Séance du 9 novembre 1999






SOMMAIRE


PRÉSIDENCE DE M. JEAN-CLAUDE GAUDIN

1. Procès-verbal (p. 0 ).

2. Commission mixte paritaire (p. 1 ).

3. Dépôt de rapports du Gouvernement (p. 2 ).

4. Candidature à une commission (p. 3 ).

5. Questions orales sans débat (p. 4 ).

MISE EN PLACE D'UNE FILIÈRE DE RECYCLAGE
DES PNEUS USAGÉS (p. 5 )

Question de M. Serge Lepeltier. - Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

PROTOCOLE DE KYOTO DE LA CONVENTION
SUR LES CHANGEMENTS CLIMATIQUES (p. 6 )

Question de Mme Marie-Claude Beaudeau. - Mmes Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement ; Marie-Claude Beaudeau.

AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE :
LIMITES ENTRE PAYS ET PARCS NATURELS RÉGIONAUX (p. 7 )

Question de M. René-Pierre Signé. - Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement ; M. René-Pierre Signé.

CONDITIONS D'ATTRIBUTION DE LA PRIME
À L'AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE DANS LA SOMME (p. 8 )

Question de M. Pierre Martin. - Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement ; M. Pierre Martin.

RÉQUISITIONS DE LOGEMENTS VACANTS (p. 9 )

Question de Mme Nicole Borvo. - M. Louis Besson, secrétaire d'Etat au logement ; Mme Nicole Borvo.

TRACÉ DU TGV SUD-EST (p. 10 )

Question de M. Jean-François Picheral. - MM. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement ; Jean-François Picheral.

DROITS DES SALARIÉS DANS LES GRANDES ENTREPRISES (p. 11 )

Question de M. Michel Duffour. - MM. Claude Bartolone, ministre délégué à la ville ; Michel Duffour.

LIBERTÉ D'INFORMATION SYNDICALE (p. 12 )

Question de M. Thierry Foucaud. - MM. Claude Bartolone, ministre délégué à la ville ; Thierry Foucaud.

MISE EN OEUVRE D'UN DÉPISTAGE SYSTÉMATIQUE
DU CANCER COLORECTAL (p. 13 )

Question de M. Auguste Cazalet. - MM. CLaude Bartolone, ministre délégué à la ville ; Auguste Cazalet.

RATIFICATION PAR LA FRANCE
DE LA CONVENTION UNIDROIT (p. 14 )

Question de M. Daniel Hoeffel. - Mme Catherine Trautmann, ministre de la culture et de la communication ; M. Daniel Hoeffel.

TVA APPLICABLE AU CHOCOLAT NOIR (p. 15 )

Question de M. Philippe Richert. - Mme Catherine Trautmann, ministre de la culture et de la communication ; M. Philippe Richert.

PLAN DE FERMETURE DES PERCEPTIONS (p. 16 )

Question de M. Gérard Delfau. - Mme Catherine Trautmann, ministre de la culture et de la communication ; M. Gérard Delfau.

SITUATION DE LA POSTE EN MILIEU RURAL (p. 17 )

Question de M. Georges Mouly. - Mme Catherine Traumann, ministre de la culture et de la communication ; M. Georges Mouly.

DIFFICULTÉS DE RECOUVREMENT DE LA TAXE DE SÉJOUR (p. 18 )

Question de M. Marcel Bony. - Mme Catherine Trautmann, ministre de la culture et de la communication ; M. Marcel Bony.

RÉVISION DE LA CARTE JUDICIAIRE
DANS LES BOUCHES-DU-RHÔNE (p. 19 )

Question de M. André Vallet. - Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice ; M. André Vallet.

6. Nomination d'un membre d'une commission (p. 20 ).

Suspension et reprise de la séance (p. 21 )

PRÉSIDENCE DE M. PAUL GIROD

7. Organismes extraparlementaires (p. 22 ).

Suspension et reprise de la séance (p. 23 )

8. Convention portant création de l'Organisation conjointe de coopération en matière d'armement. - Adoption d'un projet de loi (p. 24 ).
Discussion générale : MM. Alain Richard, ministre de la défense ; Jean-Guy Branger, rapporteur de la commission des affaires étrangères ; Bertrand Auban, M. Jean-Luc Bécart.
M. le ministre.
Clôture de la discussion générale.
Adoption de l'article unique du projet de loi.

9. Souhaits de bienvenue à une délégation parlementaire de Lettonie (p. 25 ).

10. Médiateur des enfants. - Adoption d'une proposition de loi et d'une proposition de loi organique (p. 26 ).
Discussion générale commune : Mme Ségolène Royal, ministre délégué chargé de l'enseignement scolaire ; M. Christian Bonnet, rapporteur de la commission des lois ; Mme Dinah Derycke, MM. Jacques Pelletier, Patrice Gélard, Mme Odette Terrade.
Clôture de la discussion générale commune.

PROPOSITION DE LOI (p. 27 )

Article 1er (p. 28 )

Amendements n°s 1 de la commission, 19, 20 de Mme Derycke, 16 et 17 de M. Bret. - M. le rapporteur, Mmes Dinah Derycke, Odette Terrade, le ministre, M. Jacques Pelletier. - Adoption de l'amendement n° 1 rédigeant l'article, les autres amendements devenant sans objet.

Article 2 (p. 29 )

Amendement n° 2 de la commission. - M. le rapporteur, Mmes le ministre, Dinah Derycke.
Adoption de l'article modifié.

Article 3 (p. 30 )

Amendements n°s 3 à 5 de la commission. - M. le rapporteur, Mme le ministre. - Adoption des trois amendements.
Amendements n°s 6 de la commission et 21 de Mme Derycke. - M. le rapporteur, Mmes Dinah Derycke, le ministre. - Adoption de l'amendement n° 6, l'amendement n° 21 devenant sans objet.
Amendements n°s 22 à 24 de Mme Derycke. - Mme Dinah Derycke, M. le rapporteur, Mme le ministre. - Rejet des trois amendements.
Adoption de l'article modifié.

Articles additionnels après l'article 3 (p. 31 )

Amendement n° 7 de la commission et sous-amendement n° 29 de Mme Derycke. - M. le rapporteur, Mmes le ministre, Dinah Derycke. - Adoption du sous-amendement et de l'amendement modifié insérant un article additionnel.
Amendement n° 25 de Mme Derycke. - Mme Dinah Derycke, M. le rapporteur, Mme le ministre. - Rejet.
Amendement n° 26 de Mme Derycke. - Mme Dinah Derycke, M. le rapporteur, Mme le ministre. - Rejet.

Article 4 (p. 32 )

Amendement n° 8 de la commission. - Adoption.
Amendements n°s 9 de la commission et 27 de Mme Derycke. - M. le rapporteur, Mmes Dinah Derycke, le ministre. - Adoption de l'amendement n° 9, l'amendement n° 27 devenant sans objet.
Adoption de l'article modifié.

Articles additionnels après l'article 4 (p. 33 )

Amendement n° 10 de la commission. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Amendement n° 28 de Mme Derycke. - Mme Dinah Derycke, M. le rapporteur, Mme le ministre. - Rejet.

Article 5 (p. 34 )

Amendement n° 11 de la commission. - Adoption de l'amendement supprimant l'article.

Article 6 (p. 35 )

Amendement n° 12 de la commission. - Adoption de l'amendement supprimant l'article.

Article 7 (supprimé) (p. 36 )

Amendement n° 18 de M. Bret. - Mme Odette Terrade, M. le rapporteur, Mme le ministre. - Rejet.
L'article demeure supprimé.

Article 8 (p. 37 )

Amendement n° 13 de la commission. - Adoption.
Adoption de l'article modifié.

Articles 9 à 11. - Adoption (p. 38 )

Article 12 (p. 39 )

Amendement n° 14 de la commission. - M. le rapporteur, Mmes le ministre, Dinah Derycke. - Adoption de l'amendement rédigeant l'article.

Article 13 (p. 40 )

Amendement n° 15 de la commission. - M. le rapporteur, Mme le ministre. - Adoption de l'amendement supprimant l'article.
M. le rapporteur.

Vote sur l'ensemble (p. 41 )

MM. Guy Fischer, Jacques Machet, Mme Dinah Derycke, MM. Louis Souvet, Emmanuel Hamel, Jacques Pelletier, le rapporteur, Mme le ministre.
Adoption de la proposition de loi.

PROPOSITION DE LOI ORGANIQUE (p. 42 )

Adoption, par scrutin public, de l'article unique de la proposition de loi organique.

11. Fait personnel (p. 43 ).
Mme Dinah Derycke.

12. Communication de l'adoption définitive de textes soumis en application de l'article 88-4 de la Constitution (p. 44 ).

13. Transmission d'un projet de loi (p. 45 ).

14. Dépôt d'une proposition de loi organique (p. 46 ).

15. Textes soumis en application de l'article 88-4 de la Constitution (p. 47 ).

16. Dépôt de rapports (p. 48 ).

17. Dépôt rattaché pour ordre au procès-verbal de la séance du 4 novembre 1999 (p. 49 ).

18. Renvoi pour avis (p. 50 ).

19. Ordre du jour (p. 51 ).



COMPTE RENDU INTÉGRAL

PRÉSIDENCE DE M. JEAN-CLAUDE GAUDIN
vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures trente-cinq.)

1

PROCÈS-VERBAL

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.

2

COMMISSION MIXTE PARITAIRE

M. le président. M. le président a reçu de M. le Premier ministre la lettre suivante :
« Monsieur le président,
« Conformément à l'article 45, alinéa 2, de la Constitution, j'ai l'honneur de vous faire connaître que j'ai décidé de provoquer la réunion d'une commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à la réduction négociée du temps de travail.
« Je vous serais obligé de bien vouloir, en conséquence, inviter le Sénat à désigner ses représentants au sein de cette commission.
« J'adresse ce jour à M. le président de l'Assemblée nationale une demande tendant aux mêmes fins.
« Veuillez agréer, monsieur le président, l'assurance de ma haute considération.

« Signé : Lionel Jospin »

Il sera procédé à la nomination des représentants du Sénat à cette commission mixte paritaire selon les modalités prévues par l'article 12 du règlement.

3

DÉPÔT DE RAPPORTS DU GOUVERNEMENT

M. le président. M. le président a reçu de M. le Premier ministre :
- le rapport pour 1998 sur l'exécution de la loi de programme n° 93-1437 relative au patrimoine monumental ;
- le rapport annuel sur le contrôle a posteriori des actes des collectivités locales et des établissements publics locaux, établi en application des articles L. 2131-7, L. 3132-2 et L. 4142-2 du code général des collectivités territoriales ;
- et le rapport retraçant, en application de l'article 45 de la loi du 11 mai 1998 relative à l'entrée et au séjour des étrangers en France et au droit d'asile, le nombre de titres de séjour délivrés aux ressortissants étrangers.
Acte est donné du dépôt de ces rapports.

4

CANDIDATURE À UNE COMMISSION

M. le président. J'informe le Sénat que la réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe a fait connaître à la présidence le nom du candidat qu'il propose pour siéger à la commission des affaires culturelles à la place laissée vacante par M. Jean-Paul Bataille, décédé.
Cette candidature va être affichée et la nomination aura lieu conformément à l'article 8 du règlement.

5

QUESTIONS ORALES SANS DÉBAT

M. le président. L'ordre du jour appelle les réponses à des questions orales sans débat.

MISE EN PLACE D'UNE FILIÈRE DE RECYCLAGE
DES PNEUS USAGÉS

M. le président. La parole est à M. Lepeltier, auteur de la question n° 603, adressée à Mme le ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.
M. Serge Lepeltier. Madame la ministre, chaque année, notre pays est confronté à la gestion d'une masse considérable de pneus usagés, quelque 350 000 tonnes, soit près de 57 millions de pneus, c'est-à-dire pratiquement un pneu par Français.
A l'heure actuelle, 60 % des pneus usagés ne sont toujours pas valorisés. Ils sont purement et simplement dispersés dans la nature française, dans des décharges - largement saturées d'ailleurs - ou des stocks sauvages qui se multiplient dans les forêts, les ravins, au bord des rivières et polluent visiblement nos paysages.
Une telle situation n'est plus acceptable.
Elle impose à l'évidence le développement urgent d'une véritable filière adaptée et pérenne de recyclage de l'ensemble des pneus usagés.
L'urgence est d'autant plus grande, madame la ministre, que nous sommes à moins de trois ans de l'interdiction faite, à compter du 1er juillet 2002, de mise en décharge des pneumatiques usagés.
Vous avez à plusieurs reprises annoncé l'imminence d'un accord-cadre entre les pouvoirs publics et les professionnels concernés ; vous vous êtes même engagée, dans l'hypothèse où un tel accord tarderait, à mettre en place avant la fin de cette année « un dispositif réglementaire de collecte et de valorisation contrôlée des pneumatiques usagés ».
Or, force est de constater qu'à ce jour aucune décision n'a encore été prise, ce qui est très préoccupant, en particulier pour l'ensemble des maires, responsables de la gestion des déchets sur leur commune.
Outre la nécessité qu'ils ont naturellement de se conformer à la réglementation européenne, les maires s'inquiètent, en effet, de plus en plus, de l'ampleur du problème écologique et du coût économique que représente l'élimination des stocks sauvages de pneus sur leur commune.
Il y a là une véritable question qui doit être traitée au plus vite.
Or comme le dit votre collègue au Gouvernement, M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie, « quand le recyclage est environnementalement utile, techniquement possible dans des conditions économiques raisonnables et qu'aucun opérateur économique ne s'y lance, alors oui, une intervention publique peut se justifier ».
Madame la ministre, qu'en est-il ? Comptez-vous mettre en place une telle intervention ?
La question du financement est bien entendu centrale et le retard pris pour la création d'une filière pneu semble largement imputable à la recherche et aux modalités d'un tel financement.
Il est pourtant indispensable d'agir.
Outre les enjeux majeurs précédemment évoqués, il faut savoir que le développement d'une filière de recyclage de la totalité des pneumatiques usagés serait largement créatrice d'emplois et permettrait à notre pays d'affirmer son leadership européen en matière de gestion des déchets automobiles.
C'est pourquoi je vous remercie, madame la ministre, de nous préciser la politique que vous entendez conduire en ce domaine.
Je souhaiterais, en particulier, connaître l'état d'avancement des négociations avec les professionnels de la fabrication, de la vente et du montage des pneus, négociations auxquelles il me semblerait d'ailleurs légitime d'associer les représentants des maires de France.
A quelle échéance, enfin, estimez-vous plausible la création d'une telle filière et comment concevez-vous les modalités de son financement ?
Plus généralement d'ailleurs, le Gouvernement juge-t-il possible le financement de pareilles filières de recyclage par des fonds publics ?
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Monsieur le sénateur, je vous remercie d'appeler mon attention sur la situation insatisfaisante qui prévaut en matière d'élimination des pneus usagers.
Comme vous l'indiquez, l'objectif du Gouvernement est de faire en sorte qu'à partir du 1er juillet 2002 les pneumatiques usagés ne soient plus mis en décharge. Je partage complètement votre argumentation.
Vous auriez pu ajouter un élément tout à fait inquiétant qui est le risque lié notamment à l'inflammation pendant des semaines, voire des mois, de certains dépôts de pneus.
Les filières de valorisation des pneus usagés existent, qu'il s'agisse de rechapage, d'incinération en cimenterie ou d'utilisation en génie civil. Mais, à la différence de la valorisation d'autres déchets, la valorisation des pneus usagés n'est pas rentable, et un mode de financement doit être trouvé.
Plutôt que de procéder de manière autoritaire, le Gouvernement a décidé d'engager une large concertation sur cette question à partir, d'une part, de groupes de travail mis en place par mon ministère et l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie avec les différents acteurs intervenant dans le cycle de la vie du pneumatique, et à partir, d'autre part, d'un rapport fourni à ma demande par le Conseil général des mines qui fait le point sur le fonctionnement d'une filière d'élimination des pneumatiques usagés en France. Ce rapport m'a été transmis le 30 mars dernier et ses conclusions présentées à l'ensemble des professionnels concernés. Aujourd'hui, la concertation reste en cours et nous n'avons pas tranché.
La question essentielle est de savoir si le financement de la filière d'élimination doit être assuré par les fabricants et importateurs de pneus, par les distributeurs ou par le détenteur final. Il n'a jamais été question de demander à l'Etat d'assumer le coût de l'élimination des pneus.
Dans le rapport du Conseil général des mines, il est proposé que ce soit le détenteur qui paie l'élimination des pneus lors de leur reprise par les garagistes. Je suis réservée sur ce dispositif, qui présente le risque, majeur à mes yeux, d'un abandon de nombre de pneus par les utilisateurs.
En revanche, l'idée de mettre en place, lors de l'achat du pneu, une contribution unitaire destinée à financer le coût d'élimination de celui-ci doit être sérieusement explorée.
Vous avez parfaitement raison de noter que le temps passe et qu'il devient urgent de trancher. C'est pourquoi, si les discussions en cours entre les divers acteurs de la filière en vue de proposer aux pouvoirs publics un accord-cadre sur le traitement et la collecte des pneus usagés n'aboutissent pas rapidement, j'ai l'intention de procéder de manière réglementaire pour encadrer cette filière. Cette décision sera prise dans les tout prochains mois, parce que, vous avez raison de le noter, on ne peut plus attendre pour résorber les stocks et pour mettre en place le cadre qui permette de respecter la loi de 1992.

PROTOCOLE DE KYOTO DE LA CONVENTION
SUR LES CHANGEMENTS CLIMATIQUES

M. le président. La parole est à Mme Beaudeau, auteur de la question n° 604, adressée à Mme le ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Madame la ministre, je voudrais, en préambule, vous rappeler le contenu de l'article 3 du protocole de Kyoto à la convention sur les changements climatiques, que vous connaissez parfaitement.
Trente-neuf pays, pour la plupart européens, mais aussi le Canada, les Etats-Unis et la Nouvelle-Zélande se sont engagés « à réduire le total des gaz à effet de serre d'au moins 5 % par rapport au niveau de 1990 à 2012 ». Chacune des parties s'engage à faire état des progrès réalisés et dont il pourra être fait preuve en 2005.
Notre pays est donc concerné, et c'est une bonne chose. Ma question est donc très simple, madame la ministre : à ce jour, où en sommes-nous ?
Il nous semble qu'un débat public s'impose, sous une autre forme que celle de la journée sans voiture, et beaucoup plus profond, car la situation s'aggrave. Confirmez-vous que, pour la seule année de 1998, les émissions de dioxyde de carbone - CO2 - ont cru en France de 5 % ?
Certains prétendent que le phénomène indiscutable de réchauffement de la terre serait l'un des responsables de cette situation. En tout cas, personne ne méconnaît ce phénomène. Au cours du siècle qui s'achève, le réchauffement a été de 0,6°. On prévoit qu'au cours du xxie siècle, si des mesures ne sont pas prises, l'accroissement pourrait être de 1,5° à 3°, avec toutes les conséquences que cela implique pour la vie sur terre.
Il est indéniable que climat et CO2 sont liés, mais ne confondons pas cause et effet : si l'action de l'homme est première, cela signifie que nous avons le pouvoir de maîtriser la situation.
Un des dirigeants de Greenspace, Bille Hare, lors de la réunion de Buenos Aires sur les réchauffements climatiques, commentait ainsi l'échec de la rencontre de 162 pays en 1995 : « L'épais brouillard du jargon a caché l'essentiel. Les émissions de gaz à effet de serre continuent de croître. » Il avait raison, et d'enchaîner aussitôt avec cette question : « Est-il possible de les diminuer ? » Je pense que oui car, dans certains secteurs, la stabilisation a pu intervenir.
De 1960 à 1973, la consommation d'énergie par habitant a fortement augmenté. Depuis 1973, elle s'est stabilisée, du fait des restructurations industrielles, de la recherche d'une plus grande efficacité énergétique, de la substitution de certaines sources d'énergie. En particulier, pour ce qui est de la production industrielle, on remarque une stabilisation globale de la pollution.
Les chiffres sont là. Au-delà d'une production de CO2 ayant progressé de 15 % en France depuis 1990, on observe une répartition qui doit guider votre politique : pour les transports, l'augmentation est de 26,9 %, pour le secteur tertiaire de 25,9 %, pour l'industrie de 7,1 % ; en ce qui concerne les particuliers, la diminution serait de 4,4 %.
Le fait que notre électricité soit à 80 % d'origine nucléaire a eu des résultats positifs quant à l'émission de CO2. Opposons donc le réalisme au fatalisme. Oui, on peut diminuer la production des six gaz à effet de serre !
Je renouvelle ma question, dont je sais qu'elle vous préoccupe, madame la ministre. Votre réponse est donc attendue. A la vraie question posée, votre politique offre-t-elle de vraies réponses ?
Quelles mesures autres que les journées sans voiture préconisez-vous ?
Je me permets d'avancer quelques idées.
Premièrement, pourquoi s'obstine-t-on à consacrer l'essentiel des crédits d'équipement aux voies routières, aux autoroutes, au bénéfice de la voiture individuelle, qui est responsable de près de la moitié de la pollution et au détriment des transports en commun ? Pourquoi 67 % de l'enveloppe budgétaire « transports » dans les contrats de plan reviennent-ils à la route ? Pour la région Midi-Pyrénées, le taux atteint 95 %.
Deuxièmement, pourquoi refuse-t-on l'examen d'un plan de réhabilitation et d'isolation phonique et thermique des logements, où des gains massifs d'économie d'énergie peuvent être faits ?
Troisièmement, pourquoi refusez-vous toute aide à la géothermie ? L'eau chaude sortant de terre est la seule énergie propre. Le Gouvernement refuse d'y appliquer le taux de TVA de 5,5 %, ce qui conduit les sites à fermer les uns après les autres : ils ne sont plus aujourd'hui qu'une trentaine, et l'équilibre financier se révèle impossible à atteindre ; avec un taux de 5,5 %, cela deviendrait possible. Pourquoi n'étudiez-vous pas un vaste plan d'utilisation de l'eau chaude présente tout autour de la Terre ?
Quatrièmement, pouvez-vous me dire quelles sont les conclusions des plans départementaux de déplacement urbains ? Une énergie folle a été parfois dépensée en réunions de concertation et d'information des citoyens, mais avec quels résultats ? La pâte semble avoir d'ailleurs fortement retombé.
Cinquièmement, pourquoi notre pays dépense-t-il dix fois moins que l'Espagne ou treize fois moins que l'Allemagne dans les énergies renouvelables, selon les chiffres de l'Agence internationale de l'énergie ?
Sixièmement, pourquoi laisse-t-on les constructeurs automobiles se désintéresser totalement de la fabrication de moteurs moins polluants, sous prétexte que cela coûterait cher ? Pourquoi n'encourage-t-on pas la recherche dans ce domaine, ainsi que des innovations comme le moteur à air comprimé ?
J'aimerais également que vous me disiez ce que vous pensez de la position des Etats-Unis, avec ses mécanismes de flexibilité et d'achat de droits à polluer. Vous prétendez qu'il convient de ne pas « diaboliser » l'attitude des Etats-Unis. Mais peut-on admettre que tout s'achèterait, même le droit à produire du gaz carbonique en quantité déraisonnable ?
Telles sont, madame la ministre, les quelques questions que je souhaitais évoquer. Il en est bien d'autres, mais les « pauvres » cinq minutes qui me sont imparties sont bien trop peu pour dessiner ce que j'appelle la « ligne Maginot anti-CO2 ».
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Madame la sénatrice, vous évoquez, à l'occasion d'une question sur la mise en oeuvre du protocole de Kyoto, une avalanche de sujets qui concernent une multitude de champs d'activité ministérielle, notamment celui de mon collègue de l'équipement, des transports et du logement, auquel je vous invite à reposer un certain nombre de vos questions parce que la cohérence du travail interministériel est évidemment en cause.
Pour ce qui est du protocole de Kyoto, la France s'est engagée, vous le savez, comme les autres pays industrialisés, à fournir des efforts importants pour maîtriser l'évolution de la pollution de la « bulle » européenne. Il s'agit de contribuer au respect des engagements communautaires de réduction des émissions de 8 %.
Conformément à l'article 4 du protocole de Kyoto, les Etats membres de l'Union européenne ont décidé de s'acquitter conjointement de cet engagement lors d'un Conseil de l'environnement de l'Union européenne qui s'est tenu en juin 1998, au cours duquel a été décidée une répartition de cet effort des Etats membres en fonction de leur niveau d'émission de 1990, de leur démographie et de leurs besoins de développement économique.
Pour ce qui concerne la France, il s'agit de stabiliser les émissions de gaz à effet de serre entre 1990 et la période 2008-2012, tandis que, par exemple, l'Allemagne devra les réduire de 21 %, ce qu'elle devrait pouvoir faire sans difficulté compte tenu des réductions drastiques d'activité dans les länder de l'Est, et l'Espagne ne pas les augmenter de plus de 15 %, ce qui lui demandera des efforts sans doute très importants compte tenu de ses perspectives économiques et démographiques.
Stabiliser nos émissions nous demandera des efforts relativement plus modestes, du fait, notamment, des progrès déjà accomplis depuis le premier choc pétrolier et qui font de la France un des pays industrialisés dont la contribution à l'effet de serre est la plus faible.
Les chiffres que vous avez cités sont malheureusement exacts, le dérapage constaté étant largement lié au secteur des transports.
Comme vous le savez, le Gouvernement a demandé à la mission interministérielle de lutte contre l'effet de serre d'élaborer un nouveau programme de lutte contre le risque de changement climatique. Ce programme respecte complètement l'esprit et la lettre des engagements pris à Kyoto, à savoir que la majeure partie des efforts doit être consentie au niveau domestique par des politiques et des mesures coordonnées à l'échelon national et à l'échelon communautaire, le recours à des mécanismes de flexibilité n'étant que marginal.
Ces mécanismes de flexibilité sont complexes et, s'il ne s'agit pas tout à fait d'un « épais brouillard de jargon », ils peuvent être biaisés : dans l'esprit de certains, cela revient à ne pas consentir les efforts promis, qu'il s'agisse des échanges de carbone, du mécanisme de développement propre, à destination des pays en voie de développement, ou de la mise en oeuvre conjointe avec les pays de l'Est européen, avec les risques d'échanges d'émissions qui n'existent déjà plus, ce qu'on a appelé les échanges de hot air .
Le programme que prépare actuellement la mission interministérielle de lutte contre l'effet de serre devrait être prêt avant la fin du mois. Je l'ai en tout cas annoncé lors de la réunion de Bonn qui s'est tenue la semaine dernière. Il renforcera de manière importante les programmes précédents.
Je souhaite qu'il intègre une vaste panoplie de mesures concernant l'ensemble des secteurs concernés.
Madame la sénatrice, vous avez cité les secteurs des transports, de l'habitat et de l'énergie. J'ajouterai l'agriculture, qui est également concernée par l'augmentation des émissions.
Le programme devra combiner des mesures à caractère technique et réglementaire et diverses incitations économiques. Je pense notamment à la préparation de la taxe sur la consommation intermédiaire d'énergie que le Premier ministre a d'ores et déjà annoncée pour 2001.
Parfois, il s'agira de la signature d'accords volontaires. Je songe ici à l'accord conclu entre la Commission européenne et les constructeurs automobiles visant à la réduction des émissions de CO2 des véhicules neufs. Je pense également à la taxation de l'énergie qui est en cours de préparation sur le plan communautaire ; je rappelle que la France a transmis un mémorandum à ses partenaires européens pour essayer d'avancer dans ce domaine. Je souligne que cette réflexion évolue de façon très coordonnée entre les différents pays européens, dont certains ont déjà mis en place ce genre d'outil fiscal.
Bien sûr, il nous faudra veiller à ce que ces priorités se déclinent de façon cohérente dans le cadre des contrats de plan. Cette préoccupation implique une mobilisation interministérielle très lourde, mais aussi un souci de cohérence. En effet, ce sont parfois les mêmes qui me somment de faire en sorte que le programme interministériel de lutte contre l'effet de serre soit le plus ambitieux et le plus cohérent possible et qui, simultanément, exercent parfois un chantage direct à l'emploi ou invoquent le droit de se déplacer sans contrainte et la civilisation de la mobilité.
La prise de conscience doit donc être large. Au-delà des mesures autoritaires, nous devons veiller à animer un très important débat citoyen, favorisant l'information et la formation des citoyens, de manière qu'ils s'approprient, en quelque sorte, la recherche d'une maîtrise de l'effet de serre.
La France aura, à cet égard, un rôle majeur à jouer l'année prochaine puisqu'elle exercera la présidence de l'Union au moment où se tiendra la sixième conférence des parties à l'accord de Kyoto, qui devrait arrêter un dispositif plus concret de lutte contre l'effet de serre.
Je ne verrais que des avantages à ce que les parlementaires se mobilisent fortement à nos côtés pour que nous soyons plus efficaces et plus concrets dans la préparation de cette conférence.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme Beaudeau.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Madame la ministre, vos réponses sont lucides et démontrent votre pleine responsabilité face à une situation. Celle-ci appelle en effet, d'urgence, des décisions efficaces.
J'ai été conduite, ce matin, à élargir ma question et à vous soumettre des propositions, car la question écrite que j'avais déposée le 10 juin dernier est, à ce jour, restée sans réponse. J'ai pensé qu'il était utile que nous puissions en débattre ce matin.
Ce qui est en cause, ce sont les mesures concrètes que le Gouvernement, et certes pas seulement la ministre chargée de l'environnement, doit prendre. Bien entendu, ce n'est que par un ensemble de mesures qu'on pourra faire reculer les émissions de CO2.
Le Sénat va bientôt être amené à examiner le projet de loi de finances pour 2000. Ce serait l'occasion d'inclure quelques-unes de ces mesures. Pour ma part, je réitérerai alors, sous forme d'amendements, certaines de mes propositions, notamment en ce qui concerne la baisse de la TVA sur la géothermie.

AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE :
LIMITES ENTRE PAYS ET PARCS NATURELS RÉGIONAUX

M. le président. La parole est à M. Signé, auteur de la question n° 625, adressée à Mme le ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.
M. René-Pierre Signé. Madame la ministre, je voudrais évoquer le problème des zonages de nos territoires et plus particulièrement les enjeux des limites entre pays et parc naturel.
Actuellement, une véritable volonté d'innovation politique se fait jour, principalement à travers la promotion d'un développement « durable » du territoire.
La proximité est ici une échelle pertinente pour mobiliser les acteurs, repérer les besoins et les opportunités, organiser une solidarité intercommunale fondée sur un projet de développement local.
Par leur capacité de fédération des ressources locales et d'innovation, les parcs naturels régionaux apparaissent comme un exemple fécond de territoire de projet.
A l'évidence, les parcs naturels régionaux ont constitué la principale sources d'inspiration dans l'élaboration de la politique de pays. L'expérience réussie des parcs peut être une utile référence sur le plan de la méthode. Ces deux territoires procédent du même souci de faire des citoyens les acteurs de la reconquête de leur territoire.
Il s'agit, en effet, de deux outils pour une même démarche de développement local. Loin de moi l'idée d'opposer ces deux types de territoire, qui ne sont en rien des structures rigides, jalouses de leurs compétences respectives. C'est là d'ailleurs leur principale valeur ajoutée. Il y a, cependant entre eux, dans la pratique, sur le terrain, non pas une concurrence, mais un problème de lisibilité.
L'organisation du chevauchement est prévue par la loi. Celle-ci précise qu'un pays ne pourra comprendre des communes déjà incluses dans un parc que s'il se concerte avec ce dernier en déterminant, par voie de convention, leurs champs d'intervention respectifs.
Le décret d'application de la LOADT, la loi d'orientation pour l'aménagement et le développement durable du territoire, relatif aux pays est en route. Ce décret permettra-t-il d'assurer un traitement équitable entre pays et parc ?
Il faut, je le crois, donner suffisamment de garanties à chacun. On peut souhaiter que le décret les fournisse et que confiance soit faite au terrain, à l'initiative et au dialogue.
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Merci, monsieur le sénateur, de cette question.
La loi d'orientation du 25 juin 1999 pour l'aménagement et le développement durable du territoire prévoit explicitement les cas de chevauchement pouvant survenir entre pays et parcs naturels régionaux. A travers le quatrième alinéa de l'article 25, consacré aux pays, il est prévu qu'un pays qui comprendrait des communes déjà incluses au sein d'un parc naturel régional ne pourra voir reconnaître son périmètre définitif qu'après signature d'une convention précisant les « missions respectives confiées aux organismes de gestion du parc naturel régional et du pays sur les parties communes ».
Par ailleurs, la loi rappelle que « la charte du pays et les actions qui en procèdent doivent être, sur les parties communes, compatibles avec les orientations de protection, de mise en valeur et de développement définies par la charte du parc naturel régional en application de l'article L. 244-1 du code rural ». Ce dispositif conventionnel responsabilisera les acteurs locaux, notamment les collectivités qui souhaiteraient s'inscrire dans les deux démarches territoriales. Ces acteurs locaux auront à justifier la complémentarité et la compatibilité d'une double appartenance de certaines collectivités à un parc naturel régional et à un pays.
En outre, la LOADDT garantit une véritable équité de traitement entre les parcs naturels régionaux et les pays dans la mesure où son article 29 prévoit que l'Etat ou les régions auront également la possibilité de conclure un contrat, en application du contrat de plan Etat-région avec l'organisme de gestion d'un parc naturel régional. Ces dispositions législatives répondent déjà largement aux inquiétudes formulées l'an passé par la Fédération nationale des parcs naturels régionaux.
Les textes d'application permettront par ailleurs de les compléter en organisant une procédure de concertation obligatoire dès la phase de reconnaissance du périmètre d'étude d'un pays qui comprendrait des communes incluses dans un parc naturel régional.
Il faudra en effet que le dossier de candidature du pays concerné justifie de l'impossibilité de procéder à l'harmonisation préalable des périmètres, et comprenne un accord écrit entre les promoteurs du pays et l'organisme de gestion du parc naturel régional les engageant à veiller à la cohérence et à la complémentarité de leurs actions respectives.
Enfin, les textes d'application devraient préciser que la convention de clarification des missions respectives d'un parc naturel régional et d'un pays servira à préciser les ensembles cohérents d'actions, qui relèveront soit du contrat de pays soit du contrat passé avec le parc naturel régional.
Toutes ces dispositions tant législatives que réglementaires offriront par conséquent les garanties requises pour la bonne cohabitation des pays et des parcs naturels régionaux, laissant néanmoins aux acteurs locaux, dans un esprit de décentralisation et de responsabilisation, le soin de préciser la répartition des rôles et des missions.
Pour conclure, les pays doivent tirer pleinement parti de l'expérience et des avancées réalisées par les parcs naturels régionaux, qui, à leur tour, pourront s'inspirer des démarches de développement des pays et prendre en compte les exigences qui s'attachent à l'adoption et à la reconnaissance des chartes de parc naturel.
Pour la plupart, les textes d'application de la LOADDT sont prêts et devraient pouvoir être publiés avant la fin de l'année, à l'exception des deux décrets relatifs précisément aux pays et aux agglomérations, car il s'agit de textes plus lourds et plus ambitieux, aux dispositions relativement complexes.
Bien évidemment, je reste à la disposition des parlementaires pour venir leur exposer nos priorités, et je rappelle que des délégations mises en place pour suivre la politique d'aménagement du territoire pourraient constituer un cadre approprié.
M. René-Pierre Signé. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Signé.
M. René-Pierre Signé. Madame la ministre, je vous remercie de votre réponse. Je savais que cette question avait été prise en compte lors de l'élaboration de la loi d'orientation et d'aménagement durable du territoire, et je sais que vous êtes vous-même très attachée à la politique des parc naturels.
Mes craintes venaient du fait que nous passons, aux termes de la loi, à une vision globale du territoire dans laquelle il s'agit de combiner mode de vie et cadre de vie avec des populations, des entreprises, des activités commerciales de plus en plus mobiles.
Cette conception s'est principalement appuyée sur des « zonages de projet ». Le zonage de projet, à la différence des zonages politiques ou administratifs, est fondé sur un projet privilégié, un « vouloir-faire ensemble » entre acteurs locaux qui se fédèrent pour cette action.
L'expérience réussie des parcs naturels régionaux est une utile référence sur le plan de la méthode, car les deux zonages procèdent du même souci de faire des citoyens des acteurs de la reconquête du territoire.
Le chevauchement éventuel posait bien un problème de lisibilité et je suis très heureux de la réponse que vous venez de formuler à cet égard.
Cependant, je veux souligner le fait que les parcs ont fait office de prototypes et que nous craignions qu'ils ne soient menacés, à terme, de disparition. Vous me rassurez en garantissant la pérennité des parcs et en assurant leurs gestionnaires que les pays ne sont pas des parcs naturels régionaux de deuxième génération.

