Séance du 17 novembre 1999






SOMMAIRE


PRÉSIDENCE DE M. JEAN FAURE

1. Procès-verbal (p. 0 ).

2. Publication du rapport d'une commission d'enquête (p. 1 ).

3. Dépôt de rapports du Gouvernement et d'un rapport de la Cour des comptes (p. 2 ).

4. Candidatures à des organismes extraparlementaires (p. 3 ).

5. Candidature à une commission (p. 4 ).

6. Rappel au règlement (p. 5 ).
MM. Patrice Gélard, le président.

7. Financement de la sécurité sociale pour 2000. - Suite de la discussion d'un projet de loi (p. 6 ).
M. Jean Delaneau, président de la commission des affaires sociales.
Discussion générale (suite) : MM. Jean-Louis Lorrain, Jean Boyer, Guy Fischer, Jacques Bimbenet, Claude Domeizel, Claude Huriet, François Trucy.
Clôture de la discussion générale.

8. Nomination de membres d'organismes extraparlementaires (p. 7 ).

9. Nomination d'un membre d'une commission (p. 8 ).

10. Financement de la sécurité sociale pour 2000. - Suite de la discussion d'un projet de loi (p. 9 ).
Mmes Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité ; Dominique Gillot, secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale ; M. Charles Descours, rapporteur de la commission des affaires sociales.

Suspension et reprise de la séance (p. 10 )

Article 1er (et rapport annexé) (réservé)

Articles additionnels après l'article 1er (p. 11 )

Amendement n° 1 de la commission. - M. Charles Descours, rapporteur ; Mme le ministre. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Amendement n° 2 de la commission. - M. Charles Descours, rapporteur ; Mme le ministre. - Retrait.
Amendement n° 3 de la commission. - M. Charles Descours, rapporteur ; Mme le ministre. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.

Articles 2 A à 2 C. - Adoption (p. 12 )

Articles additionnels avant l'article 2 (p. 13 )

Amendement n° 110 de Mme Borvo. - Mme Nicole Borvo, M. Charles Descours, rapporteur ; Mme le ministre. - Rejet.
Amendement n° 111 de Mme Borvo. - Mme Nicole Borvo, M. Charles Descours, rapporteur ; Mme le ministre. - Rejet.
Amendement n° 112 de Mme Borvo. - Devenu sans objet.

Article 2 (p. 14 )

M. Charles Descours, rapporteur ; Mme Marie-Madeleine Dieulangard, MM. Yves Fréville, Philippe Richert, Guy Fischer, Alain Vasselle.
Amendements identiques n°s 4 de la commission, 75 de M. Lorrain et 90 de M. Louis Boyer ; amendement n° 113 de Mme Borvo. - MM. Charles Descours, rapporteur ; Louis Boyer, Guy Fischer, Mmes le ministre, Nicole Borvo. - Adoption des amendements n°s 4, 75 et 90 supprimant l'article, l'amendement n° 113 devenant sans objet.

Article 3 (p. 15 )

Amendements identiques n°s 5 de la commission et 91 de M. Louis Boyer ; amendement n° 114 de Mme Borvo. - MM. Charles Descours, rapporteur ; Louis Boyer, Mmes Nicole Borvo, le ministre, M. Yves Fréville. - Adoption des amendements n°s 5 et 91 supprimant l'article, l'amendement n° 114 devenant sans objet.

11. Candidatures à une commission mixte paritaire (p. 16 ).

Suspension et reprise de la séance (p. 17 )

PRÉSIDENCE DE M. GUY ALLOUCHE

12. Nomination de membres d'une commission mixte paritaire (p. 18 ).

13. Financement de la sécurité sociale pour 2000. - Suite de la discussion d'un projet de loi (p. 19 ).

Article 4 (p. 20 )

MM. Auguste Cazalet, Dominique Braye, Gérard Miquel, Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.
Amendements identiques n°s 6 de la commission, 76 de M. Lorrain, 92 de M. Louis Boyer et 103 de M. Adnot ; amendements n°s 66 à 73 de M. Braye. - MM. Charles Descours, rapporteur de la commission des affaires sociales ; Yves Fréville, Philippe Adnot, Dominique Braye, Mme le secrétaire d'Etat, M. Alain Vasselle. - Retrait des amendements n°s 92, 66, 67 et 69 à 72 ; adoption des amendements n°s 6, 76 et 103 supprimant l'article, les amendements n°s 68 et 73 devenant sans objet.

Article additionnel après l'article 4 (p. 21 )

Amendement n° 74 de M. Braye. - MM. Dominique Braye, Charles Descours, rapporteur. - Retrait.

Article 4 bis. - Adoption (p. 22 )

Article additionnel avant l'article 5 (p. 23 )

Amendement n° 96 de M. Arnaud. - MM. Philippe Arnaud, Charles Descours, rapporteur ; Mme le secrétaire d'Etat, M. Claude Huriet. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.

Article 5 (p. 24 )

Amendement n° 7 de la commission. - M. Charles Descours, rapporteur ; Mme le secrétaire d'Etat. - Adoption de l'amendement rédigeant l'article.

Article additionnel après l'article 5 (p. 25 )

Amendement n° 97 de M. Arnaud. - MM. Philippe Arnaud, le rapporteur, Mme le secrétaire d'Etat, M. Claude Huriet. - Rejet.

Article 5 bis. - Adoption (p. 26 )

Article additionnel après l'article 5 bis (p. 27 )

Amendement n° 84 du Gouvernement. - Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité ; MM. Charles Descours, rapporteur ; Alain Vasselle, Mme Nicole Borvo. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.

Article additionnel avant l'article 6 (p. 28 )

Amendement n° 8 de la commission. - M. Charles Descours, rapporteur ; Mme le ministre, M. Yves Fréville. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.

Article 6 (p. 29 )

Amendements n°s 9 rectifié bis de la commission et 115 de Mme Borvo. - MM. Charles Descours, rapporteur ; Guy Fischer, Mme le ministre, M. Yves Fréville. - Adoption de l'amendement n° 9 rectifié bis, l'amendement n° 115 devenant sans objet.
Adoption de l'article modifié.

Article 7 (p. 30 )

M. Jean Chérioux, Mme Nicole Borvo.
Amendements n°s 116 à 118 de Mme Borvo. - Mme Nicole Borvo, M. Charles Descours, rapporteur ; Mme le ministre, M. Alain Joyandet, au nom de la commission des finances. - Irrecevabilité des amendements n°s 116 et 117, l'amendement n° 118 devenant sans objet.
Adoption de l'article.

Articles additionnels après l'article 7 (p. 31 )

Amendements n°s 119 et 120 de Mme Borvo. - Mme Nicole Borvo, M. Charles Descours, rapporteur ; Mme le garde des sceaux, M. Alain Joyandet, au nom de la commission des finances. - Irrecevabilité des deux amendements.

Article 8 (p. 32 )

Mme Borvo.
Amendement n° 10 de la commission. - M. Charles Descours, rapporteur ; Mme le ministre, M. Claude Huriet. - Adoption.
Adoption de l'article modifié.

Article 9 (p. 33 )

Amendements n°s 11 à 13 de la commission. - M. Charles Descours, rapporteur ; Mme le ministre. - Adoption des trois amendements.
Adoption de l'article modifié.

Article 10 (p. 34 )

Amendements identiques n°s 14 de la commission et 93 de M. Louis Boyer. - MM. Alain Vasselle, rapporteur de la commission des affaires sociales ; Louis Boyer, Mme le ministre, M. Claude Domeizel. - Retrait de l'amendement n° 93 ; adoption de l'amendement n° 14 supprimant l'article.
Renvoi de la suite de la discussion.

14. Dépôt de projets de loi (p. 35 ).

15. Retrait d'un texte soumis en application de l'article 88-4 de la Constitution (p. 36 ).

16. Dépôt de rapports (p. 37 ).

17. Ordre du jour (p. 38 ).



COMPTE RENDU INTÉGRAL

PRÉSIDENCE DE M. JEAN FAURE
vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

PROCÈS-VERBAL

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.

2

PUBLICATION DU RAPPORT
D'UNE COMMISSION D'ENQUÊTE

M. le président. J'informe le Sénat qu'a expiré ce matin le délai de six jours nets pendant lequel pouvait être formulée la demande de constitution du Sénat en comité secret sur la publication du rapport fait au nom de la commission d'enquête sur la conduite de la politique de sécurité menée par l'Etat en Corse, créée en vertu d'une résolution adoptée par le Sénat le 19 mai 1999.
En conséquence, ce rapport a été imprimé sous le n° 69 et mis en distribution aujourd'hui, mercredi 17 novembre 1999.

3

DÉPÔT DE RAPPORTS DU GOUVERNEMENT
ET D'UN RAPPORT
DE LA COUR DES COMPTES


M. le président. M. le président a reçu de M. le Premier ministre :
- le premier rapport sur la mise en oeuvre de la convention relative aux droits de l'enfant, établi en application de l'article 76 de la loi n° 93-121 du 27 janvier 1993, portant diverses mesures d'ordre social ;

- le rapport d'exécution pour 1998 établi en application de l'article 6 de la loi de programme du 6 janvier 1995 relative à la justice ;
- le rapport présentant un bilan de l'application de la loi n° 94-638 du 25 juillet 1994 tendant à favoriser l'emploi, l'insertion et les activités économiques dans les départements d'outre-mer, à Saint-Pierre-et-Miquelon et à Mayotte ;
Par ailleurs, M. le président a reçu, de M. le Premier président de la Cour des comptes, un rapport relatif à la politique portuaire française.
Acte est donné du dépôt de ces rapports.

4

CANDIDATURES À DES ORGANISMES
EXTRAPARLEMENTAIRES

M. le président. Je rappelle au Sénat que M. le Premier ministre a demandé au Sénat de bien vouloir procéder à la désignation de sénateurs appelés à siéger au sein de trois organismes extraparlementaires.
La commission des affaires économiques a fait connaître qu'elle propose la candidature de M. Henri Revol pour siéger au sein du comité consultatif de l'utilisation de l'énergie.
La commission des affaires étrangères propose la candidature de M. Paul d'Ornano pour siéger au sein du conseil d'administration de l'agence pour l'enseignement français à l'étranger.
Enfin, la commission des finances propose la candidature de M. Auguste Cazalet pour siéger au sein de la commission centrale de classement des débits de tabac.
Ces candidatures ont été affichées et seront ratifiées, conformément à l'article 9 du règlement, s'il n'y a pas d'opposition à l'expiration du délai d'une heure.

5

CANDIDATURE À UNE COMMISSION

M. le président. J'informe le Sénat que le groupe du Rassemblement pour la République a fait connaître à la présidence le nom du candidat qu'il propose pour siéger à la commission des affaires sociales en remplacement de M. Simon Loueckhote, démissionnaire.
Cette candidature va être affichée et la nomination aura lieu conformément à l'article 8 du règlement.

6

RAPPEL AU RÈGLEMENT

M. Patrice Gélard. Je demande la parole pour un rappel au règlement.
M. le président. La parole est à M. Gélard.
M. Patrice Gélard. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous pouvons légitimement nous demander si nous sommes encore dans un Etat de droit.
Je m'explique.
Depuis quand une circulaire, qui n'est pas une circulaire d'interprétation mais une circulaire normative, peut-elle se substituer à un décret adopté en Conseil d'Etat avec l'avis de la Commission nationale de l'informatique et des libertés ?
Depuis quand une circulaire peut-elle outrepasser les décisions du Conseil constitutionnel, qui, selon les termes mêmes du deuxième alinéa de l'article 62 de la Constitution, « s'imposent aux pouvoirs publics et à toutes les autorités administratives et juridictionnelles » ?
Depuis quand peut-on obliger le Parlement à valider a posteriori une circulaire, qui aura été déclarée contraire à la loi par le Conseil d'Etat, pour tenir compte des situations personnelles ?
Nous ne sommes plus dans un Etat de droit lorsque le garde des sceaux se permet de faire de telles choses ou lorsqu'il autorise le personnel placé sous son autorité à rédiger de telles circulaires.
Enfin, depuis quand une circulaire peut-elle être adressée avant que la loi ait été promulguée et publiée au Journal officiel ?
Ces graves atteintes à la hiérarchie des normes m'amènent à m'adresser solennellement à M. le président du Sénat pour qu'il demande à M. le Président de la République, gardien de la Constitution en vertu de son article 5, de veiller à ce que le texte constitutionnel et la hiérarchie des normes soient respectés. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Christian de La Malène. C'est un scandale !
M. le président. Conformément à votre souhait, mon cher collègue, votre intervention sera transmise à M. le président du Sénat.

