Séance du 29 juin 1999
M. le président.
« Art. 22. - Le premier alinéa du II de l'article L. 162-5-2 du code de la
sécurité sociale est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Ces tarifs ne peuvent donner lieu à dépassement pour les actes dispensés aux
bénéficiaires du droit à la protection complémentaire en matière de santé, sauf
en cas d'exigence particulière du patient. »
Par amendement n° 38, M. Descours, au nom de la commission des affaires
sociales, propose de supprimer cet article.
La parole est à M. Descours, rapporteur.
M. Charles Descours,
rapporteur. Ainsi que nous l'avons dit à propos de l'article 20, nous
préférons le dispositif conventionnel, en l'occurrence avec les professionnels
de santé, plutôt qu'un dispositif législatif contraignant.
Nous avons sur ce point une philosophie différente de celle du Gouvernement,
qui est sans doute hostile à cet amendement, ce que je conçois, car la
différence est réelle. Ce n'était pas le cas de certains autres dispositifs que
nous avions proposés, lesquels étaient purement techniques, et que le
Gouvernement aurait mieux fait d'accepter pour sa crédibilité !
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Bernard Kouchner,
secrétaire d'Etat. Je n'ai pas le même jugement que M. le rapporteur sur
la crédibilité du Gouvernement !
Je suis défavorable à cet amendement n° 38 parce que les dispositions de
l'article 22 sont indispensables dans certaines zones géographiques. La
proportion de médecins de secteur II est très élevée ; les bénéficiaires de la
CMU pourraient donc, sans cette disposition, avoir à payer une partie du tarif
des consultations, ce qui est contraire à ce que nous souhaitons mettre en
place avec ce projet de loi.
M. Charles Descours,
rapporteur. Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Descours, rapporteur.
M. Charles Descours,
rapporteur. M. le secrétaire d'Etat est un homme trop averti des
problèmes médicaux pour prendre sa réponse au sérieux !
Je ne conteste pas ce problème, mais il faut le régler par un dispositif
conventionnel et non législatif. Ayant refusé le dispositif conventionnel à
l'article 20, monsieur le secrétaire d'Etat, il est normal que vous le refusiez
à nouveau maintenant. Mais à tout vouloir régler par la loi, celle-ci est
violée en maintes occasions !
M. Bernard Kouchner,
secrétaire d'Etat. Permettez-moi de vous faire remarquer que je n'ai pas
refusé le dispositif conventionnel.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 38.
M. Philippe Marini.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Marini.
M. Philippe Marini.
C'est un point tout à fait essentiel, qui fait ressortir la différence
d'approche, de philosophie entre le Gouvernement et nous.
Pour le Sénat - c'est la position adoptée en première lecture sur proposition
de la commission - il faut d'abord rechercher l'adhésion des professionnels de
santé, qui est préférable, dans son principe, à l'obligation de fixer des
tarifs différents pour certaines catégories de Français en fonction de leurs
revenus.
Il me semble qu'il s'agit d'une différence d'appréciation tout à fait
essentielle. Pour ma part, j'approuve la position de la commission.
M. Charles Descours,
rapporteur. Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Descours, rapporteur.
M. Charles Descours,
rapporteur. Je ne peux pas laisser M. le secrétaire d'Etat dire qu'il ne
refuse pas le dispositif conventionnel alors qu'il est précisé, dans l'article
22, que « Ces tarifs ne peuvent donner lieu à un dépassement pour les actes
dispensés aux bénéficiaires du droit à la protection complémentaire en matière
de santé, sauf en cas d'exigence particulière du patient. »
Tout est ficelé. Une fois que la loi est votée, il n'y a plus de place pour la
convention !
M. Bernard Kouchner,
secrétaire d'Etat. Mais non !
M. Charles Descours,
rapporteur. Bien sûr que si !
M. Bernard Kouchner,
secrétaire d'Etat. Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Bernard Kouchner,
secrétaire d'Etat. Le dispositif conventionnel selon lequel un syndicat
de médecins discute avec la CNAM demeure en l'état. Tout au long de l'année,
nous l'avons constaté.
En l'espèce, il s'agit de préciser - je ne pense pas que vous puissiez y être
hostile - que, lorsqu'un médecin est en secteur II, il ne peut pas dépasser son
tarif pour les bénéficiaires de la CMU, car cela priverait lesdits
bénéficiaires de la possibilité de se faire soigner puisqu'ils devraient donner
de l'argent qu'ils n'ont pas. Mais nous ne sommes en rien contre les
conventions !
M. Charles Descours,
rapporteur. Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Descours, rapporteur.
M. Charles Descours,
rapporteur. Je répète qu'une fois de plus on voit bien que, dans cette
démarche successive, le Gouvernement refuse tout espace au conseil
d'administration de la CNAM !
M. Bernard Kouchner,
secrétaire d'Etat. Non !
M. Charles Descours,
rapporteur. Bien sûr que si ! Si c'est écrit dans le texte de loi, le
conseil d'administration de la CNAM n'a plus rien à négocier !
M. Alain Vasselle.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Vasselle.
M. Alain Vasselle.
Les dispositions de cet article sont assez révélatrices de l'état d'esprit
dans lequel se trouve le Gouvernement et de l'état d'esprit dans lequel nous
nous trouvons.
Nous pensons, nous, qu'il vaut mieux privilégier, par la voie conventionnelle,
des accords entre les médecins et les caisses de sécurité sociale plutôt que de
procéder par arrêté, par décret ou par mesures contraignantes, accords auxquels
les médecins ont d'ailleurs toujours été ouverts. Ce qu'ils reprochent au
Gouvernement d'aujourd'hui - comme ils l'ont reproché au Gouvernement de M.
Juppé -, c'est de ne pas suffisamment privilégier la concertation avant de
prendre des mesures tendant à la maîtrise des dépenses de santé. Ils se
mettraient même très facilement autour d'une table si l'on engageait avec eux
un dialogue constructif pour atteindre le résultat.
Monsieur le secrétaire d'Etat, des médecins n'ont d'ailleurs pas attendu que
des initiatives réglementaires ou législatives soient prises pour faire un
effort en faveur des plus démunis. Je connais en effet des médecins
généralistes en milieu rural qui soignent des patients sans leur demander les
honoraires correspondants, car, ils le savent pertinemment, ces patients ont
des revenus qui ne leur permettent pas de payer de tels honoraires. Ces
médecins leur font donc cadeau du paiement de la visite, ce qui permet aussi à
la sécurité sociale de faire une économie. Nombreux sont même les médecins qui
ont cet état d'esprit.
M. François Autain.
Il ne faut pas exagérer !
M. Alain Vasselle.
Evidemment, on ne peut pas généraliser une telle attitude. Un nombre trop
important, voire démesuré, d'honoraires non payés risquerait de déséquilibrer
le fonctionnement du cabinet et les dépenses qu'il supporte.
Mais c'est bien une question d'état d'esprit et c'est sur ce point que l'on
souhaite appeler votre attention. Il vaut mieux favoriser la voie
conventionnelle que de procéder par des mesures administratives ou par arrêté
!
M. Philippe Marini.
Très bien !
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Bernard Kouchner,
secrétaire d'Etat. Défavorable.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 38, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, l'article 22 est supprimé.
Article 23