CONDITIONS D'ATTRIBUTION DE LA PRIME
A` L'AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE DANS LA SOMME

M. le président. La parole est à M. Martin, auteur de la question n° 633, adressée à Mme le ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.
M. Pierre Martin. Madame le ministre, je souhaite appeler votre attention, une nouvelle fois, sur les conséquences induites par la modification du zonage de la prime d'aménagement du territoire pour la région Picardie et, en particulier, pour le département de la Somme.
Les critères retenus par le Gouvernement pour l'attribution de la PAT manquent de cohérence du point de vue tant géographique qu'économique.
En réponse à une question écrite que je vous avais posée le 22 avril 1999, vous m'avez apporté, madame le ministre, la précision suivante : « Le découpage du zonage, en France comme ailleurs, ne pourra plus épouser les contours des zones industrielles, mais il devra incorporer la population des bassins d'emploi dans la totalité. » C'est ici que les difficultés commencent pour notre département, en particulier pour de nombreux cantons menacés, de fait, d'isolement économique.
Un exemple parmi d'autres, celui du canton d'Hallencourt, dont je suis l'élu, est particulièrement éclairant. Ce canton répond à l'ensemble des critères retenus pour l'éligibilité dans le zonage de la PAT. Il bénéficiait donc, jusqu'alors, de la PAT comme du FEDER ; il s'en trouverait exclu dans le nouveau projet, vu son appartenance au bassin d'emploi d'Amiens.
Et, pourtant, le canton d'Hallencourt possède une limite territoriale avec le canton d'Abbeville-Sud. Il dépend de l'arrondissement d'Abbeville - et non pas d'Amiens - pour toutes les formalités administratives des particuliers, mais également des entreprises. Ses activités traditionnelles et industrielles relèvent toutes du Vimeu ; il est porteur d'une histoire locale et de noms de village faisant référence à ce secteur du Vimeu. Il appartient aux structures locales de développement de ce même secteur. Son rattachement au bassin d'emploi du Vimeu, dans l'arrondissement d'Abbeville, paraîtrait naturel. Tel n'est pas le cas.
Cette situation, résultant en partie d'une définition obsolète donnée par l'INSEE de la zone d'emploi d'Amiens, constitue une anomalie géographique et historique, une enclave dans le bassin d'emploi du Vimeu.
Vous sachant, madame le ministre, soucieuse d'équité, je vous pose la question : vous serait-il loisible de porter votre attention tout spécialement sur la situation paradoxale du canton d'Hallencourt en reconsidérant son appartenance - illogique - au bassin d'emploi d'Amiens et en adoptant une approche moins théorique dans les facteurs d'éligibilité retenus pour son classement dans le zonage PAT ?
Etes-vous prête, en outre, à accorder au département de la Somme un complément de population éligible, étant donné que les réductions sont de l'ordre de 21 % dans ce département contre 1 % dans l'Aisne ?
Enfin, concernant le zonage objectif 2, êtes-vous prête à remédier à la situation d'injustice que vivent le département de la Somme, avec 40 % de réduction de population éligible, et la région Picardie, avec 25 % de réduction ? Il ne faudrait pas que le zonage objectif 2 reconduise les mêmes insuffisances que le récent zonage PAT !
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Monsieur le sénateur, il ne me revient heureusement pas d'accorder telle ou telle « rallonge » en termes de population. La réduction drastique à laquelle nous avons été confrontés au titre d'une politique non d'aménagement du territoire mais de la concurrence, est effectivement douloureuse à vivre. C'est sur la base de cette argumentation et des critères qui nous étaient imposés par le règlement communautaire que nous avons été amenés à formuler des propositions en toute objectivité.
Je vous signale que la discussion avec la Commission est vive et que M. Monti nous a d'ores et déjà fait savoir qu'il n'entendait pas valider la carte qui lui avait été transmise par les autorités françaises.
La négociation est en cours. S'il semble possible de faire valoir notre point de vue en ce qui concerne la prise en compte de situations de chômage particulièrement graves dans la périphérie des grandes villes, dans des zones touchant à des agglomérations, dans les espaces confrontés à des restructurations minières ou énergétiques, la Commission européenne s'est montrée, elle, fort peu flexible : elle requiert, pour ces espaces, une stricte coïncidence avec la proposition de zonage objectif 2.
C'est une contrainte très lourde qui ne peut être satisfaite dans tous les cas et qui se traduira sans doute par quelques redéploiements au sein de la proposition de zonage PAT. En effet, nous ne pouvons pas « manger » des populations d'une façon considérable dans des zones où les activités ne sont pas aussi nombreuses qu'on pourrait le souhaiter et où nous ne profiterions pas au mieux des possibilités de zonage.
Le choix des critères retenus résulte largement d'un travail engagé au sein du Conseil national de l'aménagement et du développement du territoire et des recommandations formulées par ce dernier.
Vous le savez, plusieurs scénarios étaient possibles. Nous avons préféré le scénario dit d'aménagement du territoire, parce qu'il tenait le mieux compte de la richesse, du chômage, de la dépopulation des territoires en mutation industrielle. Nous n'avons pas voulu conforter l'idée finalement assez cynique selon laquelle il aurait fallu ne retenir que les seules zones qui pouvaient au mieux se servir de cette opportunité.
Au regard de ces critères, la zone d'emploi d'Amiens, qui comprend le canton d'Hallencourt, a été retenue non pas en totalité, au titre de la proposition de zonage PAT, mais à hauteur de 98 000 habitants, suivant un découpage, élaboré sur le plan local qui privilégie les zones industrielles touchées par un fort taux de chômage dans la périphérie de l'agglomération d'Amiens, en respectant un principe de continuité géographique. Le canton d'Hallencourt, qui est distant du zonage proposé pour Amiens, ne peut donc, à ce stade des négociations avec la Commission, être réintégré dans la proposition française.
S'agissant du zonage objectif 2, la Picardie avec une baisse de 24,7 % - après affectation de 15 000 personnes supplémentaires au titre de la réserve, afin d'assurer le zonage partiel de Soissons en objectif 2, compte tenu des difficultés récentes - se trouve dans une situation relativement moins pénalisante que l'ensemble des autres régions, qui connaissent une baisse moyenne de 26,3 %.
Le taux de couverture du futur objectif 2 pour la Picardie, avec 778 041 personnes, est de l'ordre de 43 %, à comparer avec un taux de couverture national de l'ordre de 31 %.
La proposition de zonage objectif 2, élaborée sur le plan local, conforte le zonage PAT pour ce qui concerne la frange de la zone d'emploi d'Amiens ; elle comprend par ailleurs la commune d'Hallencourt, sur laquelle vous m'avez interrogée.
M. Pierre Martin. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Martin.
M. Pierre Martin. Je vous remercie de toutes ces précisions, madame le ministre. Une avancée a été faite pour le canton d'Hallencourt ; elle est, certes, insuffisante, mais je crois que, dans ce combat pour l'emploi que nous menons tous dans nos différents secteurs d'activité, la souplesse permet certainement d'avancer plus rapidement que la rigidité !
M. le président. Cela nous appelle tous à la modestie. Ce qui avait été négocié dans le passé n'était pas si catastrophique que cela !
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Monsieur le président, si la Commission européenne a imposé la réduction d'un quart de la population couverte, je rappelle que cette règle a été assumée, lors du sommet de Berlin, par les deux têtes de l'exécutif.
Il s'agit de stabiliser le budget communautaire. Il s'agit également d'assurer les meilleurs retours financiers possibles pour la France, et c'est au titre de la politique agricole commune que ces retours sont les plus satisfaisants historiquement. Il s'agit, enfin, de concentrer des moyens importants sur des zones qui sont réellement en retard de développement, que ce soit au titre de l'objectif 1, qui concerne notamment les départements d'outre-mer, ou au titre des dispositifs de sortie.
Nous n'avons pas à rougir du travail qui a été engagé. Je tenais à replacer ce débat dans un contexte peut-être plus complexe que celui que vous imaginez, monsieur le président.
M. le président. Je serais content d'avoir les résultats obtenus en Picardie pour Marseille qui a subi des amputations par rapport au passé.
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Nous sommes tous passionnés par ces problèmes, monsieur le président.

RÉQUISITIONS DE LOGEMENTS VACANTS

M. le président. La parole est à Mme Borvo, auteur de la question n° 613, adressée à M. le secrétaire d'Etat au logement.
Mme Nicole Borvo. Monsieur le secrétaire d'Etat, je veux vous interroger sur les mesures exceptionnelles qu'il y a lieu de prendre à Paris concernant le logement.
Le nombre de personnes sans domicile fixe dans mon département est évalué à 10 000 et 100 000 Parisiens se trouvent dans une situation de précarité ; 36 000 personnes ont quitté la capitale et le nombre de familles en attente d'un logement social ou vivant dans des logements insalubres ne cesse d'augmenter. Avec tout cela on pourrait faire des villes !
Le recensement de 1999 indique qu'en neuf ans le nombre de logements vacants dans la capitale est passé de 117 561 à 137 570, ce qui représente aujourd'hui plus de 10 % du parc des logements existant à Paris.
Le rapprochement de ces deux données est, je crois, éloquent.
Les chiffres publiés par l'INSEE ne peuvent donc que conforter l'exigence de voir les pouvoirs publics utiliser l'ensemble des possibilités offertes par la loi d'orientation relative à la lutte contre les exclusions de juillet 1998. Cette dernière offre, en effet, de nouveaux moyens d'intervention, notamment la procédure de réquisition-attribution des logements vacants prévue à l'article L. 642-1 du code de la construction et de l'habitation.
De plus, elle prévoit de taxer les logements vacants sous deux conditions : la commune doit appartenir à une zone urbaine de plus de 200 000 habitants et un déséquilibre marqué doit exister entre l'offre et la demande de logements sociaux. Paris semble correspondre à cette définition. La loi s'applique depuis le 1er janvier 1999 pour chaque logement vacant depuis au moins deux années consécutives. Toutefois, comme l'ont fait remarquer un grand nombre d'associations de lutte contre l'exclusion, les textes ne suffisent pas et il est nécessaire et urgent de donner l'impulsion politique correspondant à l'ampleur des problèmes posés.
Dans ce cadre, j'apprécie bien sûr positivement le fait que le Gouvernement ait annoncé la création de 10 000 logements sur cinq ans pour accueillir prioritairement ceux qui sont logés dans les hôtels meublés vétustes et insalubres. Cela devrait donner une impulsion nouvelle et tranche avec l'immobilisme de la Ville de Paris qui, jusqu'ici, se contentait de reconduire les mêmes mesures alors que les besoins sont croissants. Par ailleurs, nous continuons à penser qu'il serait juste que, pour toutes les expulsions liées à un problème social, un moratoire s'applique. Nous l'avons défendu lors de l'examen du projet de loi relatif à la lutte contre les exclusions et continuons à penser qu'il est nécessaire.
Je ne pense pas que l'on puisse en rester là. La mise en oeuvre d'un plan de réquisition pour les logements inoccupés appartenant à de grands propriétaires institutionnels, qui pourraient servir à loger des familles actuellement en attente d'un logement social et en grande difficulté, paraît nécessaire.
Monsieur le ministre, connaissez-vous le nombre de logements concernés par la taxation des logements vacants à Paris, en particulier arrondissement par arrondissement ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Louis Besson, secrétaire d'Etat au logement. Madame la sénatrice, votre question comporte plusieurs aspects relatifs à l'hébergement et au logement des personnes démunies à Paris.
S'agissant de l'hébergement, je souhaite vous confirmer que les capacités de l'hiver dernier ont été reconstituées. Pour l'Ile-de-France, près de 5 500 places sont ouvertes ou prêtes à ouvrir, dont 3 000 à Paris, et 500 places peuvent être mobilisées du jour au lendemain si nécessaire, notamment en cas de grand froid, dont 350, voire un peu plus s'il le faut, à Paris.
A cet égard, je voudrais vous indiquer que dans la quasi-totalité des villes de France, ce sont plutôt les collectivités qui se mobilisent pour dégager les moyens de l'hébergement. Elles ont beaucoup plus de facilités pour le faire que l'Etat, qui n'a pas l'exercice du droit de préemption urbain et qui ne peut pas suivre à leur place l'évolution du marché foncier et immobilier. A Paris, on se tourne effectivement beaucoup vers l'Etat. Il a fait ce qu'il pouvait. Les deux acteurs doivent au moins être mobilisés simultanément.
Le Gouvernement agit aussi à plus long terme, pour renforcer le dispositif d'hébergement, le pérenniser, l'humaniser et l'adapter aux besoins nouveaux.
C'est le sens du plan de création, sur cinq ans, de 10 000 logements en résidences sociales en Ile-de-France, que j'ai rendu public jeudi 28 octobre dernier. Ce plan devrait bien sûr accroître les possibilités de sortie de ce dispositif vers de véritables solutions de logement.
Votre question porte aussi sur l'utilisation des outils créés par la loi relative à la lutte contre les exclusions pour mobiliser les logements vacants.
Il faut tout d'abord rappeler que les logements vacants, recensés à un moment donné par l'INSEE, le sont pour des raisons diverses et, par voie de conséquence, depuis des durées variables. Une simple accélération du nombre des transactions immobilières et de la mobilité résidentielle accroît automatiquement le nombre de logements vides pendant l'espace qui sépare deux occupations.
Ce point mérite d'être précisé, car la vacance visée par les nouveaux dispositifs de la loi relative à la lutte contre les exclusions est la vacance de longue durée : deux ans pour l'application de la taxe sur les logements vacants et dix-huit mois pour les réquisitions.
Le nombre de logements concernés en 1999 par la taxe sur les logements vacants n'est pas encore connu. En effet, les services fiscaux viennent tout juste d'envoyer aux propriétaires concernés les avis d'imposition.
Pour Paris, ce nombre d'avis est de l'ordre de 30 000, sans qu'il soit à ce jour possible de disposer de données détaillées par arrondissement. Mais la loi donne aux propriétaires la faculté d'apporter la preuve que la vacance du logement n'est pas de leur fait, puisque la taxe vise à pénaliser les comportements de vacance volontaire et durable de logements. Les services fiscaux devront alors se prononcer sur l'application ou non de la taxe aux logements concernés, dont le nombre précis ne sera connu que dans quelques mois, après que les propriétaires auront pu, éventuellement, faire valoir leurs arguments.
Enfin, en ce qui concerne le parc locatif HLM, le taux de vacance recensé par les bailleurs sociaux à Paris est de 2,9 %, c'est-à-dire un peu moins que la moyenne régionale ou nationale qui est de 3 %. Une part très majoritaire de ces logements sont vacants depuis moins de trois mois. Dans la plupart des cas, il s'agit donc d'une vacance entre deux occupations.
En ce qui concerne les réquisitions, M. Jean-Claude Gayssot et moi-même sommes actuellement dans une phase importante de consolidation des réquisitions existantes, antérieures à 1997. Nous faisons tout ce que nous pouvons pour qu'elles soient transformées en logements sociaux définitifs. Il serait en effet peu concevable de produire de nouveau de la précarité pour les personnes qui ont bénéficié de cette procédure. On perçoit bien là les limites des réquisitions : elles ne peuvent pas constituer une solution pérenne.
La nouvelle procédure prévue par la loi relative à la lutte contre les exclusions est applicable puisque les textes d'application nécessaire sont parus. Lorsque des logements correspondant aux critères de la loi nous seront signalés, nous déciderons la mise en application de la nouvelle procédure, en respectant les modalités prévues. Mais je dois vous dire que, jusqu'à ce jour, même des associations qui militent très activement pour des réquisitions, et auxquelles nous avons dit que nous étions disponibles pour en réaliser, n'ont pas su nous indiquer de propriétés institutionnelles remplissant les conditions de la loi. Nous lançons donc un appel à tous ; notre disponibilité est entière.
En conclusion, consolidation de l'hébergement, plan de construction de résidences sociales, mobilisation des logements vacants, le Gouvernement agit sur ces trois plans, en complément de son action, que vous connaissez, pour la relance du logement social. Dans le cadre de l'élaboration du projet de loi relatif à l'urbanisme, à l'habitat et aux déplacements, M. Jean-Claude Gayssot et moi-même proposerons des mesures nouvelles pour la résorption de l'habitat insalubre. Nous nous doterons ainsi d'outils permettant de mieux traiter les problèmes que vous avez exposés au début de votre question.
Mme Nicole Borvo. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme Borvo.
Mme Nicole Borvo. Je vous remercie de votre réponse, monsieur le secrétaire d'Etat. Je remercie aussi M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement, qui est présent au banc du Gouvernement.
Si j'ai posé cette question, c'est parce que, selon moi, la politique de la ville n'est pas satisfaisante et que le Gouvernement a des responsabilités, la question du logement étant un facteur très important d'exclusion.
L'année dernière, nous avons voté le projet de loi relatif à la loi de lutte contre les exclusions, qui, dans l'esprit - il serait souhaitable que ce soit aussi dans la lettre - a pour objet de s'attaquer résolument aux phénomènes cumulatifs d'exclusion. Il s'agit d'assurer un minimum de droits fondamentaux à nos concitoyens.
Dans la capitale, nous sommes évidemment aux premières loges pour constater chaque jour le phénomène d'exclusion. Les mesures doivent effectivement être coordonnées pour mieux s'attaquer à ce problème.
Les associations, auxquelles je transmettrai votre réponse, rencontrent en effet quelques difficultés pour procéder elles-mêmes à une évaluation de la vacance des logements. On évalue à quelque 115 000 le nombre de logements inoccupés, d'immeubles et de bureaux vides à Paris. Certes tous n'entrent pas dans le champ d'application de loi, mais il y a tout de même de quoi faire.

TRACÉ DU TGV SUD-EST

M. le président. La parole est à M. Picheral, auteur de la question n° 615, adressée à M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.
M. Jean-François Picheral. Ma question s'adresse effectivement à M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Monsieur le ministre, je suis, depuis quelque temps, régulièrement interpellé par de nombreuses associations représentant les particuliers résidant dans le pays d'Aix-en-Provence. Elles m'interrogent sur la position du Gouvernement en matière d'évolution ferroviaire dans notre région et plus précisément sur l'éventualité de l'extension du TGV Sud-Est dont le tracé traverserait les communes de Saint-Carmat, Aix-en-Provence, Le-Puy-Sainte-Réparade, Venelles, Meyrargues, Vauvenargues, pour se diriger vers Nice, via Saint-Raphaël. De plus, ce tracé serait susceptible de passer au pied de la montagne Sainte-Victoire, chère à Cézanne, dont le classement par l'UNESCO est en cours d'étude.
Je vous remercie, monsieur le ministre, de bien vouloir me faire part de votre position sur ce point.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Monsieur le sénateur, conformément aux décisions du comité interministériel pour l'aménagement et le développement du territoire du 15 décembre 1998, Réseau ferré de France est aujourd'hui sur le point d'engager une étude d'opportunité sur le prolongement de la ligne ferroviaire à grande vitesse vers Toulon, la Côte d'Azur et l'Italie.
Cette étude comportera en premier lieu une évaluation des besoins de déplacements et des enjeux de projet dans une approche fonctionnelle et multimodale, puis une identification et un recensement des solutions techniques possibles susceptibles de répondre à ces besoins et, enfin, une appréciation multicritères des solutions examinées. Je rappelle d'ailleurs que, lors du dernier sommet franco-italien, il a été décidé de mettre en place une commission intergouvernementale franco-italienne pour les Alpes du Sud.
En l'état des réflexions, la seconde étape de cette étude devrait a priori explorer plusieurs familles de solutions envisageables.
Il s'agit de la solution en ligne nouvelle reprenant le tracé dit Querrien et de la solution « médiane » visant à réutiliser au moins partiellement les emprises de la ligne Aix-Gardanne-Carnoules, par le centre Var. Une solution « côtière » est également envisagée. Elle serait composée d'un tronçon Toulon-Fréjus plus ou moins adossé à la ligne actuelle dans le Var moyen et dans la vallée de l'Argens.
Bien entendu, compte tenu des enjeux d'un tel projet, celui-ci devra donner lieu le moment venu - on est actuellement très en amont - à un débat préalable, portant notamment sur l'intérêt économique et social du projet, sur ses caractéristiques et ses fonctionnalités principales et - ce qui est très important pour moi - sur son impact sur l'environnement humain et naturel des espaces traversés.
Ce n'est qu'à l'issue de toutes ces procédures et de ce débat, et sur la base des bilans établis, que pourront être précisées les conditions ultérieures de définition d'un tracé.
Vous avez évoqué le fait que l'UNESCO étudie actuellement la possibilité d'inscrire la montragne Sainte-Victoire sur la liste du patrimoine mondial. Si tel devait être le cas, il en serait obligatoirement tenu compte.
Comme vous le voyez, monsieur le sénateur, nous sommes encore très en amont des décisions et, en tout état de cause, rien ne se fera sans que tous les éléments du dossier et le fruit des concertations engagées soient pris en compte.
M. Jean-François Picheral. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Picheral.
M. Jean-François Picheral. Monsieur le ministre, je vous remercie des précisions que vous venez d'apporter et qui nous rassurent en grande partie. En effet, on peut aujourd'hui utiliser les voies existantes entre Toulon et Marseille en passant par la Blancarde, que connaît bien le président de séance, pour se diriger ensuite vers la nouvelle gare TGV d'Aix-en-Provence. Il s'agit d'une solution immédiate, qui rendra service tant à la SNCF qu'aux Parisiens qui voudront bénéficier du soleil de notre région.

DROITS DES SALARIÉS DANS LES GRANDES ENTREPRISES

M. le président. La parole est à M. Duffour, auteur de la question n° 628, adressée à Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité.
M. Michel Duffour. Monsieur le ministre, si j'attire votre attention sur le comportement de la direction de grandes entreprises, c'est bien parce que la réduction du temps de travail est un acte majeur de ce gouvernement et que la réussite de ce projet constituera - c'est mon voeu le plus cher - une avancée significative.
Sans ouvrir à nouveau le débat qui s'est tenu ici même, nous voyons que, si la réduction du temps de travail rencontre un écho favorable chez les salariés, les craintes sont également vives. Ces dernières tiennent pour une grande part à l'attitude négative de grands groupes qui mènent une bataille offensive pour détourner la réduction du temps de travail de ses objectifs et créer le sentiment chez de nombreux salariés d'être totalement démunis devant leur toute-puissance.
Cette pression s'exerce souvent en amont de toute discussion sur la réduction du temps de travail et vise à créer un rapport de forces défavorable au monde des salariés, avant toute amorce de négociation.
C'est ainsi que la direction de Cegelec, filiale d'Alstom, s'acharne sur le sort de treize grévistes qu'elle a pris en otages sur le site de Nanterre.
Leur seule faute est d'avoir refusé la remise en cause d'acquis comme la prime d'outillage et d'avoir, avec d'autres salariés, mis en oeuvre la décision, prise à la majorité, d'occuper les locaux face au refus de négocier de la direction.
L'un de ces grévistes est d'ores et déjà exclu. Il a dix-sept ans d'entreprise, après y être entré comme apprenti. Il est père de quatre enfants, mais cela ne compte pas pour la direction de l'entreprise.
La procédure engagée est le licenciement pour faute grave. Encore faudrait-il que la direction daigne justifier ce qui constitue, à ses yeux, une faute grave ! Mais ce n'est pas le cas.
Nous sommes donc dans une situation, désormais trop courante, où la direction d'une grande entreprise n'hésite pas à jouer sur la lenteur des procédures prud'homales et sur la modicité des sanctions encourues pour engager une épreuve de force.
Monsieur le ministre, je suis de ceux qui saluent le courage et le réalisme de Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité, qui a su écouter sa majorité plurielle à l'Assemblée nationale, modifier quand il le fallait son projet - je pense en particulier à la durée effective du temps de travail - et résister au chantage du MEDEF.
Toutefois, monsieur le ministre, ne pensez-vous pas, à la lumière de l'exemple que je viens d'évoquer, qu'il est temps, comme M. le Premier ministre l'avait initialement envisagé, que le Parlement délibère et décide d'inscrire dans le code du travail des droits nouveaux pour les salariés, des obligations nouvelles pour les employeurs, bref de limiter les pouvoirs exorbitants et exclusifs du grand patronat dans les entreprises ?
Enfin, en ce qui concerne le conflit de Nanterre, je vous demande, comme mes collègues députés Jacqueline Fraysse et Georges Sarre qui l'ont fait avant moi, quelles mesures vous comptez mettre en oeuvre pour annuler les procédures de licenciement et de mises à pied abusivement engagées par la direction de Cegelec à l'encontre de quelques-uns de ses salariés, et éviter l'exacerbation des tensions dans la branche des travaux publics, où les relations sociales sont loin d'être exemplaires.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Claude Bartolone, ministre délégué à la ville. Vous avez appelé mon attention, monsieur le sénateur, sur la situation des salariés de l'entreprise Cegelec, filiale d'Alcatel-Alstom, qui a pris la décision de licencier ou de mettre à pied du personnel protégé ou non protégé à la suite d'un conflit avec occupation des locaux à Nanterre.
Les revendications à l'origine de la grève portaient sur le maintien de la prime d'outillage - 3 % du salaire - la mise en oeuvre des 35 heures avant le 1er janvier 2000 sans perte de salaire et, dans ce cadre, le maintien d'autres avantages liés aux accords de branche concernant la prime de panier, le travail de nuit et du dimanche, la revalorisation des indemnités de déplacement.
Ce conflit a donné lieu à une occupation de locaux par les salariés grévistes et à une mesure d'expulsion par la force publique sur décision de justice.
Les négociations de sortie du conflit ne sont pas terminées. Le tribunal a désigné un médiateur et demandé aux parties de présenter leurs propositions le 7 novembre au plus tard.
A l'issue de l'occupation, la direction a annoncé son intention de licencier douze salariés.
Pour huit d'entre eux, la sanction a été commuée en mise à pied de trois mois. Un salarié non protégé a été licencié pour faute lourde et le conseil des prud'hommes statuera sur cette plainte aujourd'hui même.
L'inspection du travail a été saisie d'une demande d'autorisation de licenciement pour trois représentants du personnel et les décisions devraient être notifiées dans l'entreprise dans les jours qui viennent.
Ce dossier fait l'objet d'une attention particulière de la part de l'inspection du travail et du ministère de l'emploi et de la solidarité au moment où, ainsi que vous avez eu l'occasion de le souligner, monsieur le sénateur, la loi sur la réduction du temps de travail doit permettre un réel approfondissement de la démocratie dans l'entreprise. Il faut ainsi que nous puissions démontrer que, dans le cadre de la négociation, on peut appliquer cette loi pour établir ce « gagnant-gagnant » qu'a eu l'occasion de développer Mme la ministre de l'emploi devant vous : l'entreprise doit renforcer sa production tout en mettant en place, dans le même temps, des conditions de travail et de temps de vie plus agréables pour les salariés et en créant de l'emploi.
C'est la raison pour laquelle Mme Aubry m'a demandé de vous dire qu'elle suivait particulièrement le déroulement de ce conflit, et nous examinerons, le cas échéant, les conclusions qu'il faudra en tirer.
M. Michel Duffour. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Duffour.
M. Michel Duffour. Je vous remercie de votre réponse, monsieur le ministre.
J'ai pris bonne note que le ministère suivait avec attention le déroulement du conflit, d'autant qu'il s'agit d'une branche où les tensions sont souvent extrêmement vives.
Mon voeu le plus cher est que l'attention que vous y portez trouve ses effets et que le conflit se termine de manière positive.

LIBERTÉ D'INFORMATION SYNDICALE

M. le président. La parole est à M. Foucaud, auteur de la question n° 631, adressée à Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité.
M. Thierry Foucaud. Monsieur le ministre, des manquements graves à l'exercice de la liberté d'information syndicale ont actuellement cours à l'usine Renault de Cléon.
Le 27 décembre 1968 était adoptée une loi qui comportait de réelles avancées pour l'exercice des mandats des élus du personnel dans les entreprises ainsi que pour l'activité syndicale.
Ce texte était le fruit du grand mouvement social de mai et juin 1968, dont l'empreinte est encore ressentie aujourd'hui.
Aux termes de l'alinéa 4 de l'article L. 412-8 du code du travail, le droit à l'information était reconnu pour les salariés : « Les publications et tracts de nature syndicale peuvent être librement diffusés aux travailleurs dans l'entreprise, dans l'enceinte de celle-ci, aux heures d'entrée et de sortie du travail. »
Ainsi les délégués pouvaient-ils, dès ce moment, rendre compte de leurs mandats, et les syndicats et leurs militants bénéficier de libertés nouvelles.
Depuis 1968, toutefois bien des changements sont intervenus dans l'organisation du travail : horaires variables, introduction de la flexibilité dans nombre d'entreprises. Les conditions d'application des dispositions auxquelles j'ai fait référence précédemment sont donc devenues différentes.
C'est le cas à l'usine Renault de Cléon, en Seine-Maritime : il existe désormais sept accès différents pour les employés de cette unité de production et, pour ne prendre l'exemple que du seul bâtiment E, soixante-quatre portes d'entrée et des dizaines de vestiaires.
Les horaires principaux, qui étaient au nombre de quatre il y a vingt ans, sont devenus plus de deux cents aujourd'hui si l'on prend en compte l'individualisation du travail et les reprises et cessations d'activité à horaires décalés.
Comme vous le voyez, monsieur le ministre, la législation est devenue inapplicable au sens strict. Dans le même temps, la direction de ce site s'emploie à l'interpréter à la lettre, c'est-à-dire de façon restrictive. Elle s'obstine à ne pas vouloir ouvrir de négociation sur l'adaptation à la réalité du site de l'article L. 412-8, alinéa 4, du code du travail. La situation continue donc de se dégrader.
Les conséquences d'une telle situation sont graves. Plus de cinquante sanctions ont été prononcées, et un tel blocage ne peut, évidemment, que concourir à dégrader le climat social.
Laisser porter atteinte aux droits fondamentaux des salariés et de leurs délégués me paraît contraire à l'esprit du droit français et aux acquis des luttes sociales. Issu d'une profonde volonté de changement, le Gouvernement actuel de gauche ne peut laisser une telle situation en l'état, sauf, monsieur le ministre, à courir un risque d'affaiblissement.
C'est la raison pour laquelle je souhaite savoir quelles mesures vous comptez prendre pour que la liberté d'information des salariés par leurs élus ne subisse pas d'entraves. La situation que je viens d'évoquer pour Renault-Cléon n'est évidemment pas la seule en France !
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Claude Bartolone, ministre délégué à la ville. Monsieur le sénateur, vous avez appelé mon attention sur la situation de salariés de l'entreprise Renault, à Cléon, qui ont été sanctionnés après avoir distribué des tracts syndicaux en dehors des conditions prévues par l'article L. 412-8 du code du travail, lequel précise, dans son alinéa 4, que : « Les publications et tracts de nature syndicale peuvent être librement diffusés aux travailleurs de l'entreprise, dans l'enceinte de celle-ci, aux heures d'entrée et de sortie du travail ».
Aux termes de cet article, des accords collectifs peuvent comporter des clauses plus favorables et prévoir ainsi les modalités concrètes d'exercice du droit syndical.
C'est dans ce cadre qu'il y a lieu de rechercher des dispositions adaptées au régime des horaires de travail appliqué dans l'entreprise. Je rappelle à cet égard qu'en cas d'horaires individualisés la diffusion des documents syndicaux est possible pendant la totalité de la plage mobile des horaires.
Pour ce qui concerne plus particulièrement le site de Cléon, se trouve posée la question de la remise en cause des modalités de diffusion de l'information syndicale au sein de l'établissement.
Indépendamment des procédures susceptibles d'être engagées devant la juridiction compétente pour la levée des sanctions ou la contestation du non-respect de la dénonciation de l'usage, je souhaite que, dans cette situation, direction et organisations syndicales s'entendent pour déterminer un régime permettant de concilier, d'une part, le respect de cette liberté fondamentale qu'est le libre exercice du droit syndical dans l'entreprise et, d'autre part, les règles attachées à l'exécution normale du travail et au fonctionnement de l'entreprise.
C'est bien à ce niveau que peut s'engager une négociation sur les adaptations susceptibles d'être apportées aux modalités de diffusion de l'information syndicale en tenant compte de la diversité des formes d'organisation du travail - que vous avez mise en avant dans votre question, monsieur le sénateur -, mais aussi de l'exécution normale de celui-ci et du respect des libertés et des droits syndicaux dans l'entreprise.
Je reste comme vous très attentif à ce que la réaffirmation par la Cour de cassation d'une interprétation littérale des termes de l'article L. 412-8 ne se traduise pas par la remise en cause d'usages établis, pour ce qui est de la diffusion de l'information syndicale, dans des conditions qui porteraient préjudice à l'exercice normal des droits syndicaux.
Les difficultés rencontrées par certains salariés exerçant des fonctions représentatives au sein de l'entreprise Renault à Cléon continuent de faire l'objet de la plus grande attention de la part de l'inspection du travail, qui a déjà reçu à plusieurs reprises sur ce sujet des délégations de représentants du personnel.
M. Thierry Foucaud. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Foucaud.
M. Thierry Foucaud. Monsieur le ministre, s'il faut absolument faire respecter le quatrième alinéa de l'article L. 412-8 du code du travail, je crois cependant qu'il est devenu nécessaire de le modifier en fonction des données nouvelles, qui sont très nombreuses depuis 1968. Les salariés doivent pourtant être informés et leurs élus exercer leurs droits sans entrave, sans sanction et sans brimade.
Entre 1968 et aujourd'hui, trente et un ans se sont écoulés et beaucoup de choses ont changé. Il convient donc d'actualiser la législation afin qu'il ne soit plus possible de sanctionner des délégués qui informent régulièrement les salariés de l'entreprise.

MISE EN OEUVRE D'UN DÉPISTAGE
SYSTÉMATIQUE DU CANCER COLORECTAL

M. le président. La parole est à M. Cazalet, auteur de la question n° 620, adressée à Mme le secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.
M. Auguste Cazalet. En matière de santé publique, il y a un temps pour tout : pour l'analyse d'un problème, pour le lancement des études d'observation épidémiologique et des essais d'interventions cliniques nécessaires, pour le recueil et l'analyse des données, pour la décision politique, pour l'action collective et, enfin, pour le bilan.
Il en est ainsi du dépistage du cancer colorectal. Celui-ci est en effet, en France, l'un des cancers les plus fréquents. Il domine en tout cas la pathologie tumorale digestive et est, par ailleurs, en constante progression.
Selon les données statistiques les plus récentes, il devient fréquent chez l'adulte de plus de quarante-cinq ans et son incidence augmente avec l'âge. On admet que celle-ci double à chaque décennie. L'évolutivité est d'autant plus grande et le pronostic plus sombre que le diagnostic est plus tardif, et le cancer du côlon est à lui seul responsable de 26 000 nouveaux cas et de 16 000 décès par an.
Un Français sur quinze sera atteint par ce cancer, et un sur quarante en mourra.
On sait que le dépistage individuel et familial des sujets à haut risque est efficace et utile. On sait aussi que, sous certaines conditions, le dépistage de masse en deux temps, commençant par le test « Hémoccult », permet de réduire la mortalité.
Aucun argument scientifique ou éthique ne peut, aujourd'hui, justifier la persistance des incohérences et atermoiements passés. Aucun principe administratif dépassé ne doit plus faire obstacle à la prise en charge de ces tests.
La France, j'en suis convaincu, est capable de rejoindre, sur cette question, les pays avancés en matière de gestion de leur système de santé. Elle est capable d'actions concertées, durables et indépendantes des aléas du court terme et des conflits d'intérêts.
Les conditions du succès de la mise en place de ce dépistage sont bien définies : il faut une décision politique ferme, fédératrice, s'inscrivant dans la durée et bien distincte de la gestion quotidienne de l'assurance maladie, une information claire et une mobilisation active de la population, ainsi que des professionnels de santé, quel que soit leur mode d'exercice, une prise en compte des conditions techniques de la qualité et de l'efficacité du dépistage et, enfin, un suivi des résultats.
Des expériences pilotes régionales ont été couronnées de succès. Aussi, monsieur le ministre, pourriez-vous m'indiquer quels moyens le Gouvernement envisage de mettre en place ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Claude Bartolone, ministre délégué à la ville. Monsieur le sénateur, nous estimons comme vous que le cancer colorectal constitue un véritable enjeu de santé publique. D'après les travaux de registres du cancer, on estime que 33 000 nouveaux cas surviennent chaque année en France et, malgré les progrès thérapeutiques importants réalisés ces dernières années, ce cancer est responsable de près de 15 000 décès par an.
Le dépistage devrait permettre, grâce à un diagnostic précoce, de réduire la mortalité de ces cancers.
Les dispositions adoptées dans la loi de financement de la sécurité sociale de 1999 permettent de définir une politique ambitieuse de dépistage des maladies aux conséquences mortelles évitables, notamment des cancers.
J'aimerais insister sur la responsabilité des pouvoirs publics s'agissant de la qualité des services offerts à la population concernée par ces programmes. Une conférence de consensus a ainsi été organisée sur le thème du dépistage du cancer colorectal, en 1998, par l'Agence nationale d'évaluation et d'accréditation en santé.
Cette conférence n'a pas permis de trancher définitivement quant à l'intérêt de généraliser en France un dépistage du cancer colorectal en proposant à l'ensemble de la population concernée un dépistage par la recherche de sang dans les selles.
En effet, pour être efficace, ce dépistage doit être réalisé dans l'optique d'un programme où la qualité technique des examens est associée à une organisation rigoureuse. La participation de la population concernée doit être élevée et maintenue pendant toute la durée du programme, tout comme l'implication des médecins traitants.
Par ailleurs, si le dépistage peut apporter des bénéfices à certaines personnes, beaucoup d'autres pourraient souffrir de ses effets néfastes. Quand l'examen est positif, il faut en effet pratiquer une coloscopie, examen qui n'est pas dénué de risques, même s'il est réalisé par des opérateurs performants.
Ces résultats peuvent être également source d'une anxiété importante pour les personnes considérées à tort comme positives. C'est pourquoi il est indispensable, avant d'envisager toute généralisation du dépistage et la prise en charge du coût des tests, de mettre en place un dispositif permettant l'implication des professionnels et la mobilisation de la population.
Actuellement, trois départements mènent un programme expérimental de dépistage du cancer colorectal, en portant une attention particulière aux conditions permettant d'assurer la participation de la population et des professionnels. Un groupe technique est, depuis le début de l'année, directement rattaché à la direction générale de la santé. Il a pour objectif d'élaborer un cahier des charges respectant ces critères de qualité.
Au vu des résultats de ses travaux, le Gouvernement prendra les dispositions nécessaires pour étendre ces programmes.
M. Auguste Cazalet. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Cazalet.
M. Auguste Cazalet. Je prends acte, monsieur le ministre, de votre réponse. Je souhaite néanmoins que la mise en oeuvre d'un dépistage systématique du cancer colorectal ne reste pas limitée à trois départements, mais que cette mesure soit étendue à l'ensemble du territoire.