7

FINANCEMENT DE LA SÉCURITÉ SOCIALE POUR 2000

Suite de la discussion d'un projet de loi

M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi (n° 40, 1999-2000) de financement de la sécurité sociale pour 2000, adopté par l'Assemblée nationale. [Rapport n° 58 (1999-2000) et avis n° 68 (1999-2000).]
M. Jean Delaneau, président de la commission des affaires sociales. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean Delaneau, président de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, hier soir, au début de la séance de nuit, notre collègue M. Machet a été victime d'un malaise alors qu'il était à la tribune pour présenter son rapport. Je veux simplement, en cet instant, vous donner de ses nouvelles : M. Machet est actuellement au repos, plus qu'en observation, au Val-de-Grâce, et il devrait pouvoir rentrer chez lui dès demain.
M. le président. Nous vous remercions de ces bonnes nouvelles, monsieur le président.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Jean-Louis Lorrain.
M. Jean-Louis Lorrain. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, il y a quatre ans déjà, le Sénat se réunissait pour débattre des grandes orientations du plan Juppé. L'objectif majeur de la réforme engagée en 1996 était l'indispensable rénovation du système de gestion paritaire hérité de l'ordonnance de 1945, grâce, notamment, à un partage clair des responsabilités entre, d'un côté, les partenaires sociaux, qui représentent les assurés, avec le patronat, et, de l'autre, l'Etat, assisté en cela, évidemment, par la représentation nationale.
Le grand mérite de cette réforme a été de mettre en place des outils permettant une meilleure maîtrise des dépenses, et le Gouvernement reprend à son compte la plupart de ces outils mis en place par son prédécesseur.
Je pense, en particulier, à l'Agence nationale d'accréditation, à la réforme de l'organisation des caisses et aux agences régionales de l'hospitalisation, dont le rôle est même élargi dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2000.
L'assurance maladie sera le premier point de mon propos.
Après des mois de tergiversations - certes, le sujet est difficile - nous voilà donc engagés, madame la ministre, dans une politique particulièrement sévère de régulation des dépenses de santé. Ce n'est pas mal. Je pense, en particulier, à l'instauration de lettres clés flottantes, et à la délégation d'objectifs au profit, si l'on peut dire, de la CNAMTS.
Il est vrai que la branche maladie est déficitaire de 12 milliards de francs et que les dépenses de santé augmentent au rythme de 3,8 % par an depuis 1998.
Reprenant certaines propositions d'économies présentées par le directeur de la CNAMTS, M. Johanet, le Gouvernement souhaite charger la caisse nationale d'assurer le respect de l'objectif de dépenses par les professions médicales. C'est elle qui fixera le montant prévisionnel d'évolution du poste honoraires et, tous les quatre mois, elle devra faire le point pour décider des modifications de la nomenclature à l'occasion d'un rapport d'étape.
Le président de la CNAMTS a parlé de situation ubuesque. Sans entrer dans la polémique, il est vrai que cela se traduira par une cinquantaine de négociations, profession par profession, trois fois par an. Nous espérons que l'on pourra remédier à cet état de fait, car nous craignons que quelques professions ne soient stigmatisées sans aucun approfondissement de leur situation.
S'agissant du système des lettres clés flottantes - ce mot passe peut-être mal ! - les variations du taux de rémunération de l'acte en fonction des dépenses constatées impliquent que les praticiens de la spécialité soient sanctionnés collectivement, sans recherche des disparités.
Le système germanique, souvent invoqué, est différent : le praticien est lié contractuellement, à titre personnel, avec les services sociaux du Land en Allemagne ; il s'agit de mesures individuelles et la sanction l'est aussi.
Le traitement des indemnités journalières et des transports sanitaires, sous contrôle de justification médicale, nous conduit à nous interroger sur l'efficacité du procédé, et surtout sur sa rentabilité, au vu des moyens des médecins conseils. Il ajoute à la suspicion, qui va à l'encontre du climat de confiance indispensable pour traiter avec le corps médical.
Il serait plus utile de rechercher pourquoi les indemnités journalières augmentent de 7,2 % et de vérifier les arrêts de longue durée. Les plans de soins discutés avec les malades peuvent avoir leur utilité, car, on le sait 10 % des malades consomment 80 % des crédits de l'assurance maladie.
Il est donc nécessaire de redéfinir les besoins, encore que ceux qui souffrent de maladies de longue durée soient parfaitement connus des caisses.
La Cour des comptes relève qu'il n'y a pas eu de véritable politique de gestion du risque, c'est-à-dire de maîtrise des dépenses. Elle invoque l'absence de stratégie nationale de la branche maladie. Quant aux contrôles, ils sont, dit-elle, mal orientés et conçus comme devant déboucher sur des sanctions dont le nombre et l'efficacité sont très faibles.
Je ne considère pas ces remarques comme des arguments politiciens. Nous ne pouvons qu'admettre, dixit la Cour des comptes, que « la politique des caisses peut être recadrée vers les risques les plus importants et les actions financières les plus efficaces. » Il faut donc une analyse des risques, des pratiques et aussi des comportements.
Si l'équilibre des comptes nécessite des outils efficaces d'analyse, des moyens et moins d'opacité, la pratique médicale doit, elle aussi, changer. En effet, la certitude du savoir et le manque d'écoute, peut-être pour des raisons de temps, engendrent des dépenses souvent inutiles.
L'acte médical est en pleine transformation. Mais les bonnes pratiques ne relèveront-elles que des conférences de consensus, validées par les caisses, du respect de la discipline informatique, en particulier en télétransmissions, ou de consultations assistées par ordinateur avec des logiciels agréés ? Le trait est peut-être un peu appuyé, mais cette médecine de techniciens n'est certainement pas la médecine que nous souhaitons, même s'il est vrai qu'il faut tenir compte des technologies nouvelles.
A la tracasserie administrative, à la culpabilisation, nous opposons la responsabilisation des praticiens, mais aussi des assurés, par le contrat.
L'accès aux soins passe aussi par l'accès aux nouvelles technologies. La réforme du tarif interministériel des prestations sanitaires, le TIPS, via le comité économique des produits de santé, est indispensable, et cela figure dans la loi.
La progression des dépenses de 15 % peut s'expliquer partiellement par des raisons structurelles. Il faut mettre en place une nouvelle méthodologie de négociation des prix, améliorer le rapport entre la qualité et le coût, et accélérer les procédures de mise à disposition et la procédure de référencement.
Alors que la loi de financement de la sécurité sociale s'est malheureusement limitée à des débats sur l'allégement des cotisations sociales, au paritarisme, ainsi qu'à l'autonomie des salariés et des patrons en matière d'assurances maladie, nous souhaitons au Sénat instaurer un débat sur la santé publique.
Quant à la branche famille, qui constitue mon deuxième point, elle ne bénéficie pas d'un effort financier vraiment significatif : 1 milliard de francs de mesures nouvelles, alors que cette branche devrait être excédentaire en 2000 de 6 milliards de francs, et ce après la stagnation des années 1998 et 1999.
Manifestement, la politique de la famille n'est pas une priorité du Gouvernement. J'avais d'ailleurs dénoncé cette absence de politique lors de l'examen des projets de loi de financement de la sécurité sociale pour 1998 et 1999.
Particulièrement critiquables sont sans doute les différentes ponctions qui sont effectuées sur la branche famille. Il faut convenir que la loi de financement est, à cet égard, de moins en moins lisible, avec la multiplication des fonds, pour les 35 heures notamment, sans parler de la prise en charge, par la CNAF, la Caisse nationale des allocations familiales, de la majoration de l'allocation de rentrée scolaire. L'heure est à la débudgétisation massive - près de 80 milliards de francs en 2000 - et aux financements croisés.
La loi de financement social gagnerait sans doute en transparence si les recettes de la sécurité sociale étaient présentées par branche, à l'instar des dépenses. C'est l'une des suggestions particulièrement opportunes de la Cour des comptes. Ainsi pourrions-nous constater plus clairement les transferts opérés de branche à branche, en l'occurrence au détriment des familles.
Une vraie politique familiale est pourtant possible. La loi « famille », initiée par Mme Simone Veil, en est l'illustration. Améliorer l'accueil des jeunes enfants et l'AGED, l'allocation de garde d'enfant à domicile, étendre le bénéfice de l'allocation parentale d'éducation, correspondent toujours à de vraies priorités dans une société où l'urbanisation et le développement du travail féminin sont des faits durables. On nous oppose le coût « exagéré » du plan Veil alors que l'on s'apprête à engager notre pays dans une véritable spirale dépensière avec les 35 heures.
Le désengagement de l'Etat à l'égard des familles rompt avec la tradition d'une politique ambitieuse, d'autant plus nécessaire que les attentes sont immenses.
Le nouveau souffle dont la politique familiale a impérativement besoin passe, certes, par une augmentation de l'effort financier, mais aussi par une certaine responsabilisation des familles. Dans un monde qui change, l'Etat ne peut durablement répondre à l'ensemble des besoins de la société.
Une réforme de la politique familiale consisterait en priorité à améliorer l'ensemble des dispositifs permettant aux parents de mieux concilier l'exercice d'une activité professionnelle et la vie familiale.
Je pense par exemple au développement du temps partiel, qui, en France, est, dans 60 % des cas, un temps partiel choisi. Ce n'est pas le travail à temps partiel en tant que tel qui suscite les réticences de nombre de salariés mais certains de ses effets pervers : la faiblesse des rémunérations, la faible qualification, certaines failles de la protection sociale et la non-réversibilité. Il convient donc d'agir sur ces différents aspects si on veut favoriser une forme de travail qui corresponde véritablement tant aux besoins des entreprises qu'aux attentes des salariés.
D'autres propositions me semblent intéressantes. Je pense à une réforme des droits de succession afin de faciliter, par exemple, la transmission entre grands-parents et petits-enfants, ou encore le développement d'une épargne spécifique au niveau des familles.
La branche famille, ce ne sont pas que des lignes budgétaires, un concept comptable, c'est aussi un support à un service public. La répartition des prestations sociales et familiales est au bord de l'implosion. Les caisses d'allocations familiales versent le RMI, l'allocation - aux adultes handicapés, les aides au logement, etc. Elles sont confrontées à la montée de la précarité, ce qui les amène à gérer près de trente prestations. Six millions de personnes, soit 10 % de la population, dépendent des prestations versées par la branche famille, et le nombre des allocataires progresse de 8 % par an.
La présidente de la CNAF - et d'autres avec elle - demande une simplification administrative ; on dénombre en effet 15 000 règles et 270 modèles de pièces justificatives. Ce programme de simplification peut être élaboré avec l'Etat. Voilà un véritable projet politique.
A la veille de la mise en oeuvre de la couverture médicale universelle, qui va nécessiter des millions de justificatifs de ressources, le climat dans les CAF est tendu, vous le savez, tant au niveau des employés que des usagers. Parce qu'il faut lutter contre la précarité, la demande sociale risque d'évincer la politique familiale globale. C'est pourquoi il me semble primordial de rappeler nos priorités non de façon incantatoire mais de façon volontariste.
Je conclurai par un autre dossier, non moins important, celui des retraites.
Alors que la branche vieillesse risque d'être durablement déficitaire dans l'avenir, diverses augmentations de dépenses sont annoncées mais aucune mesure sérieuse n'est engagée afin de juguler, au début du prochain siècle, la dérive des comptes des régimes de retraite par répartition.
Les experts et l'ensemble des responsables politiques ou syndicaux reconnaissent à présent que, dès 2006-2010, la situation financière des régimes par répartition risque d'être intenable. Beaucoup parlent de 300 milliards de francs de besoins de financement en 2015 ! Les causes sont connues : la réduction de la durée moyenne d'activité des salariés, un chômage persistant et, surtout, l'arrivée à la retraite des générations nombreuses nées après la Seconde Guerre mondiale, alors que le taux de natalité depuis les années soixante reste insuffisant. En 2020, au niveau du seul régime général, une personne seulement sera en âge de cotiser pour un retaité. Mais, comme je le disais, ce fait est connu.
Face à la gravité de la situation, bien décrite par le rapport Charpin, la création en 1999 d'un fonds de garantie doté de 2 milliards de francs, soit l'équivalent d'une journée seulement de paiement des retraites, paraît une réponse bien dérisoire. On nous annonce à présent 20 milliards de francs environ en 2000, alors qu'il faudrait 3 à 4 points du PIB sur vingt-cinq ans et qu'il ne nous reste que la période allant d'aujourd'hui jusqu'à l'année 2006 pour constituer des réserves. Par ailleurs, les financements envisagés en 2000 sont d'origines fort diverses et, point important, leur pérennité est loin d'être assurée. Parallèlement, on ponctionne une partie des excédents du fonds de solidarité vieillesse, le FSV, pour financer les 35 heures.
Par son attentisme, le Gouvernement donne l'impression de « jouer la montre ». Après des auteurs peut-être trop réalistes, certains « apôtres », dénoncent aujourd'hui l'agitation, la dramatisation du problème. Or, je crois que l'on peut dire que sérénité n'est pas synonyme de passivité.
Parmi les solutions envisagées figure évidemment la constitution facultative d'une épargne retraite par capitalisation.
Voilà un an environ, le Gouvernement nous a plus ou moins annoncé la mise en place d'un système d'épargne retraite aux contours qui n'étaient pas encore très nets... et qui ne le sont toujours pas ! Selon les dernières déclarations de M. Strauss-Kahn, en octobre dernier, le Gouvernement, réfléchissait à une réforme d'ensemble de l'épargne salariale. Très bien ! La proposition de loi adoptée par le Sénat le mois dernier peut, à cet égard, servir de référence dans l'avenir puisqu'elle garantit à la fois la pérennité des régimes répartition et le bénéfice d'un complément de retraite par capitalisation en faveur des futurs pensionnés. Il importe que l'ensemble des salariés ait accès aux fonds de capitalisation ; ceux-ci existent d'ailleurs d'ores et déjà dans certains secteurs d'activité, dans la fonction publique ou dans de grandes entreprises.
S'agissant des régimes spéciaux, nous attendons toujours des mesures concrètes, alors que le rapport démographique de certains régimes se détériore de façon inexorable. Il revient au Gouvernement de prendre ses responsabilités ; la recherche de l'intérêt général contre tous les égoïsmes catégoriels n'est ni une tâche aisée, ni « un long fleuve tranquille », nous le savons.
Une réforme d'ensemble est indispensable : la France de l'an 2000 a beaucoup évolué depuis les années d'après-guerre et de la reconstruction. Les métiers ont eux-mêmes changé. D'autres besoins apparaissent : que répondre, par exemple, aux sapeurs-pompiers professionnels qui revendiquent un départ anticipé à la retraite du fait de la pénibilité de leur travail ? Nous sommes en pleine actualité.
Une autre réforme s'impose, celle des règles de cumul emploi-retraite, le système actuel s'avérant complexe et injuste.
Enfin, votre projet de loi, madame la ministre, même s'il s'inscrit dans la continuité, ne répond que très imparfaitement aux défis qui nous sont lancés et auxquels notre protection sociale est confrontée : le vieillissement de la population, les difficultés financières présentes ou futures des régimes de retraite par répartition et l'augmentation structurelle des dépenses d'assurance maladie. Le défi est gigantesque, nous le savons, et nous essayons de le relever avec vous.
C'est pourquoi je soutiendrai, avec mes collègues du groupe de l'Union centriste, la commission des affaires sociales du Sénat dans ses orientations, en soulignant l'importance du travail qui a été réalisé et en souhaitant que nos rapporteurs soient non seulement entendus mais écoutés. (Applaudissements sur les través de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Jean Boyer.
M. Jean Boyer. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, la revalorisation des pensions de retraite, inscrite à l'article 11 de ce projet de loi, ne doit pas faire oublier les ponctions opérées par ce gouvernement sur les revenus des retraités depuis son arrivée au pouvoir. (Protestations sur les travées socialistes.)
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Ça, il faut le faire !
M. Jean Boyer. Le basculement des cotisations maladie des salariés vers la CSG a certes été engagé par le précédent gouvernement mais vous l'avez poursuivi « au pas de charge » - si je puis me permettre cette expression - sans établir d'évaluation claire des conséquences de ce transfert sur les revenus.
M. François Autain. C'est ce qu'il fallait faire !
M. Jean Boyer. Or, si les cotisations sociales ne s'appliquaient qu'aux revenus d'activité ou de remplacement, la CSG, elle, s'étend aux revenus de l'épargne.
M. François Autain. Heureusement ! C'est fait pour ça !
M. Jean Boyer. Le taux de la CSG a augmenté de plus de quatre points en 1998, passant de 3,4 % à 7,5 %. Dans le même temps, vous avez institué un nouveau prélèvement social de 2 %, dont l'assiette est beaucoup plus large que les prélèvements auxquels il est censé se substituer.
Avec l'augmentation du taux de la CSG, la création de cette nouvelle taxe et le prélèvement de 0,5 % au profit de la caisse de remboursement de la dette sociale, c'est au total un prélèvement social de 10 % qui s'applique aux revenus du patrimoine et de placement.
Les retraités sont les principaux perdants de l'opération : les revenus du patrimoine, patiemment constitués au cours d'une vie de travail, représentent un quart de leurs revenus. Ce bond des prélèvements sur les revenus de l'épargne de 3,4 % à 10 % pénalise des millions de retraités qui ont besoin de ces revenus pour compléter leur pension.
Les retraités sont lésés et ils s'en rendent compte actuellement, puisque notre débat coïncide avec l'arrivée au domicile des épargnants de l'appel du Trésor public pour régler la facture de la CSG.
Ainsi, nombre de contribuables viennent enfin de comprendre comment se traduit très concrètement la politique que vous avez engagée depuis deux ans : elle n'avance guère en ce qui concerne les réformes relatives à la protection sociale mais elle reste toujours aussi gourmande en impôts !
Quand vous affirmiez, madame la ministre, que ce choix politique permettrait d'abonder le budget de la sécurité sociale de 25 milliards de francs supplémentaires, bien peu de Français imaginaient qu'ils seraient personnellement concernés.
Aujourd'hui, avec l'arrivée des feuilles d'impôts pour la CSG, ils commencent à comprendre comment la méthode Jospin, si modérée en apparence dans l'annonce, se traduit finalement par des impôts supplémentaires.
Ne serait-il pas souhaitable, madame la ministre, qu'une étude détaillée soit faite des incidences sur les revenus des retraités de ces mouvements fiscaux, d'une ampleur et d'une rapidité inégalées ? Les Français ont droit à la clarté. Ils ont le droit de connaître les conséquences de ces réformes sur la répartition des revenus dans notre pays. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Fischer.
M. Guy Fischer. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, une fois encore, devant notre assemblée, permettez-moi de me faire l'interprète des retraités et des personnes âgées, de vous faire part de leur amertume à l'examen des articles de ce projet de loi de financement de la sécurité sociale concernant la branche retraite.
Leurs organisations représentatives ont déjà collecté plus de 400 000 signatures pour attester d'un massif rejet des dispositions budgétaires et fiscales qui, depuis plus de dix ans, rognent leur pouvoir d'achat.
M. Alain Gournac. Ça, c'est vrai !
M. Guy Fischer. Le projet de loi de financement de la sécurité sociale adopté par l'Assemblée nationale le 2 novembre dernier apporte certes quelques modestes améliorations à la situation des retraités. Mais l'on ne peut réellement prétendre qu'une augmentation de 0,5 % des retraites, de 1 % du minimum vieillesse et de 2 % des pensions de réversion constitue un effort suffisant.
Au moment où l'inflation est de 0,9 %, une nouvelle réduction du pouvoir d'achat des retraités est-elle acceptable ? On sait en effet que celui-ci a subi une baisse de plus de 10 % en une décennie du fait de l'alourdissement de la contribution sociale généralisée, de la réduction du plafond de l'abattement de 10 % de l'assujettissement à la contribution pour le remboursement de la dette sociale, du supplément de loyer de solidarité et, plus récemment, du moindre remboursement, voire du déremboursement, de certains actes et produits indispensables ainsi que de la mise à l'écart de la couverture médicale universelle des retraités relevant du fonds de solidarité vieillesse.
N'est-il pas consternant, au moment où la commission des comptes de la sécurité sociale fait apparaître une situation proche de l'équilibre pour la branche vieillesse, que M. Jean-Michel Charpin propose de porter la durée de cotisations à quarante, voire à quarante-deux ans et demi, et le MEDIF à quarante-cinq ans ?
Comment admettre que l'on maintienne l'indexation des pensions sur les prix, et non sur les salaires, alors que la croissance devrait atteindre 3 % en l'an 2000, comme vient de la confirmer un récent rapport de l'OCDE ?
Enfin, est-il décent de refuser de relever le plafond de l'abattement de 10 % dont bénéficient les retraités alors que la Bourse de Paris vient d'inscrire son treizième record consécutif, portant sa progression à 28 % depuis le début de l'année ?
Au risque de me répéter - mais, malheureusement, ce projet de budget se répète aussi - je dirai qu'il est profondément injuste de refuser un effort exceptionnel, alors que la conjoncture n'a jamais été aussi prometteuse.
La régulière érosion du pouvoir d'achat des retraités est d'autant plus inacceptable que ces derniers jouent de plus en plus fréquemment un rôle charnière entre les générations. En effet, de modestes retraités contribuent, par la force des choses, à aider des enfants en difficulté, voire des petits-enfants, étudiants ou chômeurs, qui n'ont pas encore fait leur entrée dans la vie active.
M. Charles Descours, rapporteur de la commission des affaires sociales. Excellent !
M. Guy Fischer. J'en viens maintenant, mes chers collègues, à deux aspects de la politique concernant les retraités et les personnes âgées qui me préoccupent tout particulièrement.
Dans cette assemblée, nous avons récemment débattu de deux propositions de loi visant à réaffirmer le mécanisme de la loi dite « Thomas », en généralisant un étage supplémentaire de retraite par capitalisation. Ces fonds de pension, ces fonds de retraite, qu'importe comment on les nomme, feraient dépendre les retraites des performances des marchés financiers, ajouteraient des éléments d'instabilité sur les marchés financiers internationaux, ne permettraient pas de verser une rente de 1 000 francs par mois à tous les retraités, déplaceraient l'épargne - sans en créer - vers les produits les plus subventionnés. En outre, ces fonds n'accorderaient aucun financement supplémentaire aux petites, aux moyennes et aux très petites entreprises.
Les fonds déjà créés en France - je n'évoquerai pas ceux qui existent aux Etats-Unis - sont un échec, ne serait-ce que dans la mesure où ils ne concernent qu'environ 10 % des bénéficiaires potentiels.
Je crains de ce fait que le fonds de réserve créé l'an dernier ne soit une préfiguration de ce « troisième étage » de notre système de retraite, et j'adjure le Gouvernement de ne pas céder aux sirènes des systèmes de fonds de pension à l'anglo-saxonne, ce qui conduirait à augmenter les prélèvements et à réduire les prestations, à favoriser les salariés dont les revenus importants permettent d'épargner pour leurs vieux jours au détriment des salariés modestes et des chômeurs. Avec un tel dispositif, le principe de solidarité ne pourrait qu'être gravement remis en cause.
J'en viens, enfin, à la loi du 24 janvier 1997 instaurant la trop inégalitaire prestation spécifique dépendance et au souci des organisations de retraités de mettre en place une prestation autonomie dans le cadre de la sécurité sociale.
Les quarante-trois propositions de Mme PauletteGuinchard-Kunstler, ainsi que les propositions figurant dans le Livre blanc en faveur d'une prestation autonomie élaboré par les organisations représentatives de l'aide à domicile et de l'accueil des personnes âgées, pourraient servir de base.
Dans le temps qui m'est imparti, je ne dresserai pas un bilan complet, je me bornerai à rappeler le plafond trop bas des conditions de ressources, le montant insuffisant de cette prestation en nature, les disparités scandaleuses entre départements, entre PSD à domicile et en établissement, les critères contestables établissant les stades de dépendance et l'inadaptation de la grille AGGIR, autonomie gérontologie groupe iso-ressources.
La conjuguaison de ces divers éléments fait que des personnes qui touchaient précédemment l'allocation compensatrice pour tierce personne en établissement ne bénéficient désormais d'aucune aide, puisqu'elles n'entrent plus dans le champ d'application de la PSD et que le plafond, bien trop bas, du recours sur succession décourage nombre de personnes âgées modestes. Ces personnes âgées ont épargné toute leur vie pour acquérir un logement ou une maison et elles souhaitent transmettre le fruit de leur travail et de leurs économies de toute une vie à leurs enfants.
Je vous demande instamment, madame la ministre, de maintenir au moins le pouvoir d'achat des retraites, du minimum vieillesse et des pensions de réversion, dans l'attente du résultat des consultations engagées par le Gouvernement. Ces concertations approfondies devraient, à notre sens, porter non seulement sur le pouvoir d'achat, mais également sur toutes les grandes questions de société qui auront des conséquences sur le niveau de vie des retraités et des personnes âgées : je pense bien sûr aux fonds de pension, à la dépendance, mais également à la fiscalité, à la santé et à la protection sociale. Enfin, je réaffirmerai notre attachement au système des retraites par répartition et notre opposition résolue à tout système de capitalisation. Ce sont des réponses à ces questions fondamentales que nous attendons, madame la ministre. Je suis persuadé que vous saurez nous donner les assurances nécessaires et j'espère vivement que le Gouvernement comprendra l'urgente nécessité de maintenir le pouvoir d'achat des retraités et des personnes âgées, et d'étudier l'avenir de notre système de retraites.
Mme Hélène Luc. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Bimbenet.
M. Jacques Bimbenet. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, c'est la quatrième année consécutive que nous discutons d'un projet de loi de financement de la sécurité sociale.
Les Français savent que leur assurance maladie est en déficit et chacun se demande pour combien de temps encore.
Si l'on peut constater cette année un redressement des comptes, il est bien évident que ce résultat est très largement dû à la croissance. Je ne peux que me réjouir de ce retour à l'équilibre de la sécurité sociale, car il ne faut pas oublier que le déficit était, en 1997, de 53 milliards de francs. Mais on doit à la vérité, de dire que les temps n'étaient pas du tout les mêmes !
Néanmoins, cet examen me conduit à exposer quelques craintes.
La première concerne la création du fonds de financement de la réforme des cotisations patronales de sécurité sociale. Ce fonds, institué pour financer en partie les exonérations de charges patronales créées pour le passage aux 35 heures, sera notamment alimenté par une nouvelle taxe : la contribution sociale sur les bénéfices des sociétés.
Sur la forme, ce fonds n'a pas sa place dans une loi de financement de la sécurité sociale, laquelle devrait être consacrée aux seuls enjeux de la protection sociale.
C'est, me semble-t-il, à tort que le Gouvernement fait figurer dans cette loi le financement de la politique de l'emploi. Car, à l'évidence, il ne s'agit pas d'une réforme de l'assiette des cotisations patronales.
Je ne m'étendrai pas longuement sur ce point car je ne souhaite pas que le débat d'aujourd'hui soit occulté par le projet de loi sur les 35 heures, comme il l'a malheureusement été à l'Assemblée nationale. Toutefois, il me paraît fâcheux d'alourdir encore et encore la fiscalité de nos entreprises.
La France fait partie des pays de l'Union européenne où le taux d'imposition des entreprises est le plus élevé. Une telle mesure risque de porter atteinte à la croissance des entreprises et à leur compétitivité, entraînant une fois de plus une vague de délocalisations.
Votre projet de loi, madame la ministre, prévoit de financer également ce fonds de financement de la réforme des cotisations patronales de sécurité sociale par l'extension du champ d'application de la taxe générale sur les activités polluantes, créée en 1999, aux produits phytosanitaires, aux lessives et aux granulats.
Cette taxe servira dorénavant à financer un allégement de charges plutôt que des mesures destinées à protéger l'environnement. Cette nouvelle affectation du produit d'une taxe va permettre au Gouvernement, par le biais d'un artifice comptable, de prétendre que les prélèvements obligatoires n'augmentent pas. Les coûts de production augmenteront cependant, sans pour autant préserver l'environnement.
Tout comme la contribution sociale sur les bénéfices des sociétés, la taxe générale sur les activités polluantes est affectée à une autre fin, à savoir le financement des 35 heures. Personnellement, j'estime que c'est tout à fait regrettable.
Par ailleurs, il sagit là d'une remise en question du principe « pollueur-payeur », ce qui ne contribuera pas à convaincre les entreprises que le Gouvernement fait de la protection de l'environnement l'une de ses priorités.
Ma seconde crainte concerne l'avenir des retraites. Chacun de nous en a conscience - et le rapport Charpin l'a mis en exergue - l'allongement de l'espérance de vie, les conséquences du baby-boom de 1946, le chômage, ne permettront pas à la France de préserver son système de retraite actuel.
D'ici à 2006, le nombre de retraités va considérablement augmenter et le nombre d'actifs progressivement diminuer. Ce problème n'a donc rien de virtuel. Il est inscrit dans la démographie, et les échéances se rapprochent.
Aussi, je ne peux qu'être réservé quant aux mesures proposées pour financer les retraites. Tout d'abord, je m'interroge sur la réelle motivation du Gouvernement, puisque les textes réglementaires relatifs au fonds de réserve pour les régimes d'assurance vieillesse, institué par la loi de financement de la sécurité sociale pour 1999, viennent juste d'être publiés au Journal officiel, soit un an après le vote de la loi.
Pour ma part, je ne vois aucun inconvénient à ce que ce fonds de réserve puisse bénéficier aujourd'hui de recettes exceptionnelles de caractère non fiscal. Je pense notamment aux fonds des caisses d'épargne ou aux libéralités de la Caisse des dépôts. L'an dernier, le Sénat n'a d'ailleurs pas supprimé le fonds de réserve.
Je suis en revanche plus que réservé sur son alimentation par le détournement des recettes de la sécurité sociale, qu'il s'agisse du prélèvement de 2 % sur les revenus du patrimoine ou de la ponction sur les excédents de la branche vieillesse.
En effet, tant que le Gouvernement n'aura pas annoncé ses orientations pour la réforme des retraites, tant qu'il n'aura pas annoncé quels efforts doivent être faits et comment ils doivent être répartis, il me semble tout à fait prématuré de modifier, en aveugle, les flux financiers de la protection sociale.
L'avenir des retraites nécessite une véritable réforme et il serait préjudiciable pour nos concitoyens de trop attendre.
Il est établi aujourd'hui que relever ce défi démographique et financier passe par la création d'un système de retraite mixte, répartition-capitalisation.
C'est pour toutes ces raisons que je voterai le texte assorti des amendements de la commission des affaires sociales. (Applaudissements sur les travées du RDSE, ainsi que sur les travées de l'Union centriste et du RPR.) M. le président. La parole est à M. Domeizel.
M. Claude Domeizel. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, mon intervention se placera dans le prolongement de celles de mes collègues François Autain et Gilbert Chabroux.
Elle portera plus particulièrement sur la branche vieillesse de cette loi de financement de la sécurité sociale pour 2000.
Qu'il me soit permis à mon tour de souligner l'évolution favorable du budget social. Cela a été dit et redit, mais il me plaît de rappeler que, grâce à votre volonté opiniâtre et méthodique, madame la ministre, le déficit de la sécurité sociale, qui était de 54 milliards de francs à votre arrivée, s'est approché de zéro en deux ans, pour se transformer en un excédent prévisionnel de 2 milliards de francs pour 2000, et cela, il faut le souligner, sans augmentation des cotisations ni diminution des remboursements.
Même le rapporteur de la commission des affaires sociales pour l'assurance vieillesse, notre collègue Alain Vasselle, observe que la branche vieillesse du régime général avait connu, en 1998, un redressement spectaculaire de ses comptes puisque le déficit n'était que de 224 millions de francs au lieu des 5,6 milliards de francs prévus, et que l'excédent pour 2000 serait de 8,3 milliards de francs.
M. François Autain. On ne le dit pas assez !
M. Claude Domeizel. Je le répète donc !
Le même rapporteur précise que n'y est pas étrangère la forte croissance économique. J'ajouterai, pour ma part, que cette croissance est l'un des révélateurs de la confiance des Français vis-à-vis de leur Gouvernement.
Pour vous, madame la ministre, et pour tout le gouvernement de Lionel Jospin, c'est une réussite avec mention « bien », qui recueille l'assentiment d'une large majorité de Français.
M. François Autain. Mention « Très bien » !
M. Claude Domeizel. J'en viens, comme je l'ai annoncé au début de mon propos, à la branche vieillesse du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2000.
Partout, que ce soit au travers de vos déclarations ou dans les textes législatifs et réglementaires que vous élaborez, vous affirmez votre attachement, comme celui du Gouvernement, à la retraite par répartition. La preuve en est à nouveau donnée dans l'annexe au projet de loi en discussion aujourd'hui, puisque, dans l'un des chapitres intitulé : « Consolider nos régimes par répartition », il est écrit, dès la première phrase, que « Le Gouvernement entend assurer la pérennité de nos régimes par répartition, dans la concertation et le souci de l'équité entre générations et régimes. » Le groupe socialiste du Sénat vous approuve sans réserve dans cette démarche.
En ce qui concerne le présent projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2000, je note avec satisfaction vos prévisions en matière de revalorisation des pensions, donc du pouvoir d'achat.
Je profite de cette occasion pour rappeler les avancées importantes qui ont été obtenues en 1999 en faveur des conjoints survivants, soit près de 4 millions de nos concitoyens. L'allocation veuvage est désormais versée au taux le plus intéressant pendant deux ans, au lieu d'un an précédemment, ce qui a procuré un gain sensible aux personnes concernées. J'observe également que le bénéfice de cet avantage est maintenu pendant trois ans pour les conjoints survivants âgés de cinquante à cinquante-cinq ans lors du décès de leur conjoint.
Je citerai également la revalorisation exceptionnelle de 2 % du minimum de pension de réversion, à mettre en parallèle avec une inflation de 0,5 %. Cette mesure concerne environ 600 000 conjoints survivants.
S'agissant du pouvoir d'achat des retraités, personne ne peut nier que, depuis 1997, il progresse tous les ans grâce à votre constante volonté de faire participer les retraités à la croissance. Outre les 0,7 % de 1999, vous vous engagez, pour 2000, à le majorer de 0,5 %, au lieu du 0,2 % théoriquement attribué par la règle que le gouvernement précédent avait fixée voilà six ans. On peut toujours juger cette progression insuffisante, mais cette augmentation, qui a l'avantage d'exister, rompt avec les pratiques des gouvernements précédents.
Certes, le Gouvernement Balladur avait mis en place en 1993 des règles de revalorisation, mais cela ne peut pas masquer les prélèvements qui ont pesé sur les retraites pendant cette même période.
Un bref rappel s'impose, surtout pour ceux qui, du côté droit de l'hémicycle, feignent de l'oublier : 1993 fut l'année du 1,3 % de CSG ; 1996 fut celle du 1,2 % de cotisations maladie et du 0,5 % de CRDS ; 1997 fut celle du 0,2 % de cotisations maladie et du 1 % de CSG. Vous savez compter : il s'agit d'une augmentation de 4,2 % entre 1993 et 1997 !
La construction de notre organisation de retraites, qui date de 1945, est solide et bien assise. Elle a fait ses preuves. Le système comporte cependant des travers qui ne facilitent pas la tâche d'aujourd'hui. Mise en place à une époque où le ratio démographique était très favorable, aucun dispositif n'a malheureusement été prévu pour compenser les effets des évolutions démographiques.
M. Alain Gournac. C'est bien emballé ! Avec un papier cadeau !
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Ce qu'il dit est surtout vrai !
M. Claude Domeizel. La création d'un fonds de réserve intervient peut-être avec cinquante ans de retard.
Rappelons qu'en 1945, lors de la construction de notre protection sociale, les avis étaient partagés entre unité et multiplicité des régimes. Le fait d'avoir choisi la seconde solution est loin d'être neutre dans la situation que nous connaissons aujourd'hui.
Ces choix, opérés en 1945, expliquent avec certitude les difficultés que nous connaissons aujourd'hui. Aussi, depuis des années, les gouvernements ont-ils essayé d'y faire face, avec, il faut bien le reconnaître, des mesures de bricolage.
Devant ce constat, pour rompre enfin avec une politique de navigation à vue, et comme il s'y est engagé en juin 1997, le gouvernement de Lionel Jospin a abordé avec méthode le problème des retraites.
Sur un tel dossier, il est indispensable de prendre le temps nécessaire, car vous n'avez, nous n'avons pas le droit de nous tromper. Toute réforme pour s'assurer des garanties du succès est rarement le fruit d'une génération spontanée. Nous ne sommes d'ailleurs pas les seuls à agir ainsi. Plusieurs pays ont procédé de la sorte. Je ne reprendrai qu'un seul exemple, celui de la Suède, qui vient de transformer la structure de son système de retraite avec un processus de réforme qui s'est étalé sur une quinzaine d'années.
La retraite est en effet un dossier porteur d'enjeux sociaux et financiers concernant l'ensemble de la société française pour plusieurs générations. Les décisions en ce domaine méritent donc la plus grande attention et nécessitent la mise en oeuvre d'une démarche concertée, afin de les inscrire dans la durée et de préserver l'équité entre les générations successives.
Le Gouvernement a déjà pris des initiatives très positives en ce sens : le rapport Charpin, publié à l'issue de la mission de diagnostic et de concertation confiée au Commissariat général du Plan, a apporté une vision pédagogique et complète des perspectives à long terme des régimes de retraite en France ; il a également proposé plusieurs pistes qui devraient contribuer à l'équilibre de notre système de retraite. Parmi celles-ci figure la création d'un fonds de réserve des retraites destiné à atténuer l'impact du vieillissement démographique sur l'équilibre financier des retraites par répartition. J'y reviendrai.
Aussi approuvons-nous et soutenons-nous cette méthode, votre méthode : première étape, faire le point de la situation, c'est le rapport Charpin ; seconde étape, la concertation, c'est celle que vous avez menée avec les partenaires sociaux dans le courant de l'été et prolongée ces dernières semaines.
Travailler seul, dans la précipitation, conduirait à l'échec. M. Juppé en a d'ailleurs fait l'expérience que l'on connaît.
M. François Autain. Eh oui !
M. Claude Domeizel. Nous attendons avec sérénité les propositions que M. Lionel Jospin doit formuler dans ce domaine au début de l'année prochaine.
M. Charles Descours, rapporteur. Il aura pris son temps !
M. Claude Domeizel. J'ai bien dit qu'il fallait prendre son temps. C'est un problème trop important pour qu'on fasse vite !
Je parle de sérénité, non seulement parce que nous faisons confiance au Gouvernement, mais surtout parce que les propositions seront le fruit d'une réflexion collective.
Il est regrettable toutefois de voir que certains s'évertuent à créer un climat d'interrogation, voire d'inquiétude, au sujet de l'avenir du système par répartition. Une telle attitude ne peut qu'encourager un glissement vers la capitalisation.
Pour inverser cette tendance, il est urgent de rassurer toutes les générations, les actifs comme les retraités.
Mais on ne peut rassurer que si les règles sont claires, précises et prévues pour le long terme. Aussi faut-il envisager qu'un organisme de réflexion permanent fixe les objectifs pour vingt-cinq ans ou trente ans, avec un correctif tous les cinq ans. C'est ainsi que - pour ne citer qu'un exemple - les taux de prélèvement maxima devraient être fixés dans le temps, selon un échéancier, pour atteindre ce plafond.
Bref, il faut informer, sensibiliser à la planification retraite, sans cesse persuader que nous disposons d'un bon système, un système qui doit demeurer.
Venons-en au fonds de réserve des retraites, dont l'abondement est prévu à l'article 10 du projet de loi.
L'an dernier, à pareille époque, nous avons approuvé la création d'un tel fonds. Que n'a-t-on pas entendu à son sujet dans les rangs de l'opposition,...
M. Charles Descours, rapporteur. Oui !
M. Claude Domeizel. ... particulièrement sur la somme qui y était consacrée ! Les fameux 2 milliards de francs que la droite jugeait insignifiants ! Pourtant, il fallait bien commencer un jour !
Aujourd'hui, vous nous annoncez que 20 milliards de francs viendront s'y ajouter. Nous nous en réjouissons, car vous donnez ainsi une impulsion non négligeable pour atteindre les 66 milliards de francs nécessaires en 2006, ou les 300 milliards de francs attendus en 2020.
A ce sujet, il est difficilement compréhensible que la commission des affaires sociales s'obstine, cette année comme l'an dernier, à supprimer cet article 10, sous le prétexte de l'insuffisance de ces 20 milliards ou 22 milliards en 2000.
M. François Autain. Ils ne comprennent rien !
M. Claude Domeizel. Mesdames et messieurs de l'opposition,...
M. Alain Gournac. ... de la majorité !
M. Claude Domeizel. ... vous ne pouvez décemment pas tenir deux langages : prétendre que vous êtes favorables au fonds de réserve et en même temps vous opposer à l'alimentation de ce fonds !
M. Charles Descours, rapporteur. C'est parce que nous sommes pour la CMU, que vous tuez !
M. Claude Domeizel. Ou alors votre attachement à la répartition est moins ferme que vous ne le prétendez.
M. Charles Descours, rapporteur. Mais on est pour la CMU alors que, vous, vous êtes contre !
M. Claude Domeizel. Votre démarche, madame la ministre, s'appuie sur un cadrage à long terme pour mettre en place les outils indispensables à l'adaptation continue du système des retraites. Elle ne doit céder en rien au catastrophisme parfois annoncé, mais que l'analyse ne justifie pas.
M. Alain Gournac. Ah oui ?
M. Claude Domeizel. Toutefois, la lisibilité de notre système de retraite est l'une des premières conditions d'adhésion des Français aux réformes mises en oeuvre pour maintenir les principes fondamentaux de notre système de retraite que sont la solidarité et l'équité entre les générations.
A ce sujet, prenons garde aux injustices que peut comporter le système par répartition, dans la mesure où il reporte tout le poids des engagements et des risques sur les générations futures.
M. Alain Gournac. Eh oui !
M. Claude Domeizel. Le fonds de réserve figure indiscutablement parmi les initiatives les plus novatrices et les plus susceptibles de répondre de façon adéquate aux principes fondamentaux qui ont déjà été évoqués. Pour une mise en oeuvre immédiate, vous avez logé provisoirement ce fonds au sein du fonds de solidarité vieillesse, structure existante chargée de financer, au titre de la solidarité nationale, divers avantages non couverts par les cotisations sociales.
Cependant, compte tenu de l'importance et de la spécificité des enjeux, des masses financières en cause et de la lisibilité nécessaire du dispositif pour les Français, il est clair que l'organisme chargé de gérer ce fonds ne peut avoir parallèlement d'autre vocation.
C'est la raison pour laquelle il nous semble nécessaire que soit envisagé, pour piloter le fonds de réserve, la création d'un établissement public spécifique doté d'un conseil d'administration ayant pouvoir de décision.
M. Charles Descours, rapporteur. Pourquoi le décret n'est-il pas paru... depuis un an ?
M. Claude Domeizel. Le décret est sorti voilà quelques jours, ainsi que mon collègue M. Bimbenet vient de le rappeler !
M. Charles Descours, rapporteur. Non, il n'est pas sorti !
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Depuis un mois !
M. Claude Domeizel. Cette formule juridique permettrait en effet de garantir l'autonomie des décisions, d'affirmer l'importance du fonds constitué pour accomplir une mission spécifique et, enfin, d'assurer transparence et lisibilité.
S'agissant du pilotage du fonds, l'ensemble des parties prenantes, au premier rang desquelles figurent les représentants des employeurs et des organisations syndicales, devraient bien évidemment y être associées.
S'agissant des ressources du fonds, je note que vous persistez dans une démarche de programmation à long terme des paramètres du fonds de réserve : ses ressources doivent être en effet assurées, afin que les projections soient techniquement crédibles et non sujettes à des hypothèses de ressources exceptionnelles.
L'an dernier, déjà, la loi de financement de la sécurité sociale de 1999 lui a octroyé comme ressources « tout ou partie du résultat excédentaire des opérations de solidarité du fonds de solidarité vieillesse, dans des conditions fixées par arrêté du ministre chargé du budget ». Il est à noter que les projections de résultat du FSV pour les prochaines années, dans le cadre des travaux menés pour le rapport Charpin, établissent que le solde cumulé des résultats excédentaires du FSV pourrait être, selon les hypothèses retenues, de l'ordre de 75 milliards à 100 milliards de francs en 2005.
Enfin, au risque de me répéter, je dirai qu'il est très important de mettre en place une communication régulière relative à l'ensemble des projections et à la situation du fonds de réserve. Cette communication doit être faite tant à l'usage des décideurs qu'envers les Français, pour confronter la confiance qu'ils ont dans leur système de retraite.
Je dirai un mot, avant de terminer, sur les ressources non permanentes prévues à l'article 31.
Lors de l'examen de la loi de financement de la sécurité sociale de 1999, nous avions proposé la suppression de l'avance de trésorerie autorisée à la CNRACL. Cette année - j'y reviendrai, si le besoin s'en fait sentir, lors de la discussion de cet article - nous ne nous opposerons pas au projet du Gouvernement, approuvé par l'Assemblée nationale, pour montrer notre satisfaction à l'égard d'un gouvernement...
M. Charles Descours, rapporteur. Les contribuables locaux seront contents qu'on augmente de 0,5 % les impôts ! On leur dira que c'est le choix du Gouvernement.
M. Claude Domeizel. ... qui, sur la base d'une prévision sur deux ans - je dis bien « sur deux ans », car le Gouvernement n'a pas les méthodes de M. Balladur (Protestations sur les travées du RPR.), qui, entre Noël et le jour de l'an 1994, nous annonçait une augmentation du taux de cotisation de 3,5 % - ...
M. Charles Descours, rapporteur. Le Gouvernement a annoncé les 0,5 % de la même façon !
M. Claude Domeizel. Je disais donc que, pour la première fois, une baisse de la surcompensation instaurée dans la loi de finances de 1986 était amorcée.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. C'est vrai !
M. Charles Descours, rapporteur. Ce sont les socialistes qui ont inventé la surcompensation !
M. Claude Domeizel. Permettez-moi, à cet égard, d'ouvrir une parenthèse. M. Fourcade a évoqué hier cette question, qu'il connaît d'ailleurs bien puisque, lors de la création de la compensation en 1974, il était ministre de l'économie et des finances, M. Poncelet étant secrétaire d'Etat chargé du budget.
M. Charles Descours, rapporteur. On parle de la surcompensation.
M. Claude Domeizel. Je vais y venir. Vous avez dit hier, monsieur Fourcade, que le taux pondérateur de 38 % résultait d'une décision de M. Charasse.
M. Charles Descours, rapporteur. Non, de PierreBérégovoy.
M. Claude Domeizel. Or, ce n'est pas vrai.
M. Charles Descours, rapporteur. Comment !
M. Claude Domeizel. Ce taux résulte d'une décision prise par un décret du 26 août 1994 signé, notamment, par M. Sarkozy.
M. le président. Veuillez conclure, monsieur Domeizel.
M. Alain Gournac. Il est à côté du sujet !
M. Claude Domeizel. Je conclus, monsieur le président.
Une telle initiative de la part du Gouvernement, la première du genre, méritait une attitude positive de notre part.
Sous réserve des quelques considérations que je viens d'énoncer, le groupe socialiste est confiant pour aborder ce débat, notamment sur la branche retraite, parce que cette loi de financement de la sécurité sociale pour 2000 confirme la volonté du Gouvernement de poursuivre l'objectif d'équilibre des finances de notre protection sociale. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Très bien ! Bravo !
M. le président. Je n'ai pas pour habitude de faire de rappel à l'ordre, monsieur Domeizel, mais vous avez dépassé votre temps de parole de manière suffisamment significative pour que je me sente autorisé à le faire.
La parole est à M. Huriet.
M. Claude Huriet. Puis-je, madame la ministre, débuter mon intervention par une double question ?
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Je vous en prie.
M. Claude Huriet. A quoi sert ce débat ?
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Bonne question !
M. Claude Huriet. Plus précisément, quelle en est la réelle portée ? Quel est désormais le rôle du Parlement en matière de financement de la sécurité sociale ?
En effet, lors de votre audition par la commission des affaires sociales, le 21 octobre dernier, nous avons été frappés par votre réflexion concernant l'objectif national de dépenses d'assurance maladie, l'ONDAM. Vous avez indiqué que son évolution serait désormais « rebasée » chaque année, à l'image, avez-vous fait observer, du taux d'inflation ou du taux de croissance de la masse salariale, qui sont calculés à partir des prévisions de réalisation.
Ainsi avez-vous clairement laissé entendre l'importance toute relative que le Gouvernement attache à la détermination par le Parlement de l'objectif national de dépenses de santé, qui ne serait donc qu'une donnée parmi d'autres, des chiffres fixés par le législateur mais dont la valeur serait approximative.
Or la loi organique relative au financement de la sécurité sociale, dans le premier paragraphe de l'article L.O. III-3, précise on ne peut plus clairement que la loi de financement de la sécurité sociale « fixe, pour l'ensemble des régimes obligatoires de base, l'objectif national de dépenses d'assurance maladie ».
Sans que l'on méconnaisse les conséquences d'événements imprévisibles, la fixation de l'ONDAM est donc au coeur du dispositif de la loi de financement. Si sa valeur devient purement « indicative », non normative, si, chaque année, un ONDAM « rebasé » masque la réalité, alors même que perdure un dérapage inquiétant de nos dépenses de santé et que les réformes structurelles se font attendre, quel intérêt y a t-il, mes chers collègues, à dépenser tant de temps et d'énergie pour en débattre ?
La réalité des chiffres, c'est une augmentation de nos dépenses de 3,5 % en 1999 alors que la loi de financement avait fixé une progression de 2,6 % par rapport à l'ONDAM de 1998.
La réalité des chiffres, c'est que l'ONDAM de 1998 a été dépassé de 9,8 milliards de francs et que celui de 1999 le sera de 13,1 milliards de francs.
Depuis deux ans, on assiste ainsi à une progression soutenue des dépenses de santé que seuls la forte augmentation des prélèvements et le retour de la croissance ont réussi à masquer.
Une autre constatation renforce mes interrogations et mes doutes quant à l'utilité de nos travaux. L'examen de l'annexe b, qui reprend, article par article, l'état d'avancement de l'application de la loi de financement de la sécurité sociale pour 1999, montre le grand nombre d'articles encore en attente de décrets d'application. Ils concernent des sujets aussi importants que le dépistage du cancer, la création d'un conseil pour la transparence des statistiques de l'assurance maladie, la mission d'évaluation des unions de médecins exerçant à titre libéral ou le contenu du devis et de la facture délivrés par les chirurgiens-dentistes.
Ainsi, la loi de financement de la sécurité sociale ne répond que très imparfaitement à ses objectifs et le Parlement est en partie dessaisi de son rôle en matière de contrôle financier et en matière de politique de santé.
Au-delà de ces réserves de portée générale, je souhaiterais concentrer mon propos sur deux aspects de la loi de financement : la branche famille et la branche maladie.
S'agissant de la branche famille, j'aborderai une question qui me tient particulièrement à coeur, celle de la simplification des règles de droit.
Concernant la branche maladie, je concentrerai mon intervention sur les contradictions et les blocages qui, me semble-t-il, résulteront des nouvelles dispositions incluses dans la loi de financement.
Président depuis 1997 du conseil de surveillance de la caisse nationale des allocations familiales, j'ai pris la mesure d'une institution dont les missions ont largement évolué au fil du temps. A leur objectif initial de soutien aux familles, les caisses d'allocations familiales ont ajouté désormais la tâche, ô combien difficile, de prendre en charge toutes les personnes en situation de précarité. Les CAF sont ainsi devenues une arme efficace de lutte contre la pauvreté et l'exclusion.
Quarante pour cent des allocataires ne sont plus des « familles » et 30 % d'entre eux ne vivent que des prestations versées par leur caisse. Au vu de ces chiffres, on réalise sans peine l'importance sociale du rôle joué par les CAF.
Cet élargissement de leurs missions a eu pour corollaire un accroissement considérable de la complexité des règles de droit. Les CAF gèrent aujourd'hui vingt-cinq prestations légales, qui représentent 15 000 règles de droit. Pour ce faire, elles prennent en compte 250 faits générateurs pour lesquels elles utilisent 270 modèles de pièces justificatives et en traitent 70 millions par an. A ce bref panorama, il faut ajouter que les modifications des situations personnelles des allocataires sont prises en compte en temps réel et que, de ce fait, un tiers du fichier des CAF est modifié en moyenne chaque mois.
En outre, les règles de droit appliquées par les CAF sont très évolutives. Si l'on prend le seul secteur des aides personnalisées au logement, ce sont plus de 150 textes qui ont modifié le régime initial institué en 1977.
Cette inflation de la réglementation part d'un souci fort louable : la volonté d'adapter les aides en « collant » à la situation des bénéficiaires, en prenant en compte le maximum d'éléments de leur situation particulière.
Mais le mieux est devenu l'ennemi du bien ; la réglementation est devenue si complexe qu'elle a perdu toute lisibilité pour ceux à qui elle est en priorité destinée. Les plus modestes, les plus démunis se trouvent incapables de faire valoir leurs droits. Toutes les associations de lutte contre la précarité qui siègent au sein du conseil de surveillance de la CNAF ne cessent de nous alerter sur cette réalité.
En 1998, sur dix-neufs mesures nouvelles mises en oeuvre, huit sont allées dans le sens d'une plus grande complexité, telles les règles d'intéressement à la reprise d'activité. Cette disposition, contenue dans l'article 9 de la loi relative à la lutte contre les exclusions - disposition tout à fait louable - permet de cumuler pendant quelques mois le maintien du versement d'une allocation de RMI avec un emploi, disposition dont chacune doit se féliciter.
Mais sa mise en oeuvre s'avère d'une complexité extrême, le calcul de l'allocation variant en fonction de chaque type d'emploi éventuellement retrouvé : stage, CES, CEC, CDD, CDI, etc.
L'incompréhension des personnes concernées est grande et le risque d'erreur, et donc de versement indu, est très important lui aussi.
Ce bref exemple montre à quel point la question de la simplification des règles de droit est de plus en plus d'actualité. Le conseil de surveillance de la CNAF, lors de sa séance du 21 avril 1999, a constaté que les engagements contenus sur ce point dans la convention d'objectif et de gestion signée entre l'Etat et la CNAF n'avaient pas été tenus. Le conseil vous avait alors demandé, madame la ministre, l'inscription de cette question à la conférence de la famille.
Je réitère devant vous cette demande. La simplification de l'ensemble du système de prestations, et pas seulement de l'APL, l'aide personnalisée au logement, que le Gouvernement s'est engagé à remettre à plat, représente un enjeu politique et social majeur ! Je dois aussi attirer votre attention, mes chers collègues, sur la tendance qu'a parfois le législateur à accroître encore la complexité des dispositions.
S'agissant de la branche maladie, le débat sur la loi de financement s'inscrit cette année dans un climat délétère qui affecte les professionnels de santé et un contexte marqué par des contradictions dont les effets risquent d'être redoutables. Elles entraîneront des blocages préjudiciables à la mise en oeuvre d'une politique de santé.
La contradiction essentielle contenue dans ce projet de loi réside, à mes yeux, dans la séparation instaurée entre la régulation de l'hospitalisation, désormais un domaine réservé de l'Etat, et la maîtrise des soins ambulatoires confiée à la Caisse nationale d'assurance maladie, avec toutes les réserves formulées par le rapporteur de la commission des affaires sociales, que je félicite pour son excellent travail, sur la marge de manoeuvre réelle dont la CNAM pourra disposer pour exercer cette mission.
Cette séparation des rôles au niveau national est, à mon sens, une erreur. Elle va à l'encontre des évolutions récentes qui visaient à promouvoir la fongibilité des enveloppes à un niveau pertinent, le niveau régional, dont maintenant tout le monde parle sans trop savoir comment le mettre en oeuvre. Elle méconnaît ainsi l'évolution de notre système de soins, qui tend au développement des réseaux ville-hôpital, du secteur hospitalier ambulatoire et de l'hospitalisation à domicile. L'hôpital et la médecine de ville commencent à apprendre à travailler ensemble. Pourquoi prendre le risque de les séparer ?
Cette tendance à l'ouverture de l'hôpital sur l'extérieur et au décloisonnement se retrouve d'ailleurs dans les observations de bon nombre d'instances qui réfléchissent à l'avenir de notre système de santé. Ainsi, le rapport de la dernière Conférence nationale de santé, à propos du vieillissement, met l'accent sur l'importance qu'il y a à développer des réseaux de santé gérontologiques associant médecine ambulatoire, hôpital et secteur médico-social.
Dans la deuxième partie de son rapport, consacrée aux inégalités de santé, la Conférence a adopté une résolution qui, en s'appuyant sur les conclusions du rapport du Haut Comité de la santé publique, prône la fusion des cinq enveloppes actuelles, la création d'une agence régionale de santé et celle d'une enveloppe transversale spécifique des actions de santé. Cette dernière, selon le rapport, « devrait inciter les différents acteurs de santé à apprendre à travailler ensemble de manière coordonnée sur des programmes régionaux de santé incluant, par définition, une dimension préventive au sens large du terme ».
A quoi sert donc la conférence nationale de santé si les décisions du Gouvernement non seulement n'en tiennent aucun compte, mais la contredisent ? Est-ce cela que vous appelez la « démocratie sanitaire » ?
Autre exemple de contradiction, certes plus ponctuel : la décision, prise en juin 1998, de suspendre la mise en oeuvre de la troisième étape de revalorisation des soins conservateurs de la nomenclature des soins dentaires. Cela signe l'arrêt brutal d'un processus qui visait à corriger progressivement une situation où la faiblesse de la prise en charge de certains soins primaires entraîne trop souvent une renonciation à ces soins, ce qui induit ultérieurement une augmentation des besoins en traitements prothétiques, plus coûteux et fort mal remboursés par l'assurance maladie.
Deuxième constatation qui ne manque pas d'inquiéter : les blocages que l'on constate dans les relations avec les professionnels de santé, qui augurent mal un possible retour à une pratique conventionnelle constructive.
Sans aucun doute, ces blocages sont alimentés par deux facteurs essentiels, dont la conjonction provoque un refus des professionnels de santé d'adhérer à un système de maîtrise médicalisée des dépenses de santé, le terme lui-même étant désormais pratiquement abandonné. Le premier est le caractère contestable des données financières sur lesquelles s'appuient non seulement la définition de l'ONDAM mais aussi toutes les mesures de correction des dérives de telle ou telle activité. Le second est l'absence de référence aux besoins de santé, ce qui conduit inéluctablement à une maîtrise exclusivement comptable.
S'agissant de la fiabilité des données sur lesquelles repose la maîtrise des dépenses de santé, nous disposons cette année d'une référence indiscutable grâce au travail approfondi de la Cour des comptes sur les outils de connaissance, de pilotage et d'évaluation des données de santé. Quiconque en prend connaissance mesure l'étendue du chemin restant à parcourir pour disposer en temps utile de données fiables, susceptibles de donner lieu à des décisions pertinentes et adaptées, et comprend par là même le refus des professions de santé d'accepter des décisions qu'elles considèrent comme largement arbitraires.
Concernant l'ONDAM et le suivi des dépenses tout au long de l'année, la Cour constate : « La qualité des données utilisées pour construire l'ONDAM et en suivre la réalisation est hétérogène. Il n'existe, ni au niveau national ni par caisse, des données fiables sur la qualité moyenne de la liquidation elle-même. » On retrouve ici la nécessité de simplifier un système d'informations qui, à l'heure actuelle, produit des données par trois chaînes de remontée différentes, présentant chacune des qualités et des faiblesses.
Il convient de souligner l'impérieuse et urgente nécessité de faire reposer les politiques de maîtrise des dépenses sur des données sûres et reconnues. C'est à ce prix seulement qu'elles ont quelque chance d'être acceptées. Or la Cour constate que « l'inadéquation est grande entre l'état actuel de ces systèmes et l'ambition de rendre opposables les données qu'ils produisent ».
Cette phrase n'explique-t-elle pas très largement l'incompréhension, les heurts, l'impossibilité de dialoguer que l'on observe avec inquiétude, s'agissant des contacts entre les professions de santé et les pouvoirs publics ?
Et l'on voudrait que les professions de santé adhèrent à des désicions prises dans de telles conditions ! C'est impensable !
A cet égard, je regrette que le Conseil pour la transparence des statistiques de l'assurance maladie ne soit pas encore installé.
La deuxième cause de blocage réside dans l'absence de prise en compte des besoins de santé dans le pilotage du système de santé.
Tous les médecins, libéraux ou hospitaliers, y sont extêmement sensibles, car, derrière la froideur des chiffres, se dessinent le visage de leurs malades et l'obligation qui leur incombe de les soigner au mieux, en leur prodiguant le « juste soin ».
Faute de temps, je ne donnerai qu'un seul exemple, qui concerne ma région. Il s'agit d'un projet d'implantation d'un site inter-régional de production de radio-émetteurs de positons à usage bio-médical. Cette technique d'imagerie relativement nouvelle permet de visualiser la répartition dans l'organisme de traceurs biologiques marqués par un radio-élement ; on la connaît davantage sous le nom abrégé de PET-Scan.
Pour votre information, mes chers collègues, je vous signale que l'Allemagne dispose à ce jour de vingt équipements de ce type, la Belgique d'une dizaine, dont cinq pour la seule ville de Liège, alors que la France n'en a aucun.
Cette technique, qui existe depuis plusieurs années, connaît des applications dans les domaines de la cardiologie, de la neurologie et de la cancérologie. En ce qui concerne, par exemple, le dépistage de certains cancers dont la fréquence est particulièrement importante en Lorraine, la précision du diagnostic ainsi obtenu permettrait d'éviter de 12 à 15 % des interventions mutilantes pratiquées actuellement.
Or les éléments de réponse que s'apprêterait à faire valoir votre administration sont les suivants : « Les gamma caméras sont soumises à autorisation au titre des équipements lourds. Votre région est normalement dotée. A vous de "faire avec", en réduisant les indications cardiologiques ou neurologiques au profit des indications cancérologiques. »
Si, malgré sa technicité, j'ai évoqué cet exemple, c'est parce qu'il est révélateur d'une situation que les médecins ne peuvent, en conscience, accepter : choisir ceux qui peuvent bénéficier d'un diagnostic ou d'un traitement, au détriment des autres. Aucun d'entre eux ne conteste la nécessité d'« optimiser » les moyens qu'ils revendiquent pour leurs malades, mais ils refusent que les moyens - nécessairement limités, ils en conviennent - soient déterminés sans référence aucune aux besoins de santé.
Disposer de données fiables, s'appuyer sur une référence aux besoins de santé, définir des priorités à l'échelon pertinent, c'est-à-dire à l'échelon régional, comme chacun s'accorde désormais à le reconnaître, telles sont, madame la ministre, madame la secrétaire d'Etat, les conditions auxquelles doit satisfaire une politique de santé à laquelle pourraient alors adhérer les acteurs du système de soins.
La politique suivie par le Gouvernement me paraît s'éloigner, année après année, de ces préoccupations. Au lieu de rechercher une détente, elle contribue à crisper les relations entre les différents partenaires.
Avec les membres du groupe de l'Union centriste, je voterai les amendements présentés par la commission des affaires sociales, afin de corriger, autant que faire se peut, un projet de loi dont les fondements et les conséquences ne manquent pas de nous inquiéter. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'Union centriste, des Républicains et Indépendants et du RPR, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Trucy.
M. François Trucy. Monsieur le président, madame la ministre, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, je sais que mon passage à la tribune est salué avec le plaisir que suscite le dernier intervenant dans la discussion générale et que, en échange, j'aurai droit à une attention toute particulière ! (Sourires.)
Le Sénat examine le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2000, et donc l'ensemble des problèmes qui y sont liés.
L'importance de ce budget, la succession ininterrompue de déficits considérables, l'échec patent de tous les plans d'économie ont conduit les gouvernements successifs à multiplier les solutions, à créer la CSG en 1991, à en augmenter le taux en 1993, 1997 et 1998, à créer la CRDS, la contribution au remboursement de la dette sociale, en 1996 et à la proroger en 1998.
Demain, faute d'une maîtrise convenable de ce budget, il ne sera possible ni d'accroître les cotisations des salariés et des employeurs - ce n'est plus de saison ! - ni d'augmenter ces impôts qui pèsent lourd sur le pouvoir d'achat.
Mais compte tenu de la nature éminemment sociale et sensible de cette sécurité sociale, il ne peut non plus être question d'une gestion purement comptable de la dépense, gestion qui serait obligatoirement aveugle et injuste.
Il faut donc que tous les partenaires jouent le jeu honnêtement et dans la transparence, cette transparence qui, comme vous le savez, madame la ministre, madame la secrétaire d'Etat, fait encore gravement défaut, sinon à la CNAM même, du moins dans de nombreuses régions, ce qui n'est pas bon pour le dialogue.
Il faut également que les mesures autoritaires restent du domaine de l'exception.
Madame la ministre, vous avez fixé pour l'an 2000 une enveloppe globale de 658 milliards de francs sans que nous puissions, à l'heure actuelle, aisément déterminer la répartition que vous ferez entre les différents secteurs. Une majoration de 2,5 %, ce serait très bien, compte tenu de la conjoncture, si la progression des dépenses de santé en 1999, comme le rappelait Claude Huriet, n'était pas déjà de 3,5 %.
M. François Autain. Elles baissent !
M. François Trucy. Peut-être, dans votre estimation de 2,5 %, avez-vous, madame la ministre, provisionné quelque peu ce que l'on reproche aux gouvernements de ne jamais prévoir, c'est-à-dire des dépenses exceptionnelles causées par l'épidémiologie, le financement des progrès techniques ou des mesures nouvelles en matière de prévention. Si c'est le cas, pouvez-vous nous le préciser ?
Car il faut être réaliste : après des années d'expériences cuisantes, nous savons que ni les recettes de gestion - améliorables - de la CNAM ni les efforts - encore insuffisants - de maîtrise des dépenses par les praticiens de la santé ne progresseront suffisamment.
Les dépenses de santé ne peuvent qu'augmenter du fait du vieillissement de la population et de la croissance du coût des techniques médicales. Alors, et c'est l'argument majeur, mieux vaut la rationalisation que le rationnement.
La loi annuelle de financement de la sécurité sociale est donc une nécessité. Elle relève d'un principe légitime et réclame toute notre attention.
Madame la ministre, madame la secrétaire d'Etat, il reste à voir avec vous si les mesures que vous proposez sont en cohérence avec le contexte et susceptibles d'être efficaces.
La répartition des rôles entre le Gouvernement, le Parlement et les caisses étant de plus en plus difficile à comprendre, mes questions auront une portée assez large.
Ainsi, vous accordez, dans le texte, une plus large autonomie déléguée à la CNAM. Quelle est la réalité de cette autonomie annoncée ? N'est-elle pas de façade ?
En effet, si vous donnez à la CNAM les moyens légaux et réglementaires de faire respecter la gestion de l'enveloppe de 247 milliards de francs pour les soins de ville, vous précisez qu'en cas d'échec et de dérapages des dépenses au-delà des objectifs vous interviendrez en sanctionnant les spécialistes - ou les secteurs - « fautifs » par des baisses autoritaires de la valeur de leurs lettres clefs.
Une plus large autonomie donnée à la CNAM signifie-t-elle que le plan stratégique mis en débat par celle-ci en mars 1999 reçoit votre feu vert ?
Que retenez-vous ou qu'écartez-vous de ce plan ? Une prise de position claire et officielle de votre part sur chacun des points de ce plan doit être, tôt ou tard, connue de tous pour que ne persiste pas l'incertitude dans laquelle vivent les partenaires. Sinon, le régime conventionnel, déjà mal en point, ne guérira pas.
Ainsi, acceptez-vous que les praticiens doivent se soumettre à intervalles réguliers à une recertification de leurs connaissances, condition de leur conventionnement ? Si oui, comment concevez-vous cet énorme et difficile contrôle des compétences ?
Retenez-vous la proposition de la CNAM de conventionner les professionnels de santé en fonction des besoins sanitaires dans les régions où existerait une surdensité médicale ? Dans l'affirmative, qui jugera s'il y a ou non surdensité ?
On vous prête l'intention de renoncer définitivement aux remboursements par les médecins en cas de dépassement des objectifs de prescription de leur régime. Conseil d'Etat ou non, ce système était très difficile à mettre en oeuvre et éminemment injuste.
Cependant, si vous procédez, en cas de dérapage des dépenses et d'échec de la CNAM, à des baisses autoritaires des tarifs de telle ou telle lettre clef, vous disposerez d'un système plus simple, certes, mais tout aussi injuste que le précédent puisque tous les spécialistes seront pénalisés en raison du comportement d'un petit nombre d'entre eux.
Croyez-vous réellement possible, en tout état de cause, de procéder à des bilans du respect de ces objectifs au quatrième et au huitième mois de l'année ?
Rendrez-vous obligatoire - comme ce serait souhaitable - les justifications et motifs des arrêts de travail ?
Enfin, estimez-vous normal que la CNAM remette en cause sa part du financement de l'assurance sociale vieillesse des médecins conventionnés - droit acquis en 1960, en échange du conventionnement - en fonction de critères de gestion d'actualité ?
Madame la ministre, madame la secrétaire d'Etat, à la logique du système d'assurance créé à la Libération, et dont la gestion paritaire était confiée aux cotisants, s'est, au fil du temps, ajoutée une logique de solidarité, qui a étendu le bénéfice du système à un nombre sans cesse croissant d'assujettis, en particulier les plus démunis et les plus dépendants.
C'est cette logique de solidarité qui justifie la perception des impôts récents que sont la CSG et la CRDS, et qui sont légitimes. Mais quelle est la légitimité du financement, directement ou indirectement, du coût de l'application de votre projet de loi de réduction du temps de travail à 35 heures ?
Par ces dispositions, vous introduisez dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale une troisième logique ; c'est une logique d'organisation sociale du travail qui est d'une autre nature, qui n'a pas sa place dans ce projet de loi et qui n'est pas cohérente avec les objectifs et les missions pour lesquelles la sécurité sociale a été initialement créée.
Le budget de la sécurité sociale est en passe de devenir un instrument parmi d'autres de gestion des finances publiques puisqu'il inclut des dépenses qui relèvent par nature du budget de l'Etat et utilise des impôts.
Madame la ministre, madame la secrétaire d'Etat, le groupe des Républicains et Indépendants attend vos réponses à ces questions. Surtout, il sera très attentif aux avis que vous formulerez sur les propositions de la commission des affaires sociales et de son très compétent rapporteur. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR, de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.

