Séance du 9 novembre 1999







M. le président. La parole est à M. Mouly, auteur de la question n° 605, adressée à M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.
M. Georges Mouly. Les élus sont très attachés à la présence de La Poste en milieu rural, nul ne l'ignore aujourd'hui. Or fréquemment - les exemples ne manquent pas dans mon département, dans lequel j'aurai le plaisir, madame la ministre, de vous revoir dans quelque temps - les restructurations de services, les changements d'horaires, les regroupements et les mutations « bousculent » fortement ce service public auquel les populations, elles aussi, sont très attachées.
Je sais bien qu'il faut évoluer avec le temps et gérer les situations nouvelles. Je sais aussi que la France profonde continue de se désertifier. Il est bien connu par ailleurs que le statut de La Poste - c'est maintenant un établissement autonome de service public - fait de celle-ci une structure indépendante.
Néanmoins, il ne me paraît pas déplacé d'évoquer ici la question et d'interroger plus précisément le Gouvernement.
Les faits sont là : si La Poste « ne ferme pas ses bureaux et se contente d'adapter ses structures », comme le prétend l'exploitant lui même, cela ressemble pourtant à un désengagement, progressif mais réel. C'est de cette façon que le ressentent les habitants de nos villages lorsqu'ils constatent que tel bureau n'est plus ouvert que certains jours de la semaine, que tel autre est tenu non plus par un receveur titulaire mais par un contractuel, ou que le facteur, qui dessert désormais plusieurs communes, n'a plus le temps de rendre quelques menus services, comme c'était encore le cas dans un passé proche.
Certes, l'univers postal est en mutation, mais, et c'est le ministre le plus directement concerné qui le dit, « La Poste est armée pour faire face à la concurrence tout en continuant à tenir son rôle de service public. Concurrence et service public ne sont pas contradictoires, mais bien plutôt complémentaires. »
L'objectif du Gouvernement est bien d'avoir « une poste moderne, combative et proche des citoyens ».
Sur le plan de la proximité et de la présence postale, quelle sera l'incidence du passage aux 35 heures ? On ne saurait que se réjouir du fait que l'accord sur les 35 heures ait pu être qualifié d'exemplaire, qu'il ait été négocié d'une manière nationale, nouvelle et participative. Mais le passage aux 35 heures débouchera-t-il sur la création de nouveaux postes pérennes, les 5 000 emplois-jeunes ne pouvant réglementairement assurer le travail normal du préposé ou du receveur ? A défaut, ne risque-t-on pas une nouvelle diminution de la qualité du service rendu ?
« Une poste proche des citoyens », c'est le choix fait par le Gouvernement et que nul ne saurait contester. Mais la méthode de la concertation, du partenariat n'est pas souvent mise en oeuvre dans le cadre des commissions départementales de la présence postale territoriale. Tel est en tout cas le sentiment des maires de plusieurs communes de mon département, qui ont été récemment - ce qui n'est pas habituel chez nous - à la tête de manifestations sur la voie publique, devant les préfectures et les directions départementales de La Poste. La colère gronde chez les élus locaux.
Serait-il possible de rassurer nos populations rurales quant au maintien des bureaux de poste ? Si des adaptations sont nécessaires, il conviendrait qu'elles soient bien proposées, présentées et expliquées. Si tel était le cas, elles seraient peut-être acceptées ! Les bureaux de poste permettent au lien social de ne pas rompre.
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Catherine Trautmann, ministre de la culture et de la communication. Je vous prie tout d'abord de bien vouloir excuser l'absence de mon collègue M. Christian Pierret, qui est retenu par un conseil « industrie » à Bruxelles et qui m'a demandé de présenter sa réponse.
La Poste est l'une des premières entreprises publiques de notre pays. Par ses missions, elle assure un ensemble de services essentiels pour l'économie nationale et pour tous les citoyens.
Notre volonté est donc bien de lui permettre d'affronter les mutations que vous évoquez à juste titre, tout en continuant à tenir son rôle de service public.
Le contrat d'objectifs et de progrès signé en juin 1998 entre l'Etat et La Poste a précisément pour objet d'assurer la pérennité de ces missions sur l'ensemble du territoire, en zones urbaines comme en zones rurales.