RATIFICATION PAR LA FRANCE
DE LA CONVENTION UNIDROIT

M. le président. La parole est à M. Hoeffel, auteur de la question n° 563, adressée à Mme le ministre de la culture et de la communication.
M. Daniel Hoeffel. Madame la ministre, je souhaite attirer une fois de plus votre attention sur l'importance de la ratification de la convention européenne « Unidroit ».
En répondant à une question orale, le 15 décembre dernier, vous aviez bien voulu indiquer, madame la ministre, que vous étiez convaincue de l'intérêt que présentait pour la France la ratification de cette convention et que vous meniez un dialogue constructif et actif afin que cette ratification soit le fait non seulement de la France, mais aussi d'autres Etats.
L'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe a adopté à l'unanimité la recommandation 1372 demandant à tous les Etats membres du Conseil de l'Europe de ratifier la convention « Unidroit », qui impose à l'acquéreur d'un objet d'art un minimum de diligence pour s'assurer de la régularité de son achat et bénéficier ainsi de la présomption de bonne foi.
La convention « Unidroit » vise non pas à abolir la présomption de bonne foi de l'acquéreur, mais à l'adapter aux spécificités des objets d'art, et cette adaptation me semble à la fois plus opportune et plus nécessaire que jamais.
Elle est plus opportune que jamais, car l'information circule aujourd'hui - et ce sera encore plus vrai demain - avec une facilité naguère inconnue. On peut ainsi publier sur Internet les photographies et les caractéristiques de tableaux, de sculptures, d'objets d'orfèvrerie et de mosaïques qui forment le patrimoine public et privé des différentes nations. Il est donc possible de diffuser le signalement des oeuvres volées.
Elle est plus nécessaire que jamais, car le marché de l'art est déjà largement mondialisé. Or ce sont les receleurs qui font les voleurs, et il importe donc d'assécher les débouchés de tels trafics, qui sont liés au grand banditisme et au recyclage de l'argent de la drogue et du terrorisme. En outre, il n'est pas admissible que les grands musées et les grandes collections des pays les plus opulents s'enrichissent d'objets volés et même arrachés à leur lieu d'origine. Les exemples ne manquent pas à cet égard.
Notre pays serait dans son rôle en prenant l'initiative de la ratification de cette convention et en invitant ses partenaires de l'Union européenne, ainsi que les pays candidats à l'adhésion, à la ratifier également.
Nos concitoyens ne s'attacheront durablement à l'Europe que si la disparition des frontières s'accompagne du respect des cultures et, d'une manière générale, d'une meilleure sécurité. Une large ratification de la convention « Unidroit » compléterait cet effort nécessaire, en rendant plus difficile la revente d'objets arrachés au patrimoine des différentes nations européennes.
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Catherine Trautmann, ministre de la culture et de la communication. Monsieur le sénateur, vous n'ignorez pas que je considère la convention « Unidroit » sur les biens culturels volés ou illicitement exportés, signée à Rome le 24 juin 1995, comme un instrument international de première importance pour la sauvegarde des patrimoines culturels nationaux et du patrimoine de l'humanité tout entière.
La convention « Unidroit » est entrée en vigueur pour les neuf Etats qui l'ont ratifiée ou y ont adhéré, parmi lesquels trois pays européens, la Finlande, la Hongrie et la Roumanie.
La France a d'ores et déjà engagé le processus législatif de ratification de la convention. Un projet de loi de ratification a ainsi été soumis à l'ensemble des ministères concernés. J'ai obtenu l'assurance de mon collègue Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères, qu'une fois le traitement juridique interministériel du texte achevé la convention serait traitée de façon prioritaire.
Mais, comme vous le savez, l'efficacité des dispositions de la convention dépend très largement de la mise en oeuvre de celle-ci par l'ensemble des pays concernés, notamment par les principaux pays importateurs de biens culturels. Il importe donc que la convention « Unidroit » devienne effective entre la plupart des pays européens et qu'elle puisse les lier par une action commune.
Dans ces conditions, je considère que l'annonce de la ratification de la convention « Unidroit » par la France constituera un signal fort adressé aux autres pays qui devraient s'engager, à leur tour, dans la voie de la ratification.
Ainsi, monsieur le sénateur, depuis la précédente question orale que vous m'aviez posée en décembre 1998, j'ai non seulement engagé le processus interministériel qui permettra d'aboutir à la discussion du projet de loi de ratification, mais j'ai aussi signalé à un certain nombre de mes collègues européens la nécessité de cheminer ensemble vers la ratification de cette convention.
Il est aussi très important, comme vous l'avez souligné, que, pour lutter contre les vols et le banditisme liés à ce marché illicite d'oeuvres d'art volées, nous puissions mettre en oeuvre - Mme le garde des sceaux y travaille - une coopération judiciaire active. Par ailleurs, une collaboration très étroite avec M. Chevènement m'a permis d'obtenir le concours d'un spécialiste des questions de sécurité, qui travaille exclusivement pour le ministère de la culture en apportant ses conseils à nos institutions publiques, mais aussi aux propriétaires privés, car les uns et les autres sont évidemment menacés.
En outre, grâce aux créations d'emplois qui sont inscrites à mon projet de budget pour 2000, nous pourrons également accroître le nombre d'emplois de surveillance et améliorer l'accueil du public, ce qui est aussi une façon de prévenir les vols qui, parfois, surviennent même de jour.
Il s'agit en tout cas d'une question d'actualité. Les ventes qui ont eu lieu ces temps-ci à New York montrent en effet à quel point les prix peuvent monter, à quel point aussi cela peut tenter un certain nombre de malfaiteurs qui, à partir des vols d'oeuvres d'art, cherchent à créer de véritables réseaux mafieux.
Ce problème constitue une préoccupation importante pour le Gouvernement. Je suis heureuse d'avoir pu le réaffirmer en répondant à cette question.
M. Daniel Hoeffel. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Hoeffel.
M. Daniel Hoeffel. Madame la ministre, je vous remercie de votre réponse qui témoigne de l'intérêt que vous portez à la ratification de la convention Unidroit.
Je me réjouis que, depuis décembre 1998, la procédure interministérielle qui doit déboucher sur cette ratification ait fait des progrès incontestables ; je souhaite qu'elle aboutisse très rapidement car, si la convention Unidroit est importante pour la France, je crois davantage encore en sa position de pays phare pour bien montrer à tous les pays européens qui n'ont pas encore procédé à la ratification de cette convention l'importance qu'elle y attache. Il y va de la préservation du patrimoine culturel et artistique européen. Puissiez-vous, très rapidement, madame la ministre, nous annoncer la concrétisation de la dernière phase de cette ratification.

TVA APPLICABLE AU CHOCOLAT NOIR

M. le président. La parole est à M. Richert, auteur de la question n° 619, adressée à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. M. Philippe Richert. Je souhaitais attirer l'attention de M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie sur le différend qui oppose la direction générale des impôts aux entreprises de chocolaterie à propos de la taxe sur la valeur ajoutée applicable au chocolat noir.
Selon les textes réglementaires, le chocolat noir est l'un des produits de chocolaterie taxé à 5,5 %. Or l'administration fiscale multiplie à l'encontre des entreprises de chocolat des redressements fiscaux arguant d'une TVA à 20,6 %, et réclame aussi des différentiels de TVA qui ne sont pas justifiés au regard des textes réglementaires. La conséquence de ces actions est de mettre gravement en péril ce secteur d'activité.
L'article 278 bis du code général des impôts soumet au taux de 5,5 % le chocolat, le chocolat de ménage et le chocolat de ménage au lait, tels qu'ils sont définis par le décret n° 76-692 du 13 juillet 1976, lorsque ces variétés de chocolat sont présentées en tablettes, y compris les mini-tablettes ou les « napolitains ». Les autres produits de chocolat sont soumis au taux de 20,6 %.
Tant les services de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes - la DGCCRF - que ceux de la Commission européenne confirment que le chocolat noir, dit amer ou fondant, est bien du chocolat, dès lors que sont respectées les normes de composition minimale fixées par le décret n° 76-692.
La juridiction administrative, en l'espèce le tribunal administratif de Strasbourg, par un jugement du 21 avril 1998, a confirmé à son tour cette interprétation, jugeant que « le seul fait, pour les tablettes de chocolat en litige, de présenter une teneur en beurre de cacao supérieure à 31 % ne saurait leur retirer la qualité de chocolat au sens de l'article 278 bis du code général des impôts. »
L'administration fiscale a fait appel du jugement du 21 avril 1998 devant la cour administrative d'appel de Nancy. Sans attendre, elle a multiplié les contrôles et les redressements, notamment auprès de petites entreprises chocolatières.
Il est évident que ces différentes interventions intempestives de l'administration fiscale ont pour conséquence de mettre dans des situations délicates un certain nombre d'entreprises, notamment les petites entreprises, qui travaillent dans le domaine du chocolat.
Je souhaite donc que le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie confirme clairement la position des tribunaux administratifs, qui est aussi celle de la Commission européenne et de la DGCCRF, et précise sans ambiguïté que le chocolat noir doit être taxé à 5,5 % ; cela éviterait à un certain nombre d'entreprises, notamment les petites, je le répète, d'être mises en difficulté.
M. le président. La parole est à Mme le ministre. Mme Catherine Trautmann, ministre de la culture et de la communication. Monsieur le sénateur, vous avez devant vous une ministre s'exprimant au nom de Christian Sautter, qui vous prie de l'excuser de ne pas être présent, mais, en même temps, une ministre de la culture qui, par ailleurs, est concernée par la gastronomie et donc sensible aux arguments qui concernent la qualité du chocolat et en particulier des chocolats noirs à forte proportion de cacao.
Le chocolat est imposé au taux de la taxe sur la valeur ajoutée de 5,5 %, comme vous l'avez rappelé, ou au taux de 20,6 %, selon sa composition.
Le texte de référence pour appliquer le taux adéquat est un décret du 13 juillet 1976.
Il est vrai que, par deux jugements, auxquels vous avez fait référence, du 21 avril 1998, le tribunal administratif de Strasbourg a donné une interprétation concernant le chocolat noir contraire à la position de l'administration fiscale fondée sur le décret de 1976.
Mais ces deux décisions de justice, qui sont à ce jour les seules rendues en la matière, ont été déférées en appel.
Le Gouvernement ne se substitue jamais, lorsqu'il y a contentieux, au tribunal qui est saisi. Il convient donc d'attendre la décision de justice définitive pour être en mesure de régler la question que vous évoquez, question déjà ancienne, amplement débattue, mais importante évidemment pour toute l'activité chocolatière de fabrication, celles des grands groupes comme celles des petites entreprises.
Le fait que ces contentieux aient eu lieu à Strasbourg est évidemment porteur de sens, puisque s'y trouvent aussi bien la chocolaterie Suchard, la chocolaterie Schaal que les chocolateries Vosgiennes qui, pour être de taille moyenne, n'en sont pas moins très importantes pour l'emploi dans cette région.
M. le président. Il y a aussi la saucisse de Strasbourg. (Rires.)
M. Philippe Richert. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Richert.
M. Philippe Richert. Je suis sensible au fait que Mme le ministre prenne très à coeur cette question car, outre le chocolat, ce sont bien entendu des emplois et des entreprises qui sont concernés.
Madame le ministre, la question n'est pas d'attendre la décision définitive de justice. D'ailleurs, c'est une administration, donc en fait le Gouvernement, puisque celle-ci relève de sa responsabilité, qui a fait appel d'une décision de justice. Or cette décision de justice ne faisait que confirmer non seulement la position de la Commission européenne mais également celle de la direction générale de la consommation, de la concurrence et de la répression des fraudes. Il y a donc un consensus, excepté de la part de l'administration fiscale, bras séculier du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie.
Je le repète, ce sont des entreprises, notamment des entreprises alsaciennes, et en particulier certaines de celles que vous avez citées, qui sont en cause. Je souhaite que vous vous fassiez mon interprète auprès de votre collègue pour que cesse le harcèlement fiscal dont elles font l'objet. Je vous en remercie par avance, madame le ministre, je sais que les entreprises concernées ainsi que moi-même nous pouvons compter sur vous.

PLAN DE FERMETURE DES PERCEPTIONS

M. le président. La parole est à M. Delfau, auteur de la question n° 622, adressée à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
M. Gérard Delfau. Je souhaitais attirer l'attention de M Sautter, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, sur l'inquiétude qu'a suscitée l'annonce faite en interne par le directeur de la comptabilité publique d'un plan de fermeture des perceptions et d'une réorganisation des services déconcentrés du ministère. Je vous sais gré, madame la ministre de la culture, de bien vouloir vous faire son porte-parole sur cette question.
En effet, sur les 4 000 établissements financiers locaux 1 000 seraient menacés, c'est-à-dire ceux qui comptent au plus trois fonctionnaires. Cette tentative de désengagement de l'Etat et cette nouvelle atteinte au service public méconnaîtraient le rôle du percepteur de proximité dans la collecte des impôts. Le ministère pourrait-il communiquer au Parlement le taux de rentrée de la collecte en fonction des strates de communes ?
Notre expérience ne démontre-t-elle pas que l'agent qui connaît la population a une efficacité économique supérieure à celui qui est perdu dans l'anonymat des villes ? Et que dire de son efficacité sociale que connaissent bien les élus ?
S'agissant des municipalités, il n'a pas échappé au ministère des finances que le rôle de conseil auprès des maires et des secrétaires de mairie s'est considérablement accru depuis les lois de décentralisation et en fonction d'une inflation réglementaire et législative préoccupante, sans parler d'une dérive procédurière qui fragilise l'élu. Une fois de plus, supprimer un tel service public reviendrait à éloigner l'Etat et à laisser démunies des communes petites et moyennes, qui n'ont pas accès à des services privés spécialisés, en raison de la modicité de leur budget.
Cette orientation est d'autant plus choquante que, par une pente naturelle, les fonctionnaires ont tendance à se regrouper dans les services centraux de leur administration : niveau national, régional et départemental, selon une sorte de reconcentration qui viole l'esprit des lois Defferre, bien oubliées aujourd'hui. Je crains d'ailleurs à ce sujet que le projet de fusion de la direction des impôts et de la direction du Trésor n'aboutisse à accentuer encore cette tendance à l'éloignement du service public.
C'est pourquoi je demande à M. le ministre de l'économie et des finances, par votre entremise, madame la ministre, d'ouvrir une discussion avec le Parlement avant d'entreprendre une telle démarche, et de fournir, dans ce débat, les éléments chiffrés que j'ai évoqués.
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Catherine Trautmann, ministre de la culture et de la communication. Monsieur le sénateur, vous attirez l'attention de mon collègue sur le plan de fermeture des perceptions.
Avec quelque 3 800 trésoriers, le réseau du Trésor public est caractérisé par une forte implantation sur tout le territoire national ; il en résulte, notamment, une part importante de petits postes : 25 % ont un effectif théorique, hors cadres A, inférieur ou égal à trois agents, et près de 50 % à cinq agents ou moins.
Tout en conservant sa caractéristique essentielle de réseau de proximité, le Trésor public doit cependant évoluer pour, justement, continuer à assurer l'accès du public à ses services.
Ainsi, la généralisation de la micro-informatique et le développement de procédures télégérées intégrées ont contribué à renforcer l'efficacité de ce réseau. Des redéploiements significatifs ont ainsi pu être opérés pour répondre aux nouvelles missions du Trésor public, tels le contrôle financier déconcentré de la dépense publique ou l'expertise économique et financière.
Ce sont ces mesures de modernisation, combinées à une adaptation progressive et concertée de son réseau, notamment avec les élus, qui permettent au Trésor public de rester un service public de proximité et de préserver le niveau de qualité de ses prestations, au bénéfice des usagers et des élus, conformément aux orientations gouvernementales en matière d'aménagement du territoire.
C'est pourquoi, contrairement à ce que laisse entendre la question que vous venez de poser, il n'y a pas de plan national de fermetures de postes.
Enfin, s'agissant de la collecte de l'impôt, l'outil statistique organisé pour donner des informations précises sur les taux aux différents stades de la procédure, permet d'établir, outre les taux nationaux, des taux par département, sans prendre en compte les strates des communes. Ils seront transmis directement à l'intervenant, accompagnés de commentaires complétant cette information d'éléments sur les enjeux financiers respectifs de chaque département.
Tels sont, monsieur le sénateur, les éléments que, au nom de mon collègue, je souhaitais vous transmettre.
M. Gérard Delfau. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Delfau.
M. Gérard Delfau. Madame la ministre, je vous remercie d'abord d'avoir indiqué, au nom de M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, qu'il n'y a pas de plan national de fermeture des perceptions. Cette annonce est importante dans cet hémicycle, car ce n'est pas ce que l'on m'avait répondu quand j'avais posé la question au mois de septembre dernier à l'échelon de mon département et de ma région. Cela signifie en tout cas que le Gouvernement n'a pas la volonté de se désengager systématiquement. De ce point de vue, votre réponse me satisfait pleinement.
Cela étant, je voudrais que le ministère de l'économie et des finances accepte de dialoguer vraiment avec les élus locaux. A ce titre, je présenterai deux remarques.
En premier lieu, la machine, fût-elle micro-informatique, ne remplace pas l'homme ou la femme. La relation établi avec l'élu local conforte le tissu social conformément à une certaine conception de la citoyenneté. Fermer des établissements locaux irait à l'encontre de cette orientation de votre gouvernement, du gouvernement que je soutiens.
En second lieu, il est important que le ministère de l'économie et des finances, qui est si bien pourvu en matériel informatique, nous communique les chiffres que j'ai demandés, c'est-à-dire le taux de rentrées fiscales par strate de communes et non par département, puisque les chiffres par département sont parfaitement aléatoires et ne présentent strictement aucun intérêt, en tout cas pour les parlementaires que nous sommes. Il est en effet à peu près avéré que plus on rapproche la perception de l'impôt du terrain, mieux l'impôt rentre, et que plus on l'éloigne, moins la fiscalité est opératoire.
Encore faudrait-il pour apporter cette démonstration que le ministère de l'économie et des finances joue franc jeu avec le Parlement.

SITUATION DE LA POSTE EN MILIEU RURAL

M. le président. La parole est à M. Mouly, auteur de la question n° 605, adressée à M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.
M. Georges Mouly. Les élus sont très attachés à la présence de La Poste en milieu rural, nul ne l'ignore aujourd'hui. Or fréquemment - les exemples ne manquent pas dans mon département, dans lequel j'aurai le plaisir, madame la ministre, de vous revoir dans quelque temps - les restructurations de services, les changements d'horaires, les regroupements et les mutations « bousculent » fortement ce service public auquel les populations, elles aussi, sont très attachées.
Je sais bien qu'il faut évoluer avec le temps et gérer les situations nouvelles. Je sais aussi que la France profonde continue de se désertifier. Il est bien connu par ailleurs que le statut de La Poste - c'est maintenant un établissement autonome de service public - fait de celle-ci une structure indépendante.
Néanmoins, il ne me paraît pas déplacé d'évoquer ici la question et d'interroger plus précisément le Gouvernement.
Les faits sont là : si La Poste « ne ferme pas ses bureaux et se contente d'adapter ses structures », comme le prétend l'exploitant lui même, cela ressemble pourtant à un désengagement, progressif mais réel. C'est de cette façon que le ressentent les habitants de nos villages lorsqu'ils constatent que tel bureau n'est plus ouvert que certains jours de la semaine, que tel autre est tenu non plus par un receveur titulaire mais par un contractuel, ou que le facteur, qui dessert désormais plusieurs communes, n'a plus le temps de rendre quelques menus services, comme c'était encore le cas dans un passé proche.
Certes, l'univers postal est en mutation, mais, et c'est le ministre le plus directement concerné qui le dit, « La Poste est armée pour faire face à la concurrence tout en continuant à tenir son rôle de service public. Concurrence et service public ne sont pas contradictoires, mais bien plutôt complémentaires. »
L'objectif du Gouvernement est bien d'avoir « une poste moderne, combative et proche des citoyens ».
Sur le plan de la proximité et de la présence postale, quelle sera l'incidence du passage aux 35 heures ? On ne saurait que se réjouir du fait que l'accord sur les 35 heures ait pu être qualifié d'exemplaire, qu'il ait été négocié d'une manière nationale, nouvelle et participative. Mais le passage aux 35 heures débouchera-t-il sur la création de nouveaux postes pérennes, les 5 000 emplois-jeunes ne pouvant réglementairement assurer le travail normal du préposé ou du receveur ? A défaut, ne risque-t-on pas une nouvelle diminution de la qualité du service rendu ?
« Une poste proche des citoyens », c'est le choix fait par le Gouvernement et que nul ne saurait contester. Mais la méthode de la concertation, du partenariat n'est pas souvent mise en oeuvre dans le cadre des commissions départementales de la présence postale territoriale. Tel est en tout cas le sentiment des maires de plusieurs communes de mon département, qui ont été récemment - ce qui n'est pas habituel chez nous - à la tête de manifestations sur la voie publique, devant les préfectures et les directions départementales de La Poste. La colère gronde chez les élus locaux.
Serait-il possible de rassurer nos populations rurales quant au maintien des bureaux de poste ? Si des adaptations sont nécessaires, il conviendrait qu'elles soient bien proposées, présentées et expliquées. Si tel était le cas, elles seraient peut-être acceptées ! Les bureaux de poste permettent au lien social de ne pas rompre.
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Catherine Trautmann, ministre de la culture et de la communication. Je vous prie tout d'abord de bien vouloir excuser l'absence de mon collègue M. Christian Pierret, qui est retenu par un conseil « industrie » à Bruxelles et qui m'a demandé de présenter sa réponse.
La Poste est l'une des premières entreprises publiques de notre pays. Par ses missions, elle assure un ensemble de services essentiels pour l'économie nationale et pour tous les citoyens.
Notre volonté est donc bien de lui permettre d'affronter les mutations que vous évoquez à juste titre, tout en continuant à tenir son rôle de service public.
Le contrat d'objectifs et de progrès signé en juin 1998 entre l'Etat et La Poste a précisément pour objet d'assurer la pérennité de ces missions sur l'ensemble du territoire, en zones urbaines comme en zones rurales.
Le premier axe de notre action consiste à conforter la situation économique de l'entreprise publique. La contribution de l'Etat à la stabilisation de la charge des retraites pour la période du contrat représente un effort de 3 milliards de francs. Pour 1998, dans un contexte de croissance retouvée, La Poste enregistre une progression du chiffre d'affaires du courrier de 2 milliards de francs et une amélioration de son résultat d'exploitation qui atteint 2,4 milliards de francs. L'exercice 1999 s'inscrit dans la même tendance favorable et témoigne des efforts de l'entreprise et de son personnel.
Le deuxième axe de notre travail est la transposition de la directive postale communautaire dans des conditions qui garantissent une offre de service universel de qualité sur tout le territoire dans des conditions identiques, appuyée sur des services réservés qui en assurent l'équilibre. C'est l'objet des dispositions que votre assemblée a votées dans le cadre de la loi d'orientation pour l'aménagement et le développement durable du territoire.
Nous devons naturellement être vigilants dans la préparation de la nouvelle directive. Soyez assurés que nous le sommes. A cet égard, l'inscription du service universel dans les missions de l'Union postale universelle lors du récent Congrès de Pékin, sur proposition de la France, constitue un acquis considérable.
Notre troisième axe de travail est de donner à La Poste les moyens d'adapter son réseau aux besoins des populations, avec une attention particulière en zones rurales et urbaines fragiles.
Les instruments de cette politique sont en place. Il s'agit notamment d'une concertation renouvelée par la création des commissions départementales de présence postale territoriale dans lesquelles nous avons souhaité que les élus soient majoritairement représentés. Nous en établirons le bilan prochainement, en liaison avec la commission supérieure du service public des Postes et Télécommunications, afin de bien nous assurer que l'esprit et la lettre de cette concertation nouvelle sont bien respectés.
A cet égard, le passage aux 35 heures que vous semblez décrire comme présentant des risques, est au contraire une formidable opportunité. Il permet d'apporter une contribution à la politique de l'emploi. Ainsi, 20 000 recrutements à temps plein sont rendus possibles. Par ailleurs, l'amélioration de la situation des personnels contractuels et la réduction de la précarité, là où elle existe encore, sont engagées.
Le passage aux 35 heures permet également d'améliorer les conditions de travail, y compris des cadres et, enfin, d'adapter les organisations pour mieux satisfaire les attentes des clients en renforçant la qualité du service rendu.
Tels sont les objectifs que se sont fixés les partenaires sociaux par la signature d'un accord d'entreprise, le 17 février dernier. D'ores et déjà, dans l'ensemble des départements urbains et ruraux, plus de mille tables rondes se sont tenues pour analyser de façon systématique les besoins réels des clients.
C'est là une démarche exemplaire, qui contribue à engager l'établissement public sur la voie de la modernité, du développement et non pas du désengagement, objectif largement partagé par la Haute Assemblée et qui est bien, je le rappelle, l'ambition affirmée de notre gouvernement.
M. Georges Mouly. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Mouly.
M. Georges Mouly. Je vous remercie, madame la ministre, de votre réponse détaillée et circonstanciée.
Le rapport de notre collègue Gérard Delfau s'intitulait La Poste, un service public en danger : constat et propositions. Tout récemment, j'ai lu des affirmations qui vont dans le même sens.
Je tiens à insister sur le rôle de La Poste en milieu rural. Si chacun veut bien reconnaître la nécessité d'une évolution, il ne faut jamais oublier que, en milieu rural, c'est un service public. L'évocation naguère du facteur qui rendrait plusieurs services, du facteur « multiservices », avait suscité des espoirs.
Je conçois par ailleurs que l'entreprise doive équilibrer ses comptes et j'ai bien entendu votre réponse quant aux 35 heures et aux emplois qui pourraient découler de leur mise en oeuvre.
Je ne saurais, en outre, cacher ma satisfaction à l'égard des propos que vous avez tenus concernant la pérennité des missions de La Poste sur l'ensemble du territoire, y compris en milieu rural, pour répondre aux besoins de l'ensemble de la population.
Je me permets cependant d'insister sur la nécessité d'une concertation organisée suffisamment tôt et avec le plus grand nombre d'intéressés possible.

DIFFICULTÉS DE RECOUVREMENT DE LA TAXE DE SÉJOUR

M. le président. La parole est à M. Bony, auteur de la question n° 624, adressée à M. le ministre de l'intérieur.
M. Marcel Bony. Madame le ministre, le recouvrement de la taxe de séjour constitue un véritable archaïsme. Ressource importante pour les communes touristiques, elle est l'objet d'un nombre croissant de fraudes, favorisées par les modalités mêmes de perception.
En effet, ce sont les logeurs, les hôteliers et les propriétaires qui recueillent le produit de la taxe directement auprès des personnes qui séjournent temporairement dans les stations classées.
En cas de non-versement, le redevable est passible d'une contravention de deuxième, troisième, voire de cinquième classe pour la taxe de séjour forfaitaire. La seule procédure utilisable par le maire de la commune bénéficiaire est le dépôt d'une plainte, qui sera transmise au ministère public pour engagement de poursuites. Inutile de vous dire - vous êtes une élue locale - que cette situation n'est pas du tout évidente.
Ne serait-il pas possible de ce fait de percevoir la taxe de séjour comme tous les autres impôts directs sur déclaration auprès des services fiscaux, ces services étant chargés de la mise en recouvrement au bénéfice de la commune et de la liquidation ?
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Catherine Trautmann, ministre de la culture et de la communication. Monsieur le sénateur, l'article L. 2333-29 du code général des collectivités territoriales prévoit que « la taxe de séjour est établie sur les personnes qui ne sont pas domiciliées dans la commune et n'y possèdent pas une résidence à raison de laquelle elles sont passibles de la taxe d'habitation ».
Les reproches adressés à la taxe de séjour « classique » portaient essentiellement sur les modalités de perception. C'est la raison pour laquelle la taxe de séjour forfaitaire a été instituée en 1988.
La taxe de séjour peut donc revêtir deux modalités différentes : la taxe de séjour « classique » ou « traditionnelle », par opposition à une taxe de séjour forfaitaire.
La forfaitisation de la taxe, qui supprime le lien direct entre le logé et le logeur, apparaît comme plus moderne et plus simple et constitue une réponse aux difficultés évoquées.
L'article L. 2333-41 du code général des collectivités territoriales prévoit que la taxe de séjour forfaitaire est établie sur les logeurs, hôteliers et propriétaires qui hébergent les personnes visées à l'article L. 2333-29. Elle est assise sur la capacité d'accueil et le nombre de nuitées comprises à la fois dans la période d'ouverture de l'établissement et la période de perception.
En outre, le contrôle et le recouvrement de la taxe de séjour et de la taxe de séjour forfaitaire ont été profondément réaménagés par la loi du 5 janvier 1988. En matière de taxe de séjour, l'article R. 233-53 du code des communes prévoit que le versement de la taxe de séjour est accompagné d'une déclaration indiquant le montant total de la taxe perçue et d'un état indiquant le nombre de personnes ayant logé dans l'établissement, le nombre de jours passés, le montant de la taxe perçue, ainsi que les exonérations ou réductions de taxe.
Le contrôle des déclarations déposées par les logeurs est effectué par le maire et les agents commissionnés par lui.
En matière de taxe de séjour forfaitaire, les agents commissionnés contrôlent les déclarations que doivent souscrire les logeurs en application des dispositions des articles R. 233-60-3 et R. 233-60-4 du code des communes.
Enfin, le décret n° 88-630 du 6 mai 1988 a prévu un régime de sanctions pénales en classant les différentes infractions par référence au régime de contraventions.
Dans ces conditions, le Gouvernement n'entend pas remettre en cause les dispositions existantes en matière de taxe de séjour, tout en étant bien évidemment à l'écoute des observations que les élus en charge de ces contrôles peuvent émettre à son égard.
M. Marcel Bony. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Bony.
M. Marcel Bony. Le recouvrement de la taxe de séjour pose véritablement un problème aux élus des stations classées. Seul un transfert des dispositions du code général des collectivités territoriales et du code des communes vers le code général des impôts aurait été de nature à rassurer les élus à propos du rendement de cette taxe.
L'évasion fiscale, qui est importante, est d'autant plus gênante que la fréquentation touristique y est directement liée. Elle l'est encore davantage si l'on considère que la taxe peut être perçue, mais non reversée à la commune, ce qui arrive très souvent. De plus, les sanctions, vous le savez, sont très difficiles à mettre en oeuvre. Néanmoins, je vous remercie, madame le ministre, de votre réponse.

RÉVISION DE LA CARTE JUDICIAIRE
DANS LES BOUCHES-DU-RHÔNE

M. le président. La parole est à M. Vallet, auteur de la question n° 627, adressée à Mme le garde des sceaux, ministre de la justice.
M. André Vallet. Madame la ministre, le 11 octobre, à la préfecture des Bouches-du-Rhône, a été examinée la situation des tribunaux de commerce de ce département.
Cette réunion, à laquelle nous étions convoqués par M. le préfet, était annoncée comme une réunion de concertation et de dialogue.
M. le président. Monsieur Vallet, « invités » et non « convoqués » !
M. André Vallet. Je rectifie bien volontiers, monsieur le président.
Cette réunion de concertation et de dialogue était en réalité une vraie fausse concertation puisque votre délégué, madame le ministre, annonçait la fusion des tribunaux de commerce d'Arles et de Tarascon au profit d'Arles et la possible disparition du tribunal de commerce de Salon-de-Provence au profit du tribunal de commerce d'Aix-en-Provence.
Permettez-moi d'exprimer ma stupéfaction face à l'éventualité de la suppression du tribunal de commerce de Salon-de-Provence, trente-troisième de France quant aux procédures collectives traitées en 1998, plus important que les tribunaux de commerce de Brest, de Limoges, de Poitiers, de Reims, de Clermont-Ferrand, et égal à l'activité du tribunal de commerce d'Avignon, stupéfaction aggravée lorsque je considère la qualité de l'activité du tribunal de commerce de Salon-de-Provence : 95 % des jugements sont rendus en moins d'un mois avec un taux d'appel d'à peine 8 % et une inversion des résultats pour 2 % des dossiers !
Salon-de-Provence, madame la ministre, a été en 1998 la ville qui a créé le plus d'emplois dans la région Provence-Alpes-Côte d'Azur. Pour les villes de plus de 30 000 habitants, c'est la commune des Bouches-du-Rhône qui a obtenu, lors du dernier recensement, la plus forte augmentation en pourcentage. La chambre de commerce de Marseille vient d'inaugurer une annexe à Salon. La chambre de métiers va également s'y installer. C'est une reconnaissance du dynamisme économique de notre cité.
Il n'est pas tolérable, madame la ministre, à un moment où vous voulez, à juste titre, développer la justice de proximité, que les justiciables du ressort du tribunal de commerce de Salon - ils sont 230 605 - soient contraints à de plus importants déplacements et à des délais de jugement beaucoup plus longs.
La suppression du tribunal de commerce de Salon risque aussi, nous le craignons fortement, d'entraîner la disparition du tribunal des prud'hommes et du tribunal d'instance, faisant ainsi disparaître toute activité judiciaire dans notre commune.
Dans le cadre de la politique d'aménagement du territoire rationnelle, celle que le Gouvernement préconise par ailleurs, il est indispensable, voire vital, que la juridiction des tribunaux de commerce des villes moyennes, et notamment de Salon-de-Provence, soit maintenue afin que la vocation judiciaire de cette commune soit renforcée. Nous n'osons penser, madame le ministre, que vous puissiez en décider autrement.
M. le président. La parole est à Mme le garde des sceaux.
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le sénateur, tout d'abord il nous faut moderniser le fonctionnement de la justice commerciale en France. Cette modernisation passe par la réforme des tribunaux de commerce, que je présenterai au conseil des ministres avant la fin de l'année.
Cette réforme vise à introduire des magistrats professionnels dans les tribunaux de commerce, à augmenter les garanties en matière de déontologie, à la fois pour le fonctionnement des tribunaux de commerce et pour les professions de mandataire-liquidateur judiciaire, et comprend également la réactualisation de la carte judiciaire, qui n'a pas été revue depuis le début du xixe siècle.
En réformant la carte judiciaire, je veux éviter la dispersion des activités judiciaires, améliorer la formation des magistrats professionnels et, bien entendu, faire en sorte que les populations soient mieux servies. Cela demande un examen des situations locales afin que les décisions ne soient pas seulement fondées sur des critères quantitatifs et statistiques.
Dans ce cadre, j'ai créé à la chancellerie une mission pour la réforme de la carte judiciaire, mission qui s'est rendue dans les Bouches-du-Rhône le 11 octobre 1999 pour y procéder à une large concertation avec les professionnels et les élus au cours d'une réunion à laquelle vous avez été invité par le préfet - et non pas convoqué, car ce terme comminatoire n'entre pas dans mon vocabulaire...
M. André Vallet. C'était un lapsus !
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. ... et à laquelle vous avez d'ailleurs participé.
Cette réunion de concertation n'avait pas pour objectif de préjuger les décisions que je pourrais prendre. Sa raison d'être était de recueillir les points de vue des différents acteurs.
A cette occasion, la mission pour la réforme de la carte judiciaire a notamment entendu la demande de nombreux acteurs économiques, en particulier de la chambre de commerce et d'industrie de Marseille, qui est très favorable à une rationalisation judiciaire. Beaucoup d'entreprises ne paraissent comprendre ni se satisfaire de la compétence conjointe de quatre tribunaux de commerce sur les activités du port autonome de Marseille, qui conduit à des hésitations sur la détermination du juge compétent en des matières où l'importance des enjeux et l'urgence à trancher les litiges sont évidemment particulièrement fortes.
La mission pour la réforme de la carte judiciaire a cru percevoir, de la part de beaucoup d'acteurs, notamment de la chambre de commerce que vous avez citée dans votre question, une demande très forte d'unification dans un seul lieu des contentieux liés au port autonome de Marseille.
Une partie des difficultés vient du fait que les tribunaux d'Aix-en-Provence et de Salon-de-Provence ont à connaître des contentieux liés à l'activité maritime de l'étang de Berre.
Plusieurs solutions ont été proposées : soit le rattachement de ce contentieux au tribunal de Marseille, soit le rattachement de ce contentieux à l'un des deux tribunaux précités, ce qui aurait pour avantage de diminuer les conflits ou les hésitations de compétences mis en avant par les acteurs économiques.
Certains ont soutenu que la fusion des tribunaux d'Aix-en-Provence et de Salon-de-Provence serait logique, sans aller jusqu'à la dévolution de contentieux supplémentaires au tribunal de Marseille, qui compte déjà parmi les plus actifs de France.
Il a également été souligné que la distance de 35 kilomètres qui sépare ces deux villes, de surcroît reliées par une autoroute, n'est pas suffisante pour compromettre l'exercice d'une justice de proximité.
Voilà où nous en sommes. Ces différents avis ont été recueillis, le vôtre aussi, bien entendu. La mission qui s'est rendue dans les Bouches-du-Rhône me fera ses propositions et j'arrêterai ma décision au début de l'année 2000.
Je veux également faire remarquer que lorsqu'elle est décidée - mais, encore une fois, rien n'est fait - la fusion des tribunaux de commerce permet à des magistrats du tribunal supprimé de siéger dans le tribunal de rattachement. En outre, des audiences peuvent se tenir dans des villes autres que la ville du siège de la juridiction et, naturellement, rien n'interdit de se poser la question de l'existence d'un greffe annexe.
Vous le voyez, ce type d'organisation en réseau peut aller dans le sens de la modernisation de l'institution judiciaire et, partant, de l'intérêt du justiciable. Elle ne serait pas éloignée de la proposition faite par la chambre de commerce et d'industrie des Bouches-du-Rhône, qui est elle-même organisée en réseau et que vous avez citée en exemple.
Dans l'esprit que je vous ai indiqué et compte tenu de ces différents paramètres, je prendrai ma décision au vu du rapport que m'aura fait la mission pour la réforme de la carte judiciaire à partir de cette réunion du 11 octobre.
M. André Vallet. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Vallet.
M. André Vallet. Madame le ministre, je ne suis pas, bien sûr, complètement satisfait de votre réponse, vous le comprendrez, car vous n'avez pas abordé la particularité du tribunal de commerce de Salon-de-Provence, qui est le trente-troisième de notre pays. Je vous ai indiqué l'importance qu'il représentait pour tout le bassin qui relève de sa juridiction, et je vous avoue que notre population est très étonnée que l'on puisse envisager de supprimer l'un des plus importants tribunaux de notre pays.
Je fais remarquer - j'en parlais tout à l'heure avec M. le maire d'Aix-en-Provence - que le tribunal de commerce de cette ville n'a jamais demandé que Salon soit rattaché à cette juridiction. C'est important et je crois qu'il faut le souligner. On ne comprendrait pas, madame la ministre, que le tribunal de commerce de Salon-de-Provence soit supprimé et que celui d'Elbeuf par exemple, cent quatre-vingt-neuvième tribunal de commerce de notre pays, soit maintenu puisque cela a été annoncé. Il est vrai qu'il est représenté par une personnalité éminente, mais j'ose penser que ce n'est pas ce qui guidera vos choix.

6

NOMINATION D'UN MEMBRE
D'UNE COMMISSION

M. le président. Je rappelle au Sénat que la réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe a présenté une candidature pour la commission des affaires culturelles.
Le délai prévu par l'article 8 du règlement est expiré.
La présidence n'a reçu aucune opposition.
En conséquence, je déclare cette candidature ratifiée et je proclame M. Jacques Donnay membre de la commission des affaires culturelles à la place laissée vacante par M. Jean-Paul Bataille, décédé.
Mes chers collègues, l'ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à seize heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à onze heures quarante-cinq, est reprise à seize heures cinq, sous la présidence de M. Paul Girod.)

PRÉSIDENCE DE M. PAUL GIROD
vice-président

M. le président. La séance est reprise.

7

ORGANISMES EXTRAPARLEMENTAIRES

M. le président. J'informe le Sénat que M. le Premier ministre a demandé au Sénat de bien vouloir procéder à la désignation de sénateurs pour siéger au sein d'organismes extraparlementaires.
En conséquence, j'invite la commission des affaires étrangères à présenter un candidat pour siéger au conseil d'administration de l'agence pour l'enseignement français à l'étranger, la commission des affaires économiques à présenter un candidat pour siéger au comité consultatif de l'utilisation de l'énergie et la commission des finances à présenter un candidat pour siéger à la commission centrale de classement des débits de tabac.
Les nominations au sein de ces organismes extraparlementaires auront lieu ultérieurement.
Mes chers collègues, en attendant l'arrivée de M. le ministre de la défense, je vais suspendre la séance.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures dix, est reprise à seize heures quinze.)

