Séance du 13 octobre 1999







M. le président. L'article 5 bis a été supprimé par l'Assemblée nationale.
Mais, par amendement n° 4, M. Amoudry, au nom de la commission, propose de le rétablir dans la rédaction suivante :
« Il est inséré, après l'article L. 25 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, un article L. 25-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 25-1. - Lors du dépôt d'un recours pour excès de pouvoir contre une autorisation d'urbanisme formé par une association, celle-ci, sous peine d'irrecevabilité du recours, consigne auprès du greffe du tribunal administratif une somme dont le montant est fixé par le juge. La somme consignée est restituée lorsque le recours a abouti à une décision définitive constatant que la requête n'était pas abusive. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Paul Amoudry, rapporteur. Je rappelle que l'article 5 bis avait été introduit par le Sénat dans le but de limiter les recours abusifs intentés par certaines associations en matière d'urbanisme.
En effet, il arrive que des associations de sauvegarde de l'environnement déposent systématiquement des recours, profitant des dispositions législatives qui leur permettent d'attaquer des décisions sans faire valoir un intérêt direct à agir.
Invoquant le fait que cette disposition votée par le Sénat ne visait que les associations de sauvegarde de l'environnement, l'Assemblée nationale a purement et simplement supprimé l'article, au nom du principe d'égalité des citoyens devant la loi.
La commission propose de le rétablir en le modifiant pour le rendre applicable à l'ensemble des associations.
La solution que nous avons retenue évite l'inégalité de traitement entre les associations sans pour autant limiter l'accès des particuliers à la justice puisque la somme consignée est restituée si le recours n'est pas jugé abusif.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Emile Zuccarelli, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation. Force m'est de rendre hommage à l'habilité de la commission ! (Sourires.)
En effet, après l'adoption de l'amendement présenté par M. Hérisson en première lecture, certains, à commencer par votre serviteur, ont fait observer qu'on restreignait ainsi le droit au recours aux associations de défense de l'environnement et qu'on créait une discrimination un peu choquante, même si ces associations sont génératrices de nombreux recours, dont certains gênent effectivement l'action des collectivités locales.
Evidemment, pour balayer ce reproche de discrimination, le plus simple consiste à viser l'ensemble des associations ! Pourquoi pas l'ensemble des justiciables ?
Il reste que ce texte a tout de même pour objet principal de faciliter l'accès au droit de nos concitoyens.
Dès lors, il est difficile d'accepter qu'on pose de nouvelles limites, qu'on définissse de nouvelles restrictions, qu'on dresse de nouveaux obstacles, notamment celui de l'argent.
M. Jacques Mahéas. Tout à fait !
M. Emile Zuccarelli, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation. Ce n'est pas une bonne réponse à une vraie question.
Je l'ai dit, j'ai pris l'attache de Mme la ministre de la justice, qui est tout à fait consciente du problème que posent les recours abusifs. C'est pourquoi elle est prête à engager une réflexion sur ce sujet, de manière à y apporter une réponse équitable et globale.
C'est la raison pour laquelle, comme je l'ai fait tout à l'heure avec M. Bret, qui a bien voulu m'entendre, je demande à M. le rapporteur de retirer son amendement.
M. le président. Monsieur le rapporteur, accédez-vous au souhait de M. le ministre ?
M. Jean-Paul Amoudry, rapporteur. Monsieur le président, malgré mon désir d'être agréable à M. le ministre, je maintiens cet amendement.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 4.
M. Jacques Mahéas. Je demande la parole contre l'amendement.
M. le président. La parole est à M. Mahéas.
M. Jacques Mahéas. Nous voulons limiter les recours abusifs. Pouvons-nous le faire par l'argent ? La réponse est non.
Les associations structurées qui souhaitent intenter un recours trouveront toujours l'argent pour le faire.
Il serait effectivement tout à fait paradoxal, dans ce texte qui tend à favoriser un rapprochement entre le citoyen et l'administration, de dresser des barrières entre l'un et l'autre, singulièrement celle de l'argent.
Le groupe socialiste est donc résolument hostile à cet amendement.
M. Paul Girod. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Paul Girod.
M. Paul Girod. Je ne suis pas sûr que cet amendement soit parfait, mais il n'en demeure pas moins que nous sommes face à un vrai problème : celui de la multiplication des actions introduites par cette espèce de collectif des « para-procureurs » auprès de toutes les instances possibles, pénales, civiles, administratives.
Nous ne pouvons pas continuer à avoir un système tel que le fonctionnement de notre société soit en permanence troublé par des gens qui, mandatés par nul autre qu'eux-mêmes, et souvent sans grand fondement, se transforment en procureurs annexes.
S'agit-il, avec cet amendement, d'instituer un obstacle fondé sur l'argent ? Oui et non : pour fixer le montant de la somme consignée, s'il estime que le recours est un tant soit peu fondé, le juge tiendra compte des ressources de l'association concernée.
C'est pourquoi, dans l'état actuel des choses, je voterai cet amendement, car il présente au moins le mérite de nous faire faire un pas dans la direction que nous souhaitons tous suivre, à savoir la limitation du nombre de recours qui ont tendance à se multiplier, qui n'ont souvent ni queue ni tête et qui sont intentés par des gens ne représentant qu'eux-mêmes ou, du moins, pas grand-chose. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, des Républicains et Indépendants et du RPR.)
M. Pierre Hérisson. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Hérisson.
M. Pierre Hérisson. Attendue par beaucoup, cette disposition vise à limiter les recours abusifs devant la juridiction administrative dans le domaine des autorisations d'urbanisme.
Plusieurs solutions étaient envisageables, mais il me semble qu'un bon équilibre a été trouvé entre la nécessaire lutte contre les recours abusifs et le libre accès des requérants à la justice.
En aucun cas le droit fondamental de chacun d'ester en justice ne sera remis en cause par ce nouveau dispositif ; il s'agit simplement de mettre fin aux abus de procédure en matière d'urbanisme, de dissuader les comportements abusifs et de sanctionner les pratiques de certaines associations qui portent préjudice à l'ensemble du secteur associatif.
Le dispositif retenu est simple : les associations qui déposent un recours pour excès de pouvoir contre une autorisation d'urbanisme seront obligées de consigner auprès du greffe du tribunal administratif une somme d'argent dont le montant sera fixé par le juge.
Toutes les associations seront désormais concernées, ce qui permet de balayer l'argument de la rupture du principe d'égalité des citoyens devant la justice.
Il n'y a pas non plus de limitation par l'argent de l'accès à la justice puisque la somme consignée est restituée si le recours n'est pas jugé abusif. Le principe de gratuité est donc également respecté.
Bref, il s'agit d'un dispositif équilibré, destiné à lutter contre les recours abusifs, et seulement contre eux, et qui ne remet en cause ni l'utilité des associations ni le rôle majeur qu'elles jouent dans la vie de notre pays.
C'est pour ces raisons que je voterai cet amendement qui se situe dans le prolongement de celui que j'avais présenté en première lecture mais qui est enrichi par l'excellent travail de la commission des lois et de son rapporteur, Jean-Paul Amoudry.
M. Jacques Mahéas. Ce sont les associations les plus riches qui monnaient le retrait de leurs recours !
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 4, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'article 5 bis est rétabli dans cette rédaction.

Article 6