombreux pays pratiquent d'ailleurs cette méthode avec succès.
Le Secours routier français et la commission nationale de secourisme ont édité des plaquettes préconisant ces cinq gestes. De nombreux spécialistes et urgentistes, ainsi que la Croix-Rouge, qui a formé dans le Nord - un département que vous connaissez bien, madame la secrétaire d'Etat - 7 500 collégiens aux cinq gestes qui sauvent, s'accordent à donner un crédit important à cette formation pratique. Notre législation du travail va dans le même sens.
Une expérience in situ a été menée à ce sujet en 1992 en Charente-Maritime. Je souhaiterais savoir quels enseignements ont pu en être tirés.
On objecte à cette proposition l'absence de recyclage. Il est vrai qu'un recyclage serait opportun, mais commençons par assurer la formation de base auprès des 700 000 à 800 000 candidats aux différents permis de conduire ! Ni la formation nationale de base en matière de secourisme ni les points déjà abordés de façon théorique dans le cadre du permis de conduire ne prévoient de recyclage.
Certes, on peut retenir d'autres options. L'école ne pourrait-elle pas former de manière systématique les élèves au secourisme ? Ce serait évidemment là une avancée essentielle. Mais, en l'état actuel, est-ce réellement plausible ?
Dès lors, pourquoi ne pas mettre en place la formation aux « cinq gestes qui sauvent » à l'occasion du permis de conduire et l'analyser comme une sorte de recyclage adapté aux victimes de la route, en associant, pour chaque futur conducteur, la prise du volant à un acte hautement responsable.
Je souhaiterais donc connaître le sentiment et l'analyse de M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement sur cette proposition de réforme, dont le coût est estimé à 150 ou 200 francs par personne et dont des spécialistes ont estimé en 1986 qu'elle pourrait sauver 1 500 à 2 000 personnes par an.
M. le président. La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Michelle Demessine, secrétaire d'Etat au tourisme. Madame la sénatrice, M. Jean-Claude Gayssot m'a indiqué que, avec plusieurs parlementaires, vous étiez intervenue au cours de débats préalables à l'adoption de la loi sur la sécurité routière pour évoquer l'idée d'imposer à l'ensemble des candidats au permis de conduire une formation simplifiée aux premiers secours, appelés par les promoteurs de cette idée : « les cinq gestes qui sauvent ». Les amendements déposés en ce sens n'ont cependant pas été retenus, et ce, d'abord, en raison du caractère réglementaire évident de cette mesure.
Il convient, d'autre part, d'observer que les dispositions à prendre en matière d'alerte et de balisage des lieux d'accident sont actuellement enseignées dans le cadre du programme de formation des candidats au permis de conduire.
Le ministre de l'équipement, qui est en charge de la sécurité routière, s'est cependant engagé à entreprendre une réflexion et à ouvrir une concertation sur l'ensemble de ce dossier, qui est l'objet d'initiatives diverses.
En matière de secourisme, l'autorité compétente est constituée des ministères de l'intérieur et de la santé, qui disposent d'un organisme consultatif, longtemps intitulé « Commission nationale du secourisme » et devenu l'Observatoire national du secourisme.
Une réforme du secourisme a eu lieu en 1991. Une formation de base aux premiers secours - donnant lieu à l'attestation de formation aux premiers secours - a été officialisée par le décret n° 91-834 du 30 août 1991, qui prévoit que cette formation a une durée minimale de douze heures.
Elle a été complétée, en ce qui concerne le secours routier, qui pose des problèmes particuliers, par une « formation complémentaire aux premiers secours sur la route » d'une durée de huit heures.
Cette nouvelle formation est le résultat d'un consensus entre la délégation interministérielle à la sécurité routière, la direction générale de la santé, la direction de la défense et de la sécurité civiles et les associations de secouristes représentatives au plan national.
Sur les recommandations des experts de la Commission nationale de secourisme, les ministres concernés ont estimé qu'il était dangereux, pour les victimes, d'accorder un crédit à une unité de valeur de portée inférieure en durée et en objectifs pédagogiques.
Avec le même souci et pratiquement avec les mêmes arguments, la Commission européenne a écarté la possibilité d'un tel projet de formation obligatoire aux gestes élémentaires de survie pour les candidats au permis de conduire.
Le problème du premier secours concerne tous les accidents, que ceux-ci trouvent leur origine dans la circulation, la vie domestique ou les activités de loisirs. On peut donc également se demander pourquoi le besoin de formation ne devrait s'adresser qu'aux seuls futurs conducteurs, alors que l'accident de circulation implique tous les témoins potentiels, non seulement des automobilistes mais aussi des cyclistes, des piétons.
L'Observatoire national du secourisme, successeur de la Commission nationale du secourisme, a été installé le 23 mars 1999 par le directeur de la défense et de la sécurité civiles.
Par l'intermédiaire du ministre de l'intérieur, M. Gayssot a demandé à cet observatoire d'engager une nouvelle réflexion sur le sujet, comme il s'y était engagé devant les assemblées parlementaires lors de la discussion de la loi sur la sécurité routière. Il convient donc maintenant d'attendre le résultat de cette concertation qui permettra d'appréhender sereinement l'ensemble des éléments de ce dossier.
Mme Dinah Derycke. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme Derycke.
Mme Dinah Derycke. Madame la secrétaire d'Etat, depuis trente ans que ce dossier est ouvert, les arguments avancés de part et d'autre n'évoluent guère.
S'agissant du caractère réglementaire de la mesure que nous préconisons, il peut tout à fait être contesté ; d'ailleurs, le Sénat lui-même avait adopté en 1988 une proposition de loi tendant à instituer cette mesure, mais elle n'a pas été reprise par l'Assemblée nationale. Quoi qu'il en soit, là n'est pas le fond du problème.
En fait, il existe une confusion courante entre les gestes de premier secours immédiat, qui sont exécutés uniquement en cas de risque pour la vie des personnes, et le secourisme en général qui vise à dispenser de surcroît des soins nécessitant un apprentissage beaucoup plus long, par exemple en cas de fracture.
L'Observatoire national du secourisme a été saisi d'un projet visant plutôt à une formation assurée par l'école. Une telle formation serait évidemment hautement souhaitable, mais elle pose un problème de réalisation à brève échéance. En attendant que l'école puisse effectivement intégrer cet apprentissage, on franchirait déjà un grand pas en le dispensant aux candidats au permis de conduire. Après quelques années, ce serait ainsi un nombre significatif de nos concitoyens qui seraient en mesure d'accomplir ces cinq gestes simples.
Cela constituerait en outre, pour les nouveaux conducteurs, une incitation à se montrer plus prudents sur les routes par la prise de conscience des dangers de la conduite automobile. Cela pourrait également les encourager à entreprendre une formation plus approfondie au secourisme.
La réponse que nous m'avez apportée au nom de M. Gayssot, madame la secrétaire d'Etat, et qui ne m'a pas pleinement satisfaite, me donne à penser que, avec d'autres parlementaires, nous devrons revenir sur cette question.

CRÉATION D'UNE VOIE DE CONTOURNEMENT
PAR L'OUEST DE L'AGGLOMÉRATION BORDELAISE