M. le président. La séance est reprise.

8

CONVENTION PORTANT CRÉATION
DE L'ORGANISATION CONJOINTE
DE COOPÉRATION
EN MATIÈRE D'ARMEMENT

Adoption d'un projet de loi

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi (n° 487, 1998-1999) autorisant l'approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française, le Gouvernement de la République fédérale d'Allemagne, le Gouvernement de la République italienne, le Gouvernement du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord, portant création de l'Organisation conjointe de coopération en matière d'armement (OCCAR) (ensemble quatre annexes). [Rapport n° 44 (1999-2000).]
Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.
M. Alain Richard, ministre de la défense. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, la Convention que j'ai signée à Farnborough le 9 septembre 1998 avec les ministres de la défense allemand, italien et britannique, et dont la France est le dépositaire, a pour objet de doter de la personnalité juridique internationale l'Organisation de coopération conjointe en matière d'armement, ou OCCAR.
L'OCCAR, qui a été créée en novembre 1996, a pour mission de coordonner, conduire et faire exécuter les programmes d'armement communs qui lui sont confiés par les Etats membres.
La volonté de créer une organisation internationale spécialement affectée à la conduite des programmes d'armement en coopération a pris forme, à l'origine, dans le cadre des relations franco-allemandes, lors d'un sommet qui s'est tenu à Baden-Baden en décembre 1995. Il s'agissait de rechercher les moyens permettant de dépasser les inconvénients traditionnellement rencontrés dans la coopération intergouvernementale.
Je les rappellerai brièvement et sobrement, en m'asbstenant de me livrer à des descriptions qui pourraient être, hélas ! plus pittoresques : les duplications fréquentes dans la répartition des investissements ; une maîtrise tout à fait insuffisante des coûts et des délais de ces programmes conduits à plusieurs ; l'insuffisance de la rationalisation des industries de défense ; l'impact trop faible sur le renforcement de la base industrielle et technologique commune des Européens en matière de défense.
En novembre 1996, la France et l'Allemagne, rejoints peu après par la Grande-Bretagne et l'Italie, ont institué l'OCCAR, sur la base d'un arrangement administratif, afin de mieux maîtriser la gestion et le coût des programmes en coopération, que chaque pays a librement décidé de lui confier.
Cependant, il nous est ensuite apparu nécessaire que l'OCCAR dispose de la personnalité juridique internationale afin que, au nom des pays ayant choisi de lui confier des programmes, l'organisme soit en mesure de contracter directement avec l'industrie, sans avoir à passer par un enchaînement de contrats.
C'est pourquoi notre pays a pris l'initiative de proposer à ses trois partenaires un accord dotant l'OCCAR du statut et des pouvoirs d'une organisation internationale.
Le contexte économique encourageait cette évolution. Les mutations en cours dans le domaine des industries d'armement, tendant à leur « globalisation » sur le plan européen, les réductions assez prononcées des budgets d'acquisition, les charges de plus en plus lourdes des programmes d'armement, compte tenu de leur complexité technique, tout cela a obligé les Etats à mettre en place des méthodes plus performantes dans la conduite des programmes.
L'OCCAR, dotée de la personnalité juridique, aura pour mission d'améliorer le rapport coût-efficacité de la conduite des programmes en coopération qui lui sont confiés par libre décision par les Etats membres.
L'objectif défini par les quatre partenaires est de placer au sein de l'OCCAR le plus grand nombre possible des programmes d'armement en cours de réalisation ou à venir.
D'ores et déjà, un certain nombre de programmes ont été placés au sein de l'OCCAR, comme les programmes franco-allemands de missiles Milan, Hot et Roland ou l'hélicoptère d'attaque Tigre. On peut citer également la famille des missiles surface-air futurs, le FSAF, le missile antichar à moyenne portée de troisième génération et le radar de contrebatterie Cobra. D'autres programmes devraient être prochainement intégrés : le système d'armes PAAMS, qui équipera les frégates Horizon, le système d'identification des avions de combat IFF-futur, le système Polyphem, le système naval SLAT.
Les principales dispositions de la convention de Farnborough reflètent la volonté des quatre Etats fondateurs de l'OCCAR de doter l'organisation de règles de fonctionnement souples et de mettre en place des principes novateurs dans la conduite pratique des programmes, qu'il s'agisse : de la constitution d'équipes transnationales intégrées et du recours à des méthodes de gestion performantes ; de la consolidation de notre base industrielle et technologique commune au travers d'une ouverture des appels d'offres aux fournisseurs européens ; de l'abandon de la notion de juste retour industriel, apprécié annuellement, programme par programme, au profit d'une notion de retour globalisé, apprécié sur plusieurs programmes et sur plusieurs années ; de la mise en place d'une préférence pour les matériels au développement desquels les pays membres auront participé dans le cadre de l'OCCAR ; enfin, d'un processus décisionnel flexible prévoyant le recours, dans certains cas, à la majorité qualifiée renforcée.
J'insiste, au passage, sur le fait que l'OCCAR sera ainsi la première organisation compétente en matière d'armement à ne pas recourir exclusivement à la règle de l'unanimité.
L'OCCAR concrétise la volonté des principaux Etats européens acheteurs d'armement de confier la réalisation de leurs programmes à une structure internationale autonome. Il s'agit d'un objectif ambitieux qui, pour être mené à bien, devra bénéficier du soutien constant des Etats membres.
L'implication financière française dans des programmes menés avec des partenaires européens devrait passer de 19,5 % en 1997 à 34 % en 2002, dernière année de l'actuelle programmation militaire. La gestion par l'OCCAR des programmes qui lui seront confiés par la France devrait donc nous permettre d'obtenir des réductions de coût significatives.
La montée en puissance de l'OCCAR s'inscrit dans un contexte politique qui n'échappe à personne et au sein duquel les ambitions de l'Union européenne en matière de défense et d'armement ont été récemment réaffirmées et précisées lors du sommet franco-britannique de Saint-Malo, en décembre 1998, et lors du sommet européen de Cologne, en juin dernier. Ce sommet a notamment permis de souligner la nécessité de renforcer la base industrielle et technologique de défense et d'améliorer l'harmonisation des besoins militaires entre Européens ainsi que la programmation des opérations d'armement.
Le plan d'action présenté en août dernier, au nom de notre pays, par le Président de la République prévoit également, au titre des critères de convergence, la mise en oeuvre d'une réflexion à quinze sur l'harmonisation de la programmation des besoins d'équipement.
Je n'ai pas besoin d'ajouter que les ambitions, tant financières qu'industrielles, de notre grand partenaire au sein de l'Alliance atlantique rendent cette détermination commune européenne d'autant plus nécessaire.
Dans ce contexte, l'OCCAR, première organisation internationale autonome de coopération en matière d'armement, a vocation à s'intégrer un jour, dans le respect de ses acquis, dans un cadre élargi de coopération européenne.
L'OCCAR a aussi vocation à accueillir dès à présent les Etats européens qui souhaitent la rejoindre, à condition qu'ils en partagent les principes et qu'ils s'engagent financièrement sur un programme en coopération qui soit d'un montant substantiel. C'est ainsi que, premier candidat à s'être manifesté, les Pays-Bas devraient adhérer d'ici peu à l'Organisation.
Telles sont, monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, les principales observations qu'appelle la convention entre le Gouvernement de la République française, le Gouvernement de la République fédérale d'Allemagne, le Gouvernement de la République italienne, le Gouvernement du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord, portant création de l'Organisation conjointe de coopération en matière d'armement, qui fait l'objet du projet de loi que j'ai l'honneur et le plaisir de soumettre à votre approbation.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Guy Branger, rapporteur de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la convention du 9 septembre 1998, dont nous débattons aujourd'hui, permettra à l'Organisation conjointe de coopération en matière d'armement d'accéder à la personnalité juridique qui lui est indispensable pour mener à bien ses missions.
Cette convention, signée par la France, l'Allemagne, l'Italie et le Royaume-Uni, était attendue, alors que trois années se sont écoulées depuis l'annonce de la création de l'OCCAR en 1996 et que son rattachement à l'Union de l'Europe occidentale, envisagé dans un premier temps, n'a pu aboutir.
La ratification de cette convention, conclue par quatre pays qui représentent à eux seuls 80 % de la production européenne d'armement, revêt donc, aux yeux de notre commission, une urgence certaine. En effet, l'OCCAR apparaît au premier chef comme un outil d'amélioration de la coopération sur les programmes d'armement, mais elle ouvre surtout des perspectives concrètes de progrès sur la voie d'une Europe de la défense qui tarde à s'édifier.
Je voudrais, en premier lieu, évoquer les raisons qui ont conduit la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées à émettre un avis favorable sur ce projet de loi.
Tout d'abord, si la coopération sur les programmes d'armement présente de multiples intérêts, sur les plans financier, industriel, militaire et politique, elle comporte également des risques d'alourdissement des coûts et d'allongement des délais de fabrication.
La juxtaposition des processus nationaux de décision et de conduite des programmes, la duplication des effectifs, le partage des tâches industrielles en fonction de contingences purement nationales et, enfin, la vulnérabilité face aux aléas budgétaires dans chaque pays participant sont autant de critiques qui ont été maintes fois formulées à l'encontre des pratiques de coopération en matière d'armement.
De ce point de vue, les principes fondateurs de l'OCCAR paraissent novateurs et de nature à corriger bon nombre de ces défauts. Je citerai simplement l'allégement des effectifs, grâce à la constitution d'équipes transnationales intégrées, la simplification des procédures, permise par la délégation de pouvoir dont bénéficiera l'organisation, une gestion moins administrative, le recours aux commandes globales pluriannuelles, la pratique systématique de la mise en concurrence et l'abandon du « juste retour » industriel programme par programme, qui devrait permettre de recourir à des combinaisons industrielles plus efficaces.
Nous avons constaté que sur un programme tel que celui de l'hélicoptère franco-allemand Tigre, transféré à l'OCCAR alors qu'il était largement engagé, l'application de ces principes a déjà permis de réaliser des économies substantielles. Mais, bien entendu, les bénéfices de cette démarche ne se feront pleinement sentir que lorsque l'OCCAR se verra confier, dès leur origine, les programmes d'armement.
En tout état de cause, il nous semble indispensable que tout soit entrepris pour garantir l'application effective de ces méthodes d'acquisition et pour ne pas retomber dans les travers du passé. La commission considère, notamment, que le transfert de programmes à l'OCCAR devra, en toute logique, s'accompagner d'une diminution corrélative des effectifs de la Délégation générale pour l'armement. De même, l'organisation devra éviter de reproduire à l'échelon international les tendances bureaucratiques souvent dénoncées autour des structures nationales d'armement.
La commisison a également relevé que la convention posait le principe d'une sorte de préférence européenne, puisque les Etats membres s'engagent à acquérir les matériels au développement desquels ils ont participé dans l'OCCAR. Il s'agit là d'un engagement qu'il faudra traduire dans les faits, afin de consolider la volonté de coopération affichée par la France, l'Allemagne, l'Italie et le Royaume-Uni.
Enfin, au-delà des principes positifs posés par la convention, il est clair que la création de l'OCCAR constitue un pas très important sur la voie d'une politique européenne d'armement.
Chacun s'accorde à considérer qu'une défense européenne doit s'appuyer sur une base industrielle et technologique européenne compétitive. Alors que le mouvement de regroupement des industries de défense s'accélère dans le secteur de l'aéronautique et de l'espace ou encore dans celui des missiles, il est indispensable que nos Etats s'organisent et coordonnent leurs actions en vue de rationaliser la demande européenne d'armement.
Le projet d'une agence européenne d'armement ayant pour mission de définir et de réaliser des équipements communs, inscrit dans le traité de Maastricht...
M. Emmanuel Hamel. Funeste traité !
M. Jean-Guy Branger, rapporteur. ... demeure une perspective lointaine. Les résultats très limités obtenus en matière de coopération sur les programmes de recherche par l'Organisation d'armement de l'Europe occidentale, l'OAEO, rattachée à l'Union de l'Europe occidentale, l'UEO, démontrent qu'il est difficile de progresser au niveau de l'ensemble des pays européens.
Dans ces conditions, la création de l'OCCAR constitue une illustration des coopérations renforcées en matière de construction européenne. Elle doit permettre des avancées concrètes autour des quatre principaux producteurs européens d'armement, rejoints bientôt par les Pays-Bas, avec une perspective très claire d'élargissement à de nouveaux membres. L'enjeu - cela n'échappe à personne - est considérable, puisqu'il s'agit de permettre aux Etats membres de s'équiper à un moindre coût, tout en élargissant le marché des industries européennes de défense.
Dans le même esprit, on ne peut que se féliciter des démarches entreprises par la France, l'Allemagne, l'Italie, le Royaume-Uni, l'Espagne et la Suède, dans le cadre de la lettre d'intention signée le 6 juillet 1998, pour établir des règles communes adaptées au nouveau contexte industriel européen et pour mieux conjuguer leur effort de recherche et de développement. En effet, cet effort, mieux réparti et mieux utilisé, pourrait très certainement permettre aux pays européens de rattraper l'écart technologique qui se creuse avec les Etats-Unis.
La perspective de l'accession de l'OCCAR, dès le début de l'année prochaine, au statut d'organisation internationale autonome, dotée de son budget propre et de réelles capacités d'action, s'inscrit donc dans un contexte plutôt favorable. La déclaration franco-britannique de Saint-Malo et les conclusions du Conseil européen de Cologne, quelques jours après la fin du conflit du Kosovo, semblent témoigner d'une prise de conscience nouvelle des enjeux de l'Europe de la défense.
Toutes ces raisons ont contribué au très large assentiment qui s'est manifesté au sein de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées en faveur de cette convention portant création de l'OCCAR.
Mais si cette convention est incontestablement porteuse d'espoir, elle n'efface pas pour autant un certain nombre d'interrogations.
Nous constatons, tout d'abord, qu'au moment où les quatre grands pays européens producteurs d'armement proclament, au travers de l'OCCAR, leur volonté de relancer leur coopération sur des bases nouvelles, cette coopération, sur plusieurs programmes majeurs, connaît de réelles difficultés.
En effet, tout en s'engageant dans l'OCCAR, l'Allemagne s'est retirée des programmes de satellites Hélios II et Horus, dont on sait combien ils étaient déterminants pour doter l'Europe de capacités autonomes de renseignement et d'appréciation dans la gestion des crises. L'Italie et l'Espagne, qui sont nos partenaires pour Hélios I, n'ont pas voulu, elles non plus, s'engager dans Hélios II, que la France risque fort de devoir réaliser seule.
De même devons-nous faire face à la défection britannique sur le programme successeur du satellite de télécommunication Syracuse II et sur la frégate antiaérienne Horizon.
Nous observons également que, pour l'heure, la France est la nation la plus engagée dans l'OCCAR, loin devant les trois autres partenaires. Or le succès de l'organisation reposera, nous semble-t-il, sur une implication sans réserve de tous les Etats membres et sur leur volonté réelle de promouvoir une préférence européenne.
Il est donc essentiel que l'OCCAR puisse se voir confier des programmes majeurs, engageant les quatre pays fondateurs. Il est évident que le choix qui sera opéré sur l'avion de transport futur, dont l'acquisition pourrait être confiée à l'OCCAR, sera considéré comme un indicateur de cette volonté de privilégier une coopération européenne plus efficace.
Nous craignons également de devoir constater un autre décalage entre les ambitions proclamées et les réalisations, cette fois-ci pour des raisons financières. Comment concilier les objectifs d'acquisition de capacités proprement européennes et des budgets d'équipement militaires en diminution dans tous les pays d'Europe, à commencer par l'Allemagne et aussi la France ? Ne risque-t-on pas de voir se creuser l'écart technologique avec les Etats-Unis et de mettre en difficulté l'industrie européenne de défense ?
Tous ces éléments nous amènent à considérer que si la création de l'OCCAR constitue une étape importante, elle ne prendra tout son sens que si elle se trouve en phase avec une rélle volonté politique européenne de définir et de réaliser des équipements communs.
Dans l'immédiat, il est nécessaire que la convention portant création de l'OCCAR entre en vigueur dans les meilleurs délais, le processus de ratification étant engagé chez nos trois partenaires.
C'est donc avec l'espoir de voir cette organisation nouvelle jouer un rôle majeur dans le rapprochement des politiques européennes d'armement que la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées vous demande, mes chers collègues, d'adopter le projet de loi autorisant l'approbation de cette convention. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à M. Auban.
M. Bertrand Auban. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, dans le paysage géostratégique actuel, une donnée de base apparaît avec force : il n'y a pas de sécurité possible pour un ensemble tel que l'Europe si cet ensemble n'est pas capable d'assurer lui-même sa propre défense. Le temps est révolu où les Européens pouvaient se reposer tranquillement sur d'autres pour assurer les tâches essentielles de leur sécurité.
Dans le respect des alliances, dans la confiance mutuelle générée grâce à des années de coopération au sein de l'Alliance atlantique, l'heure est venue pour que les Européens assument et développent les capacités autonomes de leur puissance.
La politique européenne de sécurité et de défense est au centre de nos préoccupations. Mais il serait illusoire de vouloir doter l'Europe d'une identité forte de défense tout en négligeant ses conséquences en termes d'armement, de technologie, de recherche et d'exportations. La convention qui nous est soumise aujourd'hui s'inscrit dans ce contexte précis.
Il est évident que la dimension européenne est de plus en plus présente dans toutes nos activités politiques, économiques et sociales. Cela est particulièrement vrai en ce qui concerne la dimension sécurité et défense, d'où l'importance du texte sur l'OCCAR.
Concrètement, il s'agit de prendre en compte une vision européenne de la défense et des industries de l'armement, tout en préservant, au stade actuel, la liberté de décision de la France.
L'Europe a besoin d'une industrie commune de défense. Nous pensons qu'il n'est pas possible d'envisager une identité européenne de défense et de sécurité sans une base industrielle et technologique forte et autonome qui puisse se placer dans un rapport d'égal à égal avec les concurrents non européennes.
Les armements européens doivent être compétitifs sur un marché difficile et avec des concurrents fort nombreux. Il faut pouvoir soutenir la comparaison technologique avec les systèmes d'armes américains.
Je n'aurai garde d'oublier, toutefois, que notre objectif doit être de pouvoir doter les forces armées européennes d'équipements performants et économiques.
On observe au sein de l'Union européenne une volonté nouvelle à coopérer davantage. Avec des rythmes et des priorités parfois différents, cette volonté existe. Le processus commencé avec l'entrée en vigueur du traité d'Amsterdam trouve un moment fort avec la déclaration de Cologne.
Ce processus est encore en cours, et nous sommes à la veille de plusieurs échéances importantes pour la sécurité européenne : réunion ministérielle de l'Union de l'Europe occidentale, sommet de l'OSCE, réunions des ministres de la défense et des affaires étrangères de l'OTAN, puis Conseil européen d'Helsinki.
Dans son discours à l'Institut des hautes études de défense nationale, l'IHEDN, le 22 octobre dernier, le Premier ministre, Lionel Jospin, avait raison de signaler que « la convergence de vues entre la France, le Royaume-Uni et l'Allemagne, exprimée à Saint-Malo et à Toulouse, a permis de donner une impulsion décisive au projet d'Europe de la défense. La déclaration adoptée par les Quinze au Conseil européen de Cologne répond à notre volonté de concrétiser la politique de sécurité et de défense à l'intérieur, et non pas en marge, de l'Union européenne, en dotant celle-ci de capacités autonomes et de moyens propres pour décider et pour agir. Cette volonté, nous devons lui donner une première traduction à Helsinki. »
Toutefois, certains éléments viennent tempérer notre optimisme en la matière. Je ne prendrai qu'un exemple : Il s'agit des inquiétudes nées de la baisse considérable du budget de la défense allemand.
Plusieurs programmes d'armement sont remis en cause par nos partenaires allemands et certains de nos programmes en coopération en pâtissent. A moyen terme, si cette évolution doit se confirmer, il faudra interroger nos amis allemands sur leur volonté de faire progresser l'Europe de la défense.
A notre avis, l'idée avancée par le ministre français de la défense d'instituer des critères budgétaires et de capacités pour avoir une défense crédible au niveau européen est une excellente proposition, qui mérite d'être étudiée et reprise par nos principaux partenaires.
C'est dans ce contexte que le projet de loi de ratification de la convention portant création de l'Organisation conjointe de coopération en matière d'armement prend toute son importance.
Cette organisation, qui réunit actuellement l'Allemagne, la France, l'Italie et le Royaume-Uni, est destinée à gérer les grands programmes d'armement en coopération ; elle a vocation à s'élargir à d'autres pays européens.
L'OCCAR pourra, une fois la convention dûment ratifiée, exercer les responsabilités de donneur d'ordre vis-à-vis des industriels. Elle pourra donc signer les contrats nécessaires à la réalisation des grands programmes en coopération.
Nous savons que les responsabilités de l'OCCAR, une fois acquise la capacité juridique qui fait l'objet de la convention soumise à notre vote, seront très importantes et que les sommes en jeu seront considérables. Ainsi, les sept programmes actuellement en cours et sous gestion de l'OCCAR atteignent déjà 115 milliards de francs, avec de nombreuses conséquences sur l'emploi et sur l'activité des entreprises qui travaillent dans ce secteur.
Nous pensons que l'OCCAR doit être un instrument précieux dans la perspective d'une amélioration de l'efficacité des programmes en coopération. A l'heure actuelle, la gestion de ces programmes laisse à désirer : les intérêts industriels sont nombreux et dispersés, les contraintes et les spécifications des uns et des autres sont complexes, d'où une grande difficulté à harmoniser les programmes en coopération.
L'OCCAR cherchera donc à établir des conditions de gestion économique de programmes plus favorables et plus efficaces.
Je souhaite insister particulièrement sur un point précis : l'OCCAR devra travailler d'une façon très rapide, minutieuse et efficace pour éliminer la duplication des programmes de recherche nationaux et européens.
Il ne faut pas perdre de vue le fait que l'objectif recherché est celui d'une agence européenne de l'armement, qui figure déjà dans la déclaration de l'UEO annexée au traité de Maastricht.
L'OCCAR va dans ce sens, mais elle n'est pas encore une véritable agence.
L'OCCAR, telle que définie dans la convention signée le 9 septembre 1998, a pour ambition de mettre en place une gestion intégrée des programmes en coopération. Il s'agit maintenant de la doter d'une personnalité juridique qui lui permette de contracter avec les entreprises et d'avoir une véritable politique d'achat.
Avec cette organisation, il s'agit d'établir les conditions d'une meilleure gestion de nos programmes en coopération avec nos partenaires allemand, britannique et italien. Cependant, nous devons à la fois approfondir et élargir cette démarche pour aboutir à conjuguer nos dépenses de recherche et développement, pour doter les armées européennes en matériels issus de mêmes programmes, et ce dans la perspective d'une interopérabilité croissante de nos forces.
Avant de conclure, je souhaite, monsieur le ministre, vous poser une question. Elle concerne la charte, signée le 2 novembre 1998 par la France, l'Allemagne, la Grande-Bretagne et les Etats-Unis, qui fixe les principes d'une nouvelle coopération entre les quatre pays sur des programmes d'armement commun.
Selon les éléments que j'ai pu recueillir, ce document établit douze principes de base portant sur les méthodes d'une telle coopération, les partages de technologie, les échanges d'informations, les questions de sécurité ou les procédures d'exportation des matériels développés en commun.
Nous voudrions avoir des informations sur le contenu de cette charte de coopération. Nous voudrions aussi savoir si cette charte préfigure un futur accord de coopération en matière d'armement entre Américains et Européens.
Je vous pose cette question parce que l'on voit aux Etats-Unis, dans les industries d'armement, se dessiner le maintien et même l'affirmation d'un contrôle assez serré de l'administration fédérale sur un secteur industriel pourtant entièrement privé. Dans le même temps, il ne faudrait pas que le résultat des restructurations et des modernisations en Europe entraîne une trop forte diminution des capacités de négociation des gouvernements de l'Union européenne face aux grands groupes industriels.
Il serait pour le moins paradoxal que l'on diminue la capacité de négociation en Europe face aux grandes firmes privées, tandis que, de l'autre côté de l'Atlantique, l'emprise de l'Etat se renforce dans les domaines stratégiques.
Tout ce mouvement de restructuration et de concentration dans le domaine des industries de défense pose avec acuité la question de la place du pouvoir politique dans cet ensemble, d'une part, du pouvoir politique national, la France pour nous, et, d'autre part, du pouvoir politique européen, dans la perspective d'une Union européenne qui assume ses devoirs en matière de sécurité et de défense. Nous pourrions aussi nous interroger sur la doctrine de défense qui donnera sens à cet ensemble économique.
Par ailleurs, une question clé pour l'avenir concerne l'ouverture du marché de défense des Etats-Unis à la technologie et aux produits européens.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le domaine des industries de l'armement ressemble actuellement à un vaste chantier. La stratégie industrielle menée par le Gouvernement a franchi récemment une étape décisive avec le rassemblement Aérospatiale-Matra-Dasa et la création du groupe aéronautique EADS. Dans ce chantier-là, l'OCCAR trouve toute sa place.
La coopération européenne doit trouver une nouvelle efficacité. L'OCCAR est l'outil qui nous fera avancer dans ce sens. Elle peut faciliter la naissance d'une « préférence européenne » en matière d'armement. Elle doit nous permettre d'avoir une politique industrielle volontariste capable d'atteindre le meilleur niveau technologique et de développer l'emploi dans des bassins industriels souvent meurtris par la crise.
Pour toutes ces raisons, le groupe socialiste votera le projet de loi autorisant l'approbation de cette convention. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. Emmanuel Hamel. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Bécart.
M. Jean-Luc Bécart. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de ratification de la convention portant création de l'Organisation conjointe de coopération en matière d'armement suscite, chez les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen, des attentes, des réserves et des craintes.
Vous le savez, si nous sommes particulièrement attachés à garantir la souveraineté nationale dans les domaines essentiels, nous comprenons aussi les enjeux et la nécessité d'une coopération européenne la plus large et la plus poussée.
Aussi, nous souhaitons que l'OCCAR puisse être l'une des réponses à une réalité incontournable, à savoir la nécessité, pour la France et les principaux pays européens, de mettre en commun, plus que par le passé, les moyens adéquats pour partager les charges de plus en plus lourdes des programmes d'armement moderne, et ce dans de nombreux domaines, qu'ils relèvent du renseignement spatial ou de la création de nouveaux équipements militaires, aériens, terrestres ou navals.
Certes, cette mise en commun de moyens plus importante devrait permettre d'optimiser les coûts des nouveaux programmes, mais nous souhaiterions, aussi et surtout, qu'elle contribue à étayer notre propre autonomie stratégique et à construire une autonomie européenne politique et stratégique enfin réelle, se dégageant de l'étreinte de l'hégémonie industrielle et politique américaine.
L'OCCAR peut-elle jouer un rôle moteur dans l'évolution des rapports de part et d'autre de l'Atlantique, pour que ces rapports se posent plus en termes d'alliance entre partenaires égaux et responsables et moins en termes de vassalité et de dépendance ?
M. Emmanuel Hamel. Et vous êtes pour l'alliance ?
M. Jean-Luc Bécart. La plupart des gouvernements européens sont-ils disposés à placer l'OCCAR dans cette logique ? Il est souvent permis, monsieur le ministre, mes chers collègues, d'en douter !
J'ai parlé d'étayer notre autonomie stratégique face à l'hégémonie de l'hyperpuissance ; il pourrait presque s'agir en ce domaine d'exister tout simplement, tant les principaux indicateurs - et pas seulement ceux des crédits de recherche - montrent l'écart qui grandit rapidement entre les Etats-Unis et les pays européens quant aux moyens prévus et aux dispositions prises.
Si nous sommes convaincus de la nécessité d'une coopération accrue, nous restons, quant à nous, fermement opposés à la dissolution de parties essentielles de notre outil industriel de défense, privé ou public, dans des ensembles supranationaux européens ou atlantistes.
Nous ne voulons pas que l'OCCAR devienne un élément moteur de cette logique de fusion-intégration.
Nous ne voulons pas non plus que l'OCCAR s'inscrive dans une logique ultralibérale - le danger est réel - logique au nom de laquelle ne devraient subsister en Europe que deux ou trois grands groupes privés transnationaux capables d'être compétitifs vis-à-vis des Américains.
Au regard des privatisations et fusions intervenues dernièrement, cette crainte est justifiée.
Si l'OCCAR est marquée par cette logique, alors l'avenir déjà incertain de nos arsenaux et des établissements d'Etat se bouchera un peu plus et le maintien à brève échéance du statut de la DCN et de GIAT Industries sera impossible à tenir.
Si la France a tout intérêt à favoriser au maximum la coopération avec ses voisins européens dans le domaine de l'industrie de l'armement, il est aussi de son intérêt de pouvoir s'apppuyer sur un secteur public industriel efficace et solide.
Tel est, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'état d'esprit dans lequel nous nous plaçons à l'égard de ce projet de loi.
Certes, l'OCCAR n'est qu'un outil et, ce qui importe, ce sont les politiques qui le mettront en oeuvre. Cependant, si la multiplication des fusions et des privatisations, si la disparition du statut de la DCN et de GIAT Industries est le prix à payer pour que la France joue un rôle moteur dans l'OCCAR, alors, monsieur le ministre, vous le savez, nous serons de ceux qui s'y opposeront.
Pour l'heure, en raison des promesses potentielles certes, mais aussi des craintes fondées que suscite ce projet de loi, les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen ne pourront approuver ce texte en l'état des réflexions, ou plus exactement en l'état du flou entourant les discours et les intentions exprimées sur l'Europe de la défense. Ne pourrait-on pas avoir enfin un vrai débat, explicitant ce dossier important pour le devenir de notre pays ?
De quoi parle-t-on, lorsque l'on dit « Europe de la défense » ? Parle-t-on de coopération, même la plus large et la plus poussée ? Parle-t-on d'intégration, de dissolution de tout ou partie de notre outil de défense dans un ensemble supranational ?
Dans tout cela, que deviennent à court terme les arsenaux et les établissements de l'Etat ?
Monsieur le ministre, mes chers collègues, en attendant les réponses à ces questions de fond, le groupe communiste républicain et citoyen ne pourra que s'abstenir en espérant, à l'avenir, ne pas avoir à exprimer une position plus négative.
M. Emmanuel Hamel. Intéressantes réserves du groupe communiste républicain et citoyen !
M. Alain Richard, ministre de la défense. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Alain Richard, ministre de la défense. Je tiens tout d'abord à remercier l'ensemble des intervenants de la richesse et la pertinence des observations, mais aussi des interrogations qu'ils ont formulées. Que M. le rapporteur soit remercié tout particulièrement de son travail approfondi, qui facilitera notre débat. Je lui répondrai d'emblée, ainsi qu'à M. Auban, sur la position de nos partenaires allemands. Ces derniers ont réexaminé leur engagement sur certains programmes en commun.
Mesdames, messieurs les sénateurs, parlons franc. Nos Etats, y compris avec l'OCCAR, continueront à choisir eux-mêmes les programmes d'acquisition d'armement. Quand la souveraineté nationale d'un pays, s'exprimant dans le cadre parlementaire, aura décidé de réduire le budget de défense, il faudra bien revenir sur les contrats déjà passés. Cela peut arriver à tout le monde ! Nos amis allemands, compte tenu de l'effort qu'ils avaient choisi de faire sur les avions de combat pour des raisons stratégiques et par intérêt industriel, et compte tenu du fait que DASA bénéficie de plus de 30 % du volume des commandes de l'Eurofighter, ont en effet décidé, voilà trois ans, de ne pas poursuivre leur collaboration sur des programmes en commun en matière de satellites d'observation. Ce n'était pas une bonne nouvelle pour l'Europe.
Je ne crois pas que ce soit irrémédiable. D'abord, nous avons pu poursuivre, avec la participation de nos amis italiens et espagnols, le programme de satellites d'observation optique - Helios II -, qui poursuit son développement normalement. Ensuite, s'agissant des satellites d'observation radar correspondant au programme Horus, que nous avons dû interrompre parce que, là, la part allemande était très élevée, il n'est pas impossible que nous trouvions des points de convergence avec d'autres partenaires européens au cours des prochaines années pour redémarrer un programme.
Comme M. Auban, j'estime qu'il faudra bien que les partenaires européens qui souhaitent augmenter leur part d'autonomie tant technologique que stratégique pour pouvoir faire face à des situations de crise ou de conflit dans lesquelles ils voudraient assumer solidairement leurs responsabilités établissent, comme nous essayons de le faire vaille que vaille dans notre système français à travers les lois de programmation, un dispositif de stabilité et de cohérence des dépenses d'équipements militaires dans la durée.
Mais alors, il faut que les discours soient cohérents et que ceux qui déclarent dangereuse ou critiquable toute discontinuité, je pense notamment aux arrêts brusques dans les programmes d'armement, se rappellent les positions qu'ils ont prises lorsqu'ils se prononcent sur les lois de finances et sur les différentes priorités qu'elles manifestent.
MM. Jean-Guy Branger et Bertrand Auban l'ont également fait observer, un enjeu se dessine avec sans doute l'un des programmes majeurs confié à l'OCCAR, à savoir le programme de l'avion de transport futur. En effet, les sept pays, c'est-à-dire les quatre pays de l'OCCAR auxquels s'ajoutent l'Espagne, la Turquie et la Belgique, après avoir défini en commun les performances attendues du nouvel avion de transport, devront déterminer ce qui remplacera les Transall pour les trente prochaines années. Si nous avons la volonté politique de choisir le même modèle, dans ce cas, il sera confié à l'OCCAR.
C'est une très bonne illustration de ce que rapporte un système d'acquisition en commun. Airbus ne développera un nouvel avion de transport militaire que s'il en vend au moins deux cents. Si la France, la Grande-Bretagne, l'Italie prennent leur décision d'acquisition sans cohérence entre eux, il n'y aura pas d'avion européen.
On voit là le rapport avec la souveraineté nationale, question souvent débattue. Sans une volonté de coopération, nous nous privons de l'accès à certaines gammes.
La charte de coopération évoquée par M. Auban vise d'une part, à définir les principes d'efficacité commune sur lesquels s'engagent les pays signataires de l'OCCAR, d'autre part, à lever toutes les ambiguïtés ou les incertitudes qui existaient auparavant dans les accords bilatéraux voire tripartites conclus pour développer en commun un navire de combat ou un modèle de missile pour lequel chaque Etat signataire donnait sa propre interprétation, ce qui suscitait, au cours du programme, des retards ou des incohérences. Cela ne se traduira pas par une baisse du contrôle public sur les industries. Mais si nous voulons que les industries soient compétitives à l'échelon mondial, comme ce sera le cas de EADS après la fusion entre Aerospatiale Matra et DASA, ce contrôle public devra être multilatéral. Si, en matière de sécurité, de contrôle des personnels ou de droit d'exportation, on additionne pour un modèle d'avion les contrôles obéissant aux règles différentes de quatre ou cinq Etats parce que l'entreprise est implantée dans ces pays, on empêche celle-ci de développer son programme et d'exporter.
Nous travaillons sur ce point. Nous pouvons certes faire la comparaison avec le niveau de contrôle public qui s'applique aux Etats-Unis. Aujourd'hui - et c'est un sujet de discussion parfois âpre entre eux et nous - le contrôle public sur les industries de défense aux Etats-Unis est très strict. Nous constatons qu'il aboutit aujourd'hui à ce que les Etats-Unis importent d'Europe nettement moins de 5 % de leurs acquisitions de défense, alors que l'Europe, globalement, importe des Etats-Unis entre 15 % et 20 % de ses acquisitions de défense.
Nous comprenons, et nous partageons jusqu'à un certain point, les préoccupations de sécurité nationale qui inspirent certaines réglementations en vigueur aux Etats-Unis. Nous constatons toutefois qu'elles ont un effet protectionniste et qu'elles empêchent une collaboration équilibrée entre les industries des deux côtés de l'Atlantique. C'est une question qui est posée aux Etats-Unis et sur laquelle les Européens ont, me semble-t-il, une position à la fois cohérente et coopérante.
En effet, monsieur Bécart, dans l'esprit du Gouvernement et dans le texte qui vous est soumis, la préoccupation de mise en commun de nos programmes d'armement, sur décision de chaque gouvernement national, vise bien à renforcer l'autonomie européenne. Je peux vous assurer que tel est bien l'état d'esprit des gouvernements qui s'engagent dans ce projet, même s'il existe encore des nuances. L'histoire européenne des cinquante dernières années a pu laisser une empreinte différente sur la pensée politique internationale des différents pays.
Je ne peux pas en vouloir à nos amis allemands, compte tenu de la période qu'ils ont traversée entre 1949 et 1989, d'attacher une certaine importance à leur partenariat stratégique avec les Etats-Unis ; il y a tout de même des souvenirs !
Nous connaissons ces différences de sensibilité politique. Cependant, quand il est question d'industrie et d'autonomie technologique des Européens, nous nous retrouvons. Cette volonté de conclure sur un organisme commun d'acquisition représente bien cette volonté d'établir un meilleur équilibre entre l'industrie et les capacités d'acquisition des Européens et celles des Etats-Unis.
La recherche de compétitivité qui sera poursuivie à travers les acquisitions de l'OCCAR - ce qui est indéniable - peut avoir des effets négatifs sur certaines industries de défense françaises, avez-vous dit, monsieur Bécart. Mais que nous passions par l'OCCAR ou par un autre procédé d'acquisition, quel peut être l'avenir d'une industrie de défense française si elle n'est pas compétitive ? Le contribuable français, le Parlement français et le Gouvernement français diront qu'il n'y a pas de raison d'acheter des matériels de défense plus chers qu'ils ne doivent coûter en fonction des critères de compétitivité que l'on constate chez tous nos voisins.
Heureusement, un très grand nombre d'entreprises de défense ayant leur base en France - je ne veux pas les citer toutes ; chacun les connaît - sont extrêmement compétitives et gagnent des marchés dans de très nombreux pays. Il s'agit d'ailleurs souvent d'entreprises duales, c'est-à-dire d'entreprises qui gagnent des marchés non seulement en matière de matériels de défense, mais aussi en matière d'équipements civils.
Le GIAT et la DCN ont encore des progrès de productivité et de compétitivité à faire. Le Gouvernement ne peut que faire son travail consciencieusement, en essayant de les faire progresser dans la voie de la compétitivité. En effet, notre conviction est que c'est la seule façon d'assurer leur avenir.
Donc, je crois que l'OCCAR jouera bien le rôle de rééquilibrage dans la compétition mondiale que tous souhaitent ici. C'est ce qui me fait espérer que ce texte sera soutenu par une majorité aussi large que possible.
M. Emmanuel Hamel. Merci, monsieur le ministre !
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion de l'article unique.
« Article unique. - Est autorisée l'approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française, le Gouvernement de la République fédérale d'Allemagne, le Gouvernement de la République italienne, le Gouvernement du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord, portant création de l'Organisation conjointe de coopération en matière d'armement (OCCAR) (ensemble quatre annexes), signée à Farnborough le 9 septembre 1998, et dont le texte est annexé à la présente loi. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article unique du projet de loi.
Mme Hélène Luc. Le groupe communiste républicain et citoyen s'abstient.

(Le projet de loi est adopté.)

9

SOUHAITS DE BIENVENUE
À UNE DÉLÉGATION PARLEMENTAIRE
DE LETTONIE

M. le président. Mes chers collègues, j'ai le très grand plaisir de saluer la présence, dans notre tribune officielle, d'une délégation de parlementaires de la République de Lettonie, conduite par Mme Anta Rugate, présidente du groupe d'amitié Lettonie-France, et M. Rihards Piks, vice-président du Parlement letton.
Nous sommes particulièrement sensibles à l'intérêt et à la sympathie qu'ils portent à notre institution.
Cette délégation est accompagnée par notre collègue M. Jacques Valade, président délégué pour la Lettonie et vice-président du groupe d'amitié France-Pays baltes, dont le président est notre collègue M. le questeur Claude Huriet.
Au nom du Sénat de la République, je leur souhaite la bienvenue et je forme des voeux pour que leur séjour en France contribue à renforcer les liens d'amitié entre nos pays. (M. Alain Richard, ministre de la défense, Mmes et MM. les sénateurs se lèvent et applaudissent.)