Le premier axe de notre action consiste à conforter la situation économique de l'entreprise publique. La contribution de l'Etat à la stabilisation de la charge des retraites pour la période du contrat représente un effort de 3 milliards de francs. Pour 1998, dans un contexte de croissance retouvée, La Poste enregistre une progression du chiffre d'affaires du courrier de 2 milliards de francs et une amélioration de son résultat d'exploitation qui atteint 2,4 milliards de francs. L'exercice 1999 s'inscrit dans la même tendance favorable et témoigne des efforts de l'entreprise et de son personnel.
Le deuxième axe de notre travail est la transposition de la directive postale communautaire dans des conditions qui garantissent une offre de service universel de qualité sur tout le territoire dans des conditions identiques, appuyée sur des services réservés qui en assurent l'équilibre. C'est l'objet des dispositions que votre assemblée a votées dans le cadre de la loi d'orientation pour l'aménagement et le développement durable du territoire.
Nous devons naturellement être vigilants dans la préparation de la nouvelle directive. Soyez assurés que nous le sommes. A cet égard, l'inscription du service universel dans les missions de l'Union postale universelle lors du récent Congrès de Pékin, sur proposition de la France, constitue un acquis considérable.
Notre troisième axe de travail est de donner à La Poste les moyens d'adapter son réseau aux besoins des populations, avec une attention particulière en zones rurales et urbaines fragiles.
Les instruments de cette politique sont en place. Il s'agit notamment d'une concertation renouvelée par la création des commissions départementales de présence postale territoriale dans lesquelles nous avons souhaité que les élus soient majoritairement représentés. Nous en établirons le bilan prochainement, en liaison avec la commission supérieure du service public des Postes et Télécommunications, afin de bien nous assurer que l'esprit et la lettre de cette concertation nouvelle sont bien respectés.
A cet égard, le passage aux 35 heures que vous semblez décrire comme présentant des risques, est au contraire une formidable opportunité. Il permet d'apporter une contribution à la politique de l'emploi. Ainsi, 20 000 recrutements à temps plein sont rendus possibles. Par ailleurs, l'amélioration de la situation des personnels contractuels et la réduction de la précarité, là où elle existe encore, sont engagées.
Le passage aux 35 heures permet également d'améliorer les conditions de travail, y compris des cadres et, enfin, d'adapter les organisations pour mieux satisfaire les attentes des clients en renforçant la qualité du service rendu.
Tels sont les objectifs que se sont fixés les partenaires sociaux par la signature d'un accord d'entreprise, le 17 février dernier. D'ores et déjà, dans l'ensemble des départements urbains et ruraux, plus de mille tables rondes se sont tenues pour analyser de façon systématique les besoins réels des clients.
C'est là une démarche exemplaire, qui contribue à engager l'établissement public sur la voie de la modernité, du développement et non pas du désengagement, objectif largement partagé par la Haute Assemblée et qui est bien, je le rappelle, l'ambition affirmée de notre gouvernement.
M. Georges Mouly. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Mouly.
M. Georges Mouly. Je vous remercie, madame la ministre, de votre réponse détaillée et circonstanciée.
Le rapport de notre collègue Gérard Delfau s'intitulait La Poste, un service public en danger : constat et propositions. Tout récemment, j'ai lu des affirmations qui vont dans le même sens.
Je tiens à insister sur le rôle de La Poste en milieu rural. Si chacun veut bien reconnaître la nécessité d'une évolution, il ne faut jamais oublier que, en milieu rural, c'est un service public. L'évocation naguère du facteur qui rendrait plusieurs services, du facteur « multiservices », avait suscité des espoirs.
Je conçois par ailleurs que l'entreprise doive équilibrer ses comptes et j'ai bien entendu votre réponse quant aux 35 heures et aux emplois qui pourraient découler de leur mise en oeuvre.
Je ne saurais, en outre, cacher ma satisfaction à l'égard des propos que vous avez tenus concernant la pérennité des missions de La Poste sur l'ensemble du territoire, y compris en milieu rural, pour répondre aux besoins de l'ensemble de la population.
Je me permets cependant d'insister sur la nécessité d'une concertation organisée suffisamment tôt et avec le plus grand nombre d'intéressés possible.

DIFFICULTÉS DE RECOUVREMENT DE LA TAXE DE SÉJOUR