Séance du 12 octobre 1999







M. le président. La parole est à M. Goulet, auteur de la question n° 579, adressée à M. le ministre des affaires étrangères.
M. Daniel Goulet. L'Assemblée du Conseil de l'Europe - je pense que vous en êtes convaincu, monsieur le ministre - est une incomparable cellule de réflexion et une force de proposition regroupant les représentants des parlements des quarante et un pays composant la grande Europe, lesquels, rassemblés en un même lieu, apprennent à se connaître et à construire ensemble l'avenir d'un continent qui constitue leur patrimoine commun.
Ce rappel n'est peut-être pas inutile dans cette enceinte, puisque le Sénat a élu six de ses représentants pour siéger à l'Assemblée du Conseil de l'Europe. Les membres de la délégation française, toute tendance politique confondue, ont bien compris l'enjeu de cette institution et ils s'investissent de plus en plus dans les activités des commissions spécialisées et dans les débats d'actualité, qu'il s'agisse, par exemple, de la guerre au Kosovo, de la sécurité alimentaire ou de la restauration économique et agricole des pays des Balkans.
La France doit donc accorder à cette institution, qu'elle a conduit sur les fonts baptismaux voilà cinquante ans, les moyens d'accomplir la mission qui est la sienne, même si, à quelques pas de son siège, une autre assemblée, parée des vertus du suffrage universel direct, fait montre d'un appétit tentaculaire.
L'Europe ne se limite donc pas à l'Union européenne, qui ne regroupe, comme chacun le sait, que quinze Etats. M. Attali, en prônant dans son rapport remis au Gouvernement une Europe élargie à quarante pays, plaide très astucieusement en faveur du renforcement des pouvoirs du Conseil de l'Europe.
L'Europe de M. Attali existe déjà. Il suffit pour s'en convaincre de porter plus d'attention aux travaux de l'assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe.
Votre réponse à ma question écrite ne m'avait pas paru suffisante ; elle était à la fois trop générale et plutôt impersonnelle, monsieur le ministre. J'ai dès lors pensé qu'il nous fallait impérativement poursuivre le dialogue aujourd'hui.
En d'autres termes, devant cette situation, la France va-t-elle enfin mettre en oeuvre une vraie politique pour soutenir l'action de l'assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe ? Peu de signes favorables le laissent envisager pour le moment.
Au plan budgétaire, aspect incontournable lorsque l'on veut commander une politique en telle ou telle direction, nous pensons que la représentation nationale ne peut se satisfaire de la présentation du budget réservé à cette assemblée, et qui figure sous une ligne sans précision des affectations. Ainsi, le budget de fonctionnement global inclut celui de la Cour de justice, lequel l'obère considérablement. Des mesures vont-elles être prises pour modifier cette présentation ou pour informer avec plus de précision la représentation nationale ?
La délégation française ne dispose que d'un faible crédit de fonctionnement et d'un personnel mis à disposition temporairement, le temps des sessions, par les assemblées parlementaires, Assemblée nationale et Sénat. Si les frais d'hébergement des élus sont normalement couverts, il n'est pas prévu, par exemple, de postes d'assistant.
En revanche, les crédits votés pour les représentants français au Parlement européen sont très importants : on fait état de 54 millions de francs au total. Le Gouvernement va-t-il donner aux élus français au Conseil de l'Europe les moyens de travailler et de s'investir, comme mandat leur en a été donné par le Parlement ?
Enfin, au plan de l'information et de la communication, quelles mesures concrètes le Gouvernement compte-t-il mettre à la charge des affaires européennes ? Les moyens mis en oeuvre permettront-ils d'assurer la transmission de l'information de manière au moins identique à celle dont bénéficient les députés européens ?
Enfin, puisque nous allons bientôt célébrer le cinquantième anniversaire de cette institution, au-delà des manifestations solennelles qui vont se dérouler, est-il possible de mettre en place une forme de communication « tout public », de façon que chacun puisse faire davantage connaissance avec le Conseil de l'Europe ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Pierre Moscovici, ministre délégué chargé des affaires européennes. Monsieur le sénateur, comme vous, je connais le rôle irremplaçable du Conseil de l'Europe et de son assemblée parlementaire, rôle que je me garderai toutefois d'opposer à celui du Parlement européen, tant ces institutions sont complémentaires et différentes.
Comme vous le savez, monsieur le sénateur, l'assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe, aux termes de l'article 22 des statuts de cette organisation, discute des questions relevant de sa compétence et transmet ses conclusions au conseil des ministres, sous forme de recommandations. Elle est, par conséquent, pleinement l'organe délibérant du Conseil de l'Europe. Il appartient donc à cette assemblée, qui a un rôle éminent, de jouer le rôle consultatif et incitatif qui lui revient.
Les initiatives qu'elle est en mesure de proposer au comité des ministres pour réaffirmer le rôle et la place de cette organisation, conformément à la vocation spécifique de celle-ci, ne manquent pas, vous le savez bien, de retenir toute l'attention des Etats membres, notamment, j'y insiste, celle de la France.