10

MÉDIATEUR DES ENFANTS
Adoption d'une proposition de loi
et d'une proposition de loi organique

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi (n° 76, 1998-1999), adoptée par l'Assemblée nationale, instituant un Médiateur des enfants et de la proposition de loi organique (n° 77, 1998-1999), adoptée par l'Assemblée nationale, relative à l'inéligibilité du médiateur des enfants. [Rapport n° 43 (1999-2000).].
La conférence des présidents a décidé que ces deux propositions de loi feraient l'objet d'une discussion générale commune.
Dans la discussion générale commune, la parole est à Mme le ministre.
Mme Ségolène Royal, ministre délégué chargé de l'enseignement scolaire. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je suis heureuse que la proposition de loi présentée par MM. Laurent Fabius et Jean-Paul Bret instituant un médiateur des enfants et votée à l'Assemblée nationale vienne aujourd'hui devant le Sénat, soit moins d'un an après son examen en première lecture au Palais-Bourbon, ce qui démontre l'intérêt que le Sénat porte aux initiatives permettant de mieux assurer le respect des droits des mineurs.
Ce souci est d'ailleurs partagé par nos concitoyens, alors que nous allons célébrer le dixième anniversaire de la convention internationale des droits de l'enfant. En effet, selon une enquête d'opinion dont les résultats viennent d'être présentés par l'UNICEF, 91 % des personnes interrogées se prononcent en faveur de l'installation d'un médiateur des enfants qui serait susceptible de suggérer des modifications législatives en faveur des droits des plus jeunes, considérant par là même que les enfants sont encore aujourd'hui insuffisamment écoutés.
Je note à cet égard que les préoccupations majeures exprimées par les Français rejoignent les priorités que je m'efforce de défendre au sein de mon département ministériel, à savoir protéger les enfants contre la violence et l'exploitation sexuelle, leur assurer le meilleur état de santé et, enfin, leur garantir de pouvoir aller à l'école et y réussir.
Aussi, avant de m'exprimer au nom du Gouvernement sur la proposition de loi visant à renforcer l'action qui nous rassemble aujourd'hui, je souhaite vous rappeler comment le renforcement des droits des enfants a guidé la politique que j'ai menée en tant que ministre chargé de l'enseignement scolaire.
Depuis juin 1997, en effet, je me suis efforcée d'inscrire dans la réalité de la vie des élèves le respect du droit à l'éducation, dont le principe est à la fois affirmé par la convention internationale des droits de l'enfant, mais également par la loi d'orientation du 10 juillet 1989.
D'abord, j'ai voulu m'attaquer à la violence sous toutes ses formes et, au premier chef, celle qui paraît la plus injuste et la plus destructrice, je veux parler de la pédophilie, en décidant de briser la loi du silence qui a trop longtemps étouffé la parole de l'enfant.
Une importante instruction ministérielle de l'éducation nationale qui, pour la première fois, employait le mot « pédophilie » a été diffusée dans toutes les écoles et les collèges en fournissant des indications extrêmement précises et concrètes sur la manière dont la communauté scolaire devait agir face à des violences sexuelles commises sur des mineurs enfants à l'école mais aussi, hélas ! le plus souvent dans le cercle familial, dans le double souci de la protection de l'enfant et du respect de la présomption d'innocence de la personne mise en cause.
Parallèlement, ont été multipliés les outils de prévention aussi bien par la diffusion massive de programmes audiovisuels spécialement conçus que par la remise à quatre millions d'écoliers du « passeport pour le pays de la prudence ». Renouvelée pour la troisième année consécutive, cette expérience a permis, chez les enfants, la prise de parole et la levée de la loi du silence.
J'ai également souhaité lutter contre les phénomènes de racket, par une grande campagne de lutte contre le racket, dans les collèges en particulier, grâce à une brochure qui explique aux élèves la conduite à tenir quand on est victime de cette violence ou qu'on est témoin de cette forme insidieuse de violence fondée sur le rapport de forces, l'intimidation et la menace, vis-à-vis desquels les enfants les plus jeunes, les plus faibles ou les plus démunis sont des cibles faciles.
En outre, consciente que la lutte contre la loi du silence nécessitait une attention particulière aux victimes, j'ai signé, le 9 mars 1999, une convention avec l'Institut national d'aide aux victimes et de médiation pour assurer aux victimes, notamment aux élèves fragilisés par des infractions pénales, un accompagnement psychologique et juridique qui s'inscrit dans la durée.
L'accès au droit pour les jeunes, le droit pour chaque élève de connaître ses droits font partie de l'éducation à la citoyenneté.
J'ai ensuite entendu promouvoir le droit de l'enfant à la santé en mettant en place, dès la rentrée de septembre 1997, un fonds social pour les cantines. En effet, l'enquête d'opinion que j'ai citée tout à l'heure le montre, le premier droit, le droit fondamental de l'enfant, c'est celui de manger à sa faim. Je suis heureuse de souligner que, grâce à la mise en place de ce dispositif, les chefs d'établissement voient aujourd'hui des enfants, dont les parents ne pouvaient plus payer la cantine, revenir et manger à leur faim.
J'ai également veillé à ce qu'un effort budgétaire important porte sur la création de postes d'infirmière, d'assistante sociale et de médecin scolaire, puisque, en deux ans, 1 350 emplois ont été créés, pour ainsi garantir le droit des enfants à la santé.
Enfin, toujours au nom du droit des enfants, je voudrais souligner le renforcement de la lutte contre l'échec scolaire par la relance des zones d'éducation prioritaires, par le développement sensible des classes relais au collège, par la mise en place des comités d'éducation à la santé et à la citoyenneté et, enfin, par le vote d'une proposition de loi, d'origine sénatoriale, que j'ai soutenue et complétée, sur le renforcement du contrôle de l'obligation scolaire. Cette loi qui a fait l'unanimité au Sénat mérite d'être soulignée à l'occasion du présent débat puisque deux grands principes y ont été réaffirmés par amendement gouvernemental : d'abord, le droit de l'enfant à l'instruction, qui comprend non seulement l'acquisition des connaissances, mais également l'épanouissement personnel et social de chaque élève, ce qui permet, désormais, de renforcer notre lutte contre les sectes ; ensuite, la priorité d'assurer cette instruction dans les établissements d'enseignement.
Ce nouveau dispositif permet, par des contrôles périodiques de l'éducation nationale qui n'étaient pas possibles antérieurement, de mieux déceler, pour y remédier, les situations des enfants privés d'une authentique instruction, qu'ils soient embrigadés dans des mouvements sectaires, ou simplement coupés du monde par les choix dangereux de leurs familles.
Il convient de rappeler que cette loi constitue d'ailleurs la transposition en droit interne de l'article 29 de la convention internationale des droits de l'enfant, qui détermine les normes minimales de l'éducation due aux enfants.
La proposition de loi soumise au Sénat s'inscrit donc, à mes yeux, dans la continuité, tout en renforçant les dispositions déjà adoptées. Cela justifie que nous soyons ambitieux sur le dispositif qui nous est présenté.
Cette proposition de loi issue des travaux de l'Assemblée nationale vise à instituer un médiateur des enfants. Cette nouvelle autorité serait chargée de recueillir les réclamations de mineurs ou de leurs représentants légaux qui estiment qu'une administration n'a pas respecté les droits de l'enfant ou n'a pas fonctionné conformément à sa mission de service public.
Je souhaite donc à présent vous faire part de quelques remarques concernant cette proposition de loi, dont j'approuve pleinement, bien entendu, l'ambition et la philosophie générale.
Tout d'abord, le développement de la médiation est une nécessité. Le gigantisme de l'administration, le nombre de décisions rendues, la masse des dossiers ne peuvent que susciter, ici ou là, certaines incompréhensions ou certains dysfonctionnements.
La médiation permet non seulement d'éviter le face-à-face ou la confrontation mais aussi de faire le lien entre les deux points de vue, de les rapprocher, voire de les concilier.
Parfois, la réclamation est infondée : parfois, elle permet de mettre en lumière une difficulté, voire un dysfonctionnement. L'intérêt qu'a constitué la création, en 1973, du médiateur de la République, saisi, depuis cette date, au niveau tant national que départemental, de 45 628 réclamations, est bien de prouver son utilité et de permettre la recherche d'une plus grande équité dans la relation entre les citoyens et les services publics.
En décembre 1998, M. Stasi, dans son rapport annuel au Président de la République, écrivait ceci : « L'année écoulée apparaît exceptionnelle en ce qui concerne tant le nombre que la nature des propositions de réforme qui ont été satisfaites : une part significative d'entre elles concerne, en effet, les personnes victimes de l'exclusion ; plusieurs autres mettent fin à des situations qui étaient inéquitables et certaines clarifient ou simplifient diverses procédures contribuant ainsi à l'amélioration toujours recherchée des relations entre les services publics et les citoyens. »
Depuis le 1er décembre 1998, le ministre de l'éducation nationale s'est d'ailleurs doté d'un médiateur chargé de recevoir les réclamations concernant le fonctionnement du service public de l'éducation nationale dans les relations avec les usagers et ses agents. Chaque rectorat est désormais doté d'un médiateur.
Le bon fonctionnement du système éducatif implique une meilleure prise en compte des aspirations des usagers, qu'il s'agisse des enseignants, des parents d'élèves ou des élèves, et l'amélioration des relations sociales entre les personnels et leur administration.
Le premier bilan d'activité sur les six premiers mois de l'année 1999 permet de faire les observations suivantes : 800 dossiers ont été reçus par le médiateur de l'éducation nationale et ses médiateurs académiques, 75 % correspondent à des réclamations des personnels, 25 % émanent des parents d'élèves ou des étudiants majeurs.
De fait, le médiateur de l'éducation nationale reçoit très peu de demandes d'élèves mineurs. Je ne vois donc aucune objection à ce qu'un médiateur des enfants reçoive les demandes des usagers du service public de l'éducation nationale que sont les élèves.
Bref, il existe donc bien, au sein du système éducatif, un espace à conquérir, celui de la réclamation individuelle des élèves mineurs ou de leurs représentants légaux sur le respect des droits de l'enfant.
Par ailleurs, c'est ma deuxième remarque - la spécificité du médiateur des enfants doit être réelle par rapport à celle du médiateur de la République.
La commission des lois du Sénat estime qu'il n'est pas souhaitable de créer deux institutions concurrentes opérant dans le même domaine.
Je tiens à rendre hommage aux travaux de la commission, travaux qui manifestent une volonté d'efficacité immédiate de la nouvelle institution, cette dernière pouvant en effet profiter de l'expérience acquise par le médiateur de la République. Je suis toutefois convaincue que le rattachement du médiateur des enfants dans le cadre de la loi de 1973 ne répondrait que de manière imparfaite aux attentes manifestées par les enfants et leurs familles.
Il faut en effet, me semble-t-il, que le médiateur des enfants soit une entité à part, clairement identifiable et réservée aux enfants, pour que ceux-ci le considèrent comme un interlocuteur privilégié créé pour eux, à l'écoute de leurs préoccupations, avec un fonctionnement administratif souple et original.
Par ailleurs, le champ de compétences du médiateur des enfants est déjà, dans le texte voté par l'Assemblée nationale, très différent de celui du médiateur de la République, puisqu'il s'agit du non-respect des droits de l'enfant, ce qui constitue une spécificité par rapport aux attributions propres du Médiateur de la République, qui est uniquement chargé des dysfonctionnements entre les usagers et l'administration.
Mais le respect des droits fondamentaux des enfants ne doit pas s'arrêter aux structures administratives, car il est un principe universel et donc indivisible.
J'en arrive à ma troisième remarque : l'extension du champ de compétences du médiateur des enfants.
Pour être pleinement efficace, il m'apparaît nécessaire d'élargir le champ de compétences du médiateur des enfants à l'ensemble des institutions dans lesquelles les droits fondamentaux des enfants ne sont pas respectés. Je le répète, je ne vois aucune objection à ce que l'extension de ce champ de compétences couvre l'éducation nationale.
Il conviendrait alors de permettre au médiateur des enfants de se saisir des réclamations visant aussi les personnes physiques ou morales de droit privé. Dans le système éducatif, par exemple, ce sont tous les élèves des établissements d'enseignement, qu'ils soient publics ou privés, qui pourraient être bénéficiaires de cette extension.
Dans le domaine de l'action sociale, certains problèmes existent au sein d'associations qui accueillent des enfants handicapés ou en difficulté placés par l'autorité administrative, la justice ou leurs parents. Là aussi, il est bien que le médiateur des enfants puisse être saisi de leurs difficultés.
Les enfants peuvent aussi être confrontés à des violations de leurs droits face à des employeurs ou à des commerçants.
Enfin, même au sein de leur famille, les enfants peuvent rencontrer des conflits mettant en cause leurs droits fondamentaux, comme la liberté d'expression ou le droit à la dignité, sans que de tels manquements soient toujours signalés et traités par les services de l'aide sociale à l'enfance des conseils généraux.
J'en viens aux relations du médiateur des enfants avec les parents. Comme vous le savez, la proposition de loi initiale ne prévoyait pas l'éventualité d'assurer l'information des représentants légaux de l'enfant mineur ayant saisi le médiateur des enfants.
A l'Assemblée nationale, j'ai soutenu avec force un amendement destiné à remédier à cette lacune. En effet, à l'heure où le Gouvernement entend responsabiliser les parents sur leur mission d'éducation, il apparaîtrait paradoxal de les priver systématiquement d'une information sur les initiatives de leurs enfants.
N'oublions pas, en effet, que les lois et les règlements prévoient l'information, voire l'autorisation des parents pour la plupart des actes ou des faits concernant leur enfant.
Toutefois, je ne puis méconnaître des situations fort délicates où des adolescents, filles ou garçons, en rupture avec leurs familles, viendraient rechercher un appui auprès du médiateur des enfants et où l'on pourrait imaginer que l'envoi d'un avis aux représentants légaux serait de nature à alimenter le conflit. Il faut donc donner au dispositif une certaine souplesse et permettre en conséquence au médiateur des enfants d'aviser, s'il le juge utile, les représentants légaux de la réclamation reçue de l'enfant mineur. A cet égard, je m'interroge sur l'opportunité de la proposition de la commission des lois de supprimer cette possibilité offerte au médiateur. Mais nous en débattrons tout à l'heure.
Au terme de ces quelques remarques qui, j'espère, enrichiront le débat d'aujourd'hui, j'ai le sentiment que nous oeuvrons ensemble à la création d'une institution qui s'inscrit parfaitement dans l'esprit de la convention internationale des droits de l'enfant dont nous allons célébrer dans quelques jours le dixième anniversaire. Cette convention avait été votée à l'unanimité par l'assemblée générale des Nations unies, tant il est vrai que les clivages s'effacent devant l'intérêt de l'enfant. Je ne doute pas que nos travaux d'aujourd'hui seront animés d'un même souffle constructif. (Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen, du RDSE et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Christian Bonnet, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Madame la ministre, chacun se félicite que siège au banc des ministres une personne qui est doublement qualifiée pour défendre la position gouvernementale sur un texte concernant les enfants : vous êtes en effet qualifiée pour ce faire de par vos responsabilités au sein du Gouvernement, d'une part, de par votre qualité de mère de famille nombreuse, de l'autre.
La protection des enfants - et qui ne s'en réjouirait ? - se situe aujourd'hui à un rang privilégié dans les préoccupations des pays démocratiques, au moins. Je dis « des pays démocratiques, au moins » car, s'agissant du vote unanime des Nations unies, on peut s'interroger, surtout si l'on a vu hier le reportage terrifiant concernant les enfants de Roumanie diffusé hier par TF 1, sur la valeur de l'approbation donnée par certaines des membres ayant pris part à ce scrutin.
Faut-il rappeler qu'une recommandation du Conseil de l'Europe invitait, dès 1990, les Etats membres à envisager de nommer un médiateur spécial pour les enfants ?
Faut-il rappeler encore que, à l'occasion de la première journée des droits de l'enfant au Sénat, en 1996, le président de la commission des lois, M. Jacques Larché, évoquait « des droits proclamés, affirmés, mais qui doivent être reconnus au quotidien » ? « C'est là, ajoutait-il, que l'effort du législateur doit encore se manifester. »
N'est-ce pas ces jours-ci que paraît en librairie Le Grand Livre des droits de l'enfant ?
C'est dans ce contexte que le président de l'Assemblée nationale, après avoir présidé lui-même une commission d'enquête parlementaire sur les droits de l'enfant, a présenté une proposition de loi tendant à instituer un médiateur des enfants, assortie, si l'on peut dire, d'une proposition de loi organique visant à prévoir son inéligibilité.
Cette proposition de loi a été adoptée, après quelques modifications, par l'Assemblée nationale.
La commission des lois du Sénat s'est souciée, pour sa part, d'apporter au dispositif qui nous vient du Palais-Bourbon, à la veille du dixième anniversaire de la convention de New York relative aux droits de l'enfant, des aménagements de nature à en hâter la mise en oeuvre et à en accroître l'efficacité.
Cette préoccupation, au demeurant, le président de l'Assemblée nationale la partage : ne déclarait-il pas dans un entretien paru avant-hier dans le journal Le Monde : « Cette initiative est prioritaire. (...) Il serait souhaitable de pouvoir la mettre en application sans attendre la réforme d'ensemble du droit de la famille » ?
Aussi bien, partageant ce souci de célérité, la commission des lois vous propose d'inscrire cette création dans la loi de référence de 1973, relative à la médiation institutionnelle.
Le médiateur de la République a acquis, au fil des ans, une autorité que personne, aujourd'hui, ne songe à lui consacrer. Il dispose d'une administration qualifiée, bénéficiant de l'expérience de plusieurs décennies.
C'est pourquoi, plutôt que de créer une nouvelle autorité indépendante, il vous est proposé de placer le médiateur des enfants auprès du médiateur de la République et d'assurer en quelque sorte ainsi l'unité de la médiation institutionnelle.
Que personne ne s'y trompe. Il s'agit non pas de faire du médiateur des enfants, personnalité « clairement identifiable », pour reprendre vos propres termes, madame la ministre, une autorité de second rang, mais bien, je le répète, de répondre à une double préoccupation de célérité dans la mise en place et d'efficacité dans l'application.
Placer le médiateur des enfants auprès de la médiature de la République permet de le rendre directement opérationnel. Le fait qu'il soit, tout comme le médiateur de la République, nommé solennellement en conseil des ministres et, secondairement, qu'il ne puisse, pas plus que le médiateur de la République, briguer un mandat local dont il ne serait pas détenteur lors de son entrée en fonctions le manifeste assez clairement.
Par ailleurs, contrairement, au médiateur de la République, dont la saisine est subordonnée à l'intervention d'un parlementaire, le médiateur des enfants, là encore « clairement identifiable », pourra être saisi directement par les mineurs « intéressés » - la commission a cru indispensable l'ajout de ce qualificatif - ou leurs représentants légaux.
Ce sera là une seconde exception au filtre parlementaire de la médiation, s'ajoutant à celle qu'a déjà acceptée le Sénat au bénéfice d'un homologue étranger du médiateur de la République.
Cette saisine directe du médiateur des enfants n'exclut d'ailleurs nullement qu'un mineur puisse s'adresser à un parlementaire qui sera susceptible de saisir le médiateur de la République.
Le médiateur des enfants bénéficiera, de surcroît, d'une faculté d'autosaisine qui confortera son autorité.
Eviter au médiateur toute confusion de compétences et doter sans plus tarder cette personnalité éminente des moyens de fonctionnement lui permettant de remplir sa mission, tel est l'objectif poursuivi - que personne ne s'y trompe - par la commission des lois.
Est-il besoin d'ajouter qu'au moment où s'élève un concert de protestations - justifiées - contre la multiplication et la lourdeur des textes, toute simplification est bienvenue dès lors qu'elle n'altère en rien - et tel est bien le cas - l'intention du ou des auteurs d'un projet ou d'une proposition de loi ?
C'est d'ailleurs dans cet esprit que, s'agissant des relations entre l'un et l'autre médiateurs, la formule proposée à votre approbation, mes chers collègues, privilégie la souplesse en considérant que la répartition des réclamations entre les deux médiateurs, dans la mesure même où ces derniers appartiendront à une institution unique, relèvera d'une pratique interne à la médiature.
Les exemples de cette fâcheuse compétition de compétences, dont l'administration française, vous le savez, madame le ministre, semble avoir le secret, sont en effet trop nombreux pour que la commission vous propose d'inscrire dans la loi des dispositions trop précises, susceptibles d'entraver l'action de l'institution.
Telles sont, mes chers collègues, les idées directrices qui ont guidé la commission des lois dans l'examen attentif auquel elle a procédé d'une proposition dont elle a tenu à souligner à quel point elle lui apparaissait bienvenue. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme Derycke.
Mme Dinah Derycke. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la convention internationale sur les droits de l'enfant, dont nous célébrerons dans quelques jours le dixième anniversaire, a réalisé une véritable révolution dans la conception même des droits de l'enfant.
Si, en 1959, la déclaration des droits de l'enfant avait amorcé cette reconnaissance en rappelant que l'enfant est un être humain qui réclame une protection de par sa vulnérabilité et sa dépendance, la convention de New York a définitivement gravé le cadre de ses droits, aussi bien civiques et économiques que sociaux et culturels.
Doté d'un véritable statut juridique autonome, l'enfant devient une personne à part entière. Sa parole doit être entendue sans qu'elle ait nécessairement à passer par le filtre de ses géniteurs.
C'est bien évidemment dans ce cadre qu'il nous faut replacer la proposition de loi qui nous est présentée aujourd'hui.
En 1991, le Conseil de l'Europe recommandait aux Etats de nommer un médiateur spécial pour les enfants, qui pourrait les informer de leurs droits, les conseiller, intervenir et, éventuellement, ester en justice en leur nom.
La commission d'enquête parlementaire sur les droits de l'enfant, présidée par Laurent Fabius, a inscrit parmi les quarante propositions qu'elle a remises en mai dernier l'instauration d'un médiateur des enfants. S'appuyant sur les expériences norvégienne, suédoise et wallonne, cette commission a dessiné les contours de la mission d'un médiateur des enfants.
Issue de ces travaux, la présente proposition de loi, dont les auteurs sont MM. Laurent Fabius et Jean-Paul Bret, institue un médiateur des enfants, autorité indépendante chargée de promouvoir les droits de l'enfant, de recevoir les réclamations des mineurs, de les traiter et de proposer des améliorations législatives.
Dans un sondage réalisé à la demande du journal Le Monde et de l'UNICEF - vous l'avez rappelé, madame la ministre - 91 % des adultes interrogés se prononcent en faveur d'une telle mesure. Ce plébiscite - 91 % ! - traduit à la fois une extrême réactivité à la notion des droits de l'enfant mais aussi la demande qui se fait de plus en plus jour chez nos concitoyens d'une véritable médiation.
Cette culture de la médiation, qui nous était autrefois étrangère, est entrée peu à peu dans notre vie sociale pour résoudre les conflits : je pense notamment à la médiation pénale promue par Mme la garde des sceaux dans le cadre de la réforme de la justice et au travail remarquable réalisé depuis 1994 par la médiatrice chargée de la question du port du voile à l'école.
Le médiateur des enfants sera tout d'abord chargé de promouvoir les droits de l'enfant, car le premier droit de l'enfant, c'est de savoir qu'il a des droits.
Le sondage paru dans Le Monde nous fournit à cet égard une information intéressante : 60 % des personnes interrogées avouent ignorer l'existence de la convention de New York. C'est manifestement au médiateur des enfants que reviendra cette tâche d'information essentielle !
Il ne s'agira pas de convaincre de l'existence des droits de l'enfant : notre culture a subi sur ce point une évolution majeure et il ne fait plus de doute que les enfants ont des droits. Mais tout se passe encore comme si ces droits n'étaient qu'une concession, comme s'ils n'avaient qu'une valeur déclaratoire et n'étaient pas susceptibles de pouvoir être exercés pleinement et concrètement.
Le médiateur des enfants sera la preuve vivante que ces droits existent, qu'on peut les invoquer et les faire appliquer.
Je ne doute pas, madame la ministre, que le médiateur sera relayé dans cette tâche par le personnel enseignant, déjà mobilisé pour l'enseignement de la citoyenneté à l'école. On ne peut rêver, en effet, meilleure introduction à la citoyenneté !
C'est en comprenant et en exerçant ses droits que l'enfant devient citoyen. C'est en exprimant ses souhaits, ses revendications, c'est en dénonçant l'injustice que l'enfant apprend la démocratie.
La liberté d'expression, la liberté d'association, la liberté de réunion, inscrites aux articles 12, 13 et 15 de la convention de New York, ont ainsi trouvé cette année en France une application concrète dans la charte sur la démocratie lycéenne, dans laquelle il est prévu que ces libertés pourront s'exercer pleinement au lycée, grâce, notamment, à l'institution d'un conseil de la vie lycéenne dans chaque établissement.
C'est en permettant aux enfants et aux adolescents de construire ensemble des règles de vie commune que nous leur préparons un meilleur avenir.
L'initiative prise l'année dernière par un collectif d'adolescents autour du manifeste « Stop la violence ! » est révélatrice : elle montre que les adolescents sont une force de proposition et peuvent mettre en place des mécanismes citoyens valables pour l'ensemble de la société.
Promoteur des droits de l'enfant, le médiateur sera également chargé de proposer des modifications législatives et réglementaires lorsqu'il lui apparaîtra que leur application aboutit à des situations inéquitables.
Le groupe socialiste a souhaité élargir cette compétence en permettant au médiateur des enfants de suggérer des mesures nouvelles et non plus seulement correctrices.
Cette faculté devrait permettre au médiateur des enfants de jouer un rôle d'impulsion dans la transcription en droit interne de la convention de New York.
Un certain nombre d'initiatives ont été prises depuis l'adhésion de la France à la convention internationale des droits de l'enfant, notamment au regard de l'article 12, qui dispose que l'enfant doit avoir la possibilité d'être entendu dans toute procédure judiciaire le concernant : institution du juge des enfants, possibilité pour le mineur d'être entendu par le juge, reconnaissance pour l'enfant âgé de plus de treize ans du droit à donner son accord pour procéder à un changement de nom.
Le rapport de Mme Dekeuwer Desfossez, qui devrait servir de support à la réforme du droit de la famille, propose de compléter cette mise en conformité en supprimant le critère de discernement et d'affirmer la possibilité d'une audition de l'enfant quel que soit son âge.
La réforme du droit de la famille devra mettre notre législation en adéquation avec un certain nombre d'autres dispositions contenues dans la convention de New York. Je pense notamment au problème difficile de la connaissance des origines, droit reconnu par l'article 7 de la convention mais inapplicable en France tant que notre pays organisera le secret autour de l'origine, tant qu'il ne modifiera pas les textes relatifs à l'accouchement sous X et tant qu'il autorisera la demande de secret sur l'identité des parents lors de l'abandon.
Je pense aussi au droit de l'enfant, reconnu à l'article 9, d'avoir deux parents et de conserver, quels que soient les aléas du couple, des relations personnelles avec chacun d'entre eux. Cela passe par une meilleure organisation de l'autorité parentale.
D'autres champs restent à explorer, des questions doivent être posées. Peut-être reviendra-t-il au médiateur de les soulever.
Comment concilier, par exemple, la libre disposition de son corps avec le code de déontologie médicale et les dispositions de la loi relative à l'interruption volontaire de grossesse ? Les jeunes filles sont libres, en droit, de mener à terme leur grossesse sans l'autorisation de leurs parents ; en revanche, elles ne peuvent pas, en droit, décider seules de l'interrompre.
Sans revenir sur le conflit qui oppose la Cour de cassation au Conseil d'Etat, il m'apparaît souhaitable que tous les efforts législatifs soient faits dans le sens d'une mise en conformité complète de notre législation.
La France fait partie des quatre-vingt-onze pays qui ont ratifié cette convention. Patrie des droits de l'homme, économiquement très avancée, elle ne peut s'autoriser trop de réserves et doit montrer la voie.
La troisième mission du médiateur, sans doute celle qui requerra toute son énergie - et la nôtre également lors de ce débat - sera d'instruire les réclamations qui lui seront directement adressées par les mineurs ou par leurs représentants légaux lorsque ceux-ci estimeront que les administrations de l'Etat, les collectivités publiques ou territoriales ou tout autre organisme investi d'une mission de service public n'auront pas respecté les droits de l'enfant. La réclamation pourra également dénoncer un dysfonctionnement du service public.
Il est également prévu que le médiateur des enfants pourra s'autosaisir.
L'objectif de cette proposition de loi est de donner la parole à l'enfant : l'absence de filtre parlementaire et la dispense d'effectuer des démarches préalables sont une manière de faciliter cette prise de parole par l'enfant. Encore faut-il que celui-ci ait véritablement l'impression de s'adresser à une autorité faite à sa mesure, à une autorité qui lui soit spécifique, qu'il puisse reconnaître facilement.
Vous proposez, monsieur le rapporteur, au nom de la commission des lois, de placer le médiateur des enfants auprès du médiateur de la République, parce que, dites-vous, vous êtes favorable à l'unité de la médiation institutionnelle.
Mais, si la fonction est comparable, la nature même de l'institution est différente. Ce n'est pas la fonction qui diffère, c'est le public ! Et, parce que ce public est différent, les domaines d'intervention le seront forcément, et la manière d'intervenir également.
Il nous faut donc créer deux institutions, sans crainte d'un conflit de compétences, les articles 5 et 6 de la proposition de loi permettant par ailleurs une organisation intelligente et le transfert de dossiers lorsque la réclamation relève manifestement de l'« autre » médiateur.
Je comprends vos réserves sur le plan pratique, et vos efforts pour que la mise en place de la réforme soit plus efficace et plus rapide sont louables. Mais, contrairement à ce que vous semblez croire, la simplification que vous opérez altère l'intention des auteurs de la proposition de loi, intention qui est, je le répète une nouvelle fois, de faciliter la prise de parole autonome par l'enfant lui-même.
Je crains que votre proposition, monsieur le rapporteur, ne procède d'une certaine réticence à voir l'enfant prendre dans la cité une place importante, et surtout autonome.
M. Christian Bonnet, rapporteur. Pas du tout !
Mme Dinah Derycke. Lorsque vous placez le médiateur des enfants auprès du médiateur de la République, vous lui refusez, en quelque sorte, toute émancipation, vous le placez un peu sous tutelle, parce que, pour vous, le droit des enfants devrait découler du droit de tous.
Prôner l'unité et l'homogénéité revient à mettre entre parenthèses l'importance d'une telle institution et la spécificité du public concerné.
C'est parce qu'il convient de repousser les limites toujours inconscientes mises par les adultes - tous les adultes, quels qu'ils soient - à l'expression et aux droits des enfants que le groupe socialiste a souhaité élargir la mission du médiateur des enfants à la sphère privée, c'est-à-dire aux rapports entre les enfants et les personnes physiques ou les personnes morales de droit privé non investies d'une mission de service public, et aménager cette nouvelle compétence.
L'objectif est d'affirmer la compétence universelle du médiateur des enfants dans la défense et la promotion de leurs droits afin de rendre sa mission la plus efficace possible et d'appliquer concrètement certaines dispositions de la convention de New York.
En effet, si la plus grande partie des enfants sont accueillis puis scolarisés dans des établissements relevant du service public, un certain nombre d'entre eux le sont dans des établissements privés, crèches privées ou crèches d'entreprises, écoles privées, écoles hors contrat, professionnelles ou non, vous l'avez rappelé, madame la ministre.
Par ailleurs, un grand nombre des activités parascolaires sont dispensées par des personnes morales de droit privé. C'est ainsi qu'une proposition de loi actuellement en navette vise à mieux garantir les droits du jeune sportif, notamment en cas de transfert d'un club à l'autre. L'intervention d'un médiateur dans ce domaine pourrait être déterminante pour régler ce genre de conflits !
Cette intervention pourrait également être fort utile pour les violations des droits du mineur dans le monde du travail, car il n'est pas évident à un jeune travailleur de moins de dix-huit ans de saisir la juridiction prud'homale ou de demander l'intervention d'un inspecteur du travail. Or, nous le savons, les droits des mineurs au travail sont souvent violés.
Il nous est donc apparu important de rendre la compétence du médiateur universelle : les droits de l'enfant peuvent être méconnus et bafoués aussi bien dans le privé que dans le public.
Il s'agit moins, mes chers collègues, de calquer l'institution du médiateur des enfants sur celle du Médiateur de la République et de risquer, par là même, de réduire son champ d'intervention que de répondre à l'objectif que nous nous sommes fixé : promouvoir et défendre en tous lieux les droits de l'enfant.
L'instauration d'un médiateur des enfants fera naître une dynamique qui se diffusera dans la sphère privée et dans nos politiques publiques, et nous nous en félicitons.
Toutefois, si notre assemblée retenait les propositions de la commission, nous ne pourrions voter le texte en l'état. En effet, le médiateur des enfants ne fera naître cette dynamique hautement souhaitable qu'à la condition d'être visible, connu et reconnu : cela passe par l'affirmation de son autonomie et l'attribution des pouvoirs les plus larges possibles. (Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à M. Pelletier.
M. Jacques Pelletier. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le jugement que je porte sur la proposition de loi qui nous est soumise aujourd'hui est contrasté.
Si le principe de la création d'un médiateur des enfants me paraît excellent, les modalités retenues me laissent perplexe, et je crains que les modifications proposées par la commission des lois du Sénat qui constituent certes des améliorations, ne permettent pas de remédier au principal défaut de la proposition de loi, à savoir un manque d'ambition dans la définition des missions du médiateur des enfants.
Je remercie la commission des lois et son rapporteur, notre excellent collègue Christian Bonnet, de donner une compétence supplémentaire au médiateur de la République en lui rattachant le médiateur des enfants. Cependant, je ne suis pas sûr que cette louable intention représente la meilleure voie pour aboutir à un projet consensuel entre l'Assemblée nationale et le Sénat. Or, sur un tel texte, qui ne constitue pas un sujet d'affrontement politique, je souhaite très vivement que nous aboutissions à un accord entre nos deux assemblées.
Dans cet esprit, je ne voterai pas le texte tel qu'il a été modifié par la commission, et je n'aurais, du reste, pas voté non plus la proposition de loi initiale.
Je voudrais, en quelques minutes, esquisser devant vous, mes chers collègues, ce qui pourrait devenir la base d'un texte transactionnel attribuant des compétences plus larges au médiateur des enfants.
Je n'insisterai pas sur le caractère très positif de la création d'un médiateur des enfants. Je dirai simplement que la tendance de fond qui consiste à mieux prendre en compte et à mieux défendre les droits de l'enfant n'a pas encore permis de parvenir, dans notre pays, à une situation satisfaisante. La situation de l'enfant reste fragile, dans les pays pauvres comme dans notre société, disait très justement hier soir le Président de la République.
De nombreux exemples nous montrent en particulier que la parole de l'enfant n'est pas assez écoutée dans notre pays. C'est précisément la raison pour laquelle la création d'un médiateur - je préfère de beaucoup pour ma part le titre de « défenseur des enfants » - répond à une vraie demande sociale.
La question qu'il faut alors se poser est la suivante : à quoi doit servir un défenseur des enfants ? La réponse des auteurs de la proposition de loi est d'assigner à ce défenseur une mission d'intercession dans les litiges qui peuvent opposer les enfants aux administrations, aux collectivités territoriales et aux autres organismes chargés de gérer un service public.
Il est clair que les rédacteurs du texte se sont, sur ce point, directement inspirés de la loi de 1973 créant le Médiateur de la République. J'y vois deux inconvénients principaux.
En premier lieu, la compétence du défenseur des enfants est limitée à ce que j'appellerai, dans un souci de simplification, la « sphère publique ». Or, on peut se demander si c'est bien là qu'existe le principal déficit de médiation dont peuvent souffrir les enfants. N'est-ce pas, au contraire, dans la « sphère privée », c'est-à-dire dans les rapports des enfants avec les personnes privées, physiques ou morales, que prennent naissance nombre de litiges concernant les enfants ?
En second lieu, la limitation du champ de compétence du défenseur des enfants aux réclamations relatives à un organisme public ou assimilé place ce médiateur spécialisé en concurrence directe avec le « généraliste » qu'est le médiateur de la République, et crée donc une situation particulièrement confuse. En effet, les enfants ou leurs parents auront le choix entre deux médiateurs dont les doctrines et les pratiques d'intervention ne seront pas harmonisées ni coordonnées.
Par ailleurs, on peut se demander s'il est bien cohérent de créer de toutes pièces, auprès du défenseur des enfants, une structure de médiation institutionnelle qui existe déjà à la médiature de la République.
La solution prévue par la proposition de loi pour résoudre ce problème de chevauchement de compétences est tout à fait inopérante, puisque le champ de compétence du défenseur des enfants consitue un sous-ensemble de celui du médiateur de la République. La commission des lois propose de régler cette difficulté majeure en rattachant le défenseur des enfants au médiateur de la République.
Certes, cette solution a le mérite de la simplicité et de la clarté, mais elle ne permet pas, par définition, de remédier au caractère quelque peu étriqué de la définition des compétences du défenseur des enfants. On pourrait inverser les termes du raisonnement et faire valoir que l'autonomie du défenseur des enfants ne peut se justifier que s'il se voit attribuer une mission suffisamment différente de celle du médiateur de la République. Ainsi, j'ai déjà évoqué la possibilité d'un élargissement du domaine d'intervention du défenseur des enfants aux litiges de droit privé.
Cela étant, je crois qu'il faut aller encore au-delà et ne pas confiner le défenseur des enfants dans une fonction d'intercession individuelle. Il y a lieu de noter que les défenseurs pour enfants existant à l'étranger, notamment en Norvège, en Suède et en Wallonie, sont toujours investis d'une large mission de défense et de promotion collectives des droits des enfants, le médiateur suédois étant même incompétent pour connaître des cas individuels. Les dispositions relatives à la promotion collective des droits de l'enfant et aux actions d'information sur ces droits prévus à l'article 4 de la proposition de loi me paraissent, à cet égard, trop générales et trop imprécises.
Après avoir réfléchi à ces questions, à la lumière de mon expérience passée avenue d'Iéna et après avoir recueilli l'avis autorisé de Bernard Stasi, actuel médiateur de la République, j'estime que les deux orientations que je viens de décrire - élargissement du domaine de l'intercession individuelle et développement de la promotion collective des droits de l'enfant - pourraient être mises en oeuvre dans les conditions suivantes.
Tout d'abord, le défenseur des enfants serait compétent pour recevoir toutes les réclamations individuelles émanant d'enfants. Celles de ces réclamations qui concerneraient une administration ou un service public seraient ensuite transmises au médiateur de la République pour qu'il les instruise : le défenseur des enfants serait informé du résultat de cette instruction et le communiquerait à l'enfant concerné ou à ses parents.
Dans un tel dispositif, le défenseur des enfants, qui présente l'avantage de pouvoir être saisi directement et sans que le requérant ait eu à effectuer des démarches préalables auprès de l'organisme concerné, jouerait en quelque sorte le rôle de « filtre » qui est celui des parlementaires dans la procédure de saisine du médiateur de la République.
De plus, le schéma proposé préserverait l'unité de la médiation institutionnelle, puisque toutes les démarches relatives à cette médiation resteraient effectuées par les services du médiateur de la République, et permettrait d'éviter le gaspillage qui résulterait de la constitution, auprès du défenseur des enfants, d'équipes faisant strictement le même travail que les collaborateurs du médiateur de la République. En revanche, lorsque le litige soumis au défenseur des enfants concerne une personne physique ou morale de droit privé, non investie d'une mission de service public, le défenseur des enfants effectuera lui-même les médiations qu'il jugera nécessaires.
La médiation de droit privé ainsi mise en place constitue, au fond, un nouveau métier à inventer. Cependant, si l'environnement juridique est différent, la démarche à suivre ne l'est pas : il s'agira de prendre contact avec la personne physique ou morale mise en cause par l'enfant, d'obtenir d'elle tous les éclaircissements nécessaires et de parvenir, par la persuasion, à un règlement raisonnable et équilibré du conflit.
Il est certes possible, mes chers collègues, de se montrer pessimiste sur les chances de succès de telles médiations dans la sphère privée. Je souhaite néanmoins insister sur le fait que le défenseur des enfants ne sera pas plus démuni vis-à-vis de ses interlocuteurs que ne l'était le médiateur de la République après sa création en 1973. Mon prédécesseur, M. Antoine Pinay, avait « essuyé les plâtres » de la médiature et rencontré quelques difficultés au début de sa mission, mais celles-ci se sont aplanies au fil des années.
Je n'ai pas besoin de vous rappeler que, sauf dans des cas très particuliers, le médiateur de la République est également privé de tout pouvoir de coercition sur les administrations et les services publics et qu'il ne peut compter que sur sa force de conviction, laquelle est grande mais a tout de même ses limites. (M. le rapporteur sourit.)
Par ailleurs, il paraîtrait intéressant que le défenseur des enfants joue un rôle d'orientation et de coordination dans le domaine de la protection de l'enfance maltraitée.
Pour éviter tout malentendu, je précise tout de suite qu'il ne s'agit pas, dans mon esprit, de remettre en cause les prérogatives actuelles de la protection judiciaire de la jeunesse, des services de l'aide sociale à l'enfance des conseils généraux et, bien sûr, des services de l'éducation nationale.
En revanche, je souhaite par exemple que soit rattaché au défenseur des enfants le service national d'écoute téléphonique de l'enfance maltraitée qui gère le numéro vert « Allo enfance maltraitée ».
Ce rattachement me paraît constituer un bon moyen de remplir la coquille vide que serait la mission d'un défenseur des enfants autonome. Il aurait également pour grand avantage de permettre à celui-ci de disposer d'emblée d'un personnel spécialement formé à l'écoute, voire au décryptage de la parole de l'enfant.
Ce rattachement n'aurait pas de conséquences sur les responsabilités opérationnelles de la justice et des conseils généraux en matière de protection de l'enfance maltraitée, puisque ce service, cofinancé par l'Etat et les départements, joue un simple rôle d'orientation dans le traitement des plaintes dont il est saisi.
On pourrait objecter à cette idée qu'il n'est pas sain de jouer au « meccano institutionnel » en modifiant le rattachement d'un tel organisme. Je rappelle cependant au Sénat qu'il a déjà recouru avec bonheur à un tel procédé. Dans un domaine évidemment très différent, nous avons en effet choisi, à une certaine époque, de donner de la substance à l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments en lui rattachant le Centre national d'études vétérinaires et alimentaires, et ce rattachement, après avoir, dans un premier temps, provoqué d'importants remous, a finalement été bien accepté par toutes les parties intéressées.
S'agissant de la défense collective des droits des enfants, il me paraîtrait opportun d'élargir le pouvoir de proposer des réformes conféré par la proposition de loi au défenseur des enfants.
En effet, le texte adopté par l'Assemblée nationale permet seulement au défenseur des enfants de proposer la modification des dispositions législatives ou réglementaires relatives aux droits de l'enfant lorsque leur application aboutit à des situations inéquitables. Or les éventuelles atteintes au droit de l'enfant ne découlent pas seulement de l'application des textes relatifs auxdits droits. Il me semblerait donc utile que le défenseur des enfants puisse proposer la modification des dispositions législatives ou réglementaires de toute nature, dès lors que leur application place un enfant dans une situation inéquitable.
Il conviendrait également d'étendre ce pouvoir de proposition aux textes qui portent atteinte aux droits de l'enfant.
J'estime en effet souhaitable de se référer aussi souvent que possible à cette notion de droits de l'enfant, afin de conforter les avancées juridiques considérables résultant de la convention internationale relative aux droits de l'enfant du 20 novembre 1989, dite « convention de New York ».
De ce point de vue, le défenseur des enfants devrait non seulement exercer une action « correctrice », c'est-à-dire visant à modifier les textes français ne respectant pas complètement les prescriptions de la convention de New York, mais également jouer un rôle d'« impulsion positive » dans la transcription en droit interne de celles de ces stipulations qui sont dépourvues d'effet direct.
Il me paraîtrait également intéressant que les observations de ce défenseur soient jointes au rapport sur l'application de la convention de New York que le Gouvernement français doit présenter chaque année au Parlement pour le 20 novembre, date de la journée mondiale des droits de l'enfant.
Le défenseur pourrait ainsi porter un regard critique sur les mesures que les pouvoirs publics ont prises - ou se sont abstenus de prendre - pour garantir la pleine application de ladite convention.
A cet égard, je me réjouis que la commision des lois ait choisi de se référer aux droits de l'enfant reconnus par un engagement international régulièrement ratifié ou approuvé, sans distinguer entre les engagements ayant un effet direct et ceux qui n'en n'ont pas.
En effet, cette distinction qui figure dans le texte adopté par l'Assemblée nationale aurait été très difficile à mettre en oeuvre pour plusieurs raisons.
Premièrement, la notion d'effet direct ne s'apprécie généralement pas au plan du traité lui-même, mais à celui de chacune de ses stipulations.
Deuxièmement, il peut exister des divergences d'appréciation entre les juridictions suprêmes de l'ordre administratif et de l'ordre judiciaire sur le caractère auto-exécutoire de telle ou telle stipulation d'un traité.
Troisièmement, une large partie de la doctrine estime que les dispositions d'une convention internationale dépourvues d'effet direct ne sont pas pour autant privées de toute portée juridique, de sorte que, même si elles ne créent pas directement de droits dont un particulier peut se prévaloir, elles peuvent cependant être invoquées à l'encontre d'une disposition réglementaire qui leur serait contraire.
Je résumerai mon propos, mes chers collègues, en disant qu'il me paraît possible d'enrichir considérablement le rôle confié au défenseur des enfants par la proposition de loi. Je souhaitais vous faire part de mes réflexions sur ce sujet en espérant que la présente lecture et surtout les lectures ultérieures de ce texte permettront de progresser dans ce sens.
Il serait en effet tout à fait regrettable que le défenseur des enfants, qui répond à mes yeux à un réel besoin social, soit perçu, faute d'une réflexion préalable suffisamment approfondie, comme un « gadget institutionnel », et je suis persuadé que nous parviendrons, en collaboration avec l'Assemblée nationale, à conjurer ce risque.
Nous aurons ainsi permis de faire réellement avancer la cause des droits de l'enfant, ce qui est, j'en suis sûr, notre objectif sur toutes les travées des deux assemblées. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à M. Gélard.
M. Patrice Gélard. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, je serai bref car beaucoup de choses ont déjà été dites, que je partage, notamment le bien-fondé du médiateur des enfants. Je trouve, en effet, que partout dans le monde, en France notamment, les enfants méritent de voir leurs droits défendus, assurés et garantis.
Cela dit, je ferai quelques remarques sur le texte qui nous est présenté et je porterai un jugement sur les propositions de la commission.
Un médiateur des enfants paraît une bonne chose mais, une fois de plus, nous allons créer une autorité administrative indépendante. Nous avons une fâcheuse tendance, à l'heure actuelle, pour résoudre les problèmes, à multiplier ces autorités. Certaines, bien sûr, sont nécessaires, mais est-il bien utile, en l'espèce, d'en créer une nouvelle alors qu'il en existe une, à savoir le médiateur de la République, et que nous sommes face à des tâches de médiation ?
Aujourd'hui, nous créons le médiateur des enfants. C'est une première. Demain, faudra-t-il créer le médiateur des apprentis, le médiateur des militaires, le médiateur de l'enseignement supérieur, le médiateur des hôpitaux, etc. ? C'est d'ailleurs, à mon avis, une voie normale et naturelle.
Nous devons donc réfléchir, peut être de façon plus approfondie, à la place que doit tenir à l'avenir dans le fonctionnement de nos institutions la médiation face à la décision de justice.
Mme Derycke a évoqué tout à l'heure la médiation pénale, bien qu'elle soit d'une autre nature que la médiation dont il est question. Il est vrai que notre pays a pris un certain retard en matière de médiation par rapport aux Etats scandinaves, par rapport à la Grande-Bretagne, à l'Allemagne, pays où la médiation est une pratique courante préliminaire, en règle générale, à tout jugement.
Il serait bon, madame le ministre, de saisir Mme le garde des sceaux de ce problème afin d'engager une réflexion approfondie au sein du Gouvernement quant au rôle futur de la médiation dans nos rapports sociaux, et d'envisager éventuellement le dépôt d'un projet de loi à ce sujet.
Ma deuxième remarque a trait à la lisibilité.
Ainsi que le rappelait tout à l'heure notre collègue M. Pelletier, il n'a pas été facile au premier médiateur de la République de s'imposer. Maintenant, il s'agit d'une institution confirmée, d'une institution reconnue que nos concitoyens savent utiliser : ils viennent dans nos permanences pour nous demander de saisir le médiateur de la République.
Cela a été long et vous avez rappelé, mon cher collègue, les difficultés qu'a rencontrées le médiateur de la République à ses débuts lorsqu'il n'avait autour de lui qu'une poignée de collaborateurs rapidement submergés sous le nombre des plaintes et des demandes qui affluaient.
Aujourd'hui, nous disposons d'un réseau cohérent, notamment avec les médiateurs départementaux qui jouent un rôle tout à fait remarquable.
Je ne souhaite pas au médiateur des enfants d'éprouver les mêmes difficultés que celles qu'a connues le médiateur de la République à ses débuts : recherche de locaux d'accueil et de collaborateurs indispensables. D'ailleurs, la proposition de notre excellent rapporteur, vise justement à régler tous ces problèmes en installant d'emblée le médiateur des enfants dans les locaux du médiateur de la République et en lui permettant de bénéficier de son personnel.
La lisibilité est fondamentale. Nos concitoyens aiment les lois claires et les institutions transparentes, et je ne peux que les approuver. Comment pourraient-ils s'y retrouver s'il y a deux médiateurs - un Médiateur de la République et un médiateur des enfants - deux administrations et deux locaux différents ? Je vous ai dit que nous n'en sommes qu'aux prémices ; il y aura demain d'autres médiateurs spécialisés parce qu'ils seront nécessaires et parce que cela participe de l'évolution normale de nos sociétés.
C'est la raison pour laquelle, d'un strict point de vue de la lisibilité, il me paraît nécessaire de rattacher le médiateur des enfants au médiateur de la République.
Mais j'irai maintenant un peu plus loin, et je m'adresse à vous, madame le ministre. Ce texte est incomplet car il y manque une analyse préalable. Certes, il part d'un très bon sentiment, que nous partageons tous, mais où se trouve l'étude qui recenserait les recours éventuels des enfants auprès de ce médiateur ? Dans quels domaines l'enfant va-t-il agir, va-t-il se sentir lésé dans ses droits ?
J'ai essayé de réfléchir à la question. J'ai eu beaucoup de mal ; heureusement, certains collègues m'ont aidé.
Tout d'abord, un secteur évident où, à mon avis, les recours des enfants s'exerceront est celui de l'éducation nationale. Ce n'est pas la peine de parler du public ou du privé, les établissements privés qui collaborent au grand service public de l'éducation nationale sous forme de contrats sont naturellement visés.
Dans cette optique, que deviendront non seulement le médiateur de l'éducation nationale mais aussi les médiateurs des rectorats ? A quoi serviront-ils ?
Et puis - allons un peu plus loin - dans cette tâche de l'éducation nationale, je crois qu'une mission s'imposera très vite, dès que la loi sera publiée, celle de rendre obligatoire, le plus tôt possible auprès des enfants, l'enseignement de l'institution du médiateur. Il faudra donc mobiliser les enseignants à cette mission qui sera d'expliquer aux enfants ce qu'est le médiateur des enfants, à quoi il servira, comment il sera saisi et ce qu'il pourra faire pour régler les problèmes. C'est ici qu'un aspect pervers des choses risque d'apparaître, et c'est la raison pour laquelle, madame le ministre, je vous demande d'attacher une grande importance à mon propos. En effet, les demandes des enfants adressées au médiateur, en matière d'éducation nationale, risquent très vite de se transformer en dénonciations d'un certain nombre d'enseignants. Et là, il faudra prévoir les réactions du corps enseignant, associer les syndicats à cette démarche et faire en sorte qu'il ne s'agisse pas d'une évaluation déguisée des enseignants par le biais de la médiation. C'est un problème important, me semble-t-il, que je soulève ici et auquel il va falloir réfléchir.
Le second recours au médiateur concernera, me semble-t-il, les placements d'enfants : un enfant pourra se plaindre de la famille d'accueil dans laquelle on l'aura placé, voire des conditions dans lesquelles il ressent son placement auprès d'une association, ou d'une cellule, chargée d'accueillir les enfants en difficulté ou en détresse.
Là encore, le même risque que celui que je viens de souligner peut apparaître. Là encore il faudra associer tout à la fois les éducateurs, les foyers d'accueil, les parents d'accueil à ce genre de démarche, faute de quoi ils risquent de se sentir eux-mêmes menacés.
En effet - et c'est là le problème de notre société - nous connaissons les droits des enfants dans la convention de New York, nous les partageons, nous les acceptons et nous sommes prêts à les défendre mais, en contrepartie, quand a-t-on énoncé les devoirs des uns et des autres à l'égard des enfants - je veux parler des devoirs des parents, de ceux des éducateurs, de ceux qui accueillent un apprenti, ou encore des devoirs d'un patron qui accueille un jeune mineur. A quel moment a-t-on fixé et établi ces devoirs ? L'on ne peut pas défendre des droits si en face on n'énonce pas des devoirs.
En outre - nous en avons discuté -, s'il existe des droits des enfants, que nous sommes tous, bien sûr, prêts à défendre, n'y a-t-il pas aussi des devoirs des enfants ? Le système éducatif ne doit-il pas aussi apprendre à l'enfant un certain nombre de comportements ? Et là, on ne va pas créer un médiateur pour défendre les droits des éducateurs menacés par les droits excessifs des enfants.
Nous sommes donc là en présence de toute une logique qui m'interpelle : si je me rallie à la proposition de notre rapporteur, je m'interroge toutefois sur le point de savoir si nous avons mesuré toutes les conséquences de la création de cette nouvelle institution. Je m'interroge sur les relations entre cette institution et le système juridique et juridictionnel. Je m'interroge sur la compatibilité d'un certain nombre de recours qui seront admis et sur d'autres qui ne le seront pas. C'est ainsi que l'enfant ne pourra pas se plaindre auprès du médiateur du fait que le juge aura attribué la garde au père plutôt qu'à la mère - ou inversement - car ce sera une décision de justice.
J'en reviens enfin à ce que je disais tout à l'heure. Nous sommes entrés dans une période de mutation de nos rapports sociaux qui nous impose d'intégrer le phénomène de la médiation beaucoup plus largement que nous ne l'avons fait jusqu'à maintenant.
Ce phénomène de la médiation, nous ne pourrons l'intégrer comme les sociétés scandinaves qu'à la condition que nos mentalités et nos structures changent. Or, nos mentalités et nos structures ne changeront que dans la mesure où l'école nous aidera à les faire changer.
Ces remarques, qui ne sont en réalité que des interrogations, m'incitent à me rallier intégralement au texte soutenu par la commission des lois. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à Mme Terrade.
Mme Odette Terrade. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, il nous est proposé aujourd'hui d'approuver une proposition de loi adoptée il y a maintenant un an par l'Assemblée nationale. Reprenant une suggestion de la commission parlementaire relative à la situation des droits de l'enfant en France, cette proposition de loi vise à créer un médiateur des enfants.
Calquée sur le modèle du médiateur de la République, cette institution aura pour mission de défendre et de faire prospérer les droits de l'enfant, en particulier à l'égard des administrations.
Mes collègues du groupe communiste républicain et citoyen et moi-même, nous approuvons sans réserve une telle démarche, qui va dans le sens des évolutions contemporaines en faveur des droits des enfants. Ces évolutions délaissent, fort heureusement, de plus en plus l'image de l'enfant « objet de droits » au profit d'une appréhension plus positive et plus dynamique de l'enfant a « sujet de droits ».
L'enfant est aujourd'hui à la fois un « sujet de protection », pour reprendre le terme de la sociologue Irène Théry, mais aussi un « citoyen en devenir » auquel il convient de donner les moyens d'être acteur de son autonomisation.
Cette double perception de l'enfant trouve son expression dans les modifications législatives de la dernière décennie. Ces nouvelles dispositions ont en effet progressivement consacré la possibilité pour l'enfant de faire entendre sa voix dans les procédures le concernant, qu'il s'agisse de l'autorité parentale, avec la loi de juillet 1987, du placement en détention provisoire, avec les lois de juillet 1987 et de 1989, ou de l'enregistrement télévisuel du témoignage d'un enfant abusé sexuellement, avec la loi de juin 1998. Nous espérons que cette évolution se poursuivra.
Le rapport de Mme Dekeuwer-Defossez sur la rénovation du droit de la famille ouvre sur ce point de nouvelles perspectives, en suggérant notamment que l'enfant soit, par principe, entendu dans les procédures de divorce. Nous espérons que la prochaine refonte du droit de la famille amplifiera ce mouvement et consacrera une meilleure prise en compte des intérêts de l'enfant.
La Convention internationale des droits de l'enfant, signée à New York le 20 novembre 1989, a manqué de façon forte le début de la prise en compte législative de cette nouvelle perception de l'« enfant citoyen ».
A l'occasion du dixième anniversaire de cette convention, nous pouvons revenir sur les objectifs annoncés, mais aussi sur les efforts qui restent encore à faire pour les atteindre. En effet, la conquête des droits de l'enfant, y compris en France, est loin d'être achevée.
Nous pouvons ainsi constater que les réalités de la vie ne correspondent pas toujours aux droits proclamés. On peut bien entendu citer la maltraitance dont souffrent des milliers d'enfants et le triste record que détient la France pour les suicides des jeunes. Mais force est également de constater que l'égalité des chances devant le système éducatif reste fréquemment théorique, qu'un tiers des enfants ne part jamais en vacances et que tous n'ont pas un accès satisfaisant aux services de soins.
La misère économique, on le sait, laisse de nombreux enfants à la lisière de la société et de l'accès aux droits. S'agissant plus précisément de la médecine scolaire, comme vous le savez peut-être, les médecins scolaires sont aujourd'hui en grève pour réclamer des postes supplémentaires. Comment peut-on fêter en grande pompe la convention des droits de l'enfant et accepter parallèlement qu'il n'y ait seulement qu'un médecin scolaire pour 7 000 élèves ?
Par ailleurs, il convient de noter que la proposition de créer une institution indépendante chargée des droits de l'enfant a la faveur d'une large majorité des Français. Ainsi, selon un sondage UNICEF- Le Monde , publié ce week-end, que vous avez cité, madame la ministre, 91 % des adultes sont favorables à la création d'une telle institution qui serait susceptible de suggérer des modifications législatives en faveur des jeunes.
Deux questions se posent cependant quant à la création d'un médiateur des enfants.
En premier lieu, on peut se demander en quoi la médiation institutionnelle peut contribuer à concrétiser et pérenniser les principes énoncés dans la convention internationale des droits de l'enfant.
Ce mode alternatif de règlement des conflits n'est certes pas familier à notre tradition juridique. Néanmoins, la France s'y est ralliée de bon coeur, d'abord dans les relations entre l'administration et les administrés et, plus récemment, dans le domaine pénal ou social.
Dans le domaine des droits de l'enfant, il me semble que la médiation a un rôle particulier à jouer.
D'abord, au regard de son objet même, « mettre d'accord, concilier, voire réconcilier des personnes », la médiation contribue à « pacifier » les relations sociales. Cette dimension nous apparaît essentielle, comme le soulignait mon collègue M. Bernard Birsinger à l'Assemblée nationale. Les enfants pourront ainsi faire « l'apprentissage d'une dimension importante de la citoyenneté, le refus de l'arbitraire, le refus d'une violence faite par la collectivité à un individu ou un groupe d'individus » par des voies autres que conflictuelles.
Ensuite, le médiateur peut être un bon vecteur de changement des mentalités. L'une des missions qui lui incombera sera en effet d'assurer la promotion des droits de l'enfant et d'organiser des actions d'information.
Ce n'est d'ailleurs pas par hasard que certains pays européens se sont déjà dotés de cette institution afin d'assurer une meilleure défense des droits de l'enfant.
Dans cet esprit, nous étions invités par le Conseil de l'Europe à adopter une telle démarche. La résolution n° 1121 en date du 1er février 1990 incitait en effet les Etats membres à « nommer un médiateur spécial pour les enfants, qui pourrait les informer de leurs droits, les conseiller, intervenir et éventuellement ester en justice des poursuites en leur nom ». La proposition de créer une institution chargée spécifiquement des droits de l'enfant semblait ainsi recueillir la plus grande unanimité.
Pourtant, dès lors qu'il s'est agi de la « mettre en musique », des divergences profondes sont apparues, de même que des interrogations sur l'opportunité de mettre en place une médiation spécifique aux enfants.
En fin de compte, deux conceptions radicalement différentes dans leur principe et leurs conclusions s'affrontent. Elles ne sont que la reprise d'un débat de fond qui s'était déjà exprimé lors de la signature de la convention, en 1989.
Pour les uns, la question des droits de l'enfant ne doit pas être séparée « du tout » que constitue celle des droits de l'homme. Les droits des enfants ne sont qu'un des aspects des droits de l'homme et ils ne doivent pas faire l'objet d'un traitement spécifique.
Telle est la position de la commission des lois du Sénat, qui se réclame de la commission consultative des droits de l'homme. Tout en affichant une adhésion au principe du médiateur des enfants, la commission nous propose... de ne pas en créer ! L'institution qu'elle vise n'aurait de médiateur des enfants que le nom, puisque, organiquement rattachée au médiateur de la République, elle n'aurait pas d'autonomie propre.
Pour les autres, dont nous sommes, la question des droits de l'enfant relève d'une problématique spécifique. Il convient, pour l'appréhender, de mettre en place une institution spécialement et exclusivement chargée de cette question, un véritable « porte-parole » des enfants dans lequel ils sont susceptibles de se reconnaître.
C'est à cette condition, croyons-nous, qu'ils pourront se sentir réellement « citoyens » en devenir, car écoutés et relayés. Cette dimension essentielle serait opportunément renforcée par une ouverture de la saisine aux associations créées par et pour les enfants. Nous pensons en particulier aux associations de lycéens et de collégiens. Nous avons d'ailleurs déposé des amendements en ce sens.
Cette approche nous semble confortée par le sondage publié dans Le Monde qui nous montre combien les enfants ont une approche spécifique de leurs droits, différente, en décalage avec celle de leurs parents.
Reste à demander si, comme l'ont soutenu certains, le « défenseur des enfants » - M. le président Fabius nous suggère de le nommer ainsi pour éviter toute confusion - ne risque pas d'entrer en concurrence avec le médiateur de la République.
D'une part, médiateur des enfants et médiateur de la République opéreront dans des champs d'actions différents : les enfants pour l'un, les adultes pour l'autre ! D'autre part, des passerelles, des modes d'information réciproques ont été prévus pour prévenir des saisines concurrentes. Les médiateurs se communiqueront les réclamations qui entreraient dans le domaine de l'autre. De plus, le médiateur des enfants informera le médiateur de la République des dysfonctions constatées.
Les deux médiateurs ont donc vocation à être complémentaires et non concurrents !
En proposant de rattacher le médiateur des enfants au médiateur de la République, la commission des lois dénature complètement l'esprit du texte. Sous prétexte de « faciliter et hâter sa création », elle nous propose en réalité de la brader. Vous comprendrez, au vu de ces observations, que les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen se prononceront contre les propositions de la commission. Nous choisissons au contraire de soutenir le texte qui nous est transmis par l'Assemblée nationale.
Je souhaiterais enfin exprimer le voeu que le médiateur des enfants contribue effectivement à une meilleure application de la convention de New York. Cela a été rendu possible grâce à une proposition de M. Bernard Birsinger à l'Assemblée nationale, par une référence directe à ce texte majeur.
La jurisprudence de la Cour de cassation, qui refuse, sans distinction aucune, le caractère auto-exécutoire des dispositions de cette convention, est tout à fait dommageable à l'extension des droits des enfants.
Mme Claire Brisset, membre de l'UNICEF, nous expliquait pourtant, il y a un an, que, grâce à la convention de New York, les enfants sortaient enfin du ghetto où les avaient confinés des siècles de « minorité ». Nous sommes certainement nombreux à partager ce point de vue.
Avec cette proposition de loi relative au médiateur des enfants, nous avons aujourd'hui, mes chers collègues, la responsabilité de mettre en place un dispositif qui y contribuera, à condition de ne pas le dénaturer comme le propose la commission des lois. C'est en tout cas ce que nos concitoyens attendent. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen, sur les travées socialistes, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale commune ? ...
La discussion générale commune est close.