8

NOMINATION DE MEMBRES D'ORGANISMES
EXTRAPARLEMENTAIRES

M. le président. Je rappelle que la commission des affaires économiques, la commission des affaires étrangères et la commission des finances ont proposé des candidatures pour trois organismes extraparlementaires.
La présidence n'a reçu aucune opposition dans le délai d'une heure prévu par l'article 9 du règlement.
En conséquence, ces candidatures sont ratifiées et je proclame :
- M. Henri Revol membre du comité consultatif de l'utilisation de l'énergie ;
- M. Paul d'Ornano membre du conseil d'administration de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger ;
- M. Auguste Cazalet membre de la commission centrale de classement des débits de tabac.

9

NOMINATION D'UN MEMBRE
D'UNE COMMISSION

M. le président. Je rappelle au Sénat que le groupe du Rassemblement pour la République a présenté une candidature pour la commission des affaires sociales.
Le délai prévu par l'article 8 du règlement est expiré.
La présidence n'a reçu aucune opposition.
En conséquence, je déclare cette candidature ratifiée et je proclame M. Jean-Pierre Vial membre de la commission des affaires sociales, en remplacement de M. Simon Loueckhote, démissionnaire.

10

FINANCEMENT
DE LA SÉCURITÉ SOCIALE POUR 2000

Suite de la discussion d'un projet de loi

M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2000.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je m'efforcerai, avec Dominique Gillot, de répondre à vos questions, interpellations ou remarques.
Tout d'abord, je voudrais souligner quelques points d'accord avec votre rapporteur, M. Descours, sur le redressement des comptes et sur la situation économique.
Il est reconnu dans le rapport de la commission que les comptes de la sécurité sociale se sont redressés, cela étant dû à une croissance des recettes que vous attribuez, pour partie, aux mesures de redressement qui ont été prises, notamment la loi de financement de la sécurité sociale de 1998, et, pour partie, à la croissance économique.
Si à la fois votre rapporteur et MM. Huriet et Bimbenet le disent, c'est sans doute qu'il y a une réalité à ne pas voir uniquement dans la croissance - du reste, le secrétaire général de la commission des comptes de la sécurité sociale l'a dit également - le redressement des comptes de la sécurité sociale. MM. Domeizel et Autain ont insisté longuement sur les raisons qui ont conduit à la réduction de ce déficit.
Monsieur le rapporteur, vous expliquez la croissance économique par le fait que la demande intérieure, à la fin de l'année 1997, c'est-à-dire après le changement de Gouvernement, a pris le relais de la demande extérieure. Vous notez même ceci dans votre rapport : « Contrairement aux "reprises" du début et du milieu des années quatre-vingt-dix interrompues immédiatement, l'année 1997 a été suivie par deux années de croissance relativement forte. »
Vous vous félicitez de cette vigueur de la demande intérieure. Il est vrai qu'elle nous met à l'abri des effets du ralentissement de l'économie mondiale - nous l'avons vu au moment des crises asiatique et russe.
S'agissant plus particulièrement de l'année 2000, vous relevez - je le dis, car une fois n'est pas coutume - la prudence des prévisions de croissance, donc de recettes du Gouvernement - habituellement, on nous reproche d'être trop optimistes, alors que les prévisions des deux années passées ont été respectées - en citant les chiffres nettement supérieurs du bureau d'information et de prévision économique, le BIPE, et de l'Observatoire français des conjonctures économiques, l'OFCE.
De même vous soulignez que, selon les instituts indépendants, le chômage va continuer à baisser sensiblement.
Par conséquent, fort logiquement, vous concluez que les prévisions macroéconomiques du Gouvernement pour 2000 sont « tout à fait réalisables ».
Vous relevez que la croissance de la masse salariale reste forte en 1999 et 2000, bien que la croissance du produit intérieur brut soit inférieure à celle de 1998. Vous en déduisez que la croissance française est devenue plus riche en emplois et vous y voyez un effet positif des allégements des charges sociales.
Je considère, pour ma part, que ces constats sont autant d'hommages à l'action du Gouvernement...
M. Charles Descours, rapporteur. Et à celle des précédents gouvernements !
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Ce n'est pas ce que vous écrivez !
Ces constats, dis-je, sont autant d'hommages à l'action du Gouvernement, qui a su soutenir la consommation, rétablir la confiance, mener une politique active de l'emploi - réduction de la durée du travail, emplois-jeunes, soutien aux nouvelles technologies -...
M. Charles Descours, rapporteur. C'est de la macroéconomie !
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Je suis en train de dire que nous sommes d'accord, monsieur le rapporteur ! Je commence par un hommage à votre clairvoyance sur la politique que nous menons et sur ses résultats ! Alors, ne vous contredisez pas vous-même !
Les dernières prévisions de l'OCDE pour 2000 et 2001 viennent conforter cet hommage puisque, avec une croissance moyenne de 2,95 % et un taux de chômage ramené en dessous de 10 % à la fin de 2000 - c'est ce que prévoit cet organisme - la France serait en tête des grands pays de l'OCDE. En particulier, le taux de chômage baisserait de 40 % de plus que dans le reste des pays de l'Union européenne.
M. Charles Descours, rapporteur. Nous sommes honnêtes ! J'espère que vous le serez aussi !
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Mais cet hommage a seulement pour objet, si je puis dire, de préparer une critique du Gouvernement sur la maîtrise des dépenses. A cet égard, je souhaite rappeler quelques données à MM. Descours et Louis Boyer.
Sur deux ans, en 1998 et 1999, les dépenses d'assurance maladie devraient augmenter de 7,1 %, soit un niveau équivalent à celui de la croissance du produit intérieur brut.
On ne constate pas, je l'ai dit hier, le dérapage massif que certains se complaisent à décrire. On observe simplement, dans un pays développé - et c'est bien normal - des dépenses de santé qui s'accroissent parallèlement à la richesse nationale. Habituellement, vous le savez, ces dépenses augmentent plutôt davantage.
Par ailleurs, la croissance des dépenses de santé s'infléchit - bien entendu, des progrès restent à faire - de 4 % en 1998 et de 3,1 % en 1999. Les chiffres publiés lundi par la CNAMTS indiquent une progression, sur les neuf premiers mois de l'année, égale à 2,7 % sur le champ de l'ONDAM. Nous pourrions donc obtenir un résultat meilleur que la prévision ; mais il convient de demeurer prudent en matière.
Autre signe d'infléchissement : si l'ONDAM devrait, pour le régime général, être dépassé de 10,6 milliards de francs fin 1999, monsieur Huriet, 8,3 milliards de francs sont imputables à l'année 1998 et 2,3 milliards de francs « seulement » - si je puis dire - à l'année 1999. D'ailleurs, je devrais dire 1,3 milliard de francs, car, au titre de l'année 1999, la contribution de l'industrie pharmaceutique, de l'ordre de 1 milliard de francs, va être versée au budget de la sécurité sociale.
En donnant ces chiffres, je fais moi-même la démonstration de l'intérêt du « rebasage » de l'ONDAM. En effet, quelle serait l'utilité de fixer des objectifs sur des résultats qui n'auraient pas été rétablis en fonction de la réalité ? Cela aurait peu de sens, vous le reconnaîtrez, y compris pour l'analyse de ce qui est en train de se passer.
Cette année, les dépenses sont conformes à l'objectif pour l'hôpital, les cliniques et les honoraires des médecins. C'est dire combien l'objectif fixé par le Parlement est considéré par le Gouvernement comme devant être atteint, et nous avons pris des mesures pour qu'il en soit ainsi.
Sur les neuf derniers mois, la progression des honoraires des médecins est nulle. Nous laissons donc à la CNAMTS une situation en ordre, que nous devons d'ailleurs aux mesures correctrices prises, le plus souvent, je l'ai dit, en accord avec les spécialistes concernés.
Madame Borvo, si je me réjouis de ces résultats en matière de maîtrise des dépenses, c'est parce que, comme vous, je pense que le rétablissement de l'équilibre de la sécurité sociale, voire l'apparition d'un excédent, doit nous permettre non seulement d'améliorer la prise en charge de soins qui sont actuellement mal remboursés - je fais allusion, bien entendu, à l'optique et aux prothèses dentaires, domaines dans lesquels nous allons, vous le verrez, progresser très rapidement - mais aussi de prendre en compte des besoins nouveaux ; je pense aux nouvelles maladies, notamment à celles qui sont liées au vieillissement de la population.
Il reste que certains postes subissent encore des évolutions trop rapides.
S'agissant des biens médicaux, nous proposons une réforme de même nature que celle qui a été entreprise pour les médicaments, c'est-à-dire que nous allons analyser les prix et les taux de remboursement en fonction du service médical rendu, qu'il s'agisse des prothèses ou des fauteuils roulants.
En ce qui concerne les médicaments, si la croissance est encore importante aujourd'hui, elle s'est infléchie, puisqu'elle est passée de 8 % en 1998 à 5 % en 1999. Les chiffres qui viennent d'être publiés par un organisme international montrent que la France connaît la progression la plus faible des pays les plus développés, lesquels enregistrent une hausse de 8 % en moyenne. Celle-ci s'établit en effet à 10 % en Allemagne et à 12 % aux Etats-Unis, contre 5 % en France. Cela ne correspond pas encore à notre souhait, mais nous progressons, et nous pouvons affirmer que ces résultats sont largement dus à la politique structurelle qui a été engagée : le développement des médicaments génériques, l'harmonisation des prix des équivalents thérapeutiques et la réévaluation des médicaments en fonction du service médical rendu.
C'est donc dans ce contexte, meilleur que celui de l'an passé, que nous pouvons aborder sous un jour nouveau les dispositifs de régulation.
J'ai entendu vos critiques sur le « rebasage », pour reprendre la terminologie qui s'est malheureusement imposée. Il s'agirait d'un « artifice » selon M. Descours, d'une « logique d'occultation » pour M. Oudin.
Je remarque par ailleurs que M. Descours a indiqué hier, comme il l'avait écrit voilà quelques jours dans la presse médicale - heureusement, il ne tient pas deux discours - qu'il souhaitait que ce « rebasage » ait néanmoins lieu. Il a indiqué clairement qu'il n'était pas contre cette remise à zéro,...
M. Charles Descours, rapporteur. ... que je n'étais pas contre, à condition que...
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Je vous lis !
... qui devait « s'accompagner de mesures tendant à financer le déficit de l'assurance maladie ».
Pour ma part, je ne fais jamais de citation tronquée, monsieur Descours !
M. Charles Descours, rapporteur. Oh !
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. C'est pourquoi je cite vos propos jusqu'au bout.
M. Charles Descours, rapporteur. Sauf pour les avis du Conseil d'Etat !
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Le « rebasage » consiste simplement à apprécier le respect des objectifs votés par le Parlement par rapport aux résultats de l'année passée et non par rapport aux résultats cumulés de l'ensemble des années passées. C'est d'ailleurs ce qui se pratique pour les grands agrégats économiques, notamment pour le budget de l'Etat. Ne pas « rebaser » conduirait d'ailleurs à désespérer les professionnels de santé.
Le dérapage s'élevait à 8,3 % en 1998, contre 1,3 % seulement en 1999, et il sera peut-être réduit à zéro en 2000. Pourtant, nous aurions toujours ces milliards de francs derrière nous, qui finalement décourageraient même ceux qui ont envie de dégager des résultats.
Par conséquent, ne désespérons pas les professionnels. Soyons capables d'analyser, année par année, les évolutions, pour prendre éventuellement les mesures nécessaires - que j'essaierai d'ailleurs de vous communiquer.
Pour financer les déficits du précédent gouvernement, il a fallu créer la Caisse d'amortissement de la dette sociale, la CADES, et la contribution pour le remboursement de la dette sociale, la CRDS, que les Français paieront jusqu'en 2014, vous l'avez dit, monsieur Descours. Eh bien ! nous n'aurons pas recours à ce moyen ! Le déficit est supporté en trésorerie par le régime général et nous sommes convaincus que les excédents à venir, du fait du redressement des comptes, permettront de l'absorber.
Alors, pour que soient recevables vos critiques à notre encontre s'agissant de la maîtrise des dépenses, encore faudrait-il, monsieur le rapporteur, monsieur le président de la commission, que vous avanciez des propositions. L'année dernière, vous proposiez des reversements individualisés ; ils ont disparu cette année et nous nous en félicitons. Mais que mettez-vous à la place ?
M. Charles Descours, rapporteur. Vous aussi, vous proposez des reversements collectifs !
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Monsieur le rapporteur, je vous ai écouté ! Ayez la gentillesse de faire de même !
M. Charles Descours, rapporteur. Je vous réponds !
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Que proposez-vous cette année ? Vous vous bornez à indiquer, dans l'un des amendements présentés, que la convention prévoit des outils de maîtrise médicalisée des dépenses. Jusque-là, nous ne pouvons qu'être d'accord, c'est d'ailleurs ce que nous faisons. Il n'est pas nécessaire de légiférer à cet effet car la loi en vigueur le permet.
En revanche, vous supprimez toutes les dispositions qui pourraient concrètement inciter les médecins à s'associer à cette maîtrise médicalisée : les contrats de bonne pratique et les accords de bon usage des soins.
Votre démarche relève donc de l'intention, vertueuse, je le concède, mais elle reste purement incantatoire.
Le second alinéa de cet amendement tend à mettre en place un dispositif que je n'ai pas bien compris, car il ne débouche sur rien. Vous dites que si, sur l'année n, il y a un dépassement, on établit, l'année n +1, des contrats régionaux. De ces contrats, on ne nous dit rien, sinon qu'ils devraient permettre de réagir à un dépassement une fois l'année écoulée. Comment ? Par quelles mesures ? Nul ne le sait !
Vous prévoyez, toujours en année n +1, un bilan de ces contrats en fin d'année. Le dépassement de l'année n +1, est donc déjà bien loin. Si rien n'a alors changé, quelles conséquences concrètes va-t-on en tirer ? Mystère ! Vous ne faites aucune proposition particulière ; à aucun moment on n'intervient pour faire respecter l'ONDAM.
J'ai entendu M. Huriet dire que nous ne considérions pas l'ONDAM comme un objectif. Si, nous considérons l'ONDAM comme un objectif ! C'est la raison pour laquelle j'ai été amenée à prendre un certain nombre de décisions - je vais y revenir. A la demande de la CNAMTS et de ses partenaires, nous donnons à cette caisse les moyens, aujourd'hui, de prendre des décisions en cours d'année pour, justement, faire en sorte que l'ONDAM soit respecté.
En juin 1998, nous avons constaté une forte progression des honoraires de certains spécialistes, par exemple des radiologues. Qu'aurais-je dû faire si j'avais appliqué le dispositif que vous proposez ? J'aurais dû attendre le début de l'année 1999 pour étudier la question et pour demander que le problème soit réglé au moyen des contrats régionaux. Quels contrats régionaux ? Sur quelle base ? Qui les élabore ? Je l'ignore !
Ces contrats seraient entrés en application au mieux au second trimestre 1999. Leur bilan aurait été dressé en mars 2000, c'est-à-dire deux ans après le dérapage. Eh bien ! moi, pendant ce temps-là, j'ai agi ! D'ailleurs, si je ne l'avais pas fait, vous me l'auriez reproché : vous m'auriez demandé quelle est l'utilité de voter un ONDAM si vous ne faites rien pour le faire respecter ? » Eh bien ! j'ai tenté de le faire respecter !
M. Charles Descours, rapporteur. Vous l'avez « rebasé ».
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Non, je l'ai fait respecter, puisque, cette année, les radiologues, les cardiologues, les laboratoires biologiques, les dentistes, les cliniques, ont effectué des reversements à la sécurité sociale. Ceux-ci ont permis d'éviter le dérapage des honoraires des spécialistes, qui aurait perduré si j'avais appliqué le système que vous proposez.
Monsieur Descours, j'entends déjà les critiques que vous m'auriez adressées si nous n'avions pas pris les mesures que nous avons arrêtées.
Dans le fond, le dispositif que nous proposons - puisque vous ne nous faites pas confiance ! - c'est celui que suggérait très récemment M. Balladur dans Impact Médecin Hebdo du 15 octobre 1999 : « Je souhaite que, par la voie conventionnelle, les partenaires sociaux et les médecins définissent les seuils au-delà desquels, dans les limites financières déterminées chaque année par le Parlement, les taux de remboursement et les lettres clés seraient amenés à varier. »
M. Jacques Barrot disait aussi, dans Le Quotidien du Médecin du 17 février 1998 : « Nous avons imaginé le système des reversements d'honoraires, mais ce n'est pas le seul. On peut imaginer des lettres clés flottantes ou tout autre dispositif. L'important c'est d'avoir un mécanisme qui empêche de se retrouver comme autrefois dans des situations de déficit chronique. »
Eh bien ! c'est ce que nous faisons : nous donnons la possibilité à la CNAMTS, comme elle le souhaite, d'agir sur l'ensemble des paramètres - la nomenclature, les bonnes pratiques, l'élaboration et la mise en place de réseaux, le niveau des honoraires - afin que l'ONDAM soit respecté.
A cet égard, je suis étonnée de constater qu'au moment même où nous proposons à la CNAM, qui l'avait demandé, d'être autonome précisément pour ce qui est de la médecine, au moment même où nous lui donnons les moyens complets d'intervention dans ce domaine - je l'espère par la voie conventionnelle ou, à défaut, sous sa propre responsabilité - certains, comme M. Trucy, mais aussi comme vous, monsieur Descours, me disent : « Vous voulez agir seule. Vous voulez étatiser. »
Nous avons été amenés à agir seuls cette année parce que l'ordonnance Juppé ne permettait pas à la CNAM d'agir : à défaut d'autres accords avec les spécialistes, la CNAM était dépourvue de tout moyen pour faire respecter l'ONDAM.
Nous allons donc, cette année, donner à l'ensemble des professionnels de la médecine de ville la possibilité de négocier avec les caisses et de trouver les moyens de régulation.
D'ailleurs, cela peut jouer dans les deux sens. Ainsi, la convention des généralistes, qui, l'année dernière, a donné lieu à une augmentation de la lettre clé, n'a pas entraîné de dérapages et les objectifs fixés ont été parfaitement respectés.
Donc, nous réformons le système par la loi en portant le débat devant le Parlement, monsieur Descours. D'ailleurs, je me suis toujours réjouie que les ordonnances Juppé aient prévu ce débat indispensable sur les grandes orientations en matière financière comme en matière de politique de santé. J'ai dit hier que Dominique Gillot et moi-même souhaitions instituer un débat annuel, avant l'été, sur les grands objectifs de santé publique.
S'agissant des honoraires des médecins, si leur progression est nulle sur neuf mois, le Gouvernement y est effectivement pour quelque chose : c'est bien en travaillant avec les professionnels de santé, en signant des accords avec un certain nombre de professionnels que nous avons effectivement réussi à inscrire notre démarche dans une logique de travail en collaboration - dorénavant, ce sera avec la CNAM - que ce soit sur la nomenclature, sur les bonnes pratiques mais aussi sur des reversements, lorsque cela s'avère nécessaire, sous une forme ou sous une autre.
La liste des professionnels avec lesquels nous avons conclu est longue. Elle témoigne de la confiance retrouvée d'un corps médical que nous avions, à notre arrivée, trouvé braqué.
Concernant les médecins spécialistes, nous avons agi parce que nous étions contraints de le faire devant les dérapages constatés. Nous proposons, cette année, de donner à la CNAM, et pour la première fois, une responsabilité pleine et entière, dans des conditions claires et lisibles par tous, respectant ainsi ce qui avait été demandé, du moins sur ce point particulier, dans le cadre du plan stratégique.
Nous entendons, comme le souhaite M. Autain, donner sur ces bases une nouvelle vigueur au dialogue conventionnel. En procédant ainsi, monsieur Giraud, nous ne cloisonnons pas notre système de santé, au contraire, nous clarifions les responsabilités et nous nous donnons les moyens de développer les réseaux et les complémentarités sur le terrain.
En accordant ainsi une large délégation à la CNAM, nous montrons notre confiance dans le paritarisme, pas par des mots, pas par des slogans, mais bien dans la réalité des choses.
Ainsi, monsieur Descours, monsieur Boyer, vous qui nous reprochez de ne pas avoir assez tenu compte du plan stratégique de la CNAM, que proposez-vous d'en retenir ? En tout cas pas ce que nous proposons ici, c'est-à-dire de lui donner la responsabilité totale dans le cadre de la médecine de ville. Et pourquoi allez-vous voter contre la disposition qui organise un meilleur suivi des gros consommateurs, disposition qui figurait dans le plan de la CNAM ?
J'ai bien noté, en tout cas, que M. Cabanel se félicitait que nous n'ayons pas suivi la CNAM en matière de thermalisme !
M. François Autain. Et pour cause !
M. Charles Descours, rapporteur. Moi aussi, je m'en félicite, car je suis du même département, tout comme M. le président !
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Ne nous faites pas, alors, des reproches contradictoires !
Je voudrais préciser à M. Cabanel, en réponse à sa question, que l'arrêté qui prolonge la dispense d'entente préalable n'est pas rétroactif, bien évidemment. Mesdames, messieurs les sénateurs, j'essaie de faire des textes qui soient conformes à la Constitution ; on peut parfois se tromper, mais, en l'occurrence, cela n'a pas été le cas. (Sourires.)
Notre ligne de conduite pour l'assurance maladie repose sur la clarification des compétences, le développement des outils structurels et le dialogue avec les professionnels. La loi de modernisation du système de santé, que nous discuterons en l'an 2000, approfondira encore l'effort entrepris ; mais le chemin parcouru est important.
Je voudrais revenir d'un mot sur le médicament, car M. Autain a posé une question tout à fait importante pour l'avenir de la sécurité sociale. Un laboratoire pourrait en effet s'abstenir de demander le remboursement de certains médicaments pour faire pression sur les pouvoirs publics. Nous le voyons actuellement à propos d'un médicament antigrippe. Il est vrai qu'à partir du moment où le non-remboursement permet de faire de la publicité, certains laboratoires ne demandent pas le remboursement, obtiennent l'autorisation de mise sur le marché, développent la communication qu'ils souhaitent, puis font pression sur les pouvoirs publics pour que le remboursement soit accordé, mais à un tarif qui, parfois, ne correspond pas à leur apport.
Ce médicament a suscité un débat très important. Alors que l'autorisation de mise sur le marché a été accordée à l'échelon européen, certains pays, comme la Grande-Bretagne, se refusent à mettre ce médicament sur le marché, car il présente, semble-t-il, des problèmes pour certaines populations et le service médical rendu n'apparaît pas évident.
Je n'en dirai pas plus, car nous attendons l'avis de la commission de transparence. Mais je crois que la question, qui est un peu la même que celle qui se pose aujourd'hui pour les pilules de troisième génération, mérite approfondissement.
Pour ce qui est des pilules de troisième génération, nous n'arrivons pas à en faire baisser le prix, un prix qui, à l'évidence, nous dit le rapport Spira, n'est pas justifié par l'apport en termes de contraception ou de réduction des effets secondaires. Nous n'avons aucune raison de rembourser des pilules qui n'offrent pas un apport médical supérieur par rapport aux pilules des générations antérieures. Pourtant, leur coût est aujourd'hui huit à dix fois supérieur. Et les laboratoires, par le biais des plannings familiaux ou autres, les distribuent aujourd'hui gratuitement, se ménageant ainsi une clientèle captive, et font de la publicité, ce que ne peuvent pas faire les autres.
A nous de prendre la mesure des problèmes de plus en plus importants qui se posent en la matière.
J'en arrive à la politique hospitalière.
M. Descours comme M. Francis Giraud nous ont reproché de ne pas nous préocupper de la politique hospitalière. Je veux leur rappeler que ce sont eux qui, en 1997 et en 1998, ont souhaité un ONDAM réduit par rapport aux propositions du Gouvernement, au motif qu'il fallait faire des économies sur l'hôpital. (M. Charles Descours, rapporteur, fait un signe de dénégation.)
Mais si, monsieur Descours !
M. Charles Descours, rapporteur. Je n'ai jamais dit cela !
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Mais, vous avez, semble-t-il, rompu avec cette tradition cette année, et croyez bien que je m'en réjouis.
Pour répondre à M. Trucy, j'indiquerai, comme je l'ai dit à de nombreuses reprises, que je n'ai jamais suivi les propositions de la CNAM en ce qui concerne la politique hospitalière. J'ai toujours pensé que ce n'était pas en posant une règle de trois, dans un bureau, que l'on ferait évoluer la recomposition hospitalière. Il faut au contraire partir des besoins de la population, des bassins de vie, et analyser les besoins de santé, comme nous l'avons fait dans les schémas régionaux d'organisation sanitaire. D'ailleurs, je remercie M. Descours d'avoir salué cette action.
Forts de ce qui est actuellement réalisé avec les schémas régionaux d'organisation sanitaire, nous devons de plus en plus agir à l'échelon régional pour faire évoluer l'hôpital public comme le secteur privé avec les besoins et l'évolution des techniques, et pour réduire les inégalités.
La qualité et la sécurité des soins est l'un des trois axes de notre politique hospitalière. C'est l'attente de nos compatriotes, qui s'est exprimée, avec juste raison, lors des états généraux de la santé.
L'accrédition, maintenant opérationnelle, doit permettre de s'assurer de cette qualité. Quarante établissements se sont déjà engagés dans la méthode mise en place par l'Agence nationale d'accréditation et d'évaluation en santé, l'ANAES ; deux cents devraient l'être à la fin de l'an 2000. Je confirme ces chiffres à M. Descours.
Nous renforçons également notre politique de sécurité sanitaire. Des normes techniques et sanitaires en matière de périnatalité et d'urgence ont été élaborées pour garantir un niveau de sécurité homogène dans l'ensemble des établissements et, comme vous le savez, la lutte contre les infections nosocomiales a été renforcée par la loi du 1er juillet 1998.
Nous avons développé des recommandations de bonne pratique sur les greffes, le sang et les médicaments, pour contribuer à accroître la sécurité de leur utilisation. Des moyens ont été prévus et viennent d'être intégrés aux ARH, les agences régionales de l'hospitalisation, dans le cadre de la procédure budgétaire.
La réduction des inégalités est le deuxième axe de notre politique hospitalière.
J'ai parlé, dans mon discours introductif, de la montée en charge des permanences d'accès aux soins de santé destinées à accueillir les plus démunis.
Je rappelle que la réduction des inégalités entre les régions est également prioritaire. Nous avons fait le choix de déléguer une fraction très importante des dotations, à hauteur de 2,24 % cette année sur les 2,5 % de l'ONDAM. La politique de réduction des inégalités est donc poursuivie.
Si le projet de loi de financement de la sécurité sociale est adopté, les taux en métropole, que nous avons, à la demande des deux assemblées, communiqués avant le débat, varieront de 1,25 % à 3,8 %, afin de poursuivre l'effort engagé pour rattraper le retard accumulé par certaines régions.
Mais, au sein même des régions, il existe aussi des inégalités entre établissements, et nous devons, là aussi, les réduire. A cet effet, nous avons demandé aux ARH de s'appuyer sur les outils de connaissance de l'activité des établissements de santé que sont les programmes de médicalisation du système d'information, ou PMSI. Ces outils se perfectionnent et se développent dans des secteurs nouveaux. Parallèlement, comme vous le savez, nous engageons des travaux pour expérimenter la tarification à la pathologie, qui devrait, à terme, permettre de comparer ce qui est comparable, tout en maintenant des crédits spécifiques pour l'hôpital, car nous savons que celui-ci remplit des tâches de service public. En effet, il ne sélectionne pas ses malades ni les pathologies qu'il traite, il assure des missions de formation et de recherche, et tout cela doit, bien évidemment, être pris en compte dans les enveloppes.
J'en viens au troisième axe de notre politique, qui concerne l'adaptation de l'hôpital aux besoins.
Je ne reviendrai pas sur les schémas régionaux d'organisation sanitaire, les SROS. Les urgences, la périnatalité, la cancérologie ont fait partie des priorités nationales, qui ont été largement complétées. Par exemple, dix SROS comportent un volet spécifique pour assurer l'accès aux soins des personnes en situation de précarité. De même, de nombreux SROS redéploient aujourd'hui les unités de soins de suite ou de réadaptation pour mieux les répartir géographiquement. D'autres traitent les problèmes d'alcoolisme dans certaines régions particulièrement concernées.
Les SROS permettent également le développement d'activités nouvelles ou insuffisamment représentées. Tel est le cas du maintien de l'insuffisance rénale chronique, des soins palliatifs ou du traitement de la douleur, sur lesquels nous commençons à généraliser un certain nombre de pratiques. De même, les alternatives à l'hospitalisation figurent souvent dans les priorités, ce qui devrait nous permettre de rattraper notre retard en la matière.
Ainsi, notre politique hospitalière est, me semble-t-il, cohérente, efficace et déterminée. Elle part des besoins de santé. Elle vise à atteindre la meilleure qualité et, surtout, à donner à tous nos concitoyens, partout où ils se trouvent, l'assurance d'être traités de la même manière en fonction de l'état de gravité ou d'avancée de la maladie.
J'en viens à la réforme des cotisations patronales.
Comme l'a souligné François Autain, la réforme des cotisations patronales est un dispositif essentiel pour l'emploi. J'avoue que je ne comprends pas bien l'opposition systématique de la majorité sénatoriale,...
M. Charles Descours, rapporteur. Et d'une partie de la majorité plurielle !
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. ... sauf à croire qu'il s'agit d'une opposition de principe.
M. François Autain. Ils sont souvent sectaires !
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Monsieur Descours, comme votre collègue Jean-Pierre Fourcade, vous vous dites favorable aux allégements de charges sur les bas salaires. Or, lorsque vos amis étaient aux responsabilités, vous avez sans cesse repoussé cette réforme pourtant nécessaire.
M. François Autain. Absolument !
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Aujourd'hui, alors que le Gouvernement soumet au Parlement un dispositif qui exonère 85 % des cotisations patronales par rapport au SMIC, qui concernera les deux tiers des salariés - ceux qui se situent en deçà de 1,8 fois le SMIC - et qui, après prise en compte du financement des 35 heures, conduira à une baisse du coût du travail de 5 % en deçà de 10 000 francs par mois, alors donc que le Gouvernement vous soumet un tel dispositif, vous qui, ici-même, en juin 1998, avez voté une proposition de loi allant dans le même sens, vous vous y opposez !
M. Dominique Braye. Eh oui !
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Comprenne qui pourra !
M. Dominique Braye. Eh oui !
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. En plus, ce qui n'a pas été le cas ni lorsque vos amis étaient au pouvoir ni en juin dernier, lorsque vous avez présenté cette proposition de loi, cette fois-ci, nous avons le financement.
M. Dominique Braye. Avec quels moyens !
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Je relève une autre incohérence entre les discours et les actes, monsieur Descours.
Vous vous déclarez d'accord pour ne pas asseoir les prélèvements sociaux uniquement sur les salaires. Pourtant, lorsque le Gouvernement propose enfin au Parlement un dispositif, qui, à prélèvement globalement constant, allège de 25 milliards de francs les charges qui pèsent sur les salaires, en les transférant sur les revenus du capital et sur les entreprises capitalistiques, vous décidez de supprimer les articles 2, 3 et 4 du projet de loi, qui organisent précisément cet élargissement d'assiette.
M. Dominique Braye. Mais non !
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Autant je peux comprendre la remarque de Mme Borvo quand elle estime qu'avec 7,5 milliards de francs en 2000, dont 4,3 milliards de francs sur les bénéfices, ce n'est encore qu'un petit pas...
M. Dominique Braye. Il faut bien leur donner quelques satisfactions, car vous leur faites avaler beaucoup de couleuvres !
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Je note que ce sont toujours les mêmes sénateurs qui font des remarques ! Il est regrettable, monsieur Braye, que vous ne fassiez pas une grande intervention, qui me permettrait enfin de comprendre quelles sont vos idées en matière de sécurité sociale ! (Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. Dominique Braye. Il faut bien, je le répète, donner des satisfactions aux membres de votre majorité, pour les couleuvres que vous leur faites avaler !
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Monsieur le sénateur, il se trouve que cela fait trois ans que je me bats pour faire en sorte que l'assiette des cotisations sociales aille au-delà des seuls salaires. Que vous ne soyez pas d'accord, monsieur le sénateur, chacun appréciera, notamment les commerçants et les artisans, ainsi que les entreprises de services, qui attendent cette réforme depuis maintenant trente ans. (M. Dominique Braye s'esclaffe.) Et je ne vois pas pourquoi je ne dirais pas au groupe communiste républicain et citoyen, qui soutient la même idée que moi, comme l'ensemble des partis de la majorité, quand je partage et quand je ne partage pas son point de vue.
Nous sommes, nous, au moins d'accord sur l'essentiel. Tout le monde ne peut pas en dire autant ! (Sourires sur les travées socialistes.)