C'est ainsi que la proposition d'origine parlementaire d'organiser un deuxième sommet des chefs d'Etats et de gouvernement, à Strasbourg, en octobre 1997, sous la présidence de la France - ce n'était pas un hasard - a permis de retenir la mission assignée au Conseil de l'Europe.
Les orientations qui ont été retenues à l'occasion de ce sommet, dont la préparation avait fait l'objet d'une concertation, dont je m'étais assuré personnellement, étant à l'époque en charge du comité des ministres, avec l'assemblée, visent précisément à donner à cette institution, au lendemain de son cinquantième anniversaire, une impulsion nouvelle qui lui permettra de poursuivre son oeuvre de défense et de promotion des principes et des valeurs à la fois traditionnelles et adaptées au contexte nouveau de son élargissement et qui font, encore une fois, du Conseil de l'Europe une institution irremplaçable, même si elle n'est pas tout à fait l'Europe de M. Attali. Cette Europe qu'il a décrite dans son rapport très intéressant l'engage surtout, pour le moment, à titre personnel.
La réforme qui a été décidée à la suite du sommet et dont les grandes lignes ont été tracées sur les recommandations du comité des sages - créé, encore une fois, sur l'initiative de la France - devrait traduire cette réorientation dans la réalité. Sa mise en place, en concertation avec l'assemblée parlementaire, se fonde notamment sur le recentrage des activités, sur la restructuration d'ensemble du dispositif et sur la rationalisation des moyens. L'exercice ne pourra être mené, bien sûr, qu'avec le concours total de l'assemblée parlementaire.
La France, qui entend assumer pleinement sa responsabilité de pays hôte du Conseil de l'Europe, est au premier chef attachée à la réussite de cette réforme, qui représente l'une des conclusions opérationnelles du deuxième sommet qu'elle a organisé. Elle veillera naturellement à ce que l'assemblée parlementaire continue de jouer pleinement son rôle dans ce nouveau contexte.
Comme vous m'y avez invité, je veux sortir des réflexions générales, mais néanmoins très politiques, que je viens de faire pour évoquer le contexte budgétaire.
S'agissant de la participation de la France au financement du fonctionnement du Conseil de l'Europe, je veux simplement rappeler qu'elle se trouve sous le chapitre « Contributions aux organisations internationales », qui relève du budget du ministère des affaires étrangères. Effectivement destinée au fonctionnement à la fois de la Cour et de l'assemblée parlementaire, elle est tout de même l'une des toutes premières puisqu'elle représente 13 % - excusez du peu ! - du budget global du Conseil de l'Europe, composé à ce jour, vous l'avez rappelé, de 41 membres. Nous sommes donc l'un des principaux, l'un des tout premiers contributeurs à ce budget et nous comptons continuer à jouer pleinement ce rôle.
Je veux enfin vous indiquer que nous entendons nous associer pleinement à la célébration du cinquantième anniversaire qui, notamment, verra des concrétisations, ici, au Sénat. En effet, la délégation parlementaire, présidée par Mme Durrieu, organisera dans ces murs un colloque auquel je participerai pleinement, comme je m'efforce chaque fois de jouer mon rôle au sein du Comité des ministres.
Vous me pardonnerez, monsieur le sénateur, de ne pas avoir suffisamment évoqué - vous l'avez remarqué - le Conseil de l'Europe dans un livre que j'ai publié. Je veux ici réparer cet oubli et vous assurer que cette assemblée non seulement est chère à mon coeur, mais aussi reçoit toute l'attention du Gouvernement français et du président de la République.
M. Daniel Goulet. Je demande la parole.
M. le président. Avant de donner la parole à M. Goulet, je me permets, mes chers collègues, de rappeler que la formulation de la question ne doit pas excéder trois minutes et que la réponse au ministre ne doit pas excéder deux minutes, car nous sommes en train de dériver dangereusement !
La parole est à M. Goulet.
M. Daniel Goulet. Je vous remercie, monsieur le ministre, d'avoir répondu dans leurs grandes lignes à mes interrogations et apaisé des craintes qui étaient partagées par la plupart de mes collègues au Conseil de l'Europe, en particulier sur la politique générale de la France.
Je prends acte de vos réponses.
Je sais, car j'ai lu votre livre, que vous êtes en effet tout à fait partisan de donner au Conseil de l'Europe les moyens de remplir tout son rôle.
Sur le plan budgétaire, il est vrai que l'effort doit être poursuivi et nous souhaitons avoir l'assurance qu'il le sera.
Si j'ai formulé de telles craintes, c'est aussi parce que les Etats d'Europe centrale et orientale ont les yeux tournés vers l'Europe et, en particulier, vers la France. Au moment même où sont élaborés, dans le cadre du Conseil de l'Europe - je parle ici sous le contrôle de certains de mes collègues - des politiques de coopération interrégionale, il ne faudrait pas décevoir ces Etats. En effet, si ces yeux sont tournés avec intérêt vers la France, c'est parce que nous sommes un exemple dans un certain nombre de domaines.
Je prends acte avec beaucoup d'intérêt de la confirmation du fait que la France inspire un certaine nombre de politiques à ces jeunes nations.

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