PROPOSITION DE LOI

M. le président. Nous passons à la discussion des articles de la proposition de loi instituant un médiateur des enfants.

Article 1er



M. le président.
« Art. 1er. - Il est institué un médiateur des enfants, autorité indépendante.
« Celui-ci reçoit les réclamations individuelles d'enfants mineurs ou de leurs représentants légaux qui estiment que les administrations de l'Etat, les collectivités publiques territoriales ou tout autre organisme investi d'une mission de service public n'ont pas respecté les droits de l'enfant consacrés par la loi ou par un engagement international régulièrement ratifié ou approuvé, ayant un effet direct.
« Il reçoit en outre, selon les mêmes modalités, toute réclamation individuelle concernant un organisme visé à l'alinéa précédent avec lequel l'enfant est en rapport et qui n'a pas fonctionné conformément à la mission de service public qu'il doit assurer.
« Lorsqu'il a été saisi par l'enfant mineur lui-même, il peut, s'il le juge utile, en informer son représentant légal.
« Le médiateur des enfants est en droit de s'autosaisir sur des sujets qui lui apparaîtraient comme des atteintes aux droits des enfants tels que définis par les lois de la République et les engagements internationaux de la France comme la Convention des Nations unies relative aux droits de l'enfant du 20 novembre 1989. »
Sur cet article, je suis saisi de cinq amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Par amendement n° 1, M. Bonnet, au nom de la commission des lois, propose de rédiger comme suit cet article :
« Il est inséré, après l'article 15 de la loi n° 73-6 du 3 janvier 1973 instituant un médiateur de la République, un article 16 ainsi rédigé :
« Art. 16. - Un médiateur des enfants, placé auprès du médiateur de la République, reçoit les réclamations individuelles de mineurs intéressés ou de leurs représentants légaux qui estiment que les administrations de l'Etat, les collectivités publiques territoriales ou tout autre organisme investi d'une mission de service public n'ont pas respecté les droits de l'enfant reconnu par la loi ou par un engagement international régulièrement ratifié ou approuvé, ou n'ont pas fonctionné conformément à la mission de service public qu'ils doivent assurer. »
Par amendement n° 19, Mme Derycke et les membres du groupe socialiste et apparentés proposent de rédiger comme suit le premier alinéa de cet article :
« Le médiateur des enfants, autorité indépendante, est chargé de défendre et de promouvoir les droits de l'enfant, consacrés par la loi ou par un engagement international régulièrement ratifié ou approuvé. »
Par amendement n° 20, Mme Derycke et les membres du groupe socialiste et apparentés proposent de remplacer les deuxième et troisième alinéas de l'article 1er par trois alinéas ainsi rédigés :
« Le médiateur des enfants reçoit les réclamations individuelles d'enfants mineurs ou de leurs représentants légaux qui estiment qu'une personne publique ou privée n'a pas respecté les droits de l'enfant défini à l'alinéa précédent.
« Lorsqu'une réclamation mettant en cause une personne physique ou une personne morale de droit privé non visée à l'alinéa précédent lui paraît justifiée, le médiateur des enfants fait toutes les recommandations qui lui paraissent de nature à régler les difficultés dont il est saisi et recommande à la personne concernée toute solution permettant de régler en droit ou en équité la situation de l'enfant mineur intéressé par la réclamation.
« Lorsqu'il apparaît au médiateur des enfants que les conditions de fonctionnement de la personne morale de droit privé concernée par la réclamation portent atteinte aux droits de l'enfant, il peut proposer toutes mesures qu'il estime de nature à remédier à la situation. »
Par amendement n° 16, M. Bret et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent, dans le deuxième alinéa de l'article 1er, après les mots : « réclamations individuelles », d'insérer les mots : « et collectives ».
Par amendement n° 17, M. Bret et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent de compléter in fine l'article 1er par un alinéa ainsi rédigé :
« Les réclamations peuvent être présentées au médiateur des enfants par des associations défendant les droits de l'enfant. »
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 1.
M. Christian Bonnet, rapporteur. A l'article 1er, et cela ne saurait être une surprise même pour ceux qui n'appartiennent pas à la commission des lois mais qui ont participé à ce débat, la commission propose d'insérer, après l'article 15 de la loi du 3 janvier 1973 instituant un médiateur de la République, un article 16 dont le début est ainsi libellé : « Un médiateur des enfants, placé auprès du médiateur de la République, reçoit les réclamations individuelles de mineurs intéressés... ».
La commission a beaucoup tenu, comme je l'ai souligné lors de la discussion générale, à cette référence aux « mineurs intéressés ».
Par ailleurs, comme je l'ai exposé dans mon rapport, elle considère que le médiateur des enfants a un champ de compétences très semblable à celui du médiateur de la République et que faire de ces deux médiateurs deux autorités indépendantes distinctes ne peut que susciter des difficultés d'application, les demandeurs ne sachant à quel médiateur s'adresser.
Le médiateur des enfants bénéficierait ainsi de l'autorité qui est aujourd'hui reconnue par tous au médiateur de la République, des services compétents déjà en place et de moyens de fonctionnement lui permettant de remplir sa mission. Si ces dispositions étaient adoptées, la proposition serait appliquée avec plus de célérité et l'unité de la médiation institutionnelle serait confortée.
Incidemment, je rappelle en outre que la mention de « tout autre organisme investi d'une mission de service public » inclut les personnes morales de droit privé.
M. le président. La parole est à Mme Derycke, pour présenter les amendements n°s 19 et 20.
Mme Dinah Derycke. Ces deux amendements sont dans la logique de l'exposé que j'ai fait lors de la discussion générale.
L'amendement n° 19 tend à donner une définition générale de la mission du médiateur des enfants.
Les droits des enfants consacrés par des stipulations conventionnelles dépourvues d'effet direct ne sont pas pour autant privés de toute portée normative et doivent pouvoir être invoqués par les personnes concernées.
L'affirmation de deux autorités indépendantes relève, pour nous, de la symbolique et permet une identification plus visible du « médiateur des enfants » ou, comme vous l'avez dit, monsieur Pelletier, du « défenseur des enfants », et une appropriation plus facile par les enfants.
L'amendement n° 20 vise à élargir la mission du médiateur des enfants à la sphère privée. Je n'y reviendrai pas, m'étant déjà expliquée sur ce point lors de la discussion générale. Nous pensons effectivement que la sphère publique ne suffira pas, les problèmes des enfants procédant essentiellement de la sphère privée.
M. le président. La parole est à Mme Térrade, pour présenter les amendements n°s 16 et 17.
Mme Odette Terrade. Ces amendements reprennent les propositions qu'avait faites, à l'Assemblée nationale, Bernard Birsinger lors de l'examen de cette proposition de loi.
Ils visent, pour l'amendement n° 16, à élargir le droit de saisine du médiateur par les enfants à des réclamations collectives et, pour l'amendement n° 17, à faire reconnaître un droit de saisine par des associations de défense des droits de l'enfant.
Il ne s'agit nullement de remettre en cause le principe de la saisine personnelle du médiateur par le mineur, qui nous semble, bien au contraire, tout à fait fondamentale.
Nous considérons néanmoins que celle-ci n'est pas forcément exclusive d'une saisine de type collectif, notamment celles qui sont portées par des associations créées par et pour les enfants.
On lui a opposé la « logique » du système : la saisine collective, a-t-on dit, irait à l'encontre de la responsabilisation de l'enfant voulue par la proposition de loi qui a insisté particulièrement sur l'aspect « personnel » de la réclamation. Bien contraire ! suis-je tentée de dire.
En effet, l'apprentissage de la citoyenneté passe également par l'action collective. Toute plaide dans ce sens : tant la convention de New York elle-même, qui consacre dans son article 15 la liberté d'association, que notre droit civil, qui reconnaît en effet la possibilité pour un mineur d'être membre d'une association, d'en être élu au conseil d'administration, voire, la jurisprudence n'est pas bien établie sur ce point, d'y assumer des fonctions de direction.
C'est ainsi que le droit d'association apparaît comme un élément fondamental de la « pré-majorité » de l'enfant. Si l'on souhaite appréhender l'enfant mineur comme « un citoyen en devenir », il faut réserver une place particulière à la participation associative : elle est en effet un élément déterminant de la participation aux affaires de la cité.
La refuser reviendrait au contraire à décourager, sinon à nier, l'action fondamentale menée par les associations de lycéens ou de collégiens pour faire entendre leur voix.
Il nous semble, de surcroît, que l'ouverture de la saisine aux associations va dans le sens des objectifs de la proposition de loi, à savoir promouvoir et défendre les droits des enfants.
Les députés ont d'ailleurs admis que si les enfants devaient être les principaux acteurs de leurs droit, on pouvait néanmoins admettre qu'ils n'en soient pas les seuls : c'est sur ce fondement qu'ils ont admis la possibilité d'auto-saisine du médiateur.
L'ouverture de la saisine aux associations de défense des droits de l'enfant est surtout, pensons-nous, de nature à créer des relais fondamentaux entre le terrain et l'institutionnel ; elle pourrait en effet jouer un double rôle : un rôle « d'alerte » du médiateur par les associations, un retour d'information sur le terrain susceptible d'assurer une meilleure lecture, sinon une meilleure application des nouveaux droits reconnus aux enfants.
En fin de compte, il nous a semblé que le refus d'une saisine collective n'était pas insurmontable dans la mesure où il résidait moins dans une opposition de principe que dans la crainte que le médiateur ne soit débordé par des saisines dénuées de fondement.
Nous espérons vous avoir convaincus que le risque était moindre par rapport à l'intérêt qu'une telle ouverture pourrait présenter.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s 19, 20, 16 et 17 ?
M. Christian Bonnet, rapporteur. L'amendement n° 19 est pour partie satisfait dans la mesure où les droits de l'enfant peuvent être reconnus par des dispositions internationales dépourvues d'effet direct, mais il est contraire à la position de la commission s'agissant de l'indépendance de l'autorité qu'est le médiateur des enfants. La commission est également défavorable à l'amendement n° 20. La médiation concernant les litiges d'ordre privé existe déjà à travers notamment toute une gamme de médiations civiles et pénales. Ces questions doivent, semble-t-il, être réglées au plus près de ce qu'il est convenu d'appeler « le terrain » et non pas par une autorité nationale. En outre, cette proposition de Mme Derycke a été écartée dans le rapport de Mme Ledoux et aucun amendement en ce sens n'a été repris en séance publique à l'Assemblée nationale.
La commission est également défavorable à l'amendement n° 16 dans la mesure où il est contraire à la position qu'elle a adoptée et selon laquelle la médiation est demandée par un mineur qui est « intéressé », c'est-à-dire qu'il doit exister un intérêt direct pour lui ou son représentant légal. Il s'agit au demeurant d'une disposition qui a été repoussée à l'Assemblée nationale par la commission et par le Gouvernement.
La commission est défavorable à l'amendement n° 17, qui est également contraire à la position de la commission, selon laquelle la médiation est demandée par un mineur intéressé, ayant directement intérêt à la chose.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s 1, 19, 20, 16 et 17 ?
Mme Ségolène Royal, ministre délégué. Le Gouvernement ne peut pas être favorable à l'amendement n° 1, parce qu'il revient à supprimer le caractère indépendant du médiateur des enfants. Toutefois, connaissant le sérieux du travail de cette commission et de son rapporteur, j'ai étudié de très près quels arguments juridiques qui pouvaient me permettre, à mon tour, de convaincre à la fois la commission et son rapporteur.
En réalité, il n'y a pas de concurrence entre les deux institutions. En effet, elles ne s'adressent pas au même public, elles n'ont pas le même mode de saisine et elles n'ont pas non plus les mêmes critères de compétence.
Tout d'abord, les enfants ne peuvent s'adresser qu'à un médiateur des enfants car, pour la saisine du médiateur de la République, il est prévu des formalités administratives préalables que ne peut accomplir un mineur dépourvu de capacité juridique.
Ensuite, le mode de saisine est radicalement différent. Dans le cadre du médiateur des enfants, il n'existe pas de filtre parlementaire ; la saisine est directe.
De plus, le critère de compétence du médiateur des enfants est le non-respect éventuel des droits de l'enfant. Il s'agit d'une spécificité propre au médiateur des enfants, puisque le médiateur de la République n'agit qu'en cas de dysfonctionnement du service public. En outre, il est prévu à l'alinéa 5 du texte voté par l'Assemblée nationale que le médiateur des enfants peut s'autosaisir en cas d'atteinte aux droits des enfants ; cette possibilité n'est pas ouverte au médiateur de la République.
Enfin, si l'on veut inciter les enfants à prendre des initiatives pour faire respecter leurs droits, il est, me semble-t-il, nécessaire que le médiateur des enfants soit une institution à part, autonome, afin qu'elle soit facilement identifiable et accessible.
S'agissant de l'argument, auquel je suis très sensible, relatif à l'efficacité du dispositif, et tendant à faire en sorte que les deux institutions cohabitent sous le même toit et partagent les mêmes services, cela ne doit pas aller jusqu'à supprimer l'entière autonomie de cette institution. On pourrait très bien prévoir en effet, dans un texte d'application, que les deux médiateurs s'installent dans les mêmes locaux et disposent des mêmes services, ce qui permettrait de coordonner leurs actions.
Le Gouvernement est favorable aux amendements n°s 19, 20, 16 et 17, qui sont cohérents avec le texte issu des travaux de l'Assemblée nationale.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 1.
M. Jacques Pelletier. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Pelletier.
M. Jacques Pelletier. Ainsi que je l'ai dit tout à l'heure, je ne pourrai pas voter cet amendement, non pas parce qu'il rattache le médiateur des enfants au médiateur de la République, mais parce que le rattachement restreint les compétences du médiateur des enfants à la sphère publique alors que, je le répète, le besoin de médiation est plus grand encore dans la sphère privée. Cet amendement ne permettrait donc pas de répondre aux besoins.
Notre collègue Gélard nous annonce une multiplication des médiateurs. Oui, je le crois.
Prenons l'exemple de la Suède, pays où le premier ombudsman a été créé en 1806 ; les Suédois ont une certaine pratique en la matière ! Il existe un médiateur pour les militaires, un pour les enfants, et d'autre encore. J'ai étudié la question d'assez près et je peux vous dire que cela fonctionne bien.
Peut-être un jour arriverons-nous à ce stade-là ; mais on n'y est pas encore, étant donné que, pour l'instant, il ne s'agit que du médiateur des enfants.
Mme Odette Terrade. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à Mme Terrade.
Mme Odette Terrade. Notre volonté d'appréhender de la façon la plus large possible l'action du médiateur des enfants nous conduira à approuver les amendements déposés par le groupe socialiste, à savoir l'amendement n° 19, qui ouvre plus largement l'invocation des dispositions internationales en ne les limitant pas à celles qui ont un effet direct, et l'amendement n° 20, qui élargit le champ d'intervention du médiateur des enfants à la sphère privée.
A l'inverse, vous le comprendrez, les sénateurs communistes sont évidemment hostiles aux modifications proposées par la commission des lois, qui restreignent considérablement, sinon annihilent, tout l'intérêt de la proposition de loi, et voteront donc contre l'amendement n° 1.
Mme Dinah Derycke. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à Mme Derycke.
Mme Dinah Derycke. A l'instar de Mme Odette Terrade, je n'accepterai pas l'amendement n° 1 proposé par M. Christian Bonnet, au nom de la commission. Vous connaissez notre position sur ce point.
En revanche, le groupe socialiste votera les amendements n°s 16 et 17 proposés par le groupe communiste.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ? ...
Je mets aux voix l'amendement n° 1, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'article 1er est ainsi rédigé et les amendements n°s 19, 20, 16 et 17 n'ont plus d'objet.