Ce qui vous gêne, peut-être, ...
M. Dominique Braye. Non, cela m'amuse !
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. ... c'est que nous abordons effectivement l'ensemble des paramètres susceptibles de diminuer le chômage, sous tous leurs aspects et, je dois le dire, sans dogmatisme.
Nous abordons à la fois les nouveaux emplois, les nouvelles technologies, les emplois-jeunes, la réduction de la durée du temps de travail, le soutien à la consommation des ménages et, aujourd'hui, la baisse des charges, mais une baisse par élargissement de l'assiette des cotisations, qui, contrairement à ce qui a été fait par le passé, sera contrôlé. En effet, dans le projet de loi relatif à la réduction négociée du temps de travail - je vais encore vous faire plaisir en disant que c'est le groupe communiste qui a déposé les amendements concernant cette disposition - le Gouvernement s'est engagé - l'ensemble du Sénat pourrait d'ailleurs en être d'accord car cet engagement est sain pour la démocratie - à mesurer les effets et les contreparties en matière d'emploi de l'utilisation des fonds publics. Puisque nous baissons les charges, nous faisons un rapport pour expliquer au Parlement comment l'argent public a été utilisé et quels ont été les résultats en matière d'emploi.
M. Guy Fischer. La droite n'a jamais voulu le faire !
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Je préfère écouter les 830 000 entreprises de l'UTA, l'Union professionnelle artisanale, qui, par l'intermédiaire de leurs représentants, saluent cette réforme « qui répond enfin à l'urgence de réduire le coût du travail dans les entreprises de main-d'oeuvre ».
En ce qui concerne les circuits de financement, je voudrais d'abord saluer l'innovation en matière de vocabulaire. Nous avions beaucoup entendu parler d'usines à gaz, formulation reprise par MM. Oudin et Descours. M. Delaneau a parlé de « plomberie », M. Fourcade de « raffinerie ». Je constate que l'opposition nationale est toujours prête à innover pour qualifier ce qui, à mon avis, n'est jamais qu'une usine à emplois, car notre objectif est bien de créer des emplois.
M. Jean Delaneau, président de la commission des affaires sociales. On verra !
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Tout le monde l'a compris, vous tentez, en l'occurrence, de faire un procès en sorcellerie financière, et je reprends, là encore, les propos de M. Autain.
De quoi s'agit-il d'autre, en effet, quand ces critiques viennent d'une opposition nationale qui a créé, lorsqu'elle était aux responsabilités, en 1994, le Fonds de solidarité vieillesse, qui était financé - excusez du peu ! - par une partie de la CSG, par les taxes sur les alcools, par la taxe sur la prévoyance et les produits financiers et par la C3S, la contribution sociale de solidarité des sociétés ? En matière de complexité, nous sommes à bonne école...
M. Charles Descours, rapporteur. Mais vous continuez !
M. Dominique Braye. Vous en rajoutez !
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. ... et nous avons de grands maîtres !
De quoi s'agit-il d'autre quand M. Lambert parle d'argent détourné du fonds de réserve pour les retraites, alors que les ressources qui devaient provenir du FSV viendront de la sécurité sociale, et de manière plus assurée puisqu'il y a transfert de recettes ?
De quoi s'agit-il d'autre quand M. Oudin prétend que nous avons utilisé les 14 milliards de francs d'excédents potentiels de la sécurité sociale pour financer des dépenses nouvelles, alors que nous les mobilisons principalement pour alimenter le fonds de réserve pour les retraites ?
De quoi s'agit-il d'autre quand M. Descours continue de prétendre qu'il y a une contribution indirecte de la sécurité sociale au financement de la réforme des cotisations patronales,...
M. Charles Descours, rapporteur. Oui, je continue !
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. ... alors qu'elle contribue au fonds de réserve pour les retraites ?
Mais, si vous n'êtes pas d'accord, il faudra le dire aux Français, car nos concitoyens, qui attendent une réforme de nos systèmes de retraite,... M. Dominique Braye. Ils attendent toujours !
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. ... attendent de la solidarité nationale qu'elle soit capable d'avoir un fonds de réserve pour les retraites à la hauteur des problèmes qui sont soulevés.
M. Dominique Braye. On en est loin !
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Certes, mais c'est mieux que lorsqu'il n'y avait rien !
M. Charles Descours, rapporteur. On en reparlera !
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. De quoi s'agit-il d'autre quand MM. Oudin et Lambert prétendent qu'il y a un trou dans le financement de la réforme des cotisations patronales de 20 milliards de francs dès 2001, qui conduirait à un triplement de la CSG, à un quadruplement de la taxe générale sur les activités polluantes, la TGAP, et à un doublement des droits sur les alcools ?
La réalité, c'est qu'il n'y a pas de prélèvement nouveau global, ni sur les entreprises ni sur les ménages.
S'agissant des entreprises, la contribution sociale sur les bénéfices sera reversée aux entreprises de main-d'oeuvre. Il s'agit donc d'un pur rééquilibrage. En ce qui concerne les ménages, les droits sur les alcools ne sont pas augmentés, ils sont simplement transférés du FSV vers le fonds de baisse des charges. Il en va de même pour le tabac.
Enfin, je ne peux vous laisser dire qu'il y aurait douze prélèvements nouveaux depuis 1997, dont cinq qui figureraient dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2000.
Je souhaiterais les reprendre successivement.
Pour ce qui est des droits sur les tabacs, il s'agit d'un transfert du budget de l'Etat vers celui de la sécurité sociale, ce qui est d'ailleurs pertinent sur le principe, vous en conviendrez.
Quant aux droits sur les alcools, il s'agit, là encore, d'un transfert, et j'attends que l'on m'explique en quoi il est plus logique que ces droits soient affectés à des validations de points de retraite plutôt qu'au fonds de financement de la réforme des cotisations patronales.
La contribution sur les bénéfices se substitue à la surcontribution sur l'impôt sur les sociétés, mais elle vient abonder la sécurité sociale, et c'est une grande première.
La TGAP était affectée au budget de l'Etat ; elle est simplement transférée et élargie à 1,3 milliard de francs en l'an 2000.
Quant à la contribution concernant les heures supplémentaires, elle ne s'applique qu'aux entreprises qui ne seront pas à 35 heures, et a donc vocation à disparaître.
MM. Lambert, Delaneau et Oudin, j'entends votre demande d'une meilleure articulation de la présentation des finances sociales et des finances de l'Etat. Justement, en créant ce fonds de baisse des charges, nous visons une plus grande transparence et une plus grande clarification. Nous pourrons, chaque année, ensemble, dans un débat démocratique, mesurer les contreparties en termes d'emplois de ces réductions de charges. Cela fait longtemps que les Français attendent qu'on leur dise comment sont utilisées ces réductions de cotisations sociales.
J'en viens à la politique familiale.
Beaucoup d'entre vous se sont inquiétés de la politique familiale du Gouvernement. Je remercie d'abord M. Chabroux de l'avoir soutenue en soulignant qu'elle était organisée autour d'une exigence de justice et de solidarité. En effet - il a eu raison de le dire - cette politique repose sur une méthode : la concertation avec le mouvement familial et les partenaires sociaux, matérialisée chaque année par la réunion de la conférence de la famille.
Ainsi, chaque année, nous définissons avec eux des priorités, à la suite d'ailleurs du travail que Mme Dominique Gillot avait fait à la demande du Premier ministre lorsqu'elle était député. Nous arrêtons des mesures et nous les soumettons au Parlement lors du débat sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale.
Je rappelle les progrès réalisés depuis deux ans : l'allocation de rentrée scolaire étendue à toutes les familles d'un enfant ; la réévaluation des loyers-plafond des allocations de logement familial ; le bénéfice des majorations pour âge ouvert aux titulaires du revenu minimum d'insertion ; l'augmentation du budget d'action sociale de la CNAF - 1 milliard de francs l'année dernière, 700 millions de francs cette année - pour soutenir le développement des structures d'accueil des enfants ; le prolongement du bénéfice des prestations familiales à vingt ans pour toutes les familles ; le prolongement à vingt et un ans de l'âge limite pour bénéficier de l'allocation de logement et du complément familial.
Il y a donc bien une vraie politique familiale qui se construit dans la durée et dans la concertation, et qui s'appuie, à la différence de ce qui s'est passé précédemment, sur des comptes de la famille qui sont aujourd'hui équilibrés.
En effet, lorsque j'entends sur certaines travées demander la prolongation à vingt-deux ans de toutes les prestations familiales, je demande : comme financez-vous cette mesure ? On ne peut à la fois demander une maîtrise des dépenses et proposer, à l'instar de la loi Balladur, des engagements sans prévoir leur financement.
M. Dominique Braye. Et le projet de loi sur les 35 heures ?
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Je dirai à M. Jean-Louis Lorrain que, en vue de la prochaine conférence de la famille, nous travaillons, à la demande des associations, sur deux grands thèmes : la simplification des aides à la famille, dont il a parlé, et les aides au logement.
J'en viens aux retraites.
M. Vasselle nous a reproché, une fois encore, de ne pas aller assez vite. Ainsi que je l'ai déjà dit et le Premier ministre s'est lui-même exprimé sur ce sujet à plusieurs reprises, le Gouvernement est évidemment conscient qu'une réforme des systèmes de retraite s'impose, afin de consolider les régimes par répartition qui vont connaître, comme on le sait, des difficultés à partir de 2005.
Nous souhaitons respecter la méthode que le Premier ministre a définie et qui est la suivante : d'abord, le diagnostic - il est réalisé - ensuite, le dialogue - nous y sommes - enfin, des décisions - il les annoncera au début de l'année prochaine.
Nous suivons cette méthode et ce calendrier sans succomber aux appels de ceux qui voudraient que nous prenions immédiatement des mesures, sans d'ailleurs nous préciser lesquelles, ou de ceux qui nous conseillent de repousser indéfiniment le problème. Vous pouvez compter sur la détermination du Gouvernement.
Négocier, se concerter, ce n'est pas temporiser. Ce sont d'ailleurs les mêmes qui parlent d'étatisation et de non-négociation qui nous demandent aujourd'hui de prendre des décisions sans cette concertation.
D'ores et déjà, le fonds de réserve pour les retraites a été constitué - je rassure M. Descours : je comprends qu'il ne lise pas tous les jours le Journal officiel ; moi-même, je ne le fais pas - contrairement à ce qu'il a dit, et ce depuis le décret du 24 octobre. Les décrets et arrêtés fixant le principe des 2 milliards de francs ont été publiés, et la somme versée à ce fonds dès le 29 octobre.
Comme je l'ai dit dans mon discours introductif, les ressources de ce fonds devraient dépasser légèrement les 20 milliards de francs à la fin de l'année prochaine, au titre même de la loi de financement de la sécurité sociale.
Je me réjouis que les excédents de la C3S et le FSV puissent effectivement aboutir à ce fonds de réserve. Ainsi, nous préparons bien l'avenir. Il est préférable d'accumuler ces réserves pour les retraites, plutôt que de les maintenir, comme le propose le président Delaneau, au sein de la CNAVTS.
Ce fonds de réserve va être mis en place sous la surveillance des partenaires sociaux et, sans doute, des représentants du Parlement. C'est un des thèmes que nous examinons actuellement avec l'ensemble des organisations patronales et syndicales. Les sommes vont être placées. Elles vont être surveillées, si je puis dire, et c'est bien normal, puisqu'il s'agit d'argent qui appartient à l'ensemble des Français.
Je veux remercier M. Domeizel d'avoir souligné que nous avons progressé sur la CNRACL. L'Etat, et je m'en félicite, partagera avec la collectivité et les hôpitaux l'effort pour assurer l'équilibre en 2000 et en 2001. Ce n'est pas parce que des réformes structurelles devaient êtres apportées que nous ne devions pas nous préoccuper du déficit. Vous avez eu raison de le souligner, monsieur Domeizel, il fallait avoir le courage de prendre ces mesures. Tous ceux qui ont le sens des responsabilités partagent dans les collectivités locales votre analyse.
Comme M. Domeizel, je m'étonne des propos tenus par M. Jean Boyer sur les retraités. Je rappelle que leur pouvoir d'achat a augmenté de 1 % sur deux ans. Certes, cette hausse peut paraître insuffisante. Si la situation de la sécurité sociale était meilleure, si le problème des retraites était derrière nous, peut-être pourrions-nous envisager une hausse plus importante. Mais je rappelle, comme l'a fait M. Domeizel, que, entre 1993 et 1997, les prélèvements pesant sur les retraités ont augmenté de 4,2 %, à savoir une hausse de 1,3 % de CSG en 1993, de 1,2 % de cotisations maladie et de 0,5 % de CRDS en 1996, de 0,2 % de cotisations maladie et de 1 % de CSG en 1997 sans revalorisation des retraites. Je veux bien que des critiques soient émises, mais encore faudrait-il se les appliquer à soi-même. Une progression de 1 % du pouvoir d'achat n'est peut-être pas énorme mais, par rapport à la situation précédente, elle est inégalée, et j'emploie ce terme à dessein compte tenu de celui qui a été utilisé par M. Jean Boyer sur la situation actuelle.
M. Domeizel a eu raison d'insister sur le bien-fondé de la modification des règles en matière de pension de réversion que nous avons mise en place l'année dernière ainsi que sur la revalorisation de ces pensions.
Enfin, j'ai annoncé une augmentation de 1 % du minimum vieillesse.
Je terminerai en apportant quelques réponses àM. Fischer sur les retraites. Il le sait mais je souhaite le rappeler : la volonté du Gouvernement est d'abord de renforcer les retraites par répartition. Aujourd'hui, dans notre pays, plus personne n'ose soutenir que la retraite par capitalisation réglerait des problèmes que la retraite par répartition ne saurait résoudre. Les mêmes difficultés se poseraient, mais nous n'aurions pas la solidarité entre les générations ni la solidarité résultant des minima. La première volonté du Gouvernement est donc de faire en sorte que la retraite par répartition soit consolidée. C'est sur ce thème que le Premier ministre s'exprimera.
Par ailleurs, nous nous sommes engagés à abroger la loi Thomas. Ce sera chose faite dans le DMOS du printemps.
M. Guy Fischer. Très bien !
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. L'engagement est pris et sera respecté.
Cela ne signifie pas qu'il ne faille pas aider ceux qui le souhaitent à mettre en place des fonds d'épargne salariale à moyen et long termes. Toutefois, ces fonds doivent être différents de ceux que prévoyait la loi Thomas. Aux termes de ce texte, seuls certains salariés, je pense par exemple aux cadres, pouvaient bénéficier du dispositif, en transférant parfois une partie de leur salaire sur des fonds de pension, leur permettant ainsi de ne pas verser de cotisations sociales, ce qui posait un problème à la sécurité sociale et aux retraites par répartition. Cette loi leur octroyait des avantages fiscaux exceptionnels.
La réflexion que nous engageons est d'une tout autre nature. MM. Balligand et De Foucauld travaillent actuellement sur le thème de l'épargne salariale. L'idée est la suivante : lorsqu'une personne le souhaite, et le choix doit être individuel, elle doit pouvoir disposer d'une épargne salariale à moyen et long termes, ouverte à tous avec les mêmes avantages fiscaux, dès lors que les règles d'utilisation sont collectives et que l'utilisation est collective. Si nous parvenons à instituer, par exemple, des fonds locaux de développement pour aider les petites et moyennes entreprises, pour favoriser le développement d'activités nouvelles et qui répondent à un certain nombre de règles tendant à la sécurité financière de ces fonds ouverts à tous - alors qu'aujourd'hui seuls ceux qui ont les moyens trouvent des placements à moyen et long termes offrant des avantages fiscaux - nous permettrons à chacun de pouvoir souscrire une épargne salariale à moyen et long termes pour conforter sa retraite et nous contribuerons au développement économique de notre pays, et non au développement de placements financiers ayant pour seul objet d'aider des catégories qui sont déjà parmi les plus privilégiées. C'est la raison pour laquelle la loi Thomas ne correspondait absolument pas à nos objectifs. Aujourd'hui, nous travaillons sur un autre terrain.
Voilà, monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, ce que je souhaitais dire. J'ai été un peu longue, mais ce débat n'a de sens que s'il nous permet de nous expliquer.
Loin de moi l'idée que tout est résolu - j'ai d'ailleurs énoncé les chantiers qui nous attendent, pour que notre sécurité sociale soit en équilibre et pour que les excédents à venir nous permettent de répondre aux attentes des Français en matière d'aide aux familles et de remboursement des soins - notamment pour les plus démunis et les personnes âgées.
C'est vers ces objectifs que tendent l'ensemble des propositions contenues dans ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale. Monsieur le président, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens à remercier à mon tour celles et ceux d'entre vous qui ont su dépasser le nécessaire débat sur les équilibres budgétaires pour traiter des thématiques de santé publique et d'action sociale qui en constituent le fondement.
J'ai noté avec intérêt que la plupart des questions qui m'ont été posées, qu'il s'agisse de prévention ou de réduction de la mortalité évitable, ou encore d'actions en matière de handicap, se rapportent directement à des politiques de santé publiques qui constituent les priorités que le Gouvernement entend mettre en oeuvre.
Vous confirmez ainsi l'intérêt de ce rendez-vous annuel qui permet l'ouverture d'un débat, certes partiel, mais cependant utile, à l'occasion de l'article 1er du PLFSS pour 2000.
A cet égard, je ne partage pas les réserves de Mme Borvo, qui déplore la faible portée du rapport annexé à l'article 1er de la loi. Au contraire, grâce à cet article, le Gouvernement peut rappeler le sens de l'action qu'il conduit en soulignant les différentes priorités politiques mises en oeuvre et en affichant des perspectives pour l'année qui vient.
Concernant la santé, tout d'abord, M. Giraud m'a interrogée sur les modalités de renforcement de la surveillance de la grossesse par une consultation systématique de prévention pour les femmes enceintes.
L'objectif visé par la politique de périnatalité consiste aujourd'hui à améliorer le suivi médical, psychologique et social de la grossesse, notamment en organisant des séances de préparation à la naissance mieux adaptées.
Un arrêté en cours de préparation va permettre aux sages-femmes de jouer pleinement, dès le début de la grossesse, un rôle de prévention et d'éducation pour la santé auprès des femmes enceintes et, plus largement, auprès des futurs parents. Dès cette année, nous avons décidé d'augmenter de 10 % le nombre de sages-femmes formées à cet effet.
M. Charles Descours, rapporteur. Très bien !
Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat. Le nombre de séances de préparation à la naissance et leur cotation seront réactualisés, après concertation avec les organisations professionnelles. Vous le voyez, l'orientation affichée dans le rapport s'appuie sur une politique volontariste en cours de mise en oeuvre, à laquelle les moyens nécessaires sont affectés.
En ce qui concerne la douleur et les soins palliatifs, il est nécessaire de réaffirmer que la prise en compte de la douleur à tous les stades ainsi que le développement des soins palliatifs demeurent des priorités du Gouvernement. La souffrance n'est ni un devoir ni une punition ; c'est l'apaisement qui est un droit. Le plan triennal a d'ores et déjà permis des avancées considérables, soutenues par plusieurs textes en 1999.
Ainsi, le décret du 3 mars 1999 a permis d'augmenter de sept à vingt-huit jours la durée de prescription possible des antalgiques majeurs.
Une circulaire de février 1999 incite les équipes soignantes des établissements à élaborer des protocoles de soins antidouleur et autorise les infirmiers, dans le cadre de protocoles, à administrer eux-mêmes les antalgiques. Le nombre et les moyens des structures de soins palliatifs ont été renforcés. L'information sur ces structures est maintenant disponible sur Internet et sur le minitel.
L'année 1999 a également été l'année d'une grande campagne d'information sur la lutte contre la douleur auprès du grand public, campagne financée par l'Etat à hauteur de deux millions de francs.
Concernant les soins palliatifs, je voudrais également rassurer M. Francis Giraud quant à la publication des décrets d'application de la loi du 9 juin 1999 visant à garantir le droit à l'accès aux soins palliatifs. Grâce à elle, les soins palliatifs, qui sont désormais inscrits et définis dans le code de la santé publique, sont intégrés dans l'organisation hospitalière.
L'action des bénévoles est reconnue et encadrée.
L'accompagnement par la famille est facilité.
Les décrets d'application sont en cours d'élaboration, les Agences régionales de l'hospitalisation, les ARH, ont pris en compte les soins palliatifs dans leur schéma régional d'organisation sanitaire, les SROS, et une circulaire va préciser les conditions de développement de l'hospitalisation à domicile consacrée aux soins palliatifs.
Les actions engagées en 1999 seront poursuivies en l'an 2000 et, pour la première fois, la formation à la prise en charge des soins palliatifs deviendra une priorité de formation continue.
Comme vous le voyez, les soins palliatifs et la prise en compte de la douleur figurent bien parmi les principales priorités du Gouvernement, assorties des moyens nécessaires.
Monsieur Huriet, vous vous êtes inquiété des suites données aux travaux de la conférence nationale de santé. N'avez-vous pas été rassuré par les grands thèmes de mon intervention générale d'hier, qui reprennent la plupart des préconisations de cet organisme, dont les travaux nous sont précieux ?
Je veux parler de la lutte contre les pratiques addictives et les dépendances dangereuses pour la santé ou la sécurité publique, notamment en direction des jeunes, de la prise en charge des personnes souffrant de maladies chroniques, auprès desquelles est développée une éducation thérapeutique pour leur garantir une meilleure qualité de vie. Cette démarche, qui s'adresse aux malades atteints du sida et de cancers, sera étendue l'année prochaine à ceux qui souffrent de diabète ou d'asthme. Les campagnes de dépistage du cancer vont continuer et se développer.
Sont aussi à l'ordre du jour le suivi de la dépendance des personnes âgées ainsi que la prévention des suicides et l'accompagnement des suicidants. Quant à la réduction des inégalités devant l'accès aux soins, elle est l'un des objectifs constamment poursuivi, notamment au travers de la mise en oeuvre des SROS de deuxième génération.
Concernant les personnels médicaux hospitaliers, vous êtes plusieurs - je pense notamment à votre rapporteur, M. Descours, et à M. Francis Giraud - à avoir attiré l'attention du Gouvernement sur l'inquiétude que vous percevez chez les praticiens hospitaliers et sur la désaffection des jeunes médecins pour la carrière hospitalière.
Pour les praticiens hospitaliers, je souhaite vous rappeler les avancées importantes réalisées, d'une part, grâce à la mise en place, par le décret du 25 juin 1999, de nouvelles modalités de recrutement, d'autre part, grâce à l'évolution statutaire instaurée par les décrets du 6 juillet 1999.
Il s'agit de l'institution d'un repos de sécurité après les gardes ; de l'harmonisation des carrières des praticiens temps plein et temps partiel, de l'élargissement des conditions de reprise de services accomplis antérieurement à l'entrée dans la carrière de praticien hospitalier ; de la création d'une prime pour exercice dans plusieurs établissements ; enfin, de l'institution d'une seconde demi-journée hebdomadaire d'intérêt général.
Encouragées par l'accueil positif que recueillent ces mesures auprès des médecins hospitaliers, Martine Aubry et moi-même allons poursuivre le dialogue avec eux.
Je veux également vous rappeler les mesures prises en faveur des médecins urgentistes : la modification du concours national de praticien hospitalier pour faciliter l'accès aux médecins urgentistes ; la revalorisation de la rémunération des assistants des hôpitaux, titulaires de la capacité de médecine d'urgence, enfin, la possibilité donnée aux structures d'urgence des CHU d'employer des médecins assistants.
Sur le plan des effectifs, un effort considérable a été réalisé, avec la création de 122 postes de médecins assistants. Par ailleurs, 230 postes de praticiens hospitaliers seront créés dans le cadre d'un plan pluriannuel : 30 postes dès cette année, 100 en 2000 et 100 en 2001.
Comme vous le voyez - je m'adresse particulièrement à M. Cabanel, qui s'inquiétait de la place des services d'urgence dans notre dispositif sanitaire - le Gouvernement accompagne de manière résolue et déterminée la médicalisation des services d'urgence, au service de la qualité des soins que nous devons aux patients qui s'adressent à ces structures.
Vous le savez, les maladies professionnelles, dont a parlé Mme Borvo, constituent une préoccupation permanente, tant de Martine Aubry que de moi-même.
Sur le plan de la surveillance épidémiologique de ces maladies, il faut rappeler l'instauration de l'unité santé-travail au sein de l'IVS, l'Institut de veille sanitaire. Cette unité d'ores et déjà opérationnelle sera renforcée de façon significative en 2000.
Les moyens nécesssaires ont été apportés pour conduire la réflexion sur les liens entre santé et travail. Ainsi, l'an prochain, dix chercheurs supplémentaires travailleront dans le département des risques environnementaux et professionnels de l'IVS.
L'unité santé-travail a bien évidemment focalisé ses premiers travaux sur l'amiante, mais nous lui avons aussi demandé de mener des programmes de recherche sur les expositions physiques et chimiques au travail.
Concernant l'action sociale, je souhaite maintenant réafirmer l'engagement du Gouvernement en réponse notamment aux interrogations de MM. Chabroux, Autain et Francis Giraud, qui m'ont tous trois interpellée sur la situation des structures de prise en charge des handicapés dans notre pays.
Comme j'ai eu l'occasion de le dire dans mon intervention liminaire, la politique en faveur des personnes handicapées occupe, dans le budget de la solidarité comme dans les préoccupations de nombre d'entre vous, une place centrale. Cette politique se veut globale et cohérente. Elle vise à favoriser prioritairement l'intégration des personnes handicapées dans tous les dispositifs de droit commun en milieu de vie ordinaire pour mieux répondre aux attentes exprimées sans pour autant négliger l'adaptation et la qualité des réponses des institutions et établissements spécialisés qui restent toujours nécessaires.
Bien sûr, il faut une lecture coordonnée de la loi de financement de la sécurité sociale et de la loi de finances de l'Etat pour prendre la mesure de l'action entreprise en ce sens. Je rappellerai simplement que les dotations prévues par le projet de loi de financement de la sécurité sociale qui vous est soumis aujourd'hui, au titre de l'ONDAM 2000, pour les personnes handicapées, augmentent de plus de 24 %. Elles comportent des actions ciblées en faveur des enfants, des autistes, des traumatisés crâniens et des porteurs de handicaps rares.
Comme vous l'avez rappelé, monsieur Giraud, notre pays souffre encore d'un manque de places pour certains handicapés. Nous avons donc lancé en avril 1998 un programme pluri-annuel de créations qui prévoit 5 500 places supplémentaires de maisons d'accueil spécialisées et de foyers à double tarification, 8 500 places supplémentaires de centres d'aides par le travail et 2 500 places supplémentaires d'ateliers protégés d'ici à 2003. Ce programme se développe régulièrement.
M. Jean-Louis Lorrain. C'est insuffisant !
Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat. Ce plan ambitieux - et dont le démarrage est effectif dès cette année - permettra de résorber la situation des jeunes adultes maintenus en établissement d'éducation spéciale par le biais de l'amendement Creton tout en faisant bénéficier les personnes en liste d'attente des places nouvellement créées.
Là encore, c'est par une action déterminée dans la durée que nous réussirons à corriger une situation qui, j'en suis bien consciente, n'est encore pas optimale à ce jour.
Je pense, par ces différentes précisions, avoir convaincu M. Lambert que le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2000 n'est pas, contrairement à ce qu'il nous a dit hier, « muet sur la santé publique ».
(Applaudissements sur les travées socialistes et sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. Charles Descours, rapporteur de la commission des affaires sociales. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Descours, rapporteur.
M. Charles Descours, rapporteur. Je voudrais répondre très brièvement sur quelques points à la longue intervention...
M. François Autain. Et intéressante !
M. Charles Descours, rapporteur. ... de Mme Aubry, que je remercie.
Vous triomphez, madame le ministre, en annonçant la publication d'un arrêté relatif au fonds de solidarité vieillesse. Or, il date du 24 octobre dernier, c'est-à-dire qu'il est postérieur à la présentation par vos soins de ce projet de loi en conseil des ministres.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Monsieur le rapporteur, vous avez dit qu'il n'avait jamais été publié ! Ma réponse se situait par rapport à cette affirmation.
M. Charles Descours, rapporteur. Il a vu le jour, certes, mais avec un an de retard, et sans avoir totalement défini le fonctionnement du Fonds de solidarité vieillesse.
Par ailleurs, je voudrais souligner que la nature de l'ONDAM est loin d'être bien définie.
Après avoir déclaré devant la commission qu'il s'agissait d'un indice, comme un indice des prix, vous avez dit tout à l'heure que c'était un agrégat économique... pour affirmer quelques instants plus tard qu'il s'agissait d'un objectif voté par le Parlement.
Or, nous considérons que c'est la loi, que nous avons bel et bien votée, et qui n'a donc rien à voir avec un indice de l'INSEE ou de je ne sais quel organisme plus ou moins officiel. C'est bien une loi votée par le Parlement, qui, comme la loi de finances, s'impose à l'Etat et au Gouvernement et leur impose des contraintes. Il est hors de question de jouer avec l'ONDAM comme on peut jouer, selon la conjoncture, avec un indice des prix !
A propos du dépassement, vous m'avez fait l'honneur de me citer. Or il se trouve, madame la ministre, que je vous lis, moi aussi. Ainsi, le Gouvernement a fait à Bruxelles, en décembre 1998, la déclaration suivante à propos du programme pluriannuel sur les finances publiques à l'horizon 2002 : « Une évolution contenue des dépenses d'assurance maladie est également possible. Le programme retient une progression en volume de ces dépenses de 1,3 % en 2000... » - nous allons nous prononcer sur une majoration de 2,5 % assortie d'un « rebasage » de l'ONDAM « ... et une diminution par la suite de manière à limiter à 3,5 % leur augmentation cumulée sur la période 2000-2002. »
Madame la ministre, confirmez-vous les objectifs que le Gouvernement a fixés à Bruxelles l'année dernière ? Selon vous, « cela suppose de poursuivre de façon volontariste les efforts de déclaration des dépenses ... et exige cependant des réformes de structure ». C'est exactement ce que j'ai dit et j'espère, dans ces conditions, que vous maintenez les propos que vous avez tenus en décembre 1998.
Et, puisque vous m'avez fait l'honneur de me lire, j'espère que vous avez fait une lecture exhaustive et non orientée de mon rapport. En effet, vous avez beaucoup parlé, pour vous en glorifier - mais vous en avez parfaitement le droit ! - d'accords conclus directement entre le Gouvernement et les représentants de certaines spécialités médicales. A ce sujet, permettez-moi simplement de citer les propos qu'a tenus M. Spaeth dans sa réponse au questionnaire de la commission des affaires sociales. « On indiquera les trois points suivants : la multiplication d'accords avec certaines catégories de spécialistes conduit à un morcellement accru du système de soins ; la passation de ces accords rend plus difficile le partage des responsabilités défini par la convention d'objectifs et de gestion entre l'Etat et la CNAMTS signée en avril 1997 ; les accords en question en constituent pas un mode de régulation adapté. » Je persiste donc, je confirme et je signe.
Je reviendrai sur les autres points, notamment sur les contre-propositions que j'ai présentées à l'article 17, lors de la discussion des articles. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Mes chers collègues, avant de passer à la discussion des articles, je vous propose d'interrompre nos travaux pendant quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-sept heures trente, est reprise à dix-sept heures cinquante.)
M. le président. La séance est reprise.

