Séance du 7 octobre 1999







M. le président. La parole est à M. Ferrand.
M. André Ferrand. Ma question s'adresse à M. le Premier ministre.
En ce temps de rentrée, c'est précisément de la rentrée dans nos écoles à l'étranger que je voudrais vous entretenir, monsieur le Premier ministre.
A l'heure où nos entreprises prennent toute leur place sur le marché international, où les Français, traditionnellement casaniers, sortent plus nombreux de nos frontières, où la construction européenne et la mondialisation représentent des enjeux considérables pour l'avenir de notre pays, de notre langue, de notre économie et, à terme, de notre identité même, je regrette que l'on n'ait pas, cette année encore, pris toute la mesure de cet immense et passionnant défi, que nous avons pourtant les moyens de relever.
Nous sommes, à juste titre, fiers de notre réseau d'enseignement à l'étranger. La densité de son maillage, sa spécificité ainsi que la qualité de nos méthodes sont reconnues. Parents comme élèves français et étrangers se félicitent des excellents résultats obtenus.
Des moyens considérés comme importants par rapport aux crédits dont dispose le ministère des affaires étrangères, tuteur de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger, sont mis à la disposition du réseau. Nous savons même que l'an prochain l'enveloppe des bourses sera augmentée.
Mais, monsieur le Premier ministre, ces efforts, méritoires, ne sont absolument pas au niveau de l'enjeu et de l'extraordinaire opportunité qui nous est offerte : beaucoup d'enfants français de l'étranger continueront à ne pas pouvoir accéder à un enseignement français trop cher que leurs parents n'auront pas les moyens de financer ; nombre de familles étrangères attirées par les avantages de notre enseignement ne pourront pas en faire profiter leurs enfants par manque de capacités d'accueil. Vous le savez, ce sont les décideurs de demain, alliés potentiels de notre économie et de nos entreprises, qui nous échappent ainsi.
Alors, monsieur le Premier ministre, de grâce, ne me répondez pas, comme cela est souvent le cas, que nous faisons beaucoup..., que le budget des bourses est en augmentation ces dernières années..., et que nous sommes parmi les meilleurs du monde... !
Cela est vrai, mais ce n'est pas le sujet.
Compte tenu de la taille de l'enjeu, il nous faut passer à une dimension supérieure. Il nous faut une grande politique et les moyens de cette politique.
Monsieur le Premier ministre, votre Gouvernement a-t-il la volonté de concevoir et de conduire cette politique ambitieuse ? Votre déclaration devant le Conseil supérieur des Français de l'étranger, le 29 septembre 1998, en avait soulevé l'espoir.
Je ne sais pas s'il faut massivement doter le relativement chiche budget du ministère des affaires étrangères ou bien demander une substantielle contribution à l'important budget de l'éducation nationale, quitte à lui transférer une partie des responsabilités de l'Agence.
Je sais, en revanche, que votre Gouvernement s'honorerait, en profitant de l'actuelle embellie budgétaire, en donnant à notre enseignement à l'étranger tous les moyens dont il a besoin pour se mettre au niveau de la nouvelle donne internationale. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie. Monsieur le sénateur, M. le Premier ministre a en effet déclaré devant le Conseil supérieur des Français de l'étranger, le 29 septembre 1998, qu'il s'attacherait à ce que les enfants des familles françaises expatriées bénéficient, comme les autres enfants français, d'une scolarité normale dans le respect de l'égalité des chances, qui est le fondement même de l'école de la République. Avec mon collègue M. Hubert Védrine, nous nous sommes immédiatement mis au travail pour faire avancer les choses dans ce sens. Pour nous, les enfants français de l'étranger sont aussi importants que les enfants des Français de France. De plus, nous sommes effectivement sensibles au fait qu'un bon nombre d'enfants étrangers souhaitent suivre leurs études dans nos écoles françaises. Nous sommes conscients de l'enjeu que cette acculturation précoce par le système éducatif représente pour notre économie, mais aussi pour le rayonnement culturel et politique de la France.
Cependant, il est important de sérier les problèmes et de ne pas faire d'amalgame entre les responsabilités des un et des autres.
En ce qui concerne les bourses d'étude, la gestion en a été confiée par le législateur au ministère des affaires étrangères et il est vrai que les postes sont plus à même sur place d'apprécier le revenu des familles et les besoins de celles-ci dans les contextes particuliers.
Nous regrettons, comme vous, monsieur le sénateur, que les conditions d'expatriation soient devenues de plus en plus difficiles pour les familles françaises de classe intermédiaire, qui ne bénéficient pas des avantages de l'indemnité d'expatriation. Je suis donc solidaire de vos attentes. D'ailleurs, pour vous montrer notre bonne volonté, je suis récemment venu devant le Conseil des Français de l'étranger c'était - je crois - la première fois qu'un ministre de l'éducation nationale le faisait pour m'exprimer en ce sens.
La tâche et la responsabilité du ministre de l'éducation nationale, comme vous le souhaitez, sont d'une autre nature. Mais nous avons, à la demande de M. le Premier ministre, pris des nouvelles initiatives vis-à-vis de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger.
Pour assurer le suivi pédagogique des écoles et leur homologation, pour garantir, et nous le prenons en charge, la qualité et la formation initiale et continue des enseignants, pour travailler à l'aménagement des programmes en fonction des contextes locaux, pour envoyer des missions de formateurs et d'inspections qui permettent la mise à jour des compétences et des contenus d'enseignement, nous développons désormais des jumelages entre les académies, les groupements d'établissements à l'étranger. Enfin, nous encourageons l'innovation pédagogique à travers bon nombre d'expériences pilotes.
Tout cela doit être fait naturellement sans perturber l'enseignement en France. Il ne faut pas que les enseignants partent à l'étranger à la dernière minute en laissant leur poste. En effet, comme les sénateurs l'ont remarqué, nous devons gérer l'éducation nationale avec soin. Tout cela est géré par l'inspection générale, l'administration de l'éducation nationale, qui s'est engagée plus que jamais historiquement dans cet enseignement à l'étranger. Tout cela a un coût, et nous en assumons une partie.
« Votre gouvernement a-t-il la volonté de conduire cette politique ambitieuse ? », avez-vous demandé au Premier ministre, monsieur le sénateur. A cette question, je réponds « oui » sans hésiter. (Exclamations sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
Non seulement nous en avons la volonté, mais nous avons aussi commencé, dès cette année, la mise en oeuvre de cette politique, notamment s'agissant de la formation des enseignants.
Je voudrais maintenant, dans cette instance de responsabilité de la République qu'est le Sénat, poser la question du financement en termes de répartition globale des coûts entre les utilisateurs. C'est en effet à cet égard qu'il faut réfléchir. Je suis prêt, comme mon collègue Hubert Védrine, à ce que nous recherchions ensemble des solutions et des moyens qui satisfassent cette nécessaire grande ambition de la France. (Applaudissements sur les travées socialistes. - M. Jean-Pierre Fourcade applaudit également.)
M. le président. Nous en avons terminé avec les questions d'actualité au Gouvernement.
Je me félicite que les questions qui ont été posées et les réponses qui y ont été apportées, toutes de qualité, aient pu être télévisées. Monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, je vous remercie de votre aimable coopération.

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