Article 2



M. le président.
« Art. 2. - Le médiateur des enfants est nommé pour six ans par décret en Conseil des ministres. Il ne peut être mis fin à ses fonctions avant l'expiration de ce délai qu'en cas d'empêchement constaté dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. Son mandat n'est pas renouvelable. »
Par amendement n° 2, M. Christian Bonnet, au nom de la commission, propose de rédiger, comme suit le début de cet article :
« Après l'article 16 de la loi n° 73-6 du 3 janvier 1973 précitée, il est inséré un article 17 ainsi rédigé :
« Art. 17. - Après avis du médiateur de la République, le médiateur des enfants est nommé... ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Christian Bonnet, rapporteur. Cet amendement, qui découle quelque peu de l'amendement n° 1, prévoit que le médiateur des enfants est « nommé » en conseil des ministres - nomination solennelle donc - mais après avis du médiateur de la République.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Ségolène Royal, ministre délégué. Le Gouvernement est défavorable à cet amendement pour les mêmes raisons que précédemment, et parce que l'autonomie du médiateur des enfants me paraît très importante.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 2.
Mme Dinah Derycke. Je demande la parole contre l'amendement.
M. le président. La parole est à Mme Derycke.
Mme Dinah Derycke. Nous sommes évidemment contre cet amendement n° 2, puisque nous ne souhaitons effectivement pas que le médiateur des enfants soit placé auprès du médiateur de la République. Tout naturellement, nous ne souhaitons donc pas que ce dernier donne son avis sur la nomination du médiateur des enfants.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 2, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 2, ainsi modifié.

(L'article 2 est adopté.)

Article 3



M. le président.
« Art. 3. - Lorsqu'une réclamation lui paraît justifiée, le médiateur des enfants fait toutes les recommandations qui lui paraissent de nature à régler les difficultés dont il est saisi et recommande à l'organisme mis en cause toute solution permettant de régler en droit ou en équité la situation de l'enfant mineur, auteur de la réclamation.
« Lorsqu'il apparaît au médiateur des enfants qu'un organisme mentionné à l'article 1er de la présente loi n'a pas respecté les droits de l'enfant mineur, il peut proposer à l'autorité compétente toutes mesures qu'il estime de nature à remédier à cette situation.
« Il peut porter à la connaissance de l'autorité judiciaire les affaires susceptibles de donner lieu à une mesure d'assistance éducative telle que prévue par l'article 375 du code civil ou toutes informations qu'il aurait recueillies à l'occasion de sa saisine par un mineur impliqué dans une procédure en cours.
« Lorsqu'il lui apparaît que l'application des dispositions législatives ou réglementaires relatives aux droits des enfants aboutit à des situations inéquitables, il peut proposer les modifications qui lui paraissent opportunes. »
Par amendement n° 3, M. Bonnet, au nom de la commission, propose de rédiger comme suit le début de cet article :
« Après l'article 17 de la loi n° 73-6 du 3 janvier 1973 précitée, il est inséré un article 18 ainsi rédigé :
« Art. 18. - Lorsqu'une réclamation... ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Christian Bonnet, rapporteur. Il s'agit d'un amendement de coordination tendant à une simple insertion dans la loi de référence de 1973.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Ségolène Royal, ministre délégué. Défavorable par coordination.
M. le président. Personne ne demande la parole ? ...
Je mets aux voix l'amendement n° 3, repoussé par le Gouvernement
Mme Dinah Derycke. Le groupe socialiste vote contre.
Mme Odette Terrade. Le groupe communiste républicain et citoyen également.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Par amendement n° 4, M. Bonnet, au nom de la commission, propose à la fin du premier alinéa de l'article 3, de remplacer les mots : « de l'enfant mineur, auteur de la réclamation » par les mots : « du mineur concerné par la réclamation ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Christian Bonnet, rapporteur. Cet amendement de caractère rédactionnel s'explique par le fait que le mineur peut être représenté par ses représentants légaux.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Ségolène Royal, ministre délégué. Avis favorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ? ...
Je mets aux voix l'amendement n° 4, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Par amendement n° 5, M. Bonnet, au nom de la commission, propose de rédiger comme suit le deuxième alinéa de l'article 3 :
« Lorsqu'il apparaît au médiateur des enfants qu'un organisme mentionné à l'article 15 de la présente loi n'a pas respecté les droits de l'enfant, il peut proposer à l'autorité compétente toutes mesures qu'il estime de nature à remédier à cette situation. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Christian Bonnet, rapporteur. Il s'agit d'un amendement de coordination pour tenir compte de l'insertion dans la loi de référence.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Ségolène Royal, ministre délégué. Avis défavorable, par coordination.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 5, repoussé par le Gouvernement.
Mme Dinah Derycke. Le groupe socialiste vote contre.
Mme Odette Terrade. Le groupe communiste républicain et citoyen également.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Par amendement n° 6, M. Bonnet, au nom de la commission, propose de supprimer le troisième alinéa de l'article 3.
Par amendement n° 21, Mme Derycke et les membres du groupe socialiste et apparentés proposent, au début de l'avant-dernier alinéa de l'article 3, de remplacer les mots : « Il peut porter » par les mots : « Il porte ».
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 6.
M. Christian Bonnet, rapporteur. L'amendement n° 6 est un amendement purement formel.
Il a paru plus logique à la commission de transférer les dispositions du troisième alinéa de l'article 3, qui ne présentent pas de lien direct avec les autres alinéas de cet article, dans un article additionnel après l'article 3. Nous allons donc les retrouver.
M. le président. La parole est à Mme Derycke, pour présenter l'amendement n° 21.
Mme Dinah Derycke. Le texte qui nous a été transmis par l'Assemblée nationale donne au médiateur des enfants la possibilité de porter à la connaissance de l'autorité judiciaire les affaires susceptibles de donner lieu à une mesure d'assistance éducative telle qu'elle est prévue à l'article 375 du code civil, ou des informations qu'il aurait recueillies à l'occasion de sa saisine par un mineur impliqué dans une procédure en cours.
Dans la mesure où il s'agit de situations où l'enfant est en danger, nous proposons de transformer cette possibilité de saisir l'autorité judiciaire en une obligation. En effet, aux termes de l'article 40 du code de procédure pénale, toute autorité constituée est déjà tenue d'aviser sans délai le procureur de la République lorsqu'elle a connaissance d'un crime ou d'un délit. Par ailleurs, le président du conseil général, en application de l'article 69 du code de la famille et de l'aide sociale, doit aviser le juge des cas de mauvais traitements à des enfants dont il a connaissance.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 21 ?
M. Christian Bonnet, rapporteur. L'amendement n° 21 est satisfait par notre amendement n° 7, qui tend à introduire un article additionnel après l'article 3 et que j'ai déjà évoqué.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s 6 et 21 ?
Mme Ségolène Royal, ministre délégué. Le Gouvernement émet, par coordination, un avis défavorable sur l'amendement n° 6 et un avis favorable sur l'amendement n° 21.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 6, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'amendement n° 21 n'a plus d'objet.
Par amendement n° 22, Mme Derycke et les membres du groupe socialiste et apparentés proposent, après l'avant-dernier alinéa de l'article 3, d'insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Le médiateur des enfants informe le président du conseil général compétent des affaires susceptibles de justifier une intervention du service d'aide sociale. »
La parole est à Mme Derycke.
Mme Dinah Derycke. Cet amendement prévoit que le médiateur des enfants devra également saisir le président du conseil général des affaires susceptibles de justifier une intervention de l'aide sociale à l'enfance.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Christian Bonnet, rapporteur. Je souhaite que Mme Derycke veuille bien retirer cet amendement pour le transformer en sous-amendement à l'amendement n° 7 de la commission.
M. le président. Madame Derycke, accédez-vous à la demande de M. le rapporteur ?
Mme Dinah Derycke. Pour l'heure, monsieur le président, je préfère maintenir mon amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Ségolène Royal, ministre délégué. Favorable.
M. le président. Monsieur le rapporteur, dans la mesure où l'amendement est maintenu, j'en conclus que vous émettez un avis défavorable ? ...
M. Christian Bonnet, rapporteur. Oui, monsieur le président.
De toute façon, Mme Derycke conserve la faculté de déposer un sous-amendement à l'amendement n° 7, qui recueillera alors un avis favorable de la commission.
M. le président. Personne ne demande le parole ? ...
Je mets aux voix l'amendement n° 22, repoussé par la commission et accepté par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Par amendement n° 23, Mme Derycke et les membres du groupe socialiste et apparentés proposent, dans le dernier alinéa de l'article 3, après les mots : « législatives ou réglementaires », de remplacer les mots : « relatives aux droits des enfants » par les mots : « porte atteinte aux droits de l'enfant définis à l'article 1er et ».
La parole est à Mme Derycke.
Mme Dinah Derycke. Cet amendement complète le pouvoir de proposition de réforme du médiateur des enfants en l'autorisant à suggérer des mesures nouvelles, et non plus seulement correctrices, pour que soient mieux respectés les droits de l'enfant, cette faculté lui permettant de jouer le rôle d'impulsion dans la transcription en droit interne de la convention de New York.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Christian Bonnet, rapporteur. Cet amendement est contraire à la position de la commission, qui a en outre estimé qu'une telle disposition viendrait encore, si j'ose dire, « rogner » les pouvoirs du Parlement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Ségolène Royal, ministre délégué. Favorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 23, repoussé par la commission et accepté par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Par amendement n° 24, Mme Derycke et les membres du groupe socialiste et apparentés proposent de compléter l'article 3 par un alinéa ainsi rédigé :
« Il peut également suggérer toute modification de textes législatifs ou réglementaires visant à garantir un meilleur respect des droits de l'enfant, notamment en transposant dans le droit interne les stipulation des engagements internationaux visés à l'article 1er qui sont dépourvues d'effet direct. »
La parole est à Mme Derycke.
Mme Dinah Derycke. Cet amendement tend à compléter le pouvoir de proposition de réforme du médiateur des enfants en l'autorisant à suggérer des mesures nouvelles et non plus seulement correctrices.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Christian Bonnet, rapporteur. Défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Ségolène Royal, ministre délégué. Le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 24, repoussé par la commission et pour lequel le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 3, modifié.

(L'article 3 est adopté.)

Articles additionnels après l'article 3



M. le président.
Par amendement n° 7, M. Bonnet, au nom de la commission, propose d'insérer, après l'article 3, un article additionnel ainsi rédigé :
« Après l'article 18 de la loi n° 73-6 du 3 janvier 1973 précitée, il est inséré un article 19 ainsi rédigé :
« Art. 19. - Le médiateur des enfants porte à la connaissance de l'autorité judiciaire les affaires susceptibles de donner lieu à une mesure d'assistance éducative telle que prévue par l'article 375 du code civil ou toutes informations qu'il aurait recueillies à l'occasion de sa saisine par un mineur impliqué dans une procédure en cours ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Christian Bonnet, rapporteur. Cet amendement de coordination reproduit le dispositif qui figurait au troisième alinéa de l'article 3, en le modifiant dans un sens qui va tout à fait satisfaire Mme Derycke puisqu'il transforme en obligation la faculté pour le médiateur des enfants de saisir l'autorité judiciaire lorsqu'un mineur est en danger. Cette obligation s'impose d'ailleurs déjà au président du conseil général, comme nombre d'entre nous le savent.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Ségolène Royal, ministre délégué. Cette obligation s'impose non seulement au président du conseil général mais à toute personne qui a connaissance d'un danger pour un enfant.
Par ailleurs, l'article 40 du code de procédure pénale fait obligation à toute autorité constituée d'informer le procureur de la République de tout crime ou délit et de lui adresser tous les renseignements utiles y afférents.
Nous avons beaucoup oeuvré, au sein de l'éducation nationale, pour que les parquets soient systématiquement saisis des signalements.
M. Christian Bonnet, rapporteur. Hommage vous en soit rendu !
Mme Ségolène Royal, ministre délégué. Le Gouvernement est donc favorable à cet amendement.
Mme Dinah Derycke. Je demande la parole.
M. le président. La parole est Mme Derycke.
Mme Dinah Derycke. Monsieur le président, je dépose un sous-amendement à l'amendement n° 7, de manière à y ajouter le texte de mon amendement n° 22.
M. le président. Je suis donc saisi d'un sous-amendement n° 29, tendant à compléter le texte proposé par l'amendement n° 7 pour l'article 19 de la loi n° 73-6 du 3 janvier 1973 par un alinéa ainsi rédigé :
« Le médiateur des enfants informe le président du conseil général compétent des affaires susceptibles de justifier une intervention du service d'aide sociale. »
Quel est l'avis de la commission sur ce sous-amendement ?
M. Christian Bonnet, rapporteur. Favorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Ségolène Royal, ministre délégué. Favorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix le sous-amendement n° 29, accepté par la commission et par le Gouvernement.

(Le sous-amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix, ainsi modifié, l'amendement n° 7, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l'article 3.
Par amendement n° 25, Mme Derycke et les membres du groupe socialiste et apparentés proposent d'insérer, après l'article 3, un article additionnel ainsi rédigé :
« Les organes dirigeants des personnes morales de droit privé faisant l'objet d'une réclamation adressée au médiateur des enfants sont tenus d'autoriser les personnels placés sous leur autorité à répondre à ses questions et éventuellement à ses convocations. »
La parole est à Mme Derycke.
Mme Dinah Derycke. Nous reprenons, par cet amendement, les dispositions figurant à l'article 12 de la proposition de loi telle qu'elle nous a été transmise par l'Assemblée nationale, sous réserve des adaptations rendues nécessaires par l'élargissement de la mission du médiateur des enfants vis-à-vis des personnes physiques et des personne morales de droit privé.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Christian Bonnet, rapporteur. La commission est défavorable à cette disposition qui est contraire et à sa position et à l'objectif des auteurs de la proposition de loi, lesquels ont souhaité limiter l'intervention du médiateur des enfants au champ de la médiation institutionnelle.
J'ajoute que la formulation figurant à l'article 1er - « tout autre organisme investi d'une mission de service public » - inclut les personnes morales de droit privé.
M. Patrice Gélard. Tout à fait !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Ségolène Royal, ministre délégué. Le Gouvernement est favorable à cet amendement. Il convient en effet d'élargir le rôle du médiateur des enfants pour tenir compte de tous les types de violence que les enfants peuvent subir. Or les enfants, ne subissent pas des violences seulement dans les institutions publiques ou dans des institutions privées chargées d'une mission de service public.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 25.
Mme Dinah Derycke. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à Mme Derycke.
Mme Dinah Derycke. Je l'ai dit ce matin en commission des lois, une proposition de loi, cela « vit sa vie ». Voilà un an que celle-ci a été discutée à l'Assemblée nationale. Entre-temps, les uns et les autres, nous avons beaucoup réfléchi sur toutes ces questions. Dès lors, il me paraît normal que nous apportions aujourd'hui cette nouvelle pierre, qui, je l'espère, sera reprise par l'Assemblée nationale en deuxième lecture.
M. Christian Bonnet, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Christian Bonnet, rapporteur. Je tiens tout de même à le préciser : tout ce qui concerne les violences relève du pénal et non de la médiation, que diantre !
M. Patrice Gélard. Exactement !
M. Jacques Machet. Très bien !
M. le président. Personne ne demande plus la parole ? ...
Je mets aux voix l'amendement n° 25, repoussé par la commission et accepté par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Par amendement n° 26, Mme Derycke et les membres du groupe socialiste et apparentés propose d'insérer, après l'article 3, un article additionnel ainsi rédigé :
« Le médiateur des enfants peut demander aux organes dirigeants des personnes morales de droit privé visées à l'article précédent de lui donner communication de tout document ou dossier concernant l'affaire à propos de laquelle il fait son enquête. Le caractère secret des pièces dont il demande communication ne peut lui être opposé.
« En vue d'assurer le respect des oppositions relatives au secret professionnel, il veille à ce qu'aucune mention permettant l'identification des personnes dont le nom lui aurait été révélé ne soit faite dans les documents publiés sous son autorité. »
La parole est à Mme Derycke.
Mme Dinah Derycke. Cet amendement a pour objet de reprendre certaines dispositions figurant à l'article 12 de la proposition de loi telle qu'elle nous a été transmise par l'Assemblée nationale, sous réserve des adaptations rendues nécessaires par l'élargissement de la mission du médiateur des enfants vis-à-vis des personnes physiques et des personnes morales de droit privé.
Cet amendement s'inscrit dans la logique que j'ai défendue précédemment.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Christian Bonnet, rapporteur. Dans la même logique, avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Ségolène Royal, ministre délégué. Sagesse.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 26, repoussé par le commission et pour lequel le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Article 4



M. le président.
« Art. 4. - Le médiateur des enfants assure la promotion des droits de l'enfant et organise des actions d'information sur ces droits et leur respect effectif.
« Il présente, à l'occasion de la journée nationale des droits de l'enfant, au Président de la République et au Parlement un rapport annuel dans lequel il établit le bilan de son activité. »
Par amendement n° 8, M. Bonnet, au nom de la commission, propose de rédiger comme suit le début de cet article.
« Après l'article 19 de la loi n° 73-6 du 3 janvier 1973 précitée il est inséré un article 20 ainsi rédigé :
« Art. 20. - Le médiateur des enfants assure... »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Christian Bonnet, rapporteur. C'est un amendement de coordination.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Ségolène Royal, ministre délégué. Avis défavorable puisqu'il s'agit de la remise en cause de l'indépendance du médiateur des enfants.
M. le président. Personne ne demande la parole ? ...
Je mets aux voix l'amendement n° 8, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Viennent maintenant deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Par amendement n° 9, M. Bonnet, au nom de la commission, propose de supprimer le second alinéa de l'article 4.
Par amendement n° 27, Mme Derycke et les membres du groupe socialiste et apparentés proposent de compléter l'article 4 par un alinéa ainsi rédigé :
« Ce rapport est publié. »
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 9.
M. Christian Bonnet, rapporteur. Dans la mesure où la commission des lois a proposé que le médiateur des enfants soit placé auprès du médiateur de la République, ce que le Sénat a bien voulu accepter, il paraît logique que le bilan d'activité du médiateur des enfants s'inscrive dans le cadre du rapport annuel de ce médiateur de la République. C'est donc un amendement de cohérence.
M. le président. La parole est à Mme Derycke, pour défendre l'amendement n° 27.
Mme Dinah Derycke. Puisque nous souhaitons que le médiateur des enfants soit indépendant, nous proposons que le rapport qu'il présente chaque année, à l'occasion de la journée nationale des droits de l'enfant, au Président de la République et au Parlement soit publié.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 27 ?
M. Christian Bonnet, rapporteur. Défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s 9 et 27 ?
Mme Ségolène Royal, ministre délégué. Le Gouvernement est défavorable à l'amendement n° 9 et favorable à l'ammendement n° 27.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 9, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'amendement n° 27 n'a plus d'objet.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 4, modifié.

(L'article 4 est adopté.)

Articles additionnels après l'article 4



M. le président.
Par amendement n° 10, M. Bonnet, au nom de la commission, propose d'insérer, après l'article 4, un article additionnel ainsi rédigé :
« La première phrase de l'article 14 de la loi n° 73-6 du 3 janvier 1973 précitée est ainsi rédigée :
« Le médiateur de la République et le médiateur des enfants présentent au Président de la République et au Parlement un rapport annuel dans lequel ils établissent le bilan de leur activité. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Christian Bonnet, rapporteur. Cet amendement prévoit que les deux médiateurs, formant une institution unique, remettent un rapport commun.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Ségolène Royal, ministre délégué. Avis défavorable, pour les raisons déjà invoquées.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 10, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l'article 4.
Par amendement n° 28, Mme Derycke et les membres du groupe socialiste et apparentés proposent d'insérer, après l'article 4, un article additionnel ainsi rédigé :
« L'article 76 de la loi n° 93-121 du 27 janvier 1993 portant diverses mesures d'ordre social est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Les observations émises par le médiateur des enfants insiitué par la loi n° du sont jointes en annexe de ce rapport. »
La parole est à Mme Derycke.
Mme Dinah Derycke. Par cet amendement, nous proposons que le médiateur des enfants émette un avis sur le rapport annuel relatif à l'application de la convention de New York, que le Gouvernement doit présenter au Parlement avant le 20 novembre, journée internationale des droits de l'enfant.
Le médiateur des enfants pourra ainsi formuler en toute indépendance son appréciation sur la manière dont l'exécutif met en oeuvre le traité qui constitue le socle juridique de la protection des droits de l'enfant.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Christian Bonnet, rapporteur. De deux choses l'une : ou bien cet avis fait double emploi avec le rapport, ou bien on sous-entend que le rapport est incomplet.
En tout état de cause, je voudrais prendre la liberté d'interroger le Gouvernement sur le nombre de rapports qui ont été déposés depuis 1993. En effet, aux termes d'une loi de 1993, le Gouvernement doit présenter un rapport au Parlement avant le 20 novembre, journée internationale des droits de l'enfant. Or, à ma connaissance, depuis l'entrée en vigueur de cette loi, aucun rapport n'a été déposé.
M. Emmanuel Hamel. Aucun !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Ségolène Royal, ministre délégué. Compte tenu de l'information que m'apporte M. Bonnet, le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat. (Sourires.)
M. Emmanuel Hamel. Vous battez votre coulpe !
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 28, repoussé par la commission et pour lequel le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Article 5



M. le président.
« Art. 5. - Le médiateur des enfants transmet au médiateur de la République les réclamations relevant de la compétence de ce dernier.
« Il informe le médiateur de la République, tous les trimestres, des dysfonctionnements des organismes visés au deuxième alinéa de l'article 1er dont il a eu connaissance. »
Par amendement n° 11, M. Bonnet, au nom de la commission, propose de supprimer cet article.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Christian Bonnet, rapporteur. L'article 5, qui ne figurait pas dans la proposition de loi initiale, dispose que le médiateur des enfants transmet au médiateur de la République les réclamations relevant de sa compétence.
La commission des lois de l'Assemblée nationale a eu le souci louable de clarifier les relations entre les deux médiateurs, ceux-ci ayant un champ de compétences identique. Cependant, nous avons proposé que les deux médiateurs forment une institution unique. Dès lors, la pratique réglera avec la souplesse nécessaire la question de la répartition des tâches entre les deux médiateurs.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Ségolène Royal, ministre délégué. Défavorable, pour les raisons déjà invoquées.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 11, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'article 5 est supprimé.

Article 6



M. le président.
« Art. 6. - Il est inséré, après l'article 7 de la loi n° 73-6 du 3 janvier 1973 instituant un médiateur de la République, un article 7-1 ainsi rédigé :
« Art. 7-1 . - Le médiateur de la République transmet au médiateur des enfants, institué par la loi n° du , les réclamations relevant de la compétence de ce dernier. »
Par amendement n° 12, M. Bonnet, au nom de la commission, propose de supprimer cet article.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Christian Bonnet, rapporteur. Il s'agit d'un amendement de coordination. En l'occurrence, la réciprocité s'impose.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Ségolène Royal, ministre délégué. Défavorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 12, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'article 6 est supprimé.

Article 7



M. le président.
L'article 7 a été supprimé par l'Assemblée nationale mais, par amendement n° 18, M. Bret et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent de le rétablir dans la rédaction suivante :
« Le médiateur des enfants est assisté dans sa tâche par des délégués départementaux selon des modalités définies par décret. »
La parole est à Mme Terrade.
Mme Odette Terrade. Cet amendement vise à rétablir un article qui figurait initialement dans la proposition de loi déposée par MM. Fabius et Bret et que l'Assemblée nationale a malheureusement choisi de ne pas retenir.
Nous déplorons d'autant plus la suppression de cet article qu'il s'agissait de la seule disposition où était véritablement abordée la question des moyens du médiateur des enfants.
Il était en effet prévu que le médiateur serait assisté dans sa mission par des délégués répartis sur l'ensemble du territoire de la République sur une base départementale.
Les raisons que l'on a avancées pour justifier cette suppression sont pour le moins surprenantes : d'une part, il a été dit que l'article visait à instituer quatre-vingt-dix neuf médiateurs pour enfants ou à créer une instance « bureautique » ; d'autre part, on a estimé que ces dispositions avaient un caractère réglementaire.
Ce qui est pour le moins curieux, c'est que cette organisation n'est que la transposition de celle qui a été retenue pour le médiateur de la République : cette pratique devrait être consacrée et légalisée par la loi relative aux relations entre l'administration et les administrés.
Or nul ne s'est élevé pour opposer le caractère réglementaire de ces dispositions, qui ont fait l'objet d'un accord dans les deux assemblées. De même, on n'entend dire nulle part que la présence de délégués départementaux du médiateur de la République dénaturerait l'institution : pour tout le monde, il n'existe qu'un seul médiateur de la République, épaulé dans sa tâche par des relais locaux.
Ces relais nous semblent d'autant plus essentiels qu'ils rentrent dans la logique de la saisine directe par les enfants : elle va de pair avec les exigences de proximité qui sont induites par ce mode de saisine.
En conséquence, nous vous demandons de bien vouloir adopter cet amendement qui tend à rétablir l'article 7.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Christian Bonnet, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable sur cet amendement. Cette position rejoint celle qui a été exprimée, me semble-t-il, par le Gouvernement à l'Assemblée nationale.
J'ajoute que les délégués départementaux du médiateur de la République recevront bientôt le soutien des « délégués de l'Etat, mis en place au plus près de la population qui en a le plus besoin dans les quartiers de la politique de la ville », si j'en crois la déclaration de M. Bartolone, ministre délégué à la ville, faite à Givors le 5 novembre dernier, c'est-à-dire voilà quatre jours.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Ségolène Royal, ministre délégué. Le Gouvernement est défavorable à cet amendement. En effet, il faut laisser le soin, me semble-t-il, au médiateur des enfants de définir lui-même les modalités d'exercice de ses missions. De plus, la taille des départements est variée. Il faut donc laisser le médiateur des enfants gérer lui-même l'organisation du dispositif.
M. le président. L'amendement n° 18 est-il maintenu, madame Terrade ?
Mme Odette Terrade. Je le maintiens, monsieur le président, car les moyens du médiateur des enfants doivent être précisés.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 18, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. L'article 7 demeure supprimé.

Article 8



M. le président.
« Art. 8. - La réclamation individuelle adressée au Médiateur des enfants n'interrompt pas les délais de recours devant les juridictions compétentes. »
Par amendement n° 13, M. Bonnet, au nom de la commission, propose de rédiger comme suit le début de cet article :
« Après l'article 20 de la loi n° 73-6 du 3 janvier 1973 précitée, il est inséré un article 21 ainsi rédigé :
« Art. 21. - La réclamation individuelle... »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Christian Bonnet, rapporteur. Il s'agit d'un amendement de coordination.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Ségolène Royal, ministre délégué. Défavorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 13, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 8, ainsi modifié.

(L'article 8 est adopté.)

Articles 9 à 11



M. le président.
« Art. 9. - L'article L. 194-1 du code électoral est ainsi rédigé :
« Art. L. 194-1 . - Pendant la durée de leurs fonctions, le Médiateur de la République et le Médiateur des enfants ne peuvent être candidats à un mandat de conseiller général s'ils n'exerçaient le même mandat antérieurement à leur nomination. » - (Adopté.)
« Art. 10. - L'article L. 230-1 du code électoral est ainsi rédigé :
« Art. L. 230-1 . - Pendant la durée de leurs fonctions, le Médiateur de la République et le Médiateur des enfants ne peuvent être candidats à un mandat de conseiller municipal s'ils n'exerçaient le même mandat antérieurement à leur nomination. » - (Adopté.)
« Art. 11. - Le cinquième alinéa de l'article L. 340 du code électoral est ainsi rédigé :
« Pendant la durée de leurs fonctions, le médiateur de la République et le médiateur des enfants ne peuvent être candidats à un mandat de conseiller régional s'ils n'exerçaient le même mandat antérieurement à leur nomination. » - (Adopté.)

Article 12



M. le président.
« Art. 12. - Les dispositions du second alinéa de l'article 1er, de l'article 3, du second alinéa de l'article 9, des articles 10 à 13, de l'article 14 bis et du troisième alinéa de l'article 15 de la loi n° 73-6 du 3 janvier 1973 précitée sont applicables au médiateur des enfants. »
Par amendement n° 14, M. Bonnet, au nom de la commission, propose de rédiger comme suit cet article :
« Après l'article 21 de la loi n° 73-6 du 3 janvier 1973 précitée, il est inséré un article 22 ainsi rédigé :
« Art. 22. - Les dispositions du second alinéa de l'article 9, du premier alinéa de l'article 11 et de l'article 14 bis de la présente loi sont applicables au médiateur des enfants.
« A l'occasion des réclamations dont il est saisi, le médiateur des enfants peut demander au médiateur de la République de faire application des dispositions de l'article 10, du second alinéa de l'article 11 et des articles 12 et 13 de la présente loi. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Christian Bonnet, rapporteur. La commission a estimé qu'il n'était pas nécessaire d'étendre expressément au médiateur des enfants l'ensemble des pouvoirs du médiateur de la République mentionnés à l'article 12. Le présent amendement tend donc à n'étendre au médiateur des enfants que trois dispositions : l'information de ce dernier sur les suites données à ses interventions et la possibilité de rendre publiques ses recommandations - il s'agit du second alinéa de l'article 9 de la loi de 1973 ; l'interdiction d'intervenir dans le domaine de compétences de l'autorité judiciaire - c'est le premier alinéa de l'article 11 ; enfin, l'interdiction d'utiliser le nom du médiateur des enfants à des fins promotionnelles - il s'agit de l'article 14 bis. L'air du temps aidant, cette disposition n'est peut-être pas inutile.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Ségolène Royal, ministre délégué. Le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement. En effet, avec ces dispositions, on aboutit à une mise sous tutelle définitive du médiateur des enfants, qui ne mérite même plus ce nom, monsieur le rapporteur.
Ainsi sont abandonnées la référence à l'article 1er de la loi de 1973, qui pose le principe d'une autorité administrative indépendante, ainsi que la référence à l'article 3 de la même loi concernant l'immunité du médiateur à l'occasion des opinions et des actes accomplis dans l'exercice de ses fonctions.
Par ailleurs, vous subordonnez l'action du médiateur des enfants à l'autorisation du médiateur de la République en ce qui concerne l'engagement d'une procédure disciplinaire, la saisine d'une juridiction répressive d'une plainte, l'obtention de la coopération des agents des administrations des corps de contrôle, enfin le droit de se faire communiquer par ces administrations tout document ou tout dossier traitant de l'affaire. Vous supprimez donc ces quatre possibilités au médiateur des enfants qui, finalement, est privé de tout moyen d'action.
En définitive, cela signifie que le médiateur des enfants ne jouit d'aucune indépendance, ne dispose d'aucune garantie de nature à le protéger des risques de poursuite et de condamnation dans l'exercice de ses fonctions puisque vous lui retirez l'immunité.
Cela signifie également qu'il ne dispose d'aucun moyen autonome dans l'instruction et le traitement des réclamations, puisque le médiateur de la République peut lui refuser cette autorisation.
C'est véritablement une mise sous tutelle. Cet amendement vide donc le dispositif de tout son contenu et il ne peut vraiment pas être accepté.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 14.
Mme Dinah Derycke. Je demande la parole contre l'amendement.
M. le président. La parole est à Mme Derycke.
Mme Dinah Derycke. Comme Mme la ministre vient de l'indiquer, cet amendement vide la proposition de loi de toute sa substance. Avec la mise sous tutelle, le médiateur des enfants devient un médiateur a minima. Cette institution n'est donc plus qu'un gadget inutile. Par conséquent, nous sommes résolument contre cet amendement.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 14, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'article 12 est ainsi rédigé.

Article 13



M. le président.
« Art. 13. - Trois ans après la promulgation de la présente loi, il est procédé à une évaluation de la mise en oeuvre de ses dispositions selon les modalités prévues par l'article 6 quater de l'ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires. »
Par amendement n° 15, M. Bonnet, au nom de la commission, propose de supprimer cet article.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Christian Bonnet, rapporteur. Cet amendement tend, je le rappelle, à supprimer l'article 13. En effet, la saisine de l'Office parlementaire d'évaluation de la législation répond à une procédure tout à fait spécifique. Elle s'exerce sur l'initiative du bureau de l'une ou de l'autre assemblée - l'Assemblée nationale ou le Sénat - ou d'une commission spéciale ou permanente.
Il ne paraît pas souhaitable d'imposer par la loi une saisine obligatoire de l'office, qui constituerait, en quelque sorte, une injonction adressée au législateur par lui-même.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Ségolène Royal, ministre délégué. Le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement. En effet, l'article 13 prévoit des dispositions utiles : il tend à organiser l'évaluation du dispositif mis en place pour, éventuellement, proposer des améliorations tendant à en accroître l'efficacité.
Monsieur le président, avec votre permission, puisqu'il s'agit du dernier amendement, je souhaite en profiter pour exprimer mes regrets que le Sénat, avec les votes qu'il a émis, ait finalement un peu « tué dans l'oeuf » cette institution du médiateur des enfants.
M. Christian Bonnet, rapporteur. Nullement !
Mme Ségolène Royal, ministre délégué. Il a maintenu le nom pour faire croire que le médiateur des enfants existe, mais il a privé cette institution de toute possibilité d'action. En définitive, ce qui me frappe, c'est que le Sénat a peur de la voix de l'enfant (M. le rapporteur s'exclame) ... de la prise de parole de l'enfant.
M. Emmanuel Hamel. Comment pouvez-vous dire cela, madame la ministre ?
Mme Ségolène Royal, ministre délégué. Je voudrais également, à cette occasion, répondre à M. Gélard. J'ai été très étonnée d'entendre les propos qu'il a tenus.
Non, monsieur Gélard, l'éducation nationale n'a pas peur de la prise de parole de l'enfant dans le système scolaire ! Précisément, j'organise cette prise de parole de l'enfant !
Non, l'éducation nationale n'accepte plus la loi du silence lorsque les droits des enfants sont bafoués, lorsque des violences sont commises par des adultes sur les enfants.
Oui, il est bon que les enfants soient entendus, et ils le sont en respectant, justement, la présomption d'innocence de tous les adultes à l'égard desquels les enfants prennent la parole.
Nous n'avons pas peur de cette prise de parole des enfants !
Nous n'avons pas peur de la présence d'un médiateur des enfants qui, en effet, recevra la parole de ceux-ci tant dans le système scolaire que dans les familles d'accueil. Combien y a-t-il d'enfants victimes de sévices dans certaines familles d'accueil, dans certaines institutions ? Croyez-moi, là aussi, la loi du silence doit être levée.
C'est la raison pour laquelle je regrette que, sur un sujet comme celui-là, il ne puisse y avoir accord entre l'Assemblée nationale et le Sénat - mais ce texte fera l'objet d'une deuxième lecture - afin que, au tournant du siècle prochain, la parole des enfants soit, enfin, écoutée, reconnue et respectée. (Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. Jacques Pelletier. Très bien !
M. le président. Personne ne demande la parole ?
Je mets aux voix l'amendement n° 15, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'article 13 est supprimé.
M. Christian Bonnet, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Christian Bonnet, rapporteur. Je voudrais redire une fois encore que les cas de maltraitance et de violence relèvent non pas de la médiation mais du pénal.
M. Jacques Pelletier. Ce peut être les deux !
M. Christian Bonnet, rapporteur. Par ailleurs, M. Strauss-Kahn - dont je déplore, tout comme M. Chevènement, la démission - un jour où il avait été accusé, en quelque sorte, à cette tribune, de négliger les intérêts de la famille, avait eu cette répartie qui avait fait sourire le Sénat : « Moi, adversaire de la famille ? J'en ai fondé trois ! »
Eh bien ! madame la ministre, vous ne pouvez pas dire que le Sénat est indifférent aux droits des enfants ou qu'il s'en désintéresse : pour ma part, j'en ai eu six !