Nous passons à la discussion des articles

TITRE Ier

ORIENTATIONS ET OBJECTIFS
DE LA POLITIQUE DE SANTÉ
ET DE SÉCURITÉ SOCIALE

Article 1er (et rapport annexé) (réservé)

M. le président. Je rappelle que l'article 1er et le rapport annexé ont été réservés jusqu'après la discussion de l'article 31.

Articles additionnels après l'article 1er

M. le président. Par amendement n° 1, M. Descours, au nom de la commission des affaires sociales, propose d'insérer, après l'article 1er, un article additionnel ainsi rédigé :

« Le quatrième alinéa de l'article L. 114-1 du code de la sécurité sociale est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :
« Elle est assistée par un secrétariat général permanent, qui assure l'organisation de ses travaux ainsi que l'établissement de ses rapports.
« Le secrétariat général de la commission des comptes de la sécurité sociale est placé sous l'autorité d'un secrétaire général, nommé pour trois ans renouvelable une fois, par le ministre chargé de la sécurité sociale, sur proposition conjointe des présidents des deux assemblées. »
La parole est à M. Descours, rapporteur.
M. Charles Descours, rapporteur. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, les rapports de la commission des comptes de la sécurité sociale sont transmis au Parlement et ils constituent des annexes importantes des projets de loi de financement.
Ce que je vais dire sur les conditions de fonctionnement de la commission des comptes, qui nous semblent particulièrement importantes, comme le sont la qualité et l'objectivité de ses analyses, indispensables à la bonne compréhension du nouveau contexte créé par la loi de financement et par le vote par le Parlement, ne doit pas être pris comme un reproche fait à ce gouvernement.
Nombre d'observateurs et de journalistes sont convaincus que la commission est une instance délibérative présentant elle-même les comptes. Mme le ministre a d'ailleurs fait une conférence de presse extrêmement suivie à l'issue de la réunion de cette commission des comptes.
En fait, la commission des comptes est - je le dis sans agressivité - un « habillage » de la direction de la sécurité sociale. En effet, les comptes sont transmis au secrétaire général, seule personne véritablement « distincte » de l'administration de la sécurité sociale, une semaine avant la réunion de la commission. Le secrétaire général se borne ainsi à rédiger un « avant-propos » de deux ou trois pages, où il insiste régulièrement sur le manque de moyens... de l'administration elle-même.
Les comptes tendanciels, élaborés à l'occasion de la réunion de la commission des comptes, permettent normalement de distinguer avec clarté tout ce qui est réellement « tendanciel » et ce qui est « corrigé » ou proposé par le Gouvernement dans le projet de loi de financement.
Comme nous l'avons déjà relevé, pour le déplorer, au cours de la discussion générale et dans notre rapport écrit, le rapport de septembre 1999 marque une évolution regrettable. En effet, de nombreuses décisions, qui n'étaient pourtant pas votées par le Parlement à l'époque, ont été intégrées dans le « compte tendanciel ».
Dès lors, la commission a été obligée de reconstruire un véritable compte tendanciel, avant toute prise de décision, pour apprécier les véritables effets de la politique du Gouvernement.
L'exemple le plus fâcheux, sur lequel on a déjà beaucoup parlé, est la provision comptable de 5,5 milliards de francs opérée au détriment des branches du régime général pour le financement des 35 heures, et donc inscrite dans les dépenses par le secrétaire général. Paradoxalement, à la suite de la protestation des partenaires sociaux, cette provision a été retirée au cours de la lecture du projet à l'Assemblée nationale en échange, si je puis dire, d'une perte de recttes.
A l'évidence, ce n'est pas la commission des comptes de la sécurité sociale qui a décidé cette provision, ni même son secrétaire général, que nous ne mettons pas en cause, mais, bien évidemment, le Gouvernement.
Madame le ministre, vous avez déclaré à l'Assemblée nationale : « Nous avions inscrit par ailleurs dans les comptes de la sécurité sociale, provenant des cotisations des employeurs et des salariés, une provision de 5,5 milliards de francs pour le fonds de financement de la réforme des cotisations patronales. »
Il est donc apparu nécessaire à la commission de doter la commission des comptes de la sécurité sociale d'un secrétariat général permanent, distinct de la direction de la sécurité sociale. Ce secrétariat permanent aurait à sa tête le secrétaire général de la commission des comptes, qui serait toujours nommé par le ministre chargé de la sécurité sociale, donc par vous-même, madame Aubry, mais sur proposition conjointe des présidents des deux assemblées.
On observera, d'ailleurs, que le Gouvernement souhaite faire jouer à la commission des comptes un rôle plus important. Ainsi, l'article 11 du projet de loi relatif à la réduction négociée du temps de travail, certes supprimé par le Sénat, mais qui sera probablement adopté in fine , prévoyait, en son XVI, une « consultation » de la commission des comptes de la sécurité sociale avant de fixer les contributions des branches du régime général au financement des 35 heures. Quant à l'article 9 du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2000, il prévoit que la commission des comptes « constate » le respect de la garantie de ressources accordée à la CNAF.
Ce pouvoir de la commission des comptes, si l'on veut qu'il soit crédible auprès de l'opinion, doit donc s'appuyer sur une expertise autonome.
Une réforme plus globale de la commission pourrait être envisagée dans l'avenir, par exemple en faisant coïncider le « périmètre » des régimes de base obligatoires et des régimes complémentaires avec le « périmètre » des administrations publiques de sécurité sociale.
Dans un premier temps, cet article additionnel vise à assurer une meilleure information du Parlement et, au-delà, une plus grande transparence des comptes sociaux.
Madame le ministre - disant cela, je ne vise personne - les comptes sociaux sont aujourd'hui absolument inintelligibles pour la quasi-totalité de l'opinion et pour une grande partie des parlementaires.
Vous parlez beaucoup de démocratie, notamment de démocratie sanitaire. Chiche ! Mais la démocratie sanitaire, cela signifie d'abord que le budget de la sécurité sociale est compréhensible par les parlementaires, ce qui, je le répète, n'est pas le cas aujourd'hui.
Il faut donc que nous ayons une expertise autonome : la commission des comptes de la sécurité sociale, avec un secrétaire général indépendant, pourra en être l'instrument.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Il n'y a pas, à ce jour, d'exemple de nomination de ce type, c'est-à-dire d'un secrétaire général d'une commission nommé en conseil des ministres sur proposition des présidents des deux assemblées. La raison en est d'ailleurs simple : la séparation des pouvoirs exécutif et législatif.
Je remarque aussi, monsieur le rapporteur, que la commission des comptes existe en l'état depuis 1979. Vous avez fait une réforme constitutionnelle ; il y a eu les ordonnances Juppé : à aucun moment, des modifications de cette nature n'ont été proposées.
Il ne faut d'ailleurs pas se tromper sur la répartition des tâches entre l'administration et le secrétaire général : à l'administration de confectionner les comptes de la commission, car c'est effectivement elle qui a les données ; au secrétaire de commenter les comptes qui lui sont transmis par l'administration.
Aujourd'hui, le secrétaire général est un conseiller maître à la Cour des comptes, ancien directeur de la prévision. Il en a toutes les compétences. J'ai d'ailleurs relevé, monsieur le rapporteur, que, cette année, comme l'année dernière, vous vous êtes félicité de l'excellence de son travail, lors de la dernière réunion de la commission des comptes.
Il a formulé un certain nombre de remarques et de critiques, comme c'est son rôle, car il est totalement indépendant dans sa façon de faire son rapport. Qu'ensuite, des modifications soient apportées au projet que nous présentons à la commission des comptes de la sécurité sociale, rien ne m'apparaît plus naturel. En effet, à quoi servirait cette commission des comptes si nous devions présenter un projet et, en tout état de cause, ne rien en modifier avant de le soumettre au Parlement ?
Je suis surprise que vous vous étonniez que nous ayons pris en compte les remarques des organisations patronales et syndicales, qui ne souhaitaient pas, par exemple, que leurs contributions servent à financer une réduction des charges sociales.
La démocratie, c'est de réunir les commissions, d'entendre leurs avis, de les prendre en compte quand cela est possible et, ensuite, de présenter au Parlement un projet de loi qui engage le Gouvernement et d'ouvrir le débat.
J'ajoute que, comme vous le savez - nous en avons déjà parlé - des efforts très importants ont été faits par l'administration pour disposer dès l'année prochaine d'une comptabilité en droits constatés et d'une comptabilité commune à l'ensemble des caisses selon la formule ancienne, et ce dans un souci de plus grande transparence. Comme vous, je crois que tout ce qui peut accroître la transparence va dans le bon sens et c'est dans cette direction que travaille mon administration.
M. Charles Descours, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Descours, rapporteur.
M. Charles Descours, rapporteur. Nous n'allons pas polémiquer. Je ne pensais pas que vous alliez accéder immédiatement à ma demande. Mais pourriez-vous vous engager, madame le ministre, à demander à M. le secrétaire général de la commission des comptes de la sécurité sociale de présenter d'abord les comptes spontanés puis les comptes modifiés après les propositions du Gouvernement ? Je suis pour un exécutif fort, doté de certains pouvoirs.
Nous avons reproché à la commission des comptes d'avoir intégré immédiatement les 5,5 milliards de francs de prélèvements, que le Gouvernement avait proposés comme si cette mesure était acquise. La commission doit nous présenter les comptes bruts, puis les comptes modifiés prenant en considération les projets du Gouvernement. Il nous faut pouvoir distinguer les deux.
Une confusion s'est produite cette année, qui a donné lieu à certaines polémiques. Je n'ai mis en cause ni les fonctionnaires ni le secrétaire général de la commission des comptes de la sécurité sociale.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Je ne comprends pas très bien la question de M. Descours...
M. Charles Descours, rapporteur. Ah !
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Enfin ! j'ai quand même le droit d'essayer de vous répondre !
Je ne comprends donc pas votre question car le secrétaire général de la commission des comptes de la sécurité sociale présente les « comptes tendanciels », c'est-à-dire avant que les mesures annoncées soit définitives, mais en en tenant compte. Si la provision sur la baisse des charges sociales a été intégrée dans le « compte tendanciel », c'est parce qu'elle figurait déjà dans le projet de loi relatif à la réduction du temps de travail. D'ailleurs, vous auriez reproché à la commission de ne pas l'avoir fait !
Cette décision avait été annoncée, mais il est vrai que nous avons changé d'avis ensuite, pour les raisons que j'ai rappelées. Il était donc normal que le secrétaire général de la commission des comptes intègre cet élément dans le compte tendanciel.
Il est sain, quand des décisions sont annoncées en cours d'année, qu'elles soient intégrées dans le compte tendanciel. Autrement, cela n'aurait aucun sens.
Effectivement, cette année, nous avons été obligés de modifier un financement annoncé. Nous avons été très clairs sur ce point. Vous nous avez d'ailleurs vous-même dit combien il était important d'écouter les organisations patronales et syndicales - je partage votre point de vue - et nous avons modifié le mode de financement prévu.
J'insiste : le secrétaire général de la commission des comptes de la sécurité sociale fait très bien son travail, aujourd'hui comme hier, et ce dans la plus grande transparence, en prenant en compte les dépenses envisagées, pour que la commission des comptes de la sécurité sociale connaisse la réalité des comptes.
M. Charles Descours, rapporteur. Je suis sûr, madame la ministre, que vous avez mieux compris ma question que vous ne le prétendez !
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Non !
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 1, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 1er.
Par amendement n° 2, M. Descours, au nom de la commission des affaires sociales, propose d'insérer, après l'article 1er, un article additionnel ainsi rédigé :
« L'avis du Conseil d'Etat sur les projets de loi de financement de la sécurité sociale est transmis au Parlement. »
La parole est à M. Descours, rapporteur.
M. Charles Descours, rapporteur. Cet article additionnel prévoit la transmission au Parlement de l'avis du Conseil d'Etat sur les projets de loi de financement de la sécurité sociale.
C'est avant tout un amendement d'appel.
Madame le ministre, vous avez été interrogée, à l'Assemblée nationale, sur le sens de l'avis du Conseil d'Etat sur le présent projet de loi, le problème majeur étant relatif aux « contributions » demandées aux organismes de sécurité sociale dont le taux et l'assiette n'étaient pas définis par le projet de loi initial.
Vous auriez pu choisir de ne pas répondre, ou vous auriez pu transmettre au Parlement l'avis dans son intégralité. Mais vous avez simplement indiqué que l'avis du Conseil d'Etat ne posait pas de problème particulier. Je vous cite : « Je n'ai pas sous les yeux l'avis du Conseil d'Etat mais je vous en donnerai lecture tout à l'heure... Je peux néanmoins vous rassurer dès à présent : le Conseil d'Etat n'a évoqué aucun motif d'inconstitutionnalité, alors que le problème que vous avez soulevé a bien évidemment été envisagé, comme tous les autres. »
J'ai cherché cette « lecture » de l'avis du Conseil d'Etat dans la suite des débats à l'Assemblée nationale : je ne l'ai pas trouvée.
Il est vrai que, devant la commission des affaires sociales, vous avez proposé une lecture plus sincère de cet avis, en déclarant que le Conseil d'Etat « n'avait émis aucune objection de principe à l'égard d'une contribution des organismes de protection sociale au financement des 35 heures. Il avait seulement observé qu'une telle contribution, dès lors qu'elle ne résultait pas d'un accord avec les intéressés, était un impôt dont le Parlement devait fixer l'assiette et le taux. »
Or cet avis complet du Conseil d'Etat était dans toutes les salles de rédaction, et en particulier dans celle du Monde, qui l'a publié. D'ailleurs, on trouve tout dans ce quotidien... l'avis du Conseil d'Etat, les dossiers de justice...
J'ai donc lu cet avis, qui est très explicite : « En se bornant à prévoir que le montant de cette contribution serait fixé puis réparti entre les divers régimes sociaux assujettis en fonction du surcroît de recettes et des économies de dépenses induites par la réduction du temps de travail, sans définir autrement son assiette et son taux, le projet de loi ne satisfait pas, sur ce point, à l'obligation constitutionnelle faite au législateur d'exercer la totalité de sa compétence. »
Je suis prêt à retirer cet amendement, madame le ministre, après vous avoir entendue. Mais je crois qu'il ne faut pas « faire parler » les avis du Conseil d'Etat : ou vous les transmettez intégralement ou vous n'en parlez pas ! Mais comme, désormais, tout se passera dans une transparence qui me semble, d'ailleurs, un peu excessive, il faudra éviter que les avis du Conseil d'Etat ne paraissent dans la presse et de ne nous en donner, à nous, que des extraits.
J'attends donc votre réponse. Je répète que c'est un amendement un peu provocateur.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Je fais partie de ceux, ou de celles qui continuent à penser que la Constitution a un sens.
M. Charles Descours, rapporteur. Tant mieux !
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Nos institutions doivent fonctionner ainsi qu'elle le prévoit.
J'ai dit quelle était la réalité des choses. A la question : « Le principe de la contribution a-t-il été considéré comme inconstitutionnel par le Conseil d'Etat ? », j'ai répondu par la négative car le Conseil d'Etat nous avait simplement dit - vous avez lu mon intervention à l'Assemblée nationale - que si nous souhaitions maintenir cette contribution, il faudrait - c'était quand même la moindre des choses- en prévoir l'assiette et le taux. Nous-mêmes avions d'ailleurs dit au Conseil d'Etat que nous étions en pleine concertation avec les partenaires sociaux. Les choses étaient donc tout à fait claires.
Il n'y a pas de raison de changer une pratique qui est celle de nos institutions. L'avis du Conseil d'Etat fait partie des éléments que le Gouvernement prend en compte dans un texte tel qu'il le présente au Parlement. Le Parlement est toujours libre de saisir ensuite le Conseil constitutionnel.
Nos institutions fonctionnent bien en la matière et il n'y a pas de raison d'en changer, quelle que soit la pression de tel ou tel. Monsieur le rapporteur, dans une République, il est important de tenir face aux pressions !
M. Charles Descours, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Descours, rapporteur.
M. Charles Descours, rapporteur. Je suis également respectueux de la Constitution et des pouvoirs de l'exécutif. En conséquence, je retire l'amendement n° 2.
M. le président. L'amendement n° 2 est retiré.
Par amendement n° 3, M. Descours, au nom de la commission des affaires sociales, propose d'insérer, après l'article 1er, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Après l'article L. 114-1, il est inséré, dans le code de la sécurité sociale, un article L. 114-2 ainsi rédigé :
« Art. L. 114-2. - Les régimes obligatoires de sécurité sociale communiquent leurs comptes au secrétaire général de la commission des comptes avant le 31 mars de l'année suivant l'exercice considéré.
« Un décret en Conseil d'Etat précise les conditions d'application du présent article. »
« II. - Après l'article L. 114-1, il est inséré dans le code de la sécurité sociale un article L. 114-3 ainsi rédigé :
« Art. L. 114-3. - Les organismes de sécurité sociale décrivent leurs opérations à l'aide d'un plan comptable unique.
« Le suivi d'application de ce plan comptable est assuré par le secrétariat de la commission des comptes de la sécurité sociale.
« Un décret détermine les modalités d'application du présent article. »
« III. - Les dispositions du présent article s'appliquent pour la première fois aux comptes de l'année 2001. »
La parole est à M. Descours, rapporteur.
M. Charles Descours, rapporteur. Cet amendement est peut-être plus consensuel que le précédent. En tout cas, je ne pense pas le retirer, au contraire !
Il prévoit la transmission des comptes des organismes de sécurité sociale avant le 31 mars de l'année suivant l'exercice et l'harmonisation des plans comptables. Là aussi, il ne s'agit nullement d'un amendement polémique, mais simplement d'améliorer la discussion des projets de loi de financement de la sécurité sociale.
En effet, la discussion des lois de financement de la sécurité sociale, le contrôle de leur application par le Parlement et par la Cour des comptes sont pénalisés par les délais tardifs de remise des comptes.
Les progrès constatés au niveau des caisses du régime général et de l'ACOSS ne doivent pas masquer les retards rencontrés pour certains régimes, dont le régime agricole.
De plus, des « goulets d'étranglement » sont désormais nettement perceptibles au niveau de la direction de la sécurité sociale, dont les cinquième et sixième sous-directions sont sous-dotées en moyens, notamment en personnels.
Toutefois, je précise immédiatement - et je l'ai écrit dans le rapport - que cela ne résulte pas du fait des personnels qui y travaillent actuellement. D'ailleurs, vous l'avez dit, madame le ministre, tout comme votre prédécesseur et Mme Veil voilà déjà plusieurs années.
Je fonde ce constat sur les auditions du groupe de travail constitué en janvier 1999 par la commission sur les rapports de la Cour des comptes et sur les fameux « avant-propos » rédigés par les trois secrétaires généraux de la commission des comptes de la sécurité sociale qui se sont succédé depuis 1987.
Vous m'avez répondu l'autre jour, à la commission des comptes, que c'était la première fois que je demandais le recrutement de nouveaux fonctionnaires et que vous étiez surprise de ce changement d'attitude. Je vous rassure, madame le ministre, je ne pense pas que l'on soit obligé de recruter de nouveaux fonctionnaires : on pourrait procéder à des réaffectations, probablement au sein même de la direction de la sécurité sociale - mais ce n'est pas son travail - à l'intérieur du ministère de l'emploi et de la solidarité et, bien sûr, du ministère très richement doté qu'est Bercy vers le ministère relativement « pauvre » des affaires sociales.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. C'est une bonne idée ! (Sourires.)
M. Charles Descours, rapporteur. Sur ce point, nous vous soutiendrons, madame le ministre.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Présentez un amendement lors de la discussion budgétaire !
M. Charles Descours, rapporteur. Les lois de financement de la sécurité sociale imposent de disposer des comptes à temps. Si les comptes étaient arrêtés beaucoup plus tôt qu'à l'heure actuelle, le Parlement, les partenaires sociaux, la Cour des comptes, la commission des comptes de la sécurité sociale, l'administration elle-même, disposeraient de davantage de temps pour procéder à une analyse approfondie de l'existant et pour élaborer, sur des bases solides, des prévisions et des propositions.
La commission des affaires sociales propose, pour parvenir à un calendrier « idéal » des lois de financement, d'adopter deux dispositions de principe : premièrement, imposer aux régimes de sécurité sociale de communiquer leurs comptes avant le 31 mars - toutes les entreprises le font - au secrétaire général de la commission des comptes de la sécurité sociale ; deuxièmement, retenir le principe d'un plan comptable unique pour les organismes de sécurité sociale - depuis le temps qu'on nous en parle...
La commission ne souhaite pas se prononcer sur la nature de ce plan comptable. Elle laisse à la mission interministérielle de réforme de la comptabilité des organismes de sécurité sociale, la MIRCOSS, placée sous la responsabilité de M. Alain Déniel, que nous avons auditionné, le soin de le décider.
Les règles précises seraient fixées par décret. Je le sais bien, un plan comptable unique ne résoudra pas tout. Il est nécessaire de prévoir une instance de suivi, afin de traiter les problèmes d'application. Je souhaite que ce soit le secrétariat permanent de la commission des comptes de la sécurité sociale qui se charge de cette mission ce qui prouve bien, une nouvelle fois, l'intérêt d'un tel organisme.
J'ai prévu un délai d'un an pour que la MIRCOSS achève ses travaux et que l'administration ait le temps de se retourner. Ces dispositions ne seront donc applicables qu'au 1er janvier 2001.
Je rappelle que voilà deux années consécutives que le secrétaire général de la commission des comptes de la sécurité sociale ne reçoit les comptes que huit ou dix jours avant la réunion de la commission des comptes de septembre. Cela n'est pas tolérable. En disant cela, je le répète je ne critique ni une administration ni le Gouvernement.
Je sais également que cela demandera des efforts aux régimes sociaux - mais il importe que, à moyen terme - et pour éviter d'encourir les reproches de la Cour des comptes - les comptes sociaux gagnent en fiabilité, en crédibilité et en sincérité.
C'est donc dans un souci de transparence que je propose cet amendement, qui, je le répète, n'est pas un amendement polémique.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Le Gouvernement partage évidemment la préoccupation de la commission visant à imposer un plan comptable unique aux organismes de sécurité sociale et à accélérer la production et la communication des comptes.
Des efforts ont déjà été faits, vous l'avez souligné, monsieur le rapporteur. La direction de la sécurité sociale s'est ainsi employée, en 1997 et 1998, à donner des instructions en vue de réduire les délais de production des comptes des organismes de sécurité sociale. Cet objectif a été rappelé à tous les directeurs et agents comptables réunis lors de l'installation de la mission interministérielle de réforme de la comptabilité des organismes de sécurité sociale, en décembre 1998.
La Cour des comptes a d'ailleurs relevé, dans son dernier rapport au Parlement, une réduction des délais de production des comptes des organismes de sécurité sociale.
Nous poursuivrons ces efforts pour les comptes des années 1999 et 2000. Mais, et c'est pourquoi votre amendement me paraît peu opportun en termes de calendrier, la mission interministérielle de réforme de la comptabilité des organismes de sécurité sociale n'a été instituée qu'en décembre 1998.
Cette mission est chargée de soumettre au Conseil national de la comptabilité un plan comptable harmonisé des organismes de sécurité sociale et de proposer, sur cette base, les conditions d'une accélération sensible des délais de production des comptes annuels des différents organismes.
Elle a d'ores et déjà élaboré les nomenclatures de la comptabilité générale.
Elle analyse actuellement les facteurs de retard dans la production des comptes et il lui reste à réfléchir sur les modalités de centralisation des comptabilités et à examiner les adaptations informatiques nécessaires.
Nous sommes donc tout à fait dans le même esprit : nous poursuivons l'unification du plan comptable et nous essayons d'accélérer encore la production des comptes afin de les fournir dans les plus brefs délais.
Je ne pense pas, pour autant, qu'il faille retenir votre amendement, qui fixe des délais trop brefs et qui, en tout cas, propose une méthode trop autoritaire par rapport à celle que nous avons retenue : la concertation avec l'ensemble des caisses concernées pour mettre en place un système opératoire transparent et rapide, comme nous le souhaitons les uns et les autres.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 3, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 1er.

TITRE II

DISPOSITIONS RELATIVES AUX RESSOURCES

Articles 2 A, 2 B et 2 C

M. le président. « Art. 2 A. _ I. _ L'article L. 136-2 du code de la sécurité sociale est ainsi modifié :

« 1° Dans le 5° du II, après les mots : "loi", sont insérés les mots : ", ou, en tout état de cause, est assujettie à l'impôt sur le revenu en application de l'article 80 duodecies du code général des impôts" ;
« 2° Après le 5° du II, il est inséré un 5° bis ainsi rédigé :
« bis Les indemnités versées à l'occasion de la cessation de leurs fonctions aux mandataires sociaux, dirigeants et personnes visées à l'article 80 ter du code général des impôts, ou, en cas de cessation forcée de ces fonctions, la fraction de ces indemnités qui excède les montants définis au deuxième alinéa du 1 de l'article 80 duodecies du même code ; ».
« II. _ L'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Sont aussi prises en compte les indemnités versées à l'occasion de la rupture du contrat de travail à l'initiative de l'employeur ou à l'occasion de la cessation forcée des fonctions des mandataires sociaux, dirigeants et personnes visées à l'article 80 ter du code général des impôts, à hauteur de la fraction de ces indemnités qui est assujettie à l'impôt sur le revenu en application de l'article 80 duodecies du même code. »
« III. _ Après le premier alinéa de l'article 1031 du code rural, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Sont prises en compte dans l'assiette des cotisations visées au premier alinéa les indemnités versées à l'occasion de la rupture du contrat de travail à l'initiative de l'employeur ou à l'occasion de la cessation forcée des fonctions des mandataires sociaux, dirigeants et personnes visées à l'article 80 ter du code général des impôts, à hauteur de la fraction de ces indemnités qui est assujettie à l'impôt sur le revenu en application de l'article 80 duodecies du même code. »
« IV. _ L'article 1062 du code rural est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Sont prises en compte dans l'assiette des cotisations visées au 2° les indemnités versées à l'occasion de la rupture du contrat de travail à l'initiative de l'employeur ou à l'occasion de la cessation forcée des fonctions des mandataires sociaux, dirigeants et personnes visées à l'article 80 ter du code général des impôts, à hauteur de la fraction de ces indemnités qui est assujettie à l'impôt sur le revenu en application de l'article 80 duodecies du même code. »
« V. _ Après le premier alinéa de l'article 1154 du code rural, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Sont prises en compte dans l'assiette des cotisations visées au premier alinéa les indemnités versées à l'occasion de la rupture du contrat de travail à l'initiative de l'employeur ou à l'occasion de la cessation forcée des fonctions des mandataires sociaux, dirigeants et personnes visées à l'article 80 ter du code général des impôts, à hauteur de la fraction de ces indemnités qui est assujettie à l'impôt sur le revenu en application de l'article 80 duodecies du même code. »
« VI. - La dernière phrase du deuxième alinéa de l'article L. 122-14-13 du code du travail est supprimée. » - (Adopté.)
« Art. 2 B. _ I. _ Le premier alinéa du III de l'article L. 136-6 du code de la sécurité sociale est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Le produit de cette contribution est versé à l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale sans déduction d'une retenue pour frais d'assiette et de perception. »
« II. _ Les droits de consommation sur les tabacs prévus à l'article 575 A du code général des impôts sont majorés à due concurrence. » - (Adopté.)
« Art. 2 C. _ A la fin du troisième alinéa du III de l'article L. 136-6 du code de la sécurité sociale, la somme : "160 F" est remplacée par la somme : "400 F". » - (Adopté.)

Article additionnels avant l'article 2

M. le président. Par amendement n° 110, Mme Borvo, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent d'insérer, avant l'article 2, un article additionnel ainsi rédigé :

« I. - Après le cinquième alinéa de l'article L. 241-2 du code de la sécurité sociale, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Les frais de recouvrement, calculés à proportion des cotisation dues, sont à la charge des employeurs. »
« II. - Après le deuxième alinéa de l'article L. 241-3 du même code, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Des frais de recouvrement, calculés à proportion des cotisations dues, sont mis à la charge des employeurs. »
« III. - a) Dans le premier alinéa de l'article L. 241-5 du même code, après les mots : "cotisations dues", sont insérés les mots : "et les frais de recouvrement".
« b) En conséquence, au début de la seconde phrase du même alinéa, les mots : "Elles sont assises" sont remplacés par les mots : "Ils sont assis". »
La parole est à Mme Borvo.
Mme Nicole Borvo. Cet amendement s'intègre dans la conception globale que nous proposons concernant les cotisations sociales des entreprises. Il porte très précisément sur le coût de recouvrement des cotisations dues par les entreprises.
Dans les faits, la mise en oeuvre des missions des unions de recouvrement a un coût dont on est bien obligé de tenir compte.
Le fait de contrôler les déclarations des entreprises assujetties, de mettre les assujettis en situation de payer effectivement leur dû constituent autant d'actes générateurs de charges de gestion pour les unions de recouvrement.
Nous proposons donc, avec cet amendement, de procéder à la mise en place d'un système qui permette à la fois, comme cela existe déjà pour la plupart des impôts directs ou pour les contributions sociales que perçoit, pour le compte des organismes sociaux, le Trésor public, de faire face, même symboliquement, aux charges de gestion des organismes de recouvrement et de pallier les insuffisances temporaires de règlement des cotisations dues par les entreprises assujetties.
Cet amendement a donc pour objectif d'assurer une plus grande permanence et une meilleure lisibilité des recettes de la protection sociale et d'obliger les entreprises à assumer leurs responsabilités en matière de financement.
M. le président. Quel est l'avis de la commision ?
M. Charles Descours, rapporteur. Cet amendement vise, c'est clair, à mettre à la charge des entreprises les frais de recouvrement des cotisations sociales. Il s'agit, là encore, de leur imposer une charge nouvelle. Pourtant, le taux de recouvrement de ces cotisations est excellent : il est bien meilleur que celui des impôts !
Le taux des restes à recouvrer - les cotisations qui ne rentrent pas spontanément au cours d'une année - était de 1,24 % en 1998, contre 1,38 % en 1997, et il n'est plus aujourd'hui que de 0,72 %.
L'ACOSS, l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale, fait un excellent travail, et je crois que mettre à la charge des employeurs les frais de recouvrement reviendrait à alourdir les cotisations supportées par les entreprises.
Je ne vois pas très bien quel intérêt celles-ci auraient à s'acquitter en temps et en heure de leurs obligations sociales puisqu'elles devraient de toute façon régler les frais de recouvrement. J'ai donc peur, madame Borvo, que votre amendement n'aille à l'encontre de l'objectif visé.
Je voudrais répéter ici, en tant que président du conseil de surveillance de l'ACOSS, que les URSSAF effectuent un travail difficile, compte tenu notamment de la complexité croissante, des différents dispositifs d'exonération, et que, lors de chaque réunion du conseil de surveillance, on me demande de plaider pour la simplification des processus de recouvrement. Mais cela est un autre débat.
En tout état de cause, la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Je voudrais d'abord dire qu'en vertu des principes qui régissent le recouvrement des cotisations de sécurité sociale les employeurs sont bien sûr responsables du versement à la bonne date des cotisations dont ils sont redevables, mais que, lorsqu'ils ne s'acquittent pas de leurs obligations, ils doivent supporter l'ensemble des frais de procédure exposés par l'URSSAF pour obtenir le paiement de sa créance.
En revanche, lorque l'on recourt non pas à la voie contentieuse, mais simplement à une demande administrative de recouvrement, ce qui fait effectivement partie du travail des URSSAF, l'adoption de l'amendement soulèverait une difficulté, car soit on fait payer les seules entreprises qui sont en retard dans le versement de leurs cotisations, ce qui rend plus complexe encore le travail des URSSAF, soit on fait payer tout le monde, ce qui risque d'entraîner un effet pervers, que M. le rapporteur vient de souligner.
Je voudrais par ailleurs dire, comme les chiffres qui viennent d'être rappelés en témoignent, que des efforts importants ont été accomplis et que le recouvrement des cotisations sociales est bien meilleur que celui des impôts d'Etat.
Je ne suis pas sûre que cette proposition permette d'améliorer encore le rendement du recouvrement. Le Gouvernement n'est donc pas favorable à l'amendement.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 110, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. Alain Joyandet. La majorité plurielle est divisée !
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. La richesse naît de la diversité !
Mme Nicole Borvo. La diversité fait parfois avancer les choses... Mais pas toujours !
M. Dominique Braye. Pas souvent pour vous !
M. Hilaire Flandre. Même motif, même punition !
M. le président. Par amendement n° 111, Mme Borvo, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent d'insérer, avant l'article 2, un article additionnel ainsi rédigé :
« Dans le paragraphe 1 de la sous-section 2 de la section 1 du chapitre II du titre IV du Livre II du code de la sécurité sociale, il est inséré un article additionnel ainsi rédigé :
« Art. L... - Le taux de la cotisation est modulé pour chaque entreprise selon la variation des rémunérations telles que définies à l'article L. 242-1 par rapport à la valeur ajoutée globale. Le comité d'entreprise ou, à défaut, les délégués du personnel, informés de ce rapport, pourront en contrôler l'application. »
La parole est à Mme Borvo.
Mme Nicole Borvo. La question essentielle du financement pérenne de notre système de sécurité sociale est directement posée par ce projet de loi.
Ce projet, tel qu'il est, en liaison avec la réduction du temps de travail, prévoit des exonérations de cotisations fondées sur l'idée que le coût du travail est excessif pour des entreprises à fort coefficient de main-d'oeuvre, il met donc en place un abaissement du coût du travail.
Comme vous le savez, nous pensons que cette conception a peu d'effets sur l'emploi et qu'elle tire les salaires vers le bas.
Nous pensons en outre que la progression de la productivité par salarié a été telle ces dernières années que les entreprises ont dégagé les moyens d'assumer la réduction du temps de travail.
Un financement pérenne de la protection sociale, implique donc, à nos yeux, qu'une démarche nouvelle imprègne la conception même des ressources mises à disposition et prenne notamment en compte les conditions générales de développement de l'activité.
Nous estimons ainsi qu'il est nécessaire de procéder à une individualisation de la contribution de chaque entreprise au financement de la protection sociale, individualisation fondée sur la manière dont la valeur ajoutée créée dans le cadre de l'activité est utilisée, sur les choix, les changements opérés.
M. Guy Fischer. Voilà !
M. Alain Vasselle. Ça, c'est de la simplification !
Mme Nicole Borvo. Toute démarche de substitution du capital au travail serait pénalisée, puisqu'une moindre progression de la part des salaires dans l'utilisation de la valeur ajoutée serait pénalisée tandis que toute démarche de progression de la masse salariale, soit par de nouveaux emplois, soit par des revalorisations de salaires, serait validée par un allégement de la contribution au financement de la protection sociale.
Plutôt que de faire de la valeur ajoutée un élément de définition de l'assiette des cotisations sociales, ce qui pourrait avoir des effets pervers, notamment en facilitant les opérations d'externalisation des coûts, nous en faisons un élément de variation à partir de l'assiette actuelle que ce rapport tend en fait à dynamiser.
Il convient également de préciser que cette définition de la valeur ajoutée est sensiblement différente de celle qui est prise en compte pour la TVA, qui est uniquement fondée sur l'activité d'exploitation et qui néglige les utilisations purement financières, élément que nous prendrons en compte, pour notre part.
Cet amendement vise donc clairement à créer les conditions d'un financement, renouvelé dans son approche et durable dans sa définition, de notre protection sociale.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ? M. Charles Descours, rapporteur. Depuis hier matin, Mme Aubry nous présente la création du fonds prévu à l'article 2 comme une réforme des cotisations patronales. Non seulement nous sommes contre le financement de ce fonds, mais nous considérons en outre qu'il ne s'agit pas d'une véritable réforme des cotisations patronales. De plus, comme nous demandons la suppression de l'article 2, nous n'allons pas engager un débat sur ce thème !
Le rapport Chadelat demandé par le gouvernement Juppé, d'abord, le rapport Malinvaud demandé par le gouvernement Jospin, ensuite, ont engagé la réflexion sur la réforme des cotisations patronales. Je considère en revanche que ce que vous nous avez présenté comme étant une réforme des cotisations patronales n'en est pas une, madame le ministre.
Avant de vous donner l'avis de la commission, je souhaiterais donc entendre l'avis du Gouvernement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Le dispositif proposé par le groupe communiste vise à moduler les cotisations patronales en fonction du rapport entre la masse salariale et la valeur ajoutée.
Le rapport est difficile à établir et nous ne le connaissons que douze à dix-huit mois après la fin de la période concernée. C'est la raison pour laquelle il me semble extrêmement difficile de nous fonder sur un tel critère. Je relève cependant que, nous aussi, nous l'avons étudié car nous considérions qu'il s'agissait d'un moyen de bien prendre en compte la substitution du capital au travail et les efforts réalisés par les entreprises de main-d'oeuvre.
La deuxième possibilité - M. le rapporteur l'a rappelée - était évoquée dans le rapport Chadelat, sur lequel nous avons demandé un avis à M. Malinvaud ; elle consistait à prendre en compte la valeur ajoutée comme assiette d'une partie des cotisations patronales. Pour ma part, j'y étais totalement favorable.
Je voudrais toutefois rappeler à M. le rapporteur, si je puis me le permettre, que la valeur ajoutée, c'est 55 % de salaire et 45 % autre chose. Dans ces 45 %, il y a les impôts - que nous n'allons pas taxer une seconde fois ! - il y a les amortissements - qu'il n'est pas question de taxer une seconde fois - et il y a bénéfices et les produits financiers. C'est précisément cette dernière partie de la valeur ajoutée que nous retenons avec cette taxe, qui rapportera au total, dans les quatre ans, 12,5 milliards de francs, pour élargir l'assiette des cotisations patronales.
Je me réjouis donc de vous entendre dire, monsieur le rapporteur, qu'il ne s'agit pas d'une vraie réforme des cotisations patronales. Dois-je entendre par là que vous souhaitez que nous taxions davantage les profits, et ce dès maintenant ?
M. Charles Descours, rapporteur. Voyons !
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Si c'est le cas, déposez un amendement et, si c'est la demande à la fois du groupe communiste républicain et citoyen et de vous-même, le Gouvernement pourrait peut-être répondre favorablement à cette demande dès cette année !
M. Guy Fischer. Chiche !
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. En ce qui me concerne, je considère que le Gouvernement fait un premier pas, que c'est la première fois qu'une réforme des cotisations patronales permet de taxer, premièrement, les entreprises capitalistiques qui ont en général des activités polluantes et, deuxièmement, les profits et les produits financiers.
Mme Borvo estime que c'est insuffisant. On peut le penser effectivement. En tout cas, c'est la première fois que les cotisations patronales ne sont pas assises uniquement sur les salaires.
C'est peut-être insuffisant, monsieur le rapporteur. Alors, allons plus loin ! Mais déposez un amendement pour que nous allions tous ensemble plus loin.
Je suis défavorable au critère reposant sur le rapport entre le salaire et la valeur ajoutée, même si je comprends le raisonnement de Mme Borvo et si j'en partage les objectifs.
Nous allons essayer d'atteindre le même objectif d'une autre façon. Peut-être est-ce insuffisant. Disons que c'est un premier pas.
M. le président. Quel est désormais l'avis de la commission ?
M. Charles Descours, rapporteur. Madame Aubry, s'il suffit que le groupe communiste républicain et citoyen et la majorité sénatoriale soient d'accord pour que le Gouvernement se rallie à leur point de vue, nous allons pouvoir en avoir une illustration tout de suite, puisque le groupe communiste a déposé, à l'article 2, un amendement tendant...
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Je n'ai pas dit ça ! Je suis trop prudente ! (Sourires).
M. Charles Descours, rapporteur. J'avais donc mal compris, sans doute ! Cela aurait été trop beau !
Cela étant, puisque vous êtes défavorable à cet amendement, la commission y est également défavorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 111, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. L'amendement n° 112 n'a donc plus d'objet.

Article 2

M. le président. « Art. 2. - I. - Il e st inséré, au titre III du livre Ier du code de la sécurité sociale, un chapitre Ier quater ainsi rédigé :

« Chapitre Ier quater

« Fonds de financement de la réforme
des cotisations patronales de sécurité sociale

« Art. L. 131-8 . - Il est créé un fonds dont la mission est de compenser le coût, pour la sécurité sociale, des exonérations de cotisations patronales aux régimes de base de sécurité sociale mentionnées à l'article L. 131-8-1 et d'améliorer le financement de la sécurité sociale par la réforme des cotisations patronales.
« Ce fonds, dénommé "Fonds de financement de la réforme des cotisations patronales de sécurité sociale", est un établissement public national à caractère administratif. Un décret en Conseil d'Etat fixe la composition du conseil d'administration, constitué de représentants de l'Etat, ainsi que la composition du conseil de surveillance, comprenant notamment des membres du Parlement et des représentants des organisations syndicales de salariés et des organisations d'employeurs les plus représentatives au plan national. Ce décret en Conseil d'Etat fixe également les conditions de fonctionnement et de gestion du fonds.
« Art. L. 131-8-1 . - Les dépenses du fonds sont constituées :
« 1° Par le versement, aux régimes de sécurité sociale concernés, des montants correspondant :
« a) A la prise en charge de l'allégement visé aux articles L. 241-13-1 et L. 711-13-1 du présent code et aux articles 1031, 1062-1 et 1157-1 du code rural au titre des dispositions correspondantes ;
« b) A la prise en charge de l'aide visée à l'article 3 de la loi n° 98-461 du 13 juin 1998 d'orientation et d'incitation relative à la réduction du temps de travail ;
« c) A la prise en charge de la réduction visée aux articles L. 241-13 et L. 711-13 du présent code et aux articles 1031, 1062-1 et 1157-1 du code rural au titre des dispositions correspondantes ainsi qu'au IV de l'article 1er de la loi n° 95-882 du 4 août 1995 relative à des mesures d'urgence pour l'emploi et la sécurité sociale.
« 2° Par les frais de gestion administrative du fonds.
« Les versements mentionnés aux a, b et c du 1° ci-dessus se substituent à la compensation par le budget de l'Etat prévue à l'article L. 131-7 sous réserve que cette compensation soit intégrale. Dans le cas contraire, les dispositions prévues à l'article L. 131-7 s'appliquent.
« Art. L. 131-8-2 . - Les recettes du fonds sont constituées par :
« 1° Une fraction du produit du droit de consommation prévu à l'article 575 du code général des impôts, dans les conditions fixées par la loi de finances pour 2000 ;
« 2° La contribution sociale sur les bénéfices des sociétés visée aux articles 235 ter ZC et 1668 D du code général des impôts ;
« 3° La taxe générale sur les activités polluantes prévue à l'article 266 sexies du code des douanes ;
« 4° Une fraction fixée à 47 % du produit du droit de consommation prévu à l'article 403 du code général des impôts, à l'exception du produit de ce droit de consommation perçu dans les départements de la Corse et du prélèvement effectué au profit du budget annexe des prestations sociales agricoles selon les dispositions de l'article 1615 bis du même code ;
« 5° La contribution visée aux articles L. 212-5 du code du travail et 992-2 du code rural ;
« 6° Les produits non consommés de l'exercice précédent ;
« 7° Une contribution de l'Etat, dans les conditions fixées par la loi de finances.
« Les recettes et les dépenses du fonds doivent être équilibrées, dans des conditions prévues par les lois de financement de la sécurité sociale. Le solde annuel des dépenses et des recettes du fonds doit être nul.
« Art. L. 131-8-3 et L. 131-8-4 . - Supprimés .
« Art. L. 131-8-5 . - Les frais d'assiette et de recouvrement des impôts, droits, taxes et contributions mentionnés à l'article L. 131-8-2 sont à la charge du fonds, en proportion du produit qui lui est affecté ; leur montant est fixé par arrêté conjoint des ministres chargés du budget et de la sécurité sociale.
« Art. L. 131-8-6 . - Les relations financières entre le fonds et les organismes de protection sociale, d'une part, le fonds et l'Etat, d'autre part, font l'objet de conventions destinées notamment à garantir la neutralité en trésorerie des flux financiers pour les organismes de sécurité sociale. »
« I bis. - Dans le 2° de l'article L. 135-3 du code de la sécurité sociale, le taux : "55 %" est remplacé par le taux : "8 %".
« II. - Les dispositions du présent article entrent en vigueur au 1er janvier 2000. Les dispositions du 4° de l'article L. 131-8-2 du code de la sécurité sociale et du I bis du présent article sont applicables aux versements effectués au profit respectivement du fonds institué à l'article L. 131-8 du code de la sécurité sociale et du fonds mentionné à l'article L. 135-1 du même code à compter du 1er janvier 2000.
« A titre transitoire et jusqu'à la date de création du fonds institué à l'article L. 131-8 du code de la sécurité sociale, les produits mentionnés à l'article L. 131-8-2, à l'exception de ceux mentionnés au 5°, sont versés à l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale, et les produits mentionnés au 5° de l'article L. 131-8-2 sont centralisés par l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale. L'agence centrale suit lesdits produits dans des comptes spécifiques ouverts à cet effet. »
Sur l'article, la parole est à M. Descours, rapporteur.
M. Charles Descours, rapporteur. Madame la ministre, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, ce que je vais dire maintenant vaudra pour les articles 2, 3 et 4.
L'amendement de suppression que nous proposons à l'article 2 est cohérent avec la position que vient d'adopter le Sénat sur le projet de loi dit de réduction négociée du temps de travail, que nous appelons projet de loi sur les 35 heures. Je rappelle que nous avons dit oui à la réduction négociée, non à la réduction imposée.
Nous pourrions rappeler de manière ironique, si nous étions méchants, les déboires rencontrés par le Gouvernement pour financer ce fonds, la théorie contestable du « recyclage », l'effrayante « logique » des « retours pour les finances publiques ». Je pourrais ajouter que le financement de ce fonds n'est pas bouclé, qu'il est porteur de dérapages futurs pour nos finances publiques, qu'il met en cause, de manière préoccupante, l'équilibre futur du fonds de solidarité vieillesse - Alain Vasselle l'a bien montré dans son intervention à la tribune hier soir.
Je vais m'attacher à expliquer que la philosophie de ce fonds est dangereuse.
Contrairement au Gouvernement, nous ne sommes pas contraints de compenser la perte de compétitivité des entreprises par des allégements supplémentaires de charges sociales, et c'est là ma réponse aux propos que vous avez tenus voilà quelques minutes, madame la ministre.
Contrairement au Gouvernement, nous estimons que la marge de manoeuvre des finances publiques ne doit pas être monopolisée par le financement des 35 heures. Il est vrai que ce n'est pas nous qui avions fait cette promesse électorale...
Contrairement au Gouvernement, nous ne sommes pas obligés de trouver n'importe quelle recette, en créant trois prélèvements supplémentaires - je ne sais pas s'il y en a douze, mais sur les trois prélèvements supplémentaires, j'espère que vous serez d'accord, tout de même - affectés à la sécurité sociale : la TGAP, la CSB et la taxe sur les heures supplémentaires. Leur coût serait de 15 milliards de francs en 2000 et de plus de 30 milliards de francs « à terme ». Ces prélèvements supplémentaires sur les entreprises, parfois sur les petites entreprises, quand il s'agit de la TGAP - voire sur les salariés - sont inacceptables.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard. Vous passez sous silence les allégements de charges !
M. Charles Descours, rapporteur. La commission estime que le Gouvernement commet une grave erreur - je l'ai dit dans mon intervention initiale - en opérant une confusion entre politique de l'emploi et financement de la sécurité sociale. Les crédits pour la politique de l'emploi doivent être inscrits en loi de finances : nous ne pouvons pas approuver cette débudgétisation.
Je sais que le fonds de solidarité vieillesse, qui a été créé en 1993, était une première débudgétisation - je vous donne quelques arguments au cas où vous les auriez oubliés ! Mais je vous fais confiance à cet égard.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Je les ai moi-même rappelés tout à l'heure !
M. Charles Descours, rapporteur. Mais l'objet même du FSV, à savoir prendre en charge le financement des avantages vieillesse à caractère non contributif, était bien un objet de protection sociale. Aujourd'hui, le fonds de financement de la réforme des cotisations patronales, lui, tend à diminuer le coût du travail en France : son objet est celui d'une politique d'emploi.
Par ailleurs, si l'affectation des droits sur les tabacs à l'assurance maladie peut se justifier aisément - vous l'avez d'ailleurs rappelé à la tribune - cette affectation à un fonds d'allégement de charges ne correspond à aucune logique.
Tout à l'heure, vous avez essayé de nous expliquer le contraire. Je suis d'accord quand cela va à l'assurance maladie, mais je ne suis pas du tout d'accord quand cela va à un fonds d'allègement des charges des entreprises ou des employeurs.
Je tiens à signaler, mes chers collègues, qu'il n'existe pas de « sous-affectation », dans ce fonds, d'une recette à une dépense. On ne peut pas dire, par exemple, que la TGAP et la CSB « financent l'extension de la ristourne Juppé ». Tout au plus peut-on constater, par exemple, que les recettes de la TGAP et de la CSG que le Gouvernement attend pour 2000 correspondent au coût de l'extension de la ristourne Juppé tel qu'il l'évalue.
Je tiens à rappeler qu'il n'y a pas de « réforme des cotisations patronales ». Changer l'assiette des cotisations patronales, c'était introduire un autre mode de calcul et vous y aviez pensé vous-même, en septembre 1998. Vous nous l'aviez d'ailleurs dit à cette époque. Là, vous créez des prélèvements supplémentaires affectés à la sécurité sociale ; ce n'est pas du tout pareil. Certes, on imagine qu'il y aura des transferts entre entreprises « capitalistiques » et entreprises « de main-d'oeuvre ». J'estime que nous ne disposons d'aucune évaluation sur les conséquences du « basculement » que vous nous proposez.
Comme toute recette est affectée à une dépense dans ce fonds, votre réforme des cotisations patronales s'appuie avant tout sur les tabacs - 40 milliards de francs - et sur les alcools - 5,6 milliards de francs aujourd'hui et 11 milliards ou 12 milliards de francs demain.
Au-delà des choix politiques qui nous séparent légitimement, je crois que l'article 2 est dangereux pour la sécurité sociale. Le concept « étendu » et « vague » qu'en a le Gouvernement ne doit pas être accepté.
Telles sont les raisons pour lesquelles la commission des affaires sociales propose la suppression de l'article 2.
M. le président. La parole est à Mme Dieulangard. Mme Marie-Madeleine Dieulangard. Les discussions que nous avons chaque année dans le cadre de ce projet de loi de financement de la sécurité sociale sont, pour nous, l'occasion d'élaborer des nouvelles stratégies afin d'assurer la pérennité et l'évolution de notre système de protection sociale.
M. Dominique Braye. Vive les 35 heures !
Mme Marie-Madeleine Dieulangard. Faire face à ces défis requiert des élus que nous sommes de répondre à la question capitale des ressources que notre collectivité est en mesure de mobiliser afin d'assurer le système de protection sociale.
Progressivement, nous avons été amenés à constater l'inadéquation de l'assiette traditionnelle des prélèvements sociaux que sont les salaires.
A l'analyse de la montée du chômage, il est apparu que le poids des cotisations pouvait être un frein à l'embauche, singulièrement pour les bas et moyens salaires.
En 1991, c'est le gouvernement de Michel Rocard qui lançait les bases d'une réforme du financement de la protection sociale, en intervenant sur les contributions des salariés à travers la CSG.
Ce basculement progressif et massif des cotisations maladies vers la CSG s'est traduit par un gain du pouvoir d'achat des salariés de 1 %, et les recettes pour la sécurité sociale ont été renforcées.
Aujourd'hui, c'est le gouvernement auquel vous appartenez et que nous soutenons, madame la ministre, qui poursuit cette entreprise en direction des cotisations patronales. L'article 2 crée à cet effet le nouveau fonds qui permettra de financer les dispositifs d'allégements en organisant la diversification des ressources permettant de soutenir cette politique.
Les parlementaires de l'opposition font feu de tout bois pour critiquer son positionnement ainsi que ses différentes sources d'alimentation. On vient d'entendre les propos de M. Descours. Certains, comme M. d'Aubert, prétendent qu'il fallait avant tout commencer par diminuer les dépenses d'intervention en matière de politique de l'emploi, en se gardant bien d'indiquer les actions qui feraient les frais de ses coupes claires.
M. le rapporteur évoque, quant à lui, dans son rapport « une synthèse monstrueuse de deux promesses électorales », la réforme des cotisations et la réduction du temps de travail.
De toute évidence, les parlementaires de l'opposition se lancent dans un jeu de surenchère verbale. Et je déplore la connotation péjorative qu'ils attribuent au respect d'engagements pris devant les Français.
Nous nous sommes en effet engagés devant eux à réformer le système des cotisations sociales et à promouvoir la réduction du temps de travail pour favoriser la création d'emplois et améliorer les conditions de vie de nos concitoyens.
Et nous revendiquons pleinement la corrélation entre l'un et l'autre. En effet, l'extension importante de l'actuelle formule de la ristourne dégressive va concerner près de 70 % des salariés et va permettre la prise en charge de près de 86 % des cotisations pour un salaire égal au SMIC. Nous avons donc souhaité lier son application à la mise en oeuvre de la réduction du temps de travail afin d'en optimiser son impact sur la création d'emplois, qui demeure la priorité du Gouvernement.
Le projet de loi procède donc à un allégement des prélèvements effectués sur le facteur « travail ». C'est la ligne directrice des réformes lancées par la gauche, que ce soit en matière de CSG ou de taxe professionnelle.
Il organise en conséquence une diversification des ressources qui viennent abonder le fonds et qui doivent permettre de financer les allégements de cotisations assises sur les salaires.
Il s'agit notamment de la contribution sociale sur les bénéfices, qui concernera les entreprises enregistrant des bénéfices supérieurs à 50 millions de francs. Compte tenu de l'abattement de 5 millions, on estime à 4 000 le nombre des sociétés concernées l'année prochaine et le rendement est évalué à 4,3 milliards. La CSB participe donc au rééquilibrage entre entreprises de main-d'oeuvre et entreprises capitalistiques dans le financement de la protection sociale. Monsieur le rapporteur, vous estimez que cette mesure est « révolutionnaire ». Mais ne croyez-vous pas que, face à des enjeux aussi essentiels que la protection sociale et l'emploi, nous nous devons de proposer des solutions novatrices et efficaces, même si elles doivent être révolutionnaires ?
Le fonds sera également alimenté par la TGAP, dont le champ d'application est élargi notamment aux lessives, à certains produits phytosanitaires utilisés dans l'agriculture, dont on connaît l'impact préoccupant sur la pollution des eaux et les effets induits en termes de coût pour leur traitement.
Certains contestent l'affectation de cette taxe ; c'est ignorer le rapport direct entre ces pollutions et la santé de la population. Son rendement est estimé à 3,2 milliards de francs.
Ces deux nouvelles ressources vont financer l'extension de la ristourne dégressive jusqu'à 1,8 du SMIC dans le cadre du passage négocié aux trente-cinq heures. Cet élargissement permet de combattre l'effet « trappe à bas salaires » souligné par M. Malinvaud dans le précédent dispositif.
La fraction des droits sur le tabac continuera de financer la ristourne Juppé, à hauteur de 39,5 milliards de francs, ce qui représente plus de la moitié des dépenses du fonds pour 2000.
Enfin, l'aide structurelle de 4 000 francs sera assurée grâce à une contribution de l'Etat de 4,3 milliards de francs, ainsi que par la taxation de 10 % des heures supplémentaires dans les entreprises dont les négociations sur la réduction du temps de travail n'auront pas encore abouti.
Par ailleurs, le Gouvernement, fort du succès de l'expérience d'activation des dépenses de l'UNEDIC, dans le cadre notamment de l'ARPE, avait sollicité les organismes sociaux afin qu'ils participent au financement de cette aide. Cette implication était parfaitement concevable dans la mesure où la réduction du temps de travail crée des emplois et contribue donc à augmenter les recettes et à diminuer les dépenses de ces organismes.
Certains syndicats s'étaient d'ailleurs exprimés voici quelques mois en faveur d'une participation de l'UNEDIC à ce mouvement.
Le Gouvernement a pris acte des tensions qui existent actuellement au niveau du paritarisme et a donc proposé de recourir à une fraction de la taxe sur les alcools - à hauteur de 5,6 milliards de francs - qui jusqu'à maintenant alimentait le FSV.
Ce fonds devrait donc fonctionner l'année prochaine avec des dotations à hauteur de 65 milliards de francs.
Madame la ministre, incontestablement, la création de ce fonds, qui articule étroitement lutte contre le chômage et financement de la protection sociale, est une démarche audacieuse, innovante et efficace que les socialistes soutiendront. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. Dominique Braye. L'alcool au secours du travail. Pour être innovant, on peut dire que c'est innovant ! M. le président. Mes chers collègues, je vous rappelle que les interventions sur un article ne doivent pas dépasser cinq minutes.
La parole est à M. Fréville.
M. Yves Fréville. Je m'interroge, madame le ministre, sur cette procédure de débudgétisation. Car ce que nous mettons en cause, ce n'est pas l'allégement des charges sociales sur les bas salaires, c'est la « machinerie administrative » - j'essaie de trouver un nouveau mot - qui le finance.
Est-ce que cette procédure de débudgétisation est utile ? Est-elle sincère ? Est-elle constitutionnelle ?
Première question : est-elle utile ?
Je pense qu'elle l'a été, qu'elle pouvait l'être lorsque vous envisagiez le financement des 35 heures par la participation de l'UNEDIC et la participation des organismes sociaux, car il fallait bien, à ce moment-là, un fonds destiné à « ramasser », si vous me permettez cette expression, lesdites participations.
Mais que reste-t-il maintenant, suite à la suppression de ces participations ? Il ne reste que les financements d'Etat. Ce fonds est alimenté par cinq impôts d'Etat pour 60 milliards de francs et par une subvention d'équilibre à guichet ouvert de l'Etat, qu'il faudra ajuster en loi de finances rectificative à la fin de l'année, puisqu'il est précisé à l'article 2 que les recettes doivent équilibrer les dépenses. Aussi cette procédure a-t-elle, me semble-t-il, perdu toute son utilité : nous sommes confrontés à un simple démembrement du budget de l'Etat !
Deuxième question : cette procédure de financement est-elle sincère ?
Même si le rapport économique et financier de la loi de finances parle, en l'espèce, d'une clarification des comptes, il ne s'agit - et c'est bien pourquoi Bercy a accepté la formule - que d'une entreprise de camouflage de l'augmentation globale des impôts pour cette année et les années à venir.
Pour cette année, madame le ministre, ce sont bien 12,5 milliards de francs d'impôts supplémentaires qui échappent en effet à la loi de finances. J'espère ne pas me tromper : la TGAP pour 1,2 milliard de francs, les 4,3 milliards de francs de taxe additionnelle à l'impôt sur les sociétés et les 7 milliards de francs pris sur les heures supplémentaires.
Dans huit jours, il sera facile d'annoncer brillamment ici que les impôts n'augmentent en 2000 que de 0,9 % dans le budget de l'Etat... en oubliant que des augmentations d'impôts d'un montant à peu près égal auront été mises au vote huit jours auparavant.
Dans quelques années, ce sera combien ? Personne ne le sait exactement. On parle de 40 milliards de francs.
Troisième question, sur laquelle je veux insister : cette réforme est-elle constitutionnelle ?
Madame le ministre, vous avez à plusieurs reprises évoqué l'exemple du FSV. Sur le plan de la constitutionnalité, c'est un excellent exemple car, justement, on a une décision du Conseil constitutionnel concernant le FSV.
Le 29 décembre 1994, le Conseil constitutionnel, dans une décision de principe concernant le FSV, rende d'ailleurs à la demande de nos collègues du groupe socialiste, a considéré que les dépenses de l'Etat qui présentaient un caractère permanent et étaient de nature législative ne pouvaient être débudgétisées - il s'agissait dans l'espèce de retraites de fonctionnaires - au regard des règles fondamentales de l'unité et de l'universalité budgétaires.
Or quelles sont les dépenses de ce fonds ?
Ce sont des dépenses d'interventions publiques du titre IV qui y figurent au titre de la ristourne dégressive. Elles y sont inscrites, d'ailleurs, en vertu d'un article du code de la sécurité sociale qui, me semble-t-il, n'a pas été abrogé - l'article L. 131-7 - qui dispose que ce type de dépenses doit figurer dans le budget de l'Etat. Comme cela a été dit excellement par M. le rapporteur, ces dépenses correspondent à des allègements de charges sur les bas salaires de divers types pris dans le cadre d'une politique de l'emploi.
On prétend qu'il s'agit d'un changement d'assiette des cotisations patronales. Je veux bien. Mais si vraiment la nouvelle assiette repose sur un mélange de tabac, de pollution, d'heures suppélementaires...
M. Dominique Braye. d'alcool !
M. Yves Fréville. ... d'alcool et de bénéfices de grandes sociétés. Je ne vois pas très bien à quelle rationalité économique cela peut obéir. Si vous nous aviez présenté un véritable changement d'assiette, nous aurions pu en discuter, mais nous refusons ce pot-pourri, ce pêle-mêle.
Les allégements de charges en cause doivent continuer à figurer dans le budget de l'Etat, comme d'ailleurs continuent à y figurer, très curieusement, ceux qui concernent la loi Robien.
Je pourrais tenir des propos similaires sur les recettes. Je donnerai un seul exemple.
En dernière minute, les droits sur les alcools ont été transférés du FSV vers ce nouveau fonds. Mais, mes chers collègues, c'est une loi de finances qui les avaient affectés au FSV, et vous savez très bien que, en vertu de la règle du parallélisme des formes et des dispositions de l'article 18 de l'ordonnance portant loi organique sur les lois de finances, ce n'est qu'une loi de finances qui pourra réaffecter, le cas échéant, ces droits de consommation sur les alcools à un nouveau fonds.
Madame le ministre, les droits du Parlement en matière de contrôle de la dépense publique et d'utilisation des impôts sont ici manifestement bafoués. Par un véritable cavalier fiscal, vous dénaturez le sens des lois de financement de la sécurité sociale. Je le regrette très vivement, et c'est pour cette raison que mon groupe votera la suppression de cet article. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, des Républicains et Indépendants et du RPR, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Richert.
M. Philippe Richert. Monsieur le président, madame la ministre, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, mon intervention sera centrée sur la TGAP.
Lorsque, voilà un an, de brillants esprits, tous pétris de dogmes environnementaux, ont décliné, par des démonstrations théoriques, les principes de la fiscalité écologique, c'était pour marquer notre entrée dans une ère nouvelle de la lutte contre la pollution et pour la sauvegarde de la nature.
La fameuse TGAP allait constituer le pilier de cette politique radicalement différente et nouvelle dans son essence. Jusqu'à présent, le produit des nombreuses taxes créées dans le dessein de limiter les activités ayant une incidence négative sur l'environnement était affecté à la lutte contre les sources de pollution, à la surveillance de l'état de l'environnement ou encore à la réparation des dégâts écologiques.
Les taux de cette fiscalité étaient fonction de deux paramètres : d'une part, la nécessité de dégager les ressources indispensables pour agir efficacement dans le domaine de la surveillance, de la réduction des émissions polluantes et des mesures compensatoires ; d'autre part, la volonté d'obtenir des niveaux de taxation significatifs pour encourager les pollueurs à engager des politiques plus compatibles avec les exigences environnementales.
La TGAP, telle que ses théoriciens l'ont présentée, repose sur le principe de base que ses taux sont totalement indépendants des besoins de financement.
Par ailleurs, le principe qui était constant, à savoir l'affectation à l'environnement de cette fiscalité dite écologique, est quant à lui abandonné.
Nous avons été nombreux, dès le début, à émettre des doutes sur la sincérité de ces propos et à nous opposer à ces réformes tant nous étions sceptiques quant à leur opportunité et leur efficacité. Nous ne savions pas alors que les faits allaient nous donner raison si rapidement et de façon si éclatante.
En effet, ce que tend à proposer le projet de loi de financement de la sécurité sociale dans ses modalités - l'affectation de la fiscalité écologique au financement des 35 heures - constitue l'abandon du principe fondateur de la TGAP, voulu par ses initiateurs, c'est-à-dire la prétendue déconnexion entre les taxes et les politiques auxquelles celles-ci sont affectées.
De fait, avant même de connaître dans le détail les modalités de calcul de la TGAP - taux et assiettes - pour les années à venir, on annonce le produit attendu. Cet aveu démontre que tout le dispositif est, en fait, organisé en fonction des besoins de financement.
Le mécanisme intellectuel élaboré et qui devait constituer la révolution de la politique environnementale de cette fin de siècle est enterré sans autre forme de procès. La duperie n'aura pas duré un an !
Par ailleurs, alors que tout converge pour placer les questions environnementales au coeur de l'action publique, avec des moyens suffisants et pérennes, et que nos concitoyens expriment en la matière des attentes parfois angoissées tant pour la santé que pour la prévention des risques, comme nous l'avons encore constaté ces derniers jours, ou la qualité de vie, on décide de priver ce secteur du produit de la fiscalité dite « écologiques » ! C'est du détournement ou de la captation de fonds écologiques, doublés d'une erreur pédagogique évidente.
Finalement, la seule question qui semble intéresser le Gouvernement est de trouver des produits à taxer et de garnir les caisses avec, en corollaire, l'aggravation des prélèvements obligatoires dans notre pays.
Vous comprendrez, mes chers collègues, que, dans ces conditions, je ne puisse apporter mon soutien au projet de loi tel qu'il nous a été présenté. Je voterai donc les amendements tendant à la suppression des articles 2 et 4 proposés par la commission des affaires sociales. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR, des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Fischer.
M. Guy Fischer. L'article 2 constitue l'un des articles clés du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2000.
Il correspond à un débat déjà ancien, qui porte sur le financement pérenne de la sécurité sociale et, singulièrement, sur ce que l'on appelle, un peu abusivement à notre avis, les « charges sociales ».
En effet, ce que l'on appelle ainsi n'est, en fait et malgré certaines apparences - je pense aux cotisations assises sur les salaires -, qu'un prélèvement sur la valeur ajoutée créée par le travail permettant de transférer à la société la satisfaction de certains besoins essentiels : être soigné en cas de maladie, secouru en cas d'inactivité forcée par le fait du chômage ou de l'incapacité à travailler, assuré, une fois la vie professionnelle accomplie, d'un revenu de remplacement, en l'occurrence par le versement d'une pension ou d'une retraite.
On ne peut et on ne doit jamais oublier que tels sont les principes essentiels qui ont guidé les promoteurs de notre système de protection sociale. Toute démarche qui tend à réduire les ressources mêmes de la protection sociale pèse, à terme, sur la qualité de la réponse apportée par l'ensemble du système aux besoins que je viens de rappeler.
Depuis plus de vingt ans, nous avons connu tout un ensemble de politiques d'allégement de cotisations sociales. Ce mouvement va continuer d'ailleurs avec les exonérations jusqu'à 1,8 SMIC, avec le projet de loi sur la réduction du temps de travail.
Le coût de tous ces allégements se fait sentir sur les finances publiques et sur la politique sociale.
A ceux qui s'offusquent des dispositions du présent texte, je rappellerai qu'au courant de l'été 1995 ils avaient cru devoir majorer le taux normal de la taxe sur la valeur ajoutée pour financer de nouvelles exonérations de cotisations sociales !
Au demeurant, nous sommes quelque peu dubitatifs sur la manière dont le fonds de financement va être financé, alors que, dans le projet de loi, il doit l'être essentiellement par une partie du produit du droit de consommation sur les tabacs ou sur des produits alcoolisés et accessoirement par la taxation des entreprises et celle des activités polluantes.
Un examen attentif des comptes de la nation prouve en effet que le mouvement de création d'emplois que nous avons constaté ces dernières années et qui s'est amplifié, ce dont nous ne pouvons que nous féliciter, ne peut faire oublier que la part des salaires dans la valeur ajoutée n'a pas connu l'évolution attendue.
Dans les faits, il semble même que le mouvement de baisse relative que nous avons connu depuis plusieurs années ne soit pas véritablement inversé et que le niveau des salaires dans la valeur ajoutée reste proche de celui que l'on observait il y quelques années.
Nous nous interrogeons donc sur la pertinence du choix opéré, notamment à propos de la réforme des cotisations sociales des entreprises, appuyée sur les travaux de certains économistes ou sur la réflexion des experts de l'OCDE ou du FMI, et qui ne correspond, en fait, qu'à une partie de l'analyse que l'on peut faire aujourd'hui sur le sujet.
On ne peut notamment oublier que la politique d'allégements des cotisations, au-delà de son coût pour les finances publiques ou pour la protection sociale, a constitué effectivement une trappe à bas salaires et qu'elle pose encore et toujours des questions quant à la reconnaissance des qualifications des salariés, de leur expérience ou de leur formation initiale.
C'est là le reproche essentiel que l'on puisse lui faire aujourd'hui et il garde toute son actualité au moment où le champ d'application de cette politique se trouve élargi.
Ces éléments, que nous portons au débat, seront évidemment développés de nouveau lors de la discussion de l'article.
Nous tenions à les mentionner dès maintenant pour indiquer que le débat était loin d'être clos.
M. le président. La parole est à M. Vasselle.
M. Alain Vasselle. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, aux réflexions tout à fait pertinentes formulées par le rapporteur, M. Charles Descours, et par nos collègues Yves Fréville et Philippe Richert, je souhaite ajouter quelques remarques supplémentaires sur l'absence de pertinence du dispositif tel qu'il nous est présenté dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale à travers la création du fonds de financement.
Première remarque : dans sa réponse, à la fin de la discussion générale, Mme le ministre a relevé certains propos tenus par différents orateurs, et notamment le fait que M. Fourcade avait parlé d'une « raffinerie » à propos du dispositif qui a été mis en place à la fois pour le financement des 35 heures et pour le financement du fonds de réserve. Le moins que l'on puisse dire, c'est que l'ensemble du dispositif qui a été prévu pour financer le fonds de réserve et les 35 heures manque de lisibilité.
J'aimerais bien, madame la ministre, que vous m'expliquiez comment les Français vont comprendre le mécanisme financier que vous avez imaginé avec vos collaborateurs pour assurer le financement des 35 heures.
Deuxième remarque : madame la ministre, dans vos interventions, vous avez donné le sentiment que la majorité sénatoriale ainsi que les gouvernements de droite n'avaient jamais pris d'initiative en matière d'allégement des charges sociales, que cela ne faisait pas partie de leur philosophie, de leur volonté,...
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. J'ai dit le contraire !
M. Alain Vasselle. ... et que c'était grâce à l'arrivée de ce gouvernement qu'enfin une politique d'allégement des charges sociales était conduite et, à travers elle, une politique pour l'emploi.
Notre collègue Charles Descours a rappelé à juste raison que ce n'était pas exact. En effet, l'allégement des charges sociales a toujours fait partie du discours tenu par l'ensemble des membres de la majorité sénatoriale.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Ça, c'est vrai ! Dans les discours, oui !
M. Alain Vasselle. Nous avons d'ailleurs traduit dans les faits, au moyen de divers textes de loi, un début d'allégement, même si nous n'avons pas pu aller aussi loin que nous le souhaitions. Vous n'avez fait que prendre le relais en ajoutant des mesures allant dans le même sens. Donc, ne faites pas de mauvais procès aux membres de la majorité sénatoriale.
Ma troisième remarque concerne le fonds de solidarité vieillesse.
Je tiens à rappeler, à la suite de notre collègue Yves Fréville, que le fonds de solidarité vieillesse a été exclusivement créé - j'ai été le rapporteur du texte l'instituant, alors que M. Balladur était Premier ministre et que Mme Veil exerçait les fonctions qui sont les vôtres aujourd'hui, madame - pour assurer le financement de dépenses de solidarité et de dépenses non contributives. Ce fonds n'avait pas d'autre objet.
Or, vous êtes en train de vous en servir à d'autres fins que celles auxquelles a pensé initialement le législateur. Il fallait que ce soit dit à l'occasion de l'examen de ce projet de loi de financement de la sécurité sociale.
Quatrième remarque : je considère que le dispositif qui tend à lier la réduction du temps de travail et l'allégement des charges est mauvais, car celle-là annule les effets de celui-ci, notamment pour les petites entreprises. Ces dernières vont en effet être confrontées à des difficultés majeures dès que la mise en place des 35 heures sera obligatoire. Leur faire croire qu'elles vont tirer un avantage de la réduction du temps de travail à 35 heures par l'allégement des charges qu'elles supportent aujourd'hui, c'est vraiment les tromper. La vérité, c'est qu'on va les plonger dans une situation dont certaines d'entre elles auront beaucoup de mal à se remettre.
Avant de conclure, je voudrais revenir sur le point qui a été, à juste titre, développé par notre collègue Philippe Richert. Il s'agit du lien que vous créez entre la taxation des activités polluantes et le financement des 35 heures. J'aimerais que vous nous expliquiez ce qui le justifie car, je ne vous le cache pas, il me paraît totalement incohérent. Du reste, il y a là une absolue contradiction avec certains propos tenus par d'autres membres du Gouvernement, notamment par Mme Voynet.
J'avais cru comprendre, lorsque la TGAP, la taxe général, sur les activités polluantes, a été créée, qu'il s'agissait notamment de financer des actions tendant à atténuer le caractère polluant d'opérations conduites par certaines entreprises. Or ce ne sera plus le cas. Mme Dieulangard fait valoir qu'il existe une cohérence dans la mesure où le produit de la TGAP permettra de financer des dépenses de santé, mais je pense que les Français seraient plus rassurés si ce produit était effectivement utilisé à garantir la sécurité alimentaire ou à réduire les pollutions. Ils préféreraient que cet argent soit affecté à l'amélioration de l'environnement, ce qui correspond à des dépenses préventives, plutôt qu'au financement de dépenses curatives.
Les Français doivent le savoir, à partir du moment où vous affectez le produit de la TGAP au financement des 35 heures, ce produit ne profitera plus à l'ADEME, l'agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie, et cela ne manquera pas d'avoir pour eux de douloureuses conséquences. Il faudra trouver d'autres ressources pour cet organisme, peut-être des concours budgétaires inscrits dans la loi de finances, mais dont nous ne connaissons pas le niveau. Cela risque aussi de se traduire par une diminution des concours financiers de l'ADEME aux dépenses des collectivités locales au titre du traitement des déchets et de la pollution de l'eau.
Il en résultera inévitablement une augmentation du coût du service que les Français auront à supporter. Ainsi, en fait d'allègement des charges des entreprises, on va faire subir aux Français le poids d'un impôt qui viendra s'ajouter à tous ceux qui existent déjà, contribuant par là même à l'augmentation des prélèvements obligatoires.
A cet égard, un article paru récemment dans un mensuel rappelle que la France vient de battre son record en matière de prélèvements obligatoires puisque ceux-ci représentent maintenant 45,3 % du PIB. Ainsi la France est vraiment le champion des prélèvements obligatoires, et l'actuel gouvernement continue d'apporter sa pierre à ce triste édifice, comme l'a fait justement remarquer M. Fréville, à travers le projet de loi de financement de la sécurité sociale.
C'est pourquoi nous soutiendrons la proposition de suppression de l'article 2. (Applaudissements sur les travées du RPR et de l'Union centriste.)
M. le président. Je suis saisi de quatre amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Les trois premiers sont identiques.
L'amendement n° 4 est déposé par M. Descours, au nom de la commission des affaires sociales.
L'amendement n° 75 est présenté par M. Jean-Louis Lorrain et les membres du groupe de l'Union centriste.
L'amendement n° 90 est déposé par M. Louis Boyer et les membres du groupe des Républicains et Indépendants.
Tous trois tendent à supprimer l'article 2.
Par amendement n° 113, Mme Borvo, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent de remplacer le 5° du texte présenté par l'article 2 pour l'article L. 131-8-2 du code de la sécurité sociale par trois alinéas ainsi rédigés :
« 5° Une contribution assise sur leur montant net versée par les sociétés, les entreprises et autres personnes morales, assujetties en France à la déclaration de l'impôt sur les sociétés, au titre de l'article 206 du code général des impôts. Des revenus de capitaux mobiliers, des plus-values, gains en capital et profits réalisés sur les opérations menées sur titres, les opérations menées sur les marchés réglementés et sur les marchés à terme d'instruments financiers et de marchandises, ainsi que sur les marchés d'options négociables.
« Pour les sociétés placées sous le régime de l'article 223 A du code général des impôts, la contribution est due par la société mère.
« Le taux de cette contribution sociale sur les revenus financiers des entreprises est fixé à 10 %. La contribution sociale est contrôlée et recouvrée selon les mêmes règles que les cotisations sociales. »
La parole est à M. Descours, rapporteur, pour présenter l'amendement n° 4.
M. Charles Descours, rapporteur. J'ai déjà expliqué, monsieur le président, pourquoi je propose à la Haute Assemblée de supprimer l'article 2.
M. le président. La parole est à M. Richert, pour présenter l'amendement n° 75.
M. Philippe Richert. Il a déjà été défendu, monsieur le président.
M. le président. La parole est à M. Louis Boyer, pour présenter l'amendement n° 90.
M. Louis Boyer. Le mode de fonctionnement du fonds instauré par l'article 2 présente plusieurs défauts rédhibitoires.
Le dispositif d'accompagnement des 35 heures est compensé non pas par l'Etat mais par de nouveaux prélèvements, contrairement au dispositif mis en place par le gouvernement de M. Juppé.
Il accroît les taxes des entreprises, à travers la contribution sociale sur les bénéfices des sociétés, pour un montant de 4,3 milliards de francs, et l'extension de la TGAP.
Il procède à un prélèvement indirect sur la sécurité sociale. Si la ponction des organismes de sécurité sociale est abandonnée, y est substituée une fraction des droits sur les alcools prélevée sur le fonds de solidarité vieillesse. Mais la sécurité sociale ne récupère pas les sommes qui devaient lui être retirées puisqu'elles iront abonder le fonds de réserve pour les retraites.
Les taxes sont détournées de leur objet. L'écotaxe, à travers la TGAP, est consacrée non à l'amélioration de la qualité de l'air, de l'eau et de l'environnement en général, mais au soutien de l'emploi. La taxe de 39,5 milliards sur les tabacs devrait être affectée aux soins des fumeurs et, surtout, à la prévention, qui est aujourd'hui en partie délaissée. On peut en dire autant des droits sur les alcools.
Enfin, le financement des 35 heures n'est pas bouclé puisqu'il manquera une quinzaine de milliards de francs d'ici à quatre ans.
Par ailleurs, en intégrant ce fonds à la loi de financement de la sécurité sociale, le Gouvernement suscite des confusions qui risquent de compromettre cet exercice nouveau que constitue l'examen d'une loi sur le budget de la sécurité sociale. Le financement de la politique de l'emploi devrait figurer dans le budget de l'Etat.
C'est pour toutes ces raisons que nous préconisons, comme la commission, la suppression de cet article.
M. le président. La parole est à M. Fischer, pour présenter l'amendement n° 113.
M. Guy Fischer. Cet amendement vise à substituer à la contribution de 10 % due au titre de la taxation des heures supplémentaires entre 35 et 39 heures par les entreprises non passées aux 35 heures une contribution sociale assise sur les revenus financiers des entreprises.
Force est de rappeler que le recours aux heures supplémentaires demeure relativement élevé, notamment dans certains secteurs d'activité directement concernés par des activités saisonnières. Et cela concerne souvent les entreprises où les niveaux moyens de rémunération sont les plus faibles.
Nous sommes donc confrontés à une situation pour le moins contradictoire : d'un côté l'un des éléments de la politique de l'emploi - sans que nous disposions d'ailleurs de critères d'évaluation de l'efficacité réelle de la mesure - consiste à alléger le « coût du travail » non qualifié ; d'un autre côté, le recours aux heures supplémentaires, lesquelles permettent parfois aux salariés concernés de majorer un revenu pour le moins faible, sera pénalisé, ce qui revient à dire que, à coût équivalent pour l'employeur, c'est le salarié qui fera les frais de l'opération.
Que les choses soient claires : nous ne sommes pas des partisans forcenés de l'allongement de la durée du travail et le récent débat sur l'incitation à la réduction du temps de travail l'a assez largement montré.
Vous n'aviez pas cru, madame le ministre, devoir retenir notre proposition de réduction du volant d'heures supplémentaires autorisé. Ce contingent n'a toujours pas été réduit.
Une double démarche devrait à notre sens être menée : d'une part, une démarche visant à revaloriser sensiblement les salaires les plus faibles, ce qui impose notamment, indépendamment du relèvement du salaire minimum, qu'une attention toute particulière soit portée sur la fixation des minima conventionnels déterminés par la négociation collective dans les branches ; d'autre part, une démarche visant à donner des moyens nouveaux aux salariés, à travers leurs représentants, notamment pour transformer des heures supplémentaires en emplois pérennes.
Cela étant, on demeure, en matière de cotisations sociales perçues au sein de l'entreprise, placé dans le cadre de l'assiette actuelle, fondée sur les niveaux de rémunération. Or chacun sait que les entreprises ont, ces dernières années, très sensiblement accru leurs placements financiers et que le faible niveau de l'investissement productif des entreprises tient aussi à une croissance continue de la part de la valeur ajoutée mobilisée par des placements de trésorerie.
Nous proposons donc, par une sorte de symétrie avec ce qui a été mis en place pour les revenus de capitaux mobiliers perçus par les ménages, d'instaurer une contribution sur les revenus financiers des entreprises et de substituer cette contribution à celle qui est assise sur le recours aux heures supplémentaires.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 113 ?
M. Charles Descours, rapporteur. Je constate qu'il y a des nuances entre les conceptions des différentes composantes de la majorité plurielle puisque le texte du Gouvernement serait sensiblement modifié par l'amendement présenté par le groupe communiste.
Cela étant, comme je propose de supprimer l'article, je pense que cet amendement tombera. Si tel n'était pas le cas, j'émettrais un avis défavorable... pour venir au secours du Gouvernement. (Sourires.)
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur l'ensemble des amendements présentés à l'article 2 ?
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Le Gouvernement est défavorable à tous ces amendements.
M. le président. Je vais mettre aux voix les amendements identiques n°s 4, 75 et 90.
Mme Nicole Borvo. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à Mme Borvo.
Mme Nicole Borvo. Je ne voudrais pas qu'il y ait d'ambiguïté : les députés communistes ont voté contre cet article du projet de loi, mais il va de soi que notre groupe votera contre les amendements de suppression. (Rires et exclamations sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
Il est clair que notre position est en effet complètement différente de celle de la commission : quand nous proposons, nous, d'asseoir une contribution sur les revenus financiers, le rapporteur rejette évidemment cette solution. Il est donc normal que, même si nous n'approuvons pas cet article 2 en l'état, nous n'en votions pas la suppression.
M. Alain Vasselle. Ça, c'est logique !
Mme Nicole Borvo. Voter ces amendements relèverait de tactiques politiciennes que nous ne pratiquons pas !
M. Alain Vasselle. Vous vous opposez à la fois à la majorité sénatoriale et au Gouvernement ! Il faut avoir le courage de le dire !
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix les amendements identiques n°s 4, 75 et 90, repoussés par le Gouvernement.

(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. En conséquence, l'article 2 est supprimé et l'amendement n° 113 n'a plus d'objet.

Article 3

M. le président. « Art. 3. _ Le code général des impôts est ainsi modifié :

« 1° Il est inséré un article 235 ter ZC ainsi rédigé :
« Art. 235 ter ZC . _ I. _ Les redevables de l'impôt sur les sociétés sont assujettis à une contribution sociale égale à une fraction de cet impôt calculé sur leurs résultats imposables aux taux mentionnés au I de l'article 219 et diminué d'un abattement qui ne peut excéder 5 000 000 F par période de douze mois. Lorsqu'un exercice ou une période d'imposition est inférieur ou supérieur à douze mois, l'abattement est ajusté à due proportion.
« La fraction mentionnée au premier alinéa est égale à 3,3 % pour les exercices clos à compter du 1er janvier 2000.
« Sont exonérés les redevables ayant réalisé un chiffre d'affaires de moins de 50 millions de francs. Le chiffre d'affaires à prendre en compte s'entend du chiffre d'affaires réalisé par le redevable au cours de l'exercice ou période d'imposition, ramené à douze mois le cas échéant et, pour la société mère d'un groupe mentionné à l'article 223 A, de la somme des chiffres d'affaires de chacune des sociétés membres de ce groupe. Le capital des sociétés, entièrement libéré, doit être détenu de manière continue, pour 75 % au moins, par des personnes physiques ou par une société répondant aux mêmes conditions dont le capital est détenu, pour 75 % au moins, par des personnes physiques. Pour la détermination de ce pourcentage, les participations des sociétés de capital-risque, des fonds communs de placement à risques, des sociétés de développement régional et des sociétés financières d'innovation ne sont pas prises en compte à la condition qu'il n'existe pas de lien de dépendance au sens du 1 bis de l'article 39 terdecies entre la société en cause et ces dernières sociétés ou ces fonds.
« II. _ Pour les entreprises placées sous le régime prévu à l'article 223 A, la contribution est due par la société mère. Elle est assise sur l'impôt sur les sociétés afférent au résultat d'ensemble et à la plus-value nette d'ensemble définis aux articles 223 B et 223 D.
« III. _ Pour les entreprises placées sous le régime prévu à l'article 209 quinquies , la contribution est calculée d'après le montant de l'impôt sur les sociétés, déterminé selon les modalités prévues au I, qui aurait été dû en l'absence d'application de ce régime. Elle n'est ni imputable ni remboursable.
« IV. _ Les avoirs fiscaux ou crédits d'impôt de toute nature ainsi que la créance visée à l'article 220 quinquies et l'imposition forfaitaire annuelle mentionnée à l'article 223 septies ne sont pas imputables sur la contribution.
« V. _ Elle est établie et contrôlée comme l'impôt sur les sociétés et sous les mêmes garanties et sanctions.
« VI. _ Les modalités d'application du présent article sont fixées par décret. »
« 2° Il est inséré un article 1668 D ainsi rédigé :
« Art. 1668 D . _ I. _ La contribution sociale mentionnée à l'article 235 ter ZC est recouvrée comme l'impôt sur les sociétés et sous les mêmes garanties et sanctions.
« Elle est payée spontanément au comptable du Trésor chargé du recouvrement des impôts directs, au plus tard à la date prévue au 2 de l'article 1668 pour le versement du solde de liquidation de l'impôt sur les sociétés.
« Elle donne lieu au préalable à quatre versements anticipés aux dates prévues pour le paiement des acomptes d'impôt sur les sociétés de l'exercice ou de la période d'imposition. Le montant des versements anticipés est fixé à 3,3 % du montant de l'impôt sur les sociétés calculé sur les résultats imposables aux taux mentionnés au I de l'article 219 de l'exercice ou de la période d'imposition qui précède et diminué d'un montant qui ne peut excéder celui de l'abattement défini au premier alinéa du I de l'article 235 ter ZC.
« Lorsque le montant des versements anticipés déjà payés au titre d'un exercice ou d'une période d'imposition en application du deuxième alinéa est égal ou supérieur à la contribution dont l'entreprise prévoit qu'elle sera finalement redevable au titre de ce même exercice ou de cette même période, l'entreprise peut se dispenser du paiement de nouveaux versements en remettant au comptable du Trésor chargé du recouvrement des impôts directs, avant la date d'exigibilité du prochain versement anticipé, une déclaration datée et signée.
« Si la déclaration mentionnée à l'alinéa précédent est reconnue inexacte à la suite de la liquidation de la contribution, la majoration prévue au 1 de l'article 1762 est appliquée aux sommes non réglées.
« II. _ Les modalités d'application du présent article sont fixées par décret. »
« 3° Au premier alinéa de l'article 213, après les mots : "la contribution temporaire mentionnée à l'article 235 ter ZB", sont insérés les mots : " , la contribution sociale mentionnée à l'article 235 ter ZC". »
Je suis saisi de trois amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L'amendement n° 5 est présenté par M. Descours, au nom de la commission des affaires sociales.
L'amendement n° 91 est déposé par M. Louis Boyer et les membres du groupe des Républicains et Indépendants.
Tous deux tendent à supprimer cet article.
Par amendement n° 114, Mme Borvo, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent, dans le deuxième alinéa du texte présenté par le 1° de l'article 3 pour l'article 235 ter ZC du code général des impôts, de remplacer le taux : « 3,3 % » par le taux : « 5 % ».
La parole est à M. Descours, rapporteur, pour défendre l'amendement n° 5.
M. Charles Descours, rapporteur. C'est un amendement de conséquence par rapport à la position qui vient d'être adoptée par le Sénat sur l'article 2.
Nous considérons que la contribution sociale sur les bénéfices est une imposition supplémentaire. Nous ne pouvons pas admettre cette mise en cause de la compétitivité de nos entreprises.
Je tiens à rappeler que le rendement de la CSB devrait être de plus de 4 milliards de francs en 2000 et concernerait 4 000 entreprises. Mais le plan de financement à moyen terme prévoit un rendement de 12 milliards de francs. C'est donc un prélèvement considérable qu'il faudrait opérer, ce qui supposerait de relever le taux de cette contribution, probablement jusqu'à 10 %, ou d'abaisser le chiffre d'affaires à partir duquel les entreprises en seraient redevables.
On voit bien que le Gouvernement veut nous faire entrer dans une mécanique infernale d'augmentation des prélèvements sur les entreprises. Nous ne pouvons que proposer la suppression d'un tel article parce que nous sommes contre toute augmentation des prélèvements sur les entreprises, eu égard au niveau que ceux-ci ont atteint.
M. le président. La parole est à M. Louis Boyer, pour défendre l'amendement n° 91.
M. Louis Boyer. Notre préoccupation est la même que celle que vient d'exprimer M. le rapporteur.
M. le président. La parole est à Mme Borvo, pour défendre l'amendement n° 114.
Mme Nicole Borvo. Cet amendement porte sur la question de la définition de la quotité de la contribution des entreprises au fonds de financement de la réforme des cotisations patronales, dont chacun s'accorde à reconnaître qu'il tend à être insuffisant.
En effet, l'article 3, dans sa rédaction actuelle, tend à la mise en place d'une contribution fondée sur une majoration de 3,3 % du montant de l'impôt sur les sociétés dû par les entreprises assujetties, et cela au bénéfice du fonds de financement.
Cette majoration intervient, il convient de le rappeler, au moment où disparaît la majoration exceptionnelle de l'impôt sur les sociétés instituée par la loi portant diverses mesures d'urgence à caractère fiscal et financier, adoptée au cours de l'été 1997.
Cette majoration dégagerait en 1999, dernière année d'application, un produit d'environ 12,4 milliards de francs.
Eu égard à son taux - 10 % - on peut donc naturellement déduire que la contribution définie à l'article 235 ter ZC du code général des impôts, qui procède d'ailleurs des mêmes conditions d'application que la majoration de 1997, serait d'un rendement égal au tiers de la somme perçue par l'Etat en 1999, soit un peu plus de 4,1 milliards de francs.
La majoration du taux de la contribution que nous proposons permet donc d'espérer un rendement d'environ 6,2 millards de francs.
Encore convient-il de souligner que l'exécution budgétaire de 1999 devrait amener une légère modification du montant définitif de la majoration due en vertu de la loi de 1997 et donc une modulation à la hausse du produit de la contribution créée par la présente loi de financement en 2000.
Nous nous devons de préciser que la majoration du taux de la contribution pourra permettre soit de faire évoluer les autres paramètres de financement de la réforme des cotisations patronales, soit de modifier les critères d'intervention de ce fonds, soit encore d'accroître les capacités de financement des prestations sociales.
La contribution que prévoit de mettre en place ce projet de loi de financement de la sécurité sociale présente, malgré tout, le défaut de suivre assez précisément les contours de l'impôt sur les sociétés, dont le rendement, même s'il s'est accru ces dernières années, en raison bien sûr de la situation financière florissante des entreprises, demeure toutefois encore par trop éloigné de la réalité des profits réalisés.
On peut donc s'interroger sur l'opportunité de remettre en question l'économie générale de notre impôt sur les sociétés afin d'accroître le rendement de la contribution et d'en diversifier, à l'avenir, les usages.
En tout état de cause, et en l'attente de cette nécessaire remise en question, nous vous invitons, mes chers collègues, à adopter l'amendement n° 114.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 114 ?
M. Charles Descours, rapporteur. Compte tenu de ce que j'ai dit sur l'accroissement des charges des entreprises, il est évident que la commission est opposée à cet amendement. Cela étant, je pense que la suppression de l'article 3 le rendra sans objet.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements identiques n°s 5 et 91 ainsi que sur l'amendement n° 114 ?
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Pour les raisons que j'ai indiquées tout à l'heure, je ne souhaite pas une augmentation cette année de la contribution sociale sur les bénéfices. J'émets donc un avis défavorable sur l'amendement n° 114.
Je suis également opposée aux amendements de suppression.
M. le président. Je vais mettre aux voix les amendements identiques n°s 5 et 91.
M. Yves Fréville. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Fréville.
M. Yves Fréville. Madame le ministre, donner et retenir ne vaut : on votera dans la loi de finances une baisse de 10 % de l'impôt sur les sociétés alors qu'on l'aura augmenté auparavant de 3,3 % pour certaines entreprises.
Mais, sans entrer dans ce débat d'ordre général, je souhaite formuler trois remarques.
Premièrement, si nous adoptons l'article 3, nous créons un double effet de seuil, d'une part, sur le chiffre d'affaires et, d'autre part, sur l'abattement de 5 millions de francs.
S'il est logique d'imposer les bénéfices - et je parle en mon nom personnel - je ne vois aucune raison de créer des effets de seuils sur la taille des entreprises, au risque d'inciter les petites et moyennes industries à ne pas grandir, alors que nous savons très bien que ce sont ces entreprises-là qui doivent se développer dans notre pays.
Deuxièmement, avec l'article 3, nous offrons à la sécurité sociale la recette la plus volatile qui soit : au cours des dernières années, le montant de l'impôt sur les sociétés a d'abord diminué de près de moitié puis a quasiment été doublé, passant de 100 milliards de francs à 200 milliards de francs. Qu'arrivera-t-il si nous retenons une telle ressource pour la sécurité sociale ? Quand les affaires marcheront bien, en haut de cycle, l'Etat n'aura pas à apporter sa participation, et tout ira bien. En revanche, lorsque les affaires seront moins florissantes, et cela peut arriver, il faudra recourir à d'autres impôts d'Etat. Bref, il ne s'agit pas d'une ressource stable.
Troisièmement, madame le ministre, j'aurais compris que vous nous proposiez la valeur ajoutée comme assiette, mais des substituts aussi dérisoires à une taxe sur la valeur ajoutée, faits d'un mélange d'impositions, d'une part, sur les heures supplémentaires, représentant la partie « travail » de la valeur ajoutée, d'autre part, sur les bénéfices de certaines entreprises, ne me paraissent véritablement pas à la hauteur du problème. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Dominique Braye. Bravo !
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. La démonstration de M. Fréville n'est pas totalement convaincante.
M. Dominique Braye. Mais si !
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Permettez que je réponde à M. Fréville !
M. Alain Joyandet. Ne nous regardez pas si méchamment ! Soyez plus décontractée, madame la ministre.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Monsieur le sénateur, il est très désagréable d'entendre toujours la même personne, dès que j'ouvre la bouche, faire des remarques, alors que nous ne l'entendons jamais donner son avis sur le fond !
M. Jean Delaneau, président de la commission des affaires sociales. M. Braye interviendra sur l'article 4.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Tant mieux, cela me permettra de lui répondre sur le fond !
Monsieur Fréville, le Gouvernement s'est précisément efforcé d'éviter les effets de seuil. Certes, la contribution s'applique dès que le chiffre d'affaires est supérieur à 50 millions de francs, mais n'oubliez pas l'abattement de 5 millions de francs sur les bénéfices. Donc, par définition, l'effet de seuil est supprimé.
C'est le cumul de ces deux conditions qui empêche l'effet de seuil que vous dénoncez de manière, je dois le dire, peu convaincante.
M. Dominique Braye. Quand je vous dis qu'il y a des usines à gaz, mon cher collègue !
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?..
Je mets aux voix les amendements identiques n°s 5 et 91, repoussés par le Gouvernement.

(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. En conséquence, l'article 3 est supprimé et l'amendement n° 114 n'a plus d'objet.

11

CANDIDATURES
À UNE COMMISSION MIXTE PARITAIRE

M. le président. J'informe le Sénat que la commission des affaires culturelles m'a fait connaître qu'elle a procédé à la désignation des candidats qu'elle présente à la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi portant diverses mesures relatives à l'organisation d'activités physiques et sportives.
Cette liste a été affichée et la nomination des membres de cette commission mixte paritaire aura lieu conformément à l'article 9 du règlement.
Nous allons interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures vingt, est reprise à vingt et une heure trente, sous la présidence de M. Guy Allouche.)

PRÉSIDENCE DE M. GUY ALLOUCHE

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

12

NOMINATION DE MEMBRES
D'UNE COMMISSION MIXTE PARITAIRE

M. le président. Il va être procédé à la nomination de sept membres titulaires et de sept membres suppléants de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi portant diverses mesures relatives à l'organisation d'activités physiques et sportives.
La liste des candidats établie par la commission des affaires culturelles à été affichée conformément à l'article 12 du règlement.
Je n'ai reçu aucune opposition.
En conséquence, cette liste est ratifiée et je proclame représentants du Sénat à cette commission mixte paritaire :
Titulaires : MM. Adrien Gouteyron, James Bordas, Jean Bernard, André Bohl, Pierre Jeambrun, Serge Lagauche et Mme Hélène Luc.
Suppléants : MM. Jean Bernadaux, Jean-Claude Carle, Jacques Donnay, Alain Dufaut, Roger Hesling, Jean-Luc Miraux et Jean-François Picheral.

13

FINANCEMENT DE LA SÉCURITÉ SOCIALE POUR 2000

Suite de la discussion d'un projet de loi

M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2000, adopté par l'Assemblée nationale.
Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus à l'amendement n° 94, tendant à insérer un article additionnel avant l'article 4.

Article additionnel avant l'article 4

M. le président. Par amendement n° 94, M. About et les membres du groupe des Républicains et Indépendants proposent d'insérer, avant l'article 4, un article additionnel ainsi rédigé :
« Le dernier alinéa ( d ) du 5° de l'article 278 bis du code général des impôts est abrogé. »
Cet amendement est-il soutenu ?...

Article 4

M. le président. « Art. 4. _ I. _ Le code des douanes est ainsi modifié :

« A. _ L'article 266 sexies est ainsi modifié :
« 1° Au I, les mots : "à compter du 1er janvier 1999" sont supprimés ;
« 2° Le I est complété par un 5, un 6, un 7 et un 8 ainsi rédigés :
« 5. Toute personne qui livre pour la première fois après fabrication nationale ou qui livre sur le marché intérieur en cas d'acquisition intracommunautaire ou qui met à la consommation des préparations pour lessives, y compris des préparations auxiliaires de lavage, ou des produits adoucissants ou assouplissants pour le linge relevant respectivement des rubriques 34022090, 34029090 et 38091010 à 38099100 du tarif douanier ;
« 6. Toute personne qui livre pour la première fois après fabrication nationale ou qui livre sur le marché intérieur en cas d'acquisition intracommunautaire ou qui met à la consommation des grains minéraux naturels d'un diamètre maximal de 125 millimètres relevant des rubriques 2505 et 25171010 du tarif douanier ;
« 7. Toute personne qui livre pour la première fois après fabrication nationale ou qui livre sur le marché intérieur en cas d'acquisition intracommunautaire ou qui met à la consommation des produits antiparasitaires à usage agricole ou des produits assimilés relevant de la rubrique 3808 du tarif douanier dont la mise sur le marché est autorisée en application de la loi n° 525 du 2 novembre 1943 relative à l'organisation du contrôle des produits antiparasitaires à usage agricole et dans la composition desquels entrent des substances classées dangereuses selon les critères définis par les arrêtés pris pour l'application de l'article R. 231-51 du code du travail ;
« 8. a. Tout exploitant d'un établissement industriel ou commercial ou d'un établissement public à caractère industriel et commercial dont certaines installations sont soumises à autorisation au titre de la loi n° 76-663 du 19 juillet 1976 précitée ;
« b. Tout exploitant d'un établissement mentionné au a dont les activités, figurant sur une liste établie par décret en Conseil d'Etat après avis du Conseil supérieur des installations classées, font courir, par leur nature ou leur volume, des risques particuliers à l'environnement. » ;
« 3° Le II est complété par un 3, un 4 et un 5 ainsi rédigés :
« 3. Aux produits mentionnés au 6 du I du présent article issus d'une opération de recyclage ou qui présentent une teneur sur produit sec d'au moins 97 % d'oxyde de silicium ;
« 4. Aux préparations pour lessives, y compris les préparations auxiliaires de lavage, aux produits adoucissants ou assouplissants pour le linge, aux grains minéraux naturels, aux produits antiparasitaires à usage agricole et aux produits assimilés mentionnés respectivement aux 5, 6 et 7 du I du présent article lorsque la première livraison après fabrication nationale consiste en une expédition directe à destination d'un Etat membre de la Communauté européenne ou en une exportation ;
« 5. A l'exploitation d'installations classées par les entreprises inscrites au répertoire des métiers. »
« B. _ L'article 266 septies est complété par un 5, un 6, un 7 et un 8 ainsi rédigés :
« 5. La première livraison après fabrication nationale, la livraison sur le marché intérieur en cas d'acquisition intracommunautaire ou la mise à la consommation des préparations pour lessives, y compris des préparations auxiliaires de lavage, ou des produits adoucissants ou assouplissants pour le linge mentionnés au 5 du I de l'article 266 sexies ;
« 6. La première livraison après fabrication nationale, la livraison sur le marché intérieur en cas d'acquisition intracommunautaire ou la mise à la consommation des grains minéraux naturels mentionnés au 6 du I de l'article 266 sexies ;
« 7. La première livraison après fabrication nationale, la livraison sur le marché intérieur en cas d'acquisition intracommunautaire ou la mise à la consommation des produits antiparasitaires à usage agricole ou des produits assimilés dans la composition desquels entrent des substances classées dangereuses mentionnés au 7 du I de l'article 266 sexies ;
« 8. a. La délivrance de l'autorisation prévue par l'article 3 de la loi n° 76-663 du 19 juillet 1976 précitée ;
« b. L'exploitation au cours d'une année civile d'un établissement mentionné au b du 8 du I de l'article 266 sexies . »
« C. _ L'article 266 octies est complété par un 5, un 6 et un 7 ainsi rédigés :
« 5. Le poids des préparations pour lessives, y compris des préparations auxiliaires de lavage, ou des produits adoucissants ou assouplissants pour le linge mentionnés au 5 du I de l'article 266 sexies ;
« 6. Le poids des grains minéraux naturels mentionnés au 6 du I de l'article 266 sexies ;
« 7. Le poids des substances classées dangereuses selon les critères définis par les arrêtés pris pour l'application de l'article R. 231-51 du code du travail qui entrent dans la composition des produits antiparasitaires à usage agricole ou des produits assimilés mentionnés au 7 du I de l'article 266 sexies . »
« D. _ L'article 266 nonies est ainsi modifié :
« 1° Le tableau figurant au 1 est ainsi rédigé :


DÉSIGNATION DES MATIÈRES

ou opérations imposables

UNITÉ

de perception

QUOTITÉ

(en francs)


Déchets
Déchets réceptionnés dans une installation de stockage de déchets ménagers et assimilés Tonne 60
Déchets réceptionnés dans une installation de stockage de déchets ménagers et assimilés de provenance extérieure au périmètre du plan d'élimination des déchets, élaboré en vertu de l'article 10-2 de la loi n° 75-633 du 15 juillet 1975, dans lequel est située l'installation de stockage Tonne 90
Déchets industriels spéciaux réceptionnés dans une installation d'élimination de déchets industriels spéciaux Tonne 60
Déchets réceptionnés dans une installation de stockage de déchets industriels spéciaux Tonne 120

Substances émises dans l'atmosphère
Oxydes de soufre et autres composés soufrés Tonne 250
Acide chlorhydrique Tonne 250
Protoxyde d'azote Tonne 375
Oxydes d'azote et autres composés oxygénés de l'azote, à l'exception du protoxyde d'azote Tonne 300
Hydrocarbures non méthaniques, solvants et autres composés organiques volatils Tonne 250

Décollages d'aéronefs
Aérodromes du groupe 1 Tonne 68
Aérodromes du groupe 2 Tonne 25
Aérodromes du groupe 3 Tonne 5

Lubrifiants, huiles et préparations
lubrifiantes dont l'utilisation génère

des huiles usagées

Lubrifiants, huiles et préparations lubrifiantes Tonne 250

Préparations pour lessives, y compris les préparations auxiliaires de lavage, et produits adoucissants et assouplissants pour le linge

- dont la teneur en phosphates est inférieure à 5 % du poids Tonne 470
- dont la teneur en phosphates est comprise entre 5 % et 30 % du poids Tonne 520
- dont la teneur en phosphates est supérieure à 30 % du poids Tonne 570

Grains minéraux naturels

Grains minéraux naturels Tonne 0,60

Substances classées dangereuses qui entrent dans la composition des produits antiparasitaires à usage agricole et des produits assimilés

Catégorie 1 Tonne 0
Catégorie 2 Tonne 2 500
Catégorie 3 Tonne 4 000
Catégorie 4 Tonne 5 500
Catégorie 5 Tonne 7 000
Catégorie 6 Tonne 9 000
Catégorie 7 Tonne 11 000

Installations classées

Délivrance d'autorisation : - artisan n'employant pas plus de deux salariés

- 2 900
- autres entreprises inscrites au répertoire des métiers - 7 000
- autres entreprises - 14 600
Exploitation au cours d'une année civile (tarif de base) - 2 200


« 2° L'article est complété par un 7 et un 8 ainsi rédigés :
« 7. Les substances classées dangereuses qui entrent dans la composition des produits antiparasitaires à usage agricole et des produits assimilés mentionnés au 7 du I de l'article 266 sexies sont réparties en sept catégories affectées d'un taux unitaire spécifique en fonction de leurs caractéristiques écotoxicologiques et toxicologiques définies par les arrêtés pris pour l'application de l'article R. 231-51 du code du travail :



PHRASE DE RISQUE ÉCOTOXICOLOGIQUE





DANGER TOXICOLOGIQUE

R 50/53, R 50

R 51/53

R 52/53, R 52

ou R 53


Autres
T+ ou T aggravé par l'une des phrases de risque R 33, R 40, R 45, R 46, R 48, R 49 ou R 60 à R 64 Catégorie 7 Catégorie 6 Catégorie 5 Catégorie 4
T non aggravé par l'une des phrases de risque précitées ou Xn aggravé par l'une des phrases de risque R 33, R 40, R 48 ou R 62 à R 64 Catégorie 6 Catégorie 5 Catégorie 4 Catégorie 3
Xn non aggravé par l'une des phrases de risque précitées, Xi ou C Catégorie 5 Catégorie 4 Catégorie 3 Catégorie 2
Autres Catégorie 4 Catégorie 3 Catégorie 2 Catégorie 1


« 8. Le décret en Conseil d'Etat prévu au b du 8 du I de l'article 266 sexies fixe un coefficient multiplicateur compris entre un et dix pour chacune des activités exercées dans les installations classées, en fonction de sa nature et de son volume. Le montant de la taxe effectivement perçue chaque année par établissement au titre de chacune de ces activités est égal au produit du tarif de base fixé dans le tableau figurant au 1 ci-dessus et du coefficient multiplicateur. »
« E. _ L'article 266 decies est complété par un 3 ainsi rédigé :
« 3. Les préparations pour lessives, y compris les préparations auxiliaires de lavage, les produits adoucissants ou assouplissants pour le linge, les grains minéraux naturels, les produits antiparasitaires à usage agricole et les produits assimilés mentionnés respectivement aux 5, 6 et 7 du I de l'article 266 sexies donnent lieu, sur demande, à remboursement de la taxe afférente lorsqu'ils sont expédiés à destination d'un Etat membre de la Communauté européenne ou exportés. »
« F. _ Il est créé un article 266 terdecies ainsi rédigé :
« Art. 266 terdecies . _ Par dérogation aux dispositions des articles 266 undecies et 266 duodecies , les services chargés de l'inspection des installations classées contrôlent, liquident et recouvrent la part de la taxe générale sur les activités polluantes assise sur la délivrance de l'autorisation prévue par l'article 3 de la loi n° 76-663 du 19 juillet 1976 précitée et sur l'exploitation au cours d'une année civile d'un établissement mentionné au b du 8 du I de l'article 266 sexies selon les modalités suivantes :
« I. _ Au vu des renseignements transmis par le préfet, les services chargés de l'inspection des installations classées dressent la liste des redevables, fixent le montant de la taxe et, le cas échéant, des pénalités dues par chacun de ceux-ci et prescrivent l'exécution de la recette correspondante.
« Ils notifient à l'assujetti le montant de la taxe et, le cas échéant, des pénalités à acquitter par un avis qui indique les dates de mise en recouvrement, d'exigibilité et d'application de l'intérêt de retard en cas de non-paiement.
« La date d'exigibilité est fixée au dernier jour du deuxième mois suivant celui de la mise en recouvrement.
« Le montant de la taxe non acquittée le 15 du mois qui suit celui au cours duquel la taxe est exigible est majoré d'un intérêt de retard dont le taux mensuel est fixé à 0,75 % du montant des sommes restant dues.
« L'encaissement de la taxe ainsi que, le cas échéant, des pénalités est effectué par l'intermédiaire d'une régie de recettes fonctionnant dans les conditions prévues par la réglementation applicable aux régies de recettes et aux régies d'avance des organismes publics.
« A défaut de paiement et au plus tard deux mois après le 15 du mois qui suit celui au cours duquel la taxe est exigible, le recouvrement des sommes impayées est assuré dans les conditions prévues par la réglementation générale sur la comptabilité publique au vu des ordres de recettes émis par l'ordonnateur dont relève la régie de recettes mentionnée à l'alinéa précédent.
« II. _ La taxe générale sur les activités polluantes assise sur l'exploitation d'un établissement mentionné au b du 8 du I de l'article 266 sexies est due au 1er janvier de chaque année, ou ultérieurement à la date de mise en fonctionnement de l'établissement ou éventuellement de l'exercice d'une nouvelle activité. La taxe est due dans tous les cas pour l'année entière. Son paiement incombe à la personne physique ou morale qui exploite l'établissement à cette date.
« En cas de cessation d'activité ou de changement survenu dans un établissement de nature à modifier sa situation au regard de cette taxe, l'exploitant fait parvenir une déclaration au préfet dans un délai d'un mois à compter de cet événement.
« Lorsque cette déclaration est inexacte ou n'est pas déposée dans ce délai, les services chargés de l'inspection des installations classées notifient aux assujettis, trente jours au moins avant l'émission du titre exécutoire, les éléments servant au calcul de la taxe.
« En cas de défaut de déclaration dans le délai prescrit, les services mentionnés ci-dessus procèdent à la taxation d'office et l'assortissent de l'intérêt de retard et de la majoration prévus à l'article 1728 du code général des impôts.
« En cas d'inexactitude de la déclaration, les rappels de taxe sont assortis de l'intérêt de retard et, le cas échéant, de la majoration prévus à l'article 1729 du code général des impôts.
« Les majorations mentionnées aux quatrième et cinquième alinéas du présent II sont notifiées, avec leur motivation, aux assujettis qui disposent d'un délai de trente jours pour présenter leurs observations. Les services mentionnés ci-dessus ne peuvent émettre le titre exécutoire qu'à l'expiration de ce délai. »
« II. _ L'article 17 de la loi n° 76-663 du 19 juillet 1976 relative aux installations classées pour la protection de l'environnement est abrogé.
« III. _ Les dispositions des I et II sont applicables à compter du 1er janvier 2000. »
Sur l'article, la parole est à M. Cazalet.
M. Auguste Cazalet. Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, je ferai d'abord une remarque générale : je ne crois pas que les lois de financement de la sécurité sociale aient été mises en place pour servir de support à une fiscalité nouvelle. Honnêtement, ce n'est pas l'esprit des ordonnances Juppé.
La théorie du double dividende est tout à fait intéressante, sur le plan intellectuel. Cependant, madame la secrétaire d'Etat, le principe de réalité oblige à prendre en compte les réactions des futurs assujettis aux nouveaux prélèvements. Il conduit aussi à s'interroger sur la capacité des secteurs concernés à supporter économiquement de nouveaux prélèvements.
Les commentaires et analyses que j'ai pu recueillir auprès d'industriels de mon département concernant l'incidence de la TGAP sur l'activité de leurs entreprises indiquent que telle n'a pas été votre démarche.
Le dispositif que vous préconisez n'est pas compris. Protection de l'environnement ? Soit ! Nous y souscrivons tous.
Mais comment faire admettre un nouveau prélèvement à une entreprise - je pense à la société Calliope, spécialisée dans les produits phytosanitaires, installée à Noguères - qui a déjà investi 45 millions de francs pour la protection de l'environnement lors de la construction de son usine ?
L'homologation de ces produits sur le marché français nécessite d'importants investissements. Là encore, tout est mis en oeuvre pour que les produits présentent toutes les garanties pour l'utilisateur, le consommateur et l'environnement.
Les produits génériques qui sont aujourd'hui les plus taxés représentent une économie très importante dans les intrants des agriculteurs pour la production de leurs cultures : la TGAP sera répercutée à leur niveau par produit, donc dans les charges des exploitations, et par conséquent sur l'utilisateur final.
Il est décidément difficile de comprendre pourquoi une activité dont les bénéfices économiques et de sécurité alimentaire et la contribution à la compétitivité de notre agriculture sont reconnus est ainsi pénalisée.
La chimie est un autre secteur sur lequel l'incidence du dispositif mérite d'être soulignée.
A titre d'exemple, l'usine Elf-Atochem de Mont sait que la mesure d'allégement des charges sociales sur les bas salaires concernera moins de 20 % de ses 450 salariés.
Les activités chimiques du département des Pyrénées-Atlantiques ont évalué le coût des mesures d'accompagnement des 35 heures - TGAP, CSB et future taxation sur la consommation intermédiaire d'énergie - entre 50 millions et 80 millions de francs. Ce sont donc 50 millions à 80 millions de francs de compétitivité et de résultat qui risquent encore de s'envoler des Pyrénées-Atlantiques, pour un retour de 10 % à peine au titre de la baisse des charges.
Cela ne peut que fragiliser encore plus certaines activités déjà lourdement handicapées par l'éloignement des marchés, les grands marchés étant à 10 000 kilomètres des Pyrénées-Atlantiques. Cela ne peut qu'accentuer les distorsions avec nos voisins ibériques et anéantir nos positions que la seule proximité ne permettra plus de tenir.
Cela ne pourra que contrarier à terme, dans ce département, toute politique de développement et de reconversion vers les industries chimiques.
C'est bien le paradoxe d'une mesure qui se veut sociale, paradoxe que je tenais à souligner. (Applaudissements sur les travées du RPR.)
M. le président. La parole est à M. Braye.
M. Dominique Braye. Monsieur le président, madame le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, cet article soulève un certain nombre de problèmes : d'abord, dans le détail des dispositions qu'il compte mettre en oeuvre, et ensuite, dans la confusion des genres qu'il introduit, et à laquelle notre Haute Assemblée doit et va sûrement s'opposer.
S'agissant du détail des dispositions, les amendements que j'ai deposés tendent, d'abord, à remédier aux excès des mesures visant à élargir l'assiette de la TGAP. Par exemple, sur les lessives et autres produits, je formulerai deux remarques qui illustrent bien la conduite du Gouvernement.
La première : la TGAP devait avoir pour objet de dissuader les comportements polluants, comme l'a d'ailleurs rappelé tout à l'heure Mme Dieulangard, en insistant sur l'effet de la pollution sur la santé. Par conséquent et en l'état actuel des connaissances scientifiques, il serait, à l'évidence, souhaitable d'encourager les efforts des producteurs pour mettre sur le marché des produits moins polluants, en donnant pour les lessives, par exemple, une prime fiscale aux produits dont la teneur en phosphates est inférieure à 5 % de leur poids. Taxer à 470 francs la tonne ces produits, c'est manifestement exagéré. De plus, c'est faire fi des efforts de recherche entrepris par les industriels pour produire des lessives moins nocives pour notre environnement ; c'est même les décourager.
Ma seconde remarque est d'ordre plus général. Ne nous leurrons pas : imposer les industriels sur ces produits revient à augmenter le prix à la consommation de ces produits de première nécessité que sont les lessives et autres adoucissants. Une fois de plus, ce sont les ménages qui seront pénalisés par cette taxe, et au premier chef, bien sûr, ceux qui ont de faibles revenus.
En ce qui concerne les produits phytosanitaires, je partage l'avis de mon collègue Auguste Cazalet. Je tiens tout de même à insister sur le fait que la taxation au poids de tous les produits, qui varie seulement en fonction du degré de toxicité des principes actifs entrant dans leur composition, ne prend pas en compte le cas des produits génériques dont la valeur est moindre, et qui seront donc proportionnellement pénalisés de façon beaucoup plus importante. Il serait manifestement plus judicieux et plus juste de proposer un taux d'imposition en fonction du prix de vente.
Mes amendements visent, d'autre part, à procéder à des améliorations du dispositif existant afin de l'adapter à l'objectif de 2002, à savoir la fin de la mise en décharge, sauf pour les déchets ultimes. C'est pourquoi je suggère trois dispositions.
D'abord, je propose la suppression de la surtaxe de 50 % appliquée aux déchets provenant de l'extérieur du périmètre du plan départemental d'élimination, afin de favoriser les solutions de meilleure proximité et de rationalisation des installations d'élimination des déchets, ce qui peut se faire parfois dans un cadre interdépartemental, comme le préconise la circulaire du ministre de l'environnement d'avril 1999.
Ensuite, je propose l'exonération des déchets ultimes dans la mesure où il faut encourager les installations qui ont fait l'effort de se conformer aux injonctions de la loi de 1992.
Enfin, en contrepartie de cette exonération, je propose l'élargissement de l'assiette de la taxe aux décharges internes des entreprises. En effet, par le biais de ces décharges internes où les déchets ne sont pas traités, près de 1,5 million de tonnes de déchets échappent à tout traitement, et par conséquent échapperaient à toute imposition. Pourtant, cet avantage fiscal n'est nullement justifié au regard de la protection de l'environnement ni même par rapport aux objectifs de la loi de 1992. Avec le système qui nous est proposé, les entreprises n'auront plus intérêt à faire traiter leurs déchets car cela les obligerait à acquitter la TGAP, alors que si elles se contentent de les déposer dans leurs décharges internes elles en seront exonérées.
Or, vous le savez tous, mes chers collègues, ces décharges internes posent souvent un véritable problème car elles ne sont pas soumises aux normes de sécurité draconiennes des lieux de stockage des déchets ultimes et ne font pas l'objet des mêmes contrôles. Elles font donc peser de grands dangers sur l'environnement, et nombreux sont les sites gravement pollués découverts plusieurs années après le départ de certaines entreprises.
J'attire votre attention, mes chers collègues, sur le fait que si l'amendement n° 66 a une portée indépendante de notre débat sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale, c'est normal car la TGAP n'aurait jamais dû figurer dans ce texte.
Comme il me faudra sûrement le retirer pour soutenir l'amendement de suppression de la commission, j'ai bien l'intention de saisir une occasion plus favorable pour le déposer à nouveau.
En effet, je tiens à affirmer que j'adhère pleinement au choix de la commission qui souhaite supprimer purement et simplement cet article 4.
La volonté du Gouvernement de faire financer les allègements de charges par la politique de l'environnement va totalement à l'encontre de nos convictions. Comme mes collègues de la majorité sénatoriale, je m'oppose avec vigueur au transfert du produit de la TGAP pour financer la sécurité sociale. Il ne faut pas mélanger les genres.
Parler de double dividende ne change rien au fond : ce terme technocratique et confus a été choisi dans le seul but de faire prendre des vessies pour des lanternes et de faire passer la politique sociale pour de la politique environnementale !
Je vous rappelle, mes chers collègues, que la TGAP n'est rien d'autre que la récente refonte avec budgétisation d'un ensemble de taxes parafiscales. Auparavant directement versées au budget de l'ADEME, leur produit servait à aider les collectivités locales à financer des installations de retraitement.
M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.
M. Dominique Braye. Aurais-je déjà épuisé les cinq minutes de temps de parole qui me sont imparties, monsieur le président ?
M. le président. Vous en êtes à six minutes trente !
M. Dominique Braye. J'ai presque fini. Mais le sujet est intéressant et mérite explication...
Cette refonte et l'élargissement de l'assiette ont déjà permis une substantielle augmentation de son rendement qui passera pour l'an 2000 de 1,9 milliard de francs à 3,2 milliards de francs.
On pourrait, à la rigueur, accepter cette progression si elle était suivie d'un accroissement proportionnel des moyens mis à la disposition de la politique de l'environnement. Or, la progression du budget de l'ADEME se limite à 7 %. C'est dire qu'elle est sans aucune mesure avec l'explosion du produit de la TGAP qui atteint, je vous le rappelle, 68 %.
Nous sommes donc autorisés à dire que la pompeuse théorie du double dividende n'est qu'un tour de passe-passe destiné à masquer un gigantesque détournement de la fiscalité écologique aux dépens de l'amélioration de l'environnement, ce qui est tout de même, vous en conviendrez, un comble pour un gouvernement qui compte parmi ses membres la tête de file des Verts !
M. le président. Veuillez conclure, monsieur Braye.
M. Dominique Braye. J'ai presque terminé, monsieur le président.
En effet, le premier dividende disparaît totalement quand la TGAP devient un impôt de rendement bis destiné à financer par n'importe quel moyen la dispendieuse loi sur les 35 heures. Avec vous, la TGAP ne signifie plus « taxe générale sur les activités polluantes » mais « très grosses arnaque politicienne ! » (Rires sur les travées du groupe du RPR. - Protestations sur les travées socialistes.)
M. Dominique Braye. De plus, je tiens à souligner que le transfert financier...
M. le président. Je vais devoir vous interrompre, monsieur Braye.
M. Dominique Braye. Il me suffirait d'une minute, monsieur le président. Sinon, j'achèverai ma démonstration dans une explication de vote...
M. Guy Fischer. Si c'est pour entendre ça, vous devriez l'interrompre, monsieur le président !
M. le président. Vous en êtes déjà à huit minutes, monsieur Braye.
M. Dominique Braye. Mes chers collègues, je terminerai donc mon intervention au moment de mon explication de vote. (Applaudissements sur les travées du RPR.)
M. Guy Fischer. Non ! On a déjà tout entendu !
M. le président. La parole est à M. Miquel.
M. Gérard Miquel. Monsieur le président, madame le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, cet article propose des orientations nouvelles sur ce que l'on appelle aujourd'hui la fiscalité écologique.
Il est porteur de changements majeurs. Tout d'abord, l'assiette de la TGAP est élargie à de nouveaux produits et la taxe prend en compte la toxicité de certains produits chimiques courants. Ensuite, et on l'oublie souvent, quelques taux sont modifiés. Je pense, en particulier, à l'augmentation de la taxe sur les huiles.
Le recyclage des huiles usagées est encore trop décevant et, si les industriels rejettent cette formule jugée anti-économique, c'est avec une lenteur particulière qu'ils se hâtent à trouver d'autres formules plus adaptées. C'est pourquoi les collectivités trouvent de plus en plus d'huiles usagées dans les poubelles et les caniveaux.
S'il n'est pas certain que la majoration prévue de 200 à 250 francs réglera le problème de façon définitive, du moins pourra-t-elle accélérer sa solution. Pour plusieurs autres déchets, nous devrions nous inspirer de ce système ; je pense notamment aux pneus usagés, véritable épine écologique pour les élus locaux.
Il me semble néanmoins que, malgré les avancées de l'article 4, quelques pistes n'ont pas été suffisamment creusées, notamment celle des décharges.
La question que je me pose est de savoir comment articuler la fiscalité et la réglementation que nous connaissons tous. Je veux parler de l'échéance du 1er juillet 2002, date à compter de laquelle la mise en décharge cessera d'être un mode de traitement courant des déchets bruts.
Il me semble que deux pistes au moins méritent d'être évoquées.
La première piste concerne la modulation. L'article maintient un tarif de mise en décharge à 60 francs la tonne. Il me semble que cette imposition unique ne prend pas en compte la diversité des situations. Certaines décharges sont équipées de simples torchères, d'autres de véritables dispositifs de valorisation des biogaz. Quant aux dernières, qui n'ont rien du tout, elles ne sont guère différentes des dépotoirs d'autrefois. Ces décharges sont aujourd'hui taxées au même tarif. Je pense qu'il serait bon de prévoir, à l'avenir, une fiscalité modulée selon la qualité des installations.
La seconde piste concerne les décharges internes des entreprises. Je parlerais plutôt de décharges qualifiées d'« internes » tant que l'entreprise a une activité et qui deviennent des décharges publiques quand l'activité cesse. En effet, nous connaissons tous des situations qui contraignent les collectivités locales à gérer des décharges abandonnées et des sites « orphelins » après fermeture de l'entreprise.
La décharge, qui n'est en réalité privée que pendant un court moment, devient collective pendant tout le reste de la longue vie des déchets. Ces décharges internes sont aujourd'hui exonérées. Or, il me semble que cette différence de traitement entre, d'une part, décharge réglementée et taxée et, d'autre part, décharge libre et non taxée, est dangereuse. Les industriels peuvent en effet être tentés de contourner la réglementation et de recourir davantage aux décharges internes pour éviter les contraintes, les frais de transport, le coût du service et les impôts. Je vois là un vrai problème.
M. Jean Delaneau, président de la commission des affaires sociales. Oui, mais cela n'a rien à voir avec le financement de la sécurité sociale !
M. Gérard Miquel. Il faut, bien sûr, éviter de taxer les déchets incompressibles issus de la première transformation des minerais ; mais des solutions techniques existent.
Je n'ai cependant pas déposé d'amendement à ce propos. Je néglige le fait que la commission a proposé de supprimer l'article en discussion, ce qui rendrait sans objet tous les autres amendements, fussent-ils parfaitement pertinents. Je pense surtout que ces différents sujets méritent que soit engagée une réflexion commune, associant notamment les élus locaux. Nous devons parfaitement calibrer un texte en commençant par un travail de définition. Une taxation différenciée suppose de qualifier les techniques correspondantes. De même, la taxation des décharges internes suppose de qualifier précisément un déchet interne et de pouvoir le quantifier. Un travail de préparation s'impose, et toute initiative précipitée serait maladroite.
Voilà trois semaines, à l'Assemblée nationale, M. le secrétaire d'Etat au budget s'est prononcé en faveur d'une concertation sur ce point. Peut-on en savoir un peu plus ? Madame la secrétaire d'Etat, que pensez-vous des deux orientations que je viens d'évoquer ?
Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale. Monsieur le président, je souhaite répondre aux orateurs qui viennent de s'exprimer.
Loin d'être une nouveauté annoncée aujourd'hui, le financement des allégements de charges par l'écotaxe est une idée ancienne. Elle figurait d'ailleurs dans la plate-forme du candidat Lionel Jospin aux élections présidentielles de 1995.
De surcroît, cette idée est partagée au niveau européen puisque cette réforme, menée en Allemagne en 1999 et en Italie en 1998, doit être étendue l'année prochaine à la Grande-Bretagne et aux Pays-Bas. C'est dire que la France n'est pas isolée dans cette formule de financement des charges sociales par une écotaxe.
Concernant la taxation, le Gouvernement est effectivement conscient des difficultés que pourrait entraîner cette contribution pour les entreprises grosses consommatrices d'énergie. Un Livre blanc a été publié, précisément pour recueillir l'avis des acteurs économiques. La question est posée et le débat reste entier. Le dispositif n'entrera définitivement en vigueur qu'en 2001. Nous sommes donc dans une phase d'observation et de concertation avec les acteurs économiques.
Monsieur Miquel, vous nous invitez à aller plus loin dans la fiscalité écologique. Ce débat a déjà été ouvert à l'Assemblée nationale par une députée fortement intéressée par cette question.
M. Sautter a fait une réponse d'ouverture en indiquant que, pour mieux adapter cette taxe écologique aux activités que vous décrivez, il comptait étudier l'incidence et la diversité des taxes sur les décharges à l'occasion de l'élaboration des mesures qui vont être décidées dans le courant de l'année prochaine.
M. le président. Je suis saisi de treize amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Les quatre premiers sont identiques.
L'amendement n° 6 est présenté par M. Descours, au nom de la commission.
L'amendement n° 76 est déposé par MM. Lorrain et Fréville et les membres du groupe de l'Union centriste.
L'amendement n° 92 est présenté par M. Louis Boyer et les membres du groupe des Républicains et Indépendants.
L'amendement n° 103 