Vote sur l'ensemble



M. le président.
Avant de mettre aux voix l'ensemble de la proposition de loi, je donne la parole à M. Fischer pour explication de vote.
M. Guy Fischer. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, à l'issue de la discussion de la proposition de loi tendant à instituer un médiateur des enfants, nous voudrions, au nom du groupe communiste républicain et citoyen, exprimer notre grande déception.
Il nous était proposé de créer un porte-parole des enfants en qui ils pourraient se reconnaître, qu'ils pourraient s'approprier réellement : il aurait été « leur » médiateur.
Il leur est refusé par la majorité sénatoriale. Celle-ci a adopté, en effet, la position de la commission qui, en rattachant l'institution au médiateur de la République, lui refuse, en fin de compte, son autonomie : le médiateur des enfants restera un « mineur » sous tutelle, une autorité de second rang, comme nous le disait Mme la ministre tout à l'heure.
Nous le déplorons fortement. L'apprentissage de la citoyenneté et de l'autonomie par les enfants nécessite que l'on entende leur voix en tant que telle, dans sa spécificité, et non au travers du prisme des adultes.
Ma collègue Dinah Derycke rappelait que, si la fonction du médiateur de la République et celle du médiateur des enfants sont comparables, leur nature et le public qu'elles concernent sont fondamentalement différents.
Faute de prendre cette dimension en compte, nous risquons de créer une institution « mort-née ». Le texte a été vidé de sa substance.
Le groupe communiste républicain et citoyen votera contre le texte ainsi modifié par la majorité sénatoriale.
M. le président. La parole est à M. Machet.
M. Jacques Machet. Toute mesure de défense des droits de l'enfant est non seulement un acte à large portée symbolique, mais également et surtout un geste politiquement fort.
Depuis plusieurs années déjà, la protection des enfants est un impératif qui se trouve au coeur des préoccupations des élus. De nombreuses initiatives, à l'échelon tant national qu'international, traduisent la prise en compte de cette impérieuse exigence.
En matière de droit civil ou pénal, dans le domaine de l'éducation ou plus généralement du social, les droits des enfants ont reçu une consécration législative dans notre pays, la plupart du temps dans le consensus et la responsabilité.
Mais la France a également contracté des obligations internationales, notamment la convention internationale de New York relative aux droits de l'enfant, entrée en vigueur chez nous le 6 septembre 1990. Le texte qui consacre la création d'un médiateur des enfants apparaît dans le droit-fil des initiatives prises depuis l'adhésion de la France à cette convention. Il répond également à la recommandation du Conseil de l'Europe de février 1990, à la résolution du Parlement européen du 8 juillet 1992 relative à la Charte européenne des droits de l'enfant et, bien sûr, aux conclusions d'une commission d'enquête de l'Assemblée nationale.
Cette institution, sorte de porte-parole de l'enfant dans ses réclamations face à l'administration, n'est pas nouvelle en Europe puisque la Norvège, la Suède, la Wallonie et la ville de Madrid la connaissent déjà. Elle consacre également la culture de la médiation, encore peu développée dans notre pays malgré les bons résultats qu'elle obtient chez nos voisins. Cette solution s'imposait donc.
Nous partageons les conclusions du rapporteur, M. Christian Bonnet, dont je salue ici le travail, qui vise à préserver l'unité de la médiation institutionnelle. Dès lors, nous devons faire en sorte que le médiateur des enfants puisse mener à bien sa difficile mais essentielle mission avec autorité et indépendance.
Pour ces raisons, le groupe de l'Union centriste et moi-même voterons cet important texte.
M. le président. La parole est à Mme Derycke.
Mme Dinah Derycke. Comme mon collègue du groupe communiste républicain et citoyen, je suis déçue. Je suis même un peu triste de voir cette belle idée qu'est la création d'un défenseur indépendant des droits de l'enfant à ce point dénaturée, vidée de toute substance, étouffée dans l'oeuf, comme Mme la ministre l'a souligné à juste titre.
Pourtant, au vu des déclarations des uns et des autres - et il n'y a aucune raison de mettre en cause la bonne volonté de chacun - tout incitait à l'adoption d'un texte de compromis avec l'Assemblée nationale. Or, ce soir, nous sommes revenus à la case départ.
Je crois qu'il est toujours possible d'améliorer un texte à condition, bien sûr, d'en partager au moins l'idée générale, l'architecture générale, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui.
J'espère que d'ici à l'examen de ce texte en deuxième lecture au Sénat, nous aurons avancé dans la voie du compromis. Je serais vraiment très fière que, dans ce domaine aussi, la France soit à la tête des pays, s'agissant de défense des droits de l'enfant. Il serait tout de même temps que la patrie des droits de l'homme se dote de ce type d'institution.
M. le président. La parole est à M. Souvet.
M. Louis Souvet. Comme mes collègues du groupe du RPR, je voterai le texte et suivrai donc l'excellent rapporteur de la commission des lois.
Cependant, madame le ministre, c'est moins du médiateur des enfants que je souhaite vous parler que d'un aspect de la protection de l'enfant, dont vous venez, voilà quelques instants, de nous entretenir très largement et d'une façon bien féminine et très sensible. Vous avez déclaré que votre ministère avait créé 1 350 postes sur plusieurs années. Or, sauf erreur de ma part, il semble que, pour des questions d'économie, vous n'ayez créé cette année que dix postes de médecin scolaire. C'est, vous en conviendrez, très peu.
Je n'aurai pas l'outrecuidance de vous rappeler l'importance du rôle de ces médecins. Ils réalisent parfois la seule visite médicale annuelle que l'enfant, dans certains milieux, connaisse entre trois et dix ou douze ans. Or, je l'ai remarqué, vous êtes également sensible à ce sujet. Outre le dépistage précoce de malformations ou de maladies graves, le médecin scolaire est celui qui peut détecter très tôt les maux qui affectent dangereusement notre époque : la maltraitance sous toutes ses formes, les abus sexuels, etc.
On compte un médecin scolaire pour neuf mille enfants, me semble-t-il. Je ne veux pas que l'on sacrifie sur l'autel des économies la santé des générations futures. Aussi, je souhaite que le nombre de médecins scolaires soit accru de façon sensible. C'est la meilleure protection que l'on puisse apporter aux enfants, en tout cas la plus efficace. (MM. Jacques Machet et Jean Arthuis applaudissent.)
M. le président. La parole est à M. Hamel.
M. Emmanuel Hamel. Madame le ministre, mes chers collègues, comment ne pas avoir été sensible à l'argumentation qui a été développée par les orateurs de l'opposition sénatoriale, et parfois même ébranlé ? Mais si grande est l'expérience du rapporteur de la commission des lois, si noble, nous le savons tous, est toujours son inspiration que je ne veux pas douter que la proposition de loi, tel qu'amendée sur l'initiative de la commission des lois du Sénat, est un progrès dans cette voie si fondamentale, si nécessaire de la promotion des droits de l'enfant. C'est la raison pour laquelle je voterai le texte ainsi modifié.
Je saisis l'occasion de ce vote pour rendre hommage à l'initiative du président de l'Assemblée nationale, M. Laurent Fabius, dans son combat pour la protection des droits de l'enfant et leur promotion dans notre pays, la France. (MM. Jacques Machet et Jean Arthuis applaudissent.)
M. le président. La parole est à M. Pelletier.
M. Jacques Pelletier. Monsieur le président, mes chers collègues, je voterai contre le texte qui nous est proposé. Je l'ai dit tout à l'heure dans la discussion générale commune et je le répète : je ne souhaite pas que les compétences du médiateur des enfants soient confinées à la sphère publique. Or le rattachement du médiateur des enfants au médiateur de la République va dans ce sens. S'agissant des enfants, j'estime en effet que les réclamations qui toucheront le secteur privé seront plus nombreuses que celles qui concerneront le secteur public.
Je le répète : je souhaite que le médiateur des enfants transmette les réclamations qu'il reçoit sur un dysfonctionnement de l'administration ou des services publics au médiateur de la République qui les étudiera. Ainsi, il n'y aura pas de doublon, pas de dualité entre le médiateur des enfants et le médiateur de la République.
Il est important que le texte retourne à l'Assemblée nationale. J'espère que celle-ci aménagera le texte qu'elle avait voté initialement et que nous pourrons, en deuxième lecture, trouver un terrain d'entente. En effet, comme je l'ai dit tout à l'heure, ce texte, qui n'est pas un texte politique, doit faire l'objet d'un consensus entre les deux chambres du Parlement.
M. Christian Bonnet, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Christian Bonnet, rapporteur. Je ne peux laisser passer, sans les relever, certaines accusations concernant la position de la commisssion des lois et aux termes desquelles il s'agirait d'un texte mort-né, tué dans l'oeuf.
Je serais tenté de dire à Mme Derycke, dont chacun au sein de la commission des lois admire l'intelligence et la vivacité d'esprit, que son indignation est quelque peu différée. En effet, lors de l'examen de la proposition de loi en commission, après avoir entendu mes propositions, elle a demandé très légitimement, comme M. Bret, à étudier celles-ci et elle n'a pas fait à ce moment un procès d'intention. Je sais combien est nette et droite son intention, mais elle n'a pas le droit de mettre en cause l'intention de la commission des lois, dont j'ai rapporté la position.
Mme Ségolène Royal, ministre délégué. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Ségolène Royal, ministre délégué. La santé scolaire constitue l'une de mes préoccupations constantes. Je considère qu'un enfant doit être en bonne santé pour bien travailler à l'école, et qu'il doit aussi manger à sa faim. C'est pour cela que j'ai créé le fonds social pour les cantines, qui a permis de faire revenir dans les restaurants scolaires des enfants qui en étaient écartés.
Je vous confirme qu'en trois rentrées scolaires j'ai créé 1 350 emplois de médecin scolaire, d'infirmière scolaire et d'assistante sociale, qui contribuent, dans les établissements scolaires, à la bonne santé de l'enfant.
Pour la prochaine rentrée, et donc dans le projet de loi de finances que vous examinerez bientôt, il est prévu de créer 220 postes de médecin et d'infirmière scolaires : 110 postes d'infirmière, 10 postes de médecin à temps plein et 100 postes de médecin associé, qui seront affectés prioritairement, mais pas exclusivement, dans les zones d'éducation prioritaires. En effet, je considère que l'articulation entre la médecine de quartier et la médecine scolaire est aussi quelque chose d'important pour prendre en compte la globalité de l'enfant dans sa famille. Vous en conviendrez, monsieur le sénateur, comme l'a dit votre excellent rapporteur, on peut faire de l'humour dans cette assemblée, c'est tout de même un peu mieux que les quatorze postes de médecin scolaire que le gouvernement que vous souteniez avait créés en quatre ans. (Marques d'approbation sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble de proposition de loi.

(La proposition de loi est adoptée.)

PROPOSITION DE LOI ORGANIQUE

M. le président. Nous passons à la discussion de l'article unique de la proposition de loi organique relative à l'inéligibilité du Médiateur des enfants.
« Article unique. - L'article LO 130-1 du code électoral est ainsi rédigé :
« Art. LO 130-1 . - Le médiateur de la République et le médiateur des enfants sont inéligibles dans toutes les circonscriptions. »
M. Christian Bonnet, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Christian Bonnet, rapporteur. La commission souhaite que ce texte soit adopté en l'état.
M. le président. Je pense, madame le ministre, que cela est de nature à vous réjouir. (Mme le ministre fait un signe d'assentiment.)
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'article unique de la proposition de loi organique.
En application de l'article 59 du règlement, le scrutin public est de droit.
Il va y être procédé dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement. (Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.) M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 13:

Nombre de votants 310
Nombre de suffrages exprimés 310
Majorité absolue des suffrages 156
Pour l'adoption 310

Le Sénat a adopté. (Applaudissements.)

11

FAIT PERSONNEL

Mme Dinah Derycke. Je demande la parole pour un fait personnel.
M. le président. La parole est à Mme Derycke.
Mme Dinah Derycke. Monsieur le président, je souhaite dire à M. le rapporteur que je n'ai mis en cause ni ses intentions ni celles de la commission. J'ai dit simplement que, en dépit des bonnes intentions - « partagées sur toutes les travées de la Haute Assemblée, ai-je même pris la précaution d'indiquer le travail de la commission avait abouti à vider de sa substance la présente proposition de loi. J'ai même été jusqu'à dire que j'espérais, compte tenu des bonnes intentions des uns et des autres, que nous parviendrions à trouver un compromis à l'issue des différentes lectures.
Quant à mon attitude en commission, je tiens à préciser à M. le rapporteur que j'avais souhaité avoir le temps de la réflexion. Sans doute ne suis-je pas aussi vive qu'il m'a fait l'honneur de le croire ! (Rires sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.) Je le regrette, mais c'est ainsi.
J'ajoute que les sénateurs socialistes ont pour habitude de travailler de manière collective. Or, sur un tel sujet - nous ne savions pas ce que M. le rapporteur nous dirait en commission, connaissant simplement son attachement à la défense des droits des enfants - nous avons été un peu étonnés par les propositions présentées, et avons considéré que nous allions examiner de plus près ces dernières. Le travail collectif que nous effectuons au sein de notre groupe nous a permis de décortiquer le texte et de constater que ce médiateur ne serait à peu près rien, sinon un pâle personnage. Voilà ! Le travail au sein d'une commission et d'un groupe politique est aussi un travail collectif.

12

COMMUNICATION DE L'ADOPTION DÉFINITIVE DE TEXTES SOUMIS EN APPLICATION DE L'ARTICLE 88-4 DE LA CONSTITUTION
M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre une communication, en date du 5 novembre 1999, l'informant de l'adoption définitive des cinq textes soumis en application de l'article 88-4 de la Constitution suivants :
N° E 802. - « Proposition de décision du Conseil concernant la conclusion de l'accord de coopération entre la Communauté européenne et le Royaume du Cambodge » (adopté définitivement par les instances communautaires par décision du Conseil du 4 octobre 1999).
N° E 1216. - « Proposition de décision du Conseil relative à l'acceptation d'amendements à la convention pour la protection de la mer Méditerranée contre la pollution et au protocole relatif à la prévention de la pollution par les opérations d'immersion effectuées par les navires et aéronefs (convention de Barcelone) » (adopté définitivement par les instances communautaires par décision du Conseil du 22 octobre 1999).
N° E 1221. - « Proposition de décision du Conseil relative à la conclusion du protocole relatif aux aires spécialement protégées et à la diversité biologique en Méditerranée, ainsi qu'à l'acceptation des annexes audit protocole (convention de Barcelone) » (adopté définitivement par les instances communautaires par décision du Conseil du 22 octobre 1999).
N° E 1236. - « Proposition de directive du Conseil modifiant la directive 77/388/CEE en ce qui concerne la possibilité d'appliquer à titre expérimental un taux de TVA réduit sur les services à forte intensité de main-d'oeuvre » (adopté définitivement par les instances communautaires par décision du Conseil du 22 octobre 1999).
N° E 1309. - « Proposition de règlement du Conseil concernant une interdiction de la fourniture à l'Indonésie de matériel susceptible d'être utilisé à des fins de répression interne ou de terrorisme » (adopté définitivement par les instances communautaires par décision du Conseil du 11 octobre 1999).

13

TRANSMISSION D'UN PROJET DE LOI

M. le président. J'ai reçu, transmis par M. le Premier ministre, un projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, après déclaration d'urgence, modifiant le code général des collectivités territoriales et relatif à la prise en compte du recensement général de population de 1999 pour la répartition des dotations de l'Etat aux collectivités locales.

Le projet de loi sera imprimé sous le n° 56, distribué et renvoyé à la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.14

DÉPÔT D'UNE PROPOSITION
DE LOI ORGANIQUE

M. le président. J'ai reçu de M. Jean-Jacques Hyest une proposition de loi organique tendant à modifier la loi organique n° 93-1252 du 23 novembre 1993 sur la Cour de justice de la République.
La proposition de loi organique sera imprimée sous le n° 61, distribuée et renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.

15

TEXTES SOUMIS EN APPLICATION
DE L'ARTICLE 88-4 DE LA CONSTITUTION

M. le président. J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- avant-projet de budget rectificatif et supplémentaire n° 5/99, section III, Commission.
Ce texte sera imprimé sous le n° E 1267 (annexe 4) et distribué.
J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- proposition de décision du Conseil portant attribution d'une aide macrofinancière supplémentaire à la Moldavie.
Ce texte sera imprimé sous le n° E 1329 et distribué.
J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- proposition de décision du Conseil portant attribution d'une aide macrofinancière supplémentaire à la Bulgarie.
Ce texte sera imprimé sous le n° E 1330 et distribué.

16

DÉPÔT DE RAPPORTS

M. le président. J'ai reçu de M. Nicolas About un rapport fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale sur la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, portant sur diverses professions relevant du ministère de la justice, la procédure civile et le droit comptable (n° 416, 1998-1999).
Le rapport sera imprimé sous le n° 57 et distribué. J'ai reçu de MM. Charles Descours, Jacques Machet et Alain Vasselle un rapport fait au nom de la commission des affaires sociales sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2000, adopté par l'Assemblée nationale (n° 40, 1999-2000).
Le rapport sera imprimé sous le n° 58 et distribué.
J'ai reçu de M. Jacques Chaumont un rapport fait au nom de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation sur le projet de loi autorisant l'approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Kazakhstan en vue d'éviter des doubles impositions et de prévenir l'évasion et la fraude fiscales en matière d'impôts sur le revenu et la fortune (n° 481, 1998-1999).
Le rapport sera imprimé sous le n° 59 et distribué.
J'ai reçu de M. Jacques Chaumont un rapport fait au nom de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation sur le projet de loi autorisant l'approbation de l'avenant à la convention du 10 mars 1964 entre la France et la Belgique tendant à éviter les doubles impositions et à établir des règles d'assistance administrative et juridique réciproque en matière d'impôts sur les revenus (n° 486, 1998-1999).
Le rapport sera imprimé sous le n° 60 et distribué.

17

DÉPÔT RATTACHÉ POUR ORDRE
AU PROCÈS-VERBAL
DE LA SÉANCE DU 4 NOVEMBRE 1999

M. le président. M. le président du Sénat a reçu le 5 novembre 1998, de Mme Hélène Luc, MM. Gérard Le Cam, Jack Ralite et des membres du groupe communiste républicain et citoyen une proposition de résolution, présentée en application de l'article 73 bis du règlement, sur la communication de la Commission européenne au Conseil et au Parlement européen relative à l'approche de l'Union européenne en vue du cycle du millénaire de l'Organisation mondiale du commerce (n° E-1285).
La proposition de résolution sera imprimée sous le n° 55, distribuée et renvoyée à la commission des affaires économiques et du Plan, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.

18

RENVOI POUR AVIS

M. le président. J'informe le Sénat que le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, modifiant le code général des collectivités territoriales et relatif à la prise en compte du recensement général de population de 1999 pour la répartition des dotations de l'Etat aux collectivités locales (n° 56, 1999-2000) dont la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation est saisie au fond, est renvoyé pour avis, à sa demande, à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale.

19

ORDRE DU JOUR

M. le président. Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au mercredi 10 novembre 1999, à seize heures quinze :
1. Discussion de la proposition de loi (n° 416, 1998-1999), adoptée par l'Assemblée nationale, portant sur diverses professions relevant du ministère de la justice, la procédure civile et le droit comptable.
Rapport (n° 57, 1999-2000) de M. Nicolas About, fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale.
Délai limite pour le dépôt des amendements : ouverture de la discussion générale.
2. Discussion du projet de loi (n° 179, 1998-1999) modifiant le code pénal et le code de procédure pénale et relatif à la lutte contre la corruption.
Rapport (n° 42, 1999-2000) de M. José Balarello, fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale.
Aucun amendement à ce projet de loi n'est plus recevable.

Délai limite pour les inscriptions de parole
et pour le dépôt des amendements

Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2000, adopté par l'Assemblée nationale (n° 40, 1999-2000).
Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mardi 16 novembre 1999, à onze heures.
Délai limite pour le dépôt des amendements : ouverture de la discussion générale.
Personne ne demande la parole ?...
La séance est levée.

(La séance est levée à dix-neuf heures trente.)

Le Directeur
du service du compte rendu intégral,
DOMINIQUE PLANCHON





NOMINATION D'UN MEMBRE
D'UNE COMMISSION PERMANENTE

Dans sa séance du mardi 9 novembre 1999, le Sénat a nommé M. Jacques Donnay membre de la commission des affaires culturelles, à la place laissée vacante par M. Jean-Paul Bataille, décédé.



Le Directeur du service du compte rendu intégral, DOMINIQUE PLANCHON QUESTIONS ORALES REMISES À LA PRÉSIDENCE DU SÉNAT (Application des articles 76 à 78 du réglement)


Titres exigés des médecins de prévention

640. - 4 novembre 1999. - M. Yann Gaillard rappelle à Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité qu'un décret n° 82-453 du 28 mai 1982 a indiqué que les médecins candidats à une fonction de médecin de prévention devaient être titulaires du certificat d'études spéciales de médecine du travail. Toutefois, le décret précise que le certificat n'est pas obligatoire pour le médecin se trouvant déjà en fonction dans les administrations avant la date d'entrée en vigueur dudit décret. Ensuite, un décret n° 95-680 du 9 mai 1995 a modifié le décret du 28 mai 1982 en reprenant exactement les mêmes articles. C'est-à-dire qu'il précise que les dispositions en cause ne s'appliquent pas aux médecins se trouvant déjà en fonction dans les administrations avant la date en vigueur du décret, soit en conséquence le 9 mai 1995. Plus récemment, une loi n° 95-535 du 1er juillet 1998, dans son article 28, a repris les termes des décrets du 28 mai 1982 et du 9 mai 1995, mais en oubliant les dérogations. Elle précise qu'à titre exceptionnel les docteurs en médecine exerçant en tant que médecin de prévention ou médecin du travail pouvaient poursuivre leur activité à condition de suivre un enseignement théorique sanctionné par des épreuves de contrôle. Par circulaires, diverses autorités ministérielles ont indiqué que la loi du 1er juillet 1998 ne s'appliquait pas aux médecins recrutés avant le 9 mai 1995 - c'est-à-dire que ceux-ci pouvaient poursuivre leurs activités de médecin de prévention ou du travail sans avoir à reprendre des études spéciales. Il lui redemande donc, faute d'avoir obtenu une réponse lors de la séance de questions orales sans débat du mardi 26 octobre dernier, de bien vouloir confirmer cette interprétation qui a pour conséquence d'éviter à des médecins exerçant dans l'administration des fonctions de médecin de prévention ou du travail depuis de nombreuses années, de reprendre des études dans des conditions au demeurant mal organisées dans les universités, en vue d'obtenir un certificat spécial qui n'était nullement exigé au moment de leur prise de fonction.

Entretien des ouvrages d'art de franchissement de canaux

641. - 4 novembre 1999. - M. Serge Franchis attire l'attention de M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement sur le problème de domanialité que posent les ouvrages de franchissement des canaux. Depuis que VNF (Voies navigables de France) ne participe plus financièrement à la réparation ou à la reconstruction des ponts, sauf cas particuliers, certains de ces ouvrages présentent un état d'entretien alarmant. En effet, la jurisprudence établit que les ponts appartiennent au même domaine public que la voie portée et non à celui de la voie franchie. Cependant, il était, jusqu'ici, de pratique courante de réserver au gestionnaire de la voie routière la charge de l'entretien de la chaussée, censée préexistante au canal, à l'exclusion de l'entretien de la superstructure des ponts, partie du domaine public fluvial. Aucun transfert de domanialité n'ayant été opéré par la loi, les collectivités territoriales devraient demeurer exonérées de l'obligation d'entretien de ces ouvrages. Il lui demande s'il partage cette manière de voir et s'il envisage d'intervenir incessamment à ce sujet qui fait d'ailleurs l'objet d'une réflexion confiée au conseil général des ponts et chaussées.

Suppression des postes de correspondants locaux
des douanes et droits indirects

642. - 4 novembre 1999. - M. Raymond Soucaret attire l'attention de M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie sur la disparition des postes de correspondants locaux des douanes et des droits indirects et sur ses conséquences financières. La tenue du poste de correspondant local est généralement une charge d'emploi imposée par l'administration au titre de l'exercice principal de débitant de tabacs. C'est également une activité complémentaire à la tenue de librairie-journaux ou encore de débits de boissons. Ces recettes locales forment un maillage essentiel pour la présence de l'administration sur l'ensemble du territoire. Alors qu'une majorité des correspondants locaux ont un faible niveau d'activité et qu'un certain nombre d'entre eux ont été affectés par la suppression des titres de mouvement sur les céréales, face à un faible niveau d'activité, il leur est proposé une aide pécuniaire à la cessation d'activité. Cette aide a un coût non négligeable, voire démesuré. Aussi, il lui demande les raisons de cette politique de suppression des correspondants locaux très coûteuses, ainsi que la suppression de cette dernière.

Conséquences du classement des foyers-logements
en « équipement recevant du public »

643. - 4 novembre 1999. - M. Bernard Murat attire l'attention de Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité sur les conséquences du classement des foyers-logements en équipement recevant du public (ERP). Dans un rapport rendu public fin mai et rédigé en commun par les services du ministère de la solidarité et du ministère du logement, il est prévu que les foyers-logements existants devront à l'avenir être classés en ERP et donc réaliser les travaux de sécurité en conséquence. En outre, ce rapport indique qu'il conviendra alors que les financements nécessaires à l'application des nouveaux textes soient trouvés. D'autant que le ministère a laissé entendre qu'une période de 6 à 7 ans serait donnée à ces établissements pour s'adapter. D'une part, en ce qui concerne la mise en sécurité de ces établissements, il note que ce rapport ne précise pas le type de classement en ERP : sont-ils classés en ERP de type U ou en ERP de type tout public ? Il lui semble qu'une distinction prenant en compte les personnes domiciliées dans ces établissements, c'est-à-dire la destination du bâti, doit être envisagée sur ce point. D'autre part, bien que favorable à cette mesure, il s'inquiète de ses répercussions sur le budget des foyers-logements. Afin de ne pas alourdir le prix des journées ainsi que la pression fiscale des collectivités, il lui semble important que l'Etat s'engage financièrement dans cette démarche. C'est pourquoi il lui demande de bien vouloir lui indiquer, d'une part, selon quelles modalités son ministère entend classer les foyers-logements en ERP et, d'autre part, si l'Etat envisage d'intervenir financièrement sur ce dossier, à quelle hauteur et sous quel délai.

Immatriculation des vélomoteurs

644. - 5 novembre 1999. - M. René Marquès attire l'attention de M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement sur les nuisances sonores provoquées par les vélomoteurs. Dans de nombreuses villes, les habitants se plaignent de ces nuisances sonores et regrettent qu'aucune mesure ne soit prise pour sanctionner les conducteurs de ces vélomoteurs d'une puissance inférieure à 50 centimètres cubes et dépourvus de plaque minéralogique. La plupart du temps, ces engins sont équipés de « kit » permettant d'accroître leur vitesse dans des proportions très importantes. Les forces de l'ordre éprouvent des difficultés, non seulement à les arrêter, mais également à les verbaliser. De plus, les propriétaires de ces vélomoteurs, en roulant à des vitesses prohibées, mettent leur sécurité en danger ainsi que celle des piétons. Lors de l'examen du projet de loi relatif à la sécurité routière, un amendement avait prévu l'obligation d'immatriculation pour les vélomoteurs d'une puissance inférieure à 50 centimètres cubes. De caractère réglementaire, cette disposition avait été supprimée. Or, elle répond à une préoccupation importante de nombreuses personnes et de nombreux élus locaux, incapables d'apporter des solutions à ce problème. Cette obligation d'immatriculation permettrait de retrouver plus facilement les propriétaires de ces engins et de les sanctionner. En conséquence, il lui demande de bien vouloir lui indiquer ses intentions pour régler cette question de sécurité routière.

Découpage des cantons

645. - 8 novembre 1999. - M. Alain Dufaut appelle l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur les échos parus dans la presse concernant un éventuel redécoupage des cantons avant les élections cantonales de 2001. En effet, il semblerait, à la lecture de ces articles, que le gouvernement envisage de ne pas procéder à un redécoupage global avant mars 2000, date butoir pour une telle opération selon les dispositions de l'article 7 de la loi n° 90-1103 du 11 décembre 1990, interdisant tout redécoupage des circonscriptions électorales dans l'année précédant l'échéance normale de renouvellement des assemblées concernées. Cette décision serait motivée par une fiabilité insuffisante du contenu du recensement des populations effectué cette année, ce qui semble pour le moins curieux. Par ailleurs, cette rumeur ne manque pas de surprendre si l'on se réfère à la réponse apportée par monsieur le ministre des relations avec le Parlement, lors d'une séance de questions orales sans débat le mardi 15 juin 1999, lequel précisait : « s'agissant des cantons, le gouvernement étudiera également les inégalités démographiques entre cantons confirmées ou révélées par le recensement. Il pourrait être amené à corriger, par décret en Conseil d'Etat, conformément aux dispositions de l'article L. 3113-2 du code général des collectivités locales, les inégalités de représentation les plus importantes. » Le Conseil constitutionnel, dans une décision des 1er et 2 juillet 1986, précisait que le découpage électoral doit être déterminé sur des « bases essentiellement démographiques ». Même si ce principe général est appliqué de manière moins stricte aux conseils généraux afin d'assurer une représentation des composantes territoriales du département, certaines inégalités sont flagrantes. C'est le cas notamment pour le département de Vaucluse, qui comprenait déjà, sur la base du recensement de 1990, 467 075 habitants, et qui, selon les estimations tirées du recensement de cette année, franchirait la barre des 500 000 habitants. Or, les conseillers généraux de Vaucluse sont seulement au nombre de 24, dans un département pourtant essentiellement rural. Par comparaison, le département des Alpes-de-Hautes-Provence compte 30 conseillers généraux pour 130 888 habitants, d'après les chiffres du recensement de 1990. Cet écart démographique nécessiterait manifestement un redécoupage des cantons du département de Vaucluse allant dans le sens d'une augmentation considérable du nombre de ses représentants. Pour toutes ces raisons, il s'interroge sur les véritables motivations du gouvernement en la matière et lui demande, si ces rumeurs sont confirmées, de reconsidérer sa position et de procéder à un redécoupage des cantons dans les départements les plus sous-représentés en nombre de conseillers généraux.

Indemnisation pour les victimes de l'hépatite C
contractée lors d'une transfusion

646. - 8 novembre 1999. - M. Jacques Pelletier appelle l'attention de Mme le secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale sur la situation des victimes de l'hépatite C contractée lors de transfusions sanguines. Il lui indique le cas malheureux d'une personne de son département qui, ayant subi plusieurs transfusions en 1986 suite à un accident de la circulation, a découvert en 1990, à l'occasion d'une intervention chirurgicale, qu'elle était porteuse du virus de l'hépatite C. Selon les experts qui se sont penchés sur le dossier, il ne peut y avoir d'autre cause de contamination que la transfusion. C'est pourquoi il lui demande si, comme pour les victimes du sida et selon l'avis du Conseil d'Etat, une indemnisation des victimes de l'hépatite C contractée lors d'une transfusion sanguine est prévue ?



ANNEXE AU PROCÈS-VERBAL
de la séance
du mardi 9 novembre 1999


SCRUTIN (n° 13)



sur l'article unique constituant l'ensemble de la proposition de loi organique, adoptée par l'Assemblée nationale, relative à l'inéligibilité du Médiateur des enfants.

Nombre de votants : 310
Nombre de suffrages exprimés : 310
Pour : 310
Contre : 0

Le Sénat a adopté.

ANALYSE DU SCRUTIN


GROUPE COMMUNISTE RÉPUBLICAIN ET CITOYEN (16) :
Pour : 16.

GROUPE DU RASSEMBLEMENT DÉMOCRATIQUE ET SOCIAL EUROPÉEN (23) :

Pour : 22.
N'a pas pris part au vote : 1. _ M. Paul Girod, qui présidait la séance.

GROUPE DU RASSEMBLEMENT POUR LA RÉPUBLIQUE (98) :

Pour : 96.
N'ont pas pris part au vote : 2. _ M. Christian Poncelet, président du Sénat, et Emmanuel Hamel.

GROUPE SOCIALISTE (78) :

Pour : 78.

GROUPE DE L'UNION CENTRISTE (52) :

Pour : 52.

GROUPE DES RÉPUBLICAINS ET INDÉPENDANTS (46) :

Pour : 46.

Sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe (7) :

N'ont pas pris part au vote : 7.

Ont voté pour


François Abadie
Nicolas About
Guy Allouche
Louis Althapé
Jean-Paul Amoudry
Pierre André
Bernard Angels
Philippe Arnaud
Jean Arthuis
Henri d'Attilio
Bertrand Auban
François Autain
Robert Badinter
Denis Badré
José Balarello
René Ballayer
Janine Bardou
Bernard Barraux
Jacques Baudot
Jean-Michel Baylet
Marie-Claude Beaudeau
Jean-Luc Bécart
Michel Bécot
Jean-Pierre Bel
Jacques Bellanger
Claude Belot
Georges Berchet
Maryse Bergé-Lavigne
Jean Bernadaux
Jean Bernard
Daniel Bernardet
Roger Besse
Jean Besson
Pierre Biarnès
Danielle Bidard-Reydet
Jacques Bimbenet
Jean Bizet
Paul Blanc
Maurice Blin
Annick Bocandé
André Bohl
Christian Bonnet
Marcel Bony
James Bordas
Didier Borotra
Nicole Borvo
Joël Bourdin
André Boyer
Jean Boyer
Louis Boyer
Yolande Boyer
Jean-Guy Branger
Gérard Braun
Dominique Braye
Robert Bret
Paulette Brisepierre
Louis de Broissia
Guy-Pierre Cabanel
Michel Caldaguès
Robert Calmejane
Jean-Pierre Cantegrit
Jean-Claude Carle
Jean-Louis Carrère
Auguste Cazalet
Bernard Cazeau
Charles Ceccaldi-Raynaud
Monique Cerisier-ben Guiga
Gérard César
Gilbert Chabroux
Michel Charasse
Marcel Charmant
Michel Charzat
Jacques Chaumont
Jean Chérioux
Marcel-Pierre Cleach
Jean Clouet
Yvon Collin
Gérard Collomb
Gérard Cornu
Charles-Henri de Cossé-Brissac
Raymond Courrière
Roland Courteau
Jean-Patrick Courtois
Charles de Cuttoli
Xavier Darcos
Marcel Debarge
Désiré Debavelaere
Luc Dejoie
Robert Del Picchia
Jean Delaneau
Bertrand Delanoë
Jean-Paul Delevoye
Gérard Delfau
Jacques Delong
Jean-Pierre Demerliat
Fernand Demilly
Christian Demuynck
Marcel Deneux
Gérard Deriot
Dinah Derycke
Charles Descours
Rodolphe Désiré
Marie-Madeleine Dieulangard
André Diligent
Claude Domeizel
Jacques Dominati
Michel Doublet
Michel Dreyfus-Schmidt
Alain Dufaut
Michel Duffour
Xavier Dugoin
André Dulait
Ambroise Dupont
Jean-Léonce Dupont
Josette Durrieu
Bernard Dussaut
Daniel Eckenspieller
Jean-Paul Emin
Jean-Paul Emorine
Michel Esneu
Claude Estier
Hubert Falco
Léon Fatous
Pierre Fauchon
Jean Faure
André Ferrand
Guy Fischer
Hilaire Flandre
Gaston Flosse
Thierry Foucaud
Jean-Pierre Fourcade
Bernard Fournier
Serge Franchis
Philippe François
Jean François-Poncet
Yves Fréville
Yann Gaillard
René Garrec
Jean-Claude Gaudin
Philippe de Gaulle
Patrice Gélard
Alain Gérard
François Gerbaud
Charles Ginésy
Francis Giraud
Serge Godard
Daniel Goulet
Alain Gournac
Adrien Gouteyron
Francis Grignon
Louis Grillot
Georges Gruillot
Jean-Noël Guérini
Hubert Haenel
Claude Haut
Anne Heinis
Marcel Henry
Pierre Hérisson
Rémi Herment
Roger Hesling
Daniel Hoeffel
Jean Huchon
Jean-Paul Hugot
Roland Huguet
Jean-François Humbert
Claude Huriet
Roger Husson
Jean-Jacques Hyest
Pierre Jarlier
Pierre Jeambrun
Charles Jolibois
Bernard Joly
André Jourdain
Alain Journet
Alain Joyandet
Christian de La Malène
Philippe Labeyrie
Jean-Philippe Lachenaud
Pierre Laffitte
Serge Lagauche
Roger Lagorsse
Alain Lambert
Lucien Lanier
Jacques Larché
Gérard Larcher
Dominique Larifla
Patrick Lassourd
Robert Laufoaulu
Edmond Lauret
René-Georges Laurin
Henri Le Breton
Gérard Le Cam
Jean-François Le Grand
Louis Le Pensec
Dominique Leclerc
Pierre Lefebvre
Jacques Legendre
André Lejeune
Guy Lemaire
Serge Lepeltier
Marcel Lesbros
Claude Lise
Paul Loridant
Jean-Louis Lorrain
Simon Loueckhote
Roland du Luart
Hélène Luc
Jacques Machet
Philippe Madrelle
Jacques Mahéas
Kléber Malécot
André Maman
François Marc
Philippe Marini
René Marquès
Pierre Martin
Marc Massion
Paul Masson
Serge Mathieu
Pierre Mauroy
Jean-Luc Mélenchon
Louis Mercier
Michel Mercier
Lucette Michaux-Chevry
Gérard Miquel
Jean-Luc Miraux
Louis Moinard
René Monory
Aymeri de Montesquiou
Michel Moreigne
Georges Mouly
Bernard Murat
Philippe Nachbar
Paul Natali
Lucien Neuwirth
Philippe Nogrix
Nelly Olin
Paul d'Ornano
Joseph Ostermann
Georges Othily
Jacques Oudin
Charles Pasqua
Jean-Marc Pastor
Lylian Payet
Michel Pelchat
Jacques Pelletier
Guy Penne
Jean Pépin
Daniel Percheron
Jacques Peyrat
Alain Peyrefitte
Jean-Claude Peyronnet
Jean-François Picheral
Xavier Pintat
Bernard Piras
Jean-Pierre Plancade
Bernard Plasait
Jean-Marie Poirier
Guy Poirieux
Ladislas Poniatowski
André Pourny
Danièle Pourtaud
Gisèle Printz
Jean Puech
Jean-Pierre Raffarin
Henri de Raincourt
Jack Ralite
Paul Raoult
Jean-Marie Rausch
Ivan Renar
Victor Reux
Charles Revet
Henri Revol
Henri de Richemont
Philippe Richert
Roger Rinchet
Yves Rispat
Jean-Jacques Robert
Louis-Ferdinand de Rocca Serra
Josselin de Rohan
Gérard Roujas
André Rouvière
Michel Rufin
Claude Saunier
Jean-Pierre Schosteck
Michel Sergent
René-Pierre Signé
Raymond Soucaret
Michel Souplet
Louis Souvet
Simon Sutour
Martial Taugourdeau
Odette Terrade
Michel Teston
Henri Torre
René Trégouët
Pierre-Yvon Tremel
François Trucy
Maurice Ulrich
Jacques Valade
André Vallet
Alain Vasselle
Albert Vecten
Paul Vergès
André Vezinhet
Marcel Vidal
Xavier de Villepin
Serge Vinçon
Guy Vissac
Henri Weber.

N'ont pas pris part au vote


MM. Philippe Adnot, Philippe Darniche, Jacques Donnay, Hubert Durand-Chastel, Alfred Foy, Emmanuel Hamel, Bernard Seillier et Alex Türk.

N'ont pas pris part au vote


MM. Christian Poncelet, président du Sénat, et Paul Girod, qui présidait la séance.

Les nombres annoncés en séance ont été reconnus, après vérification et conformes à la liste de scrutin ci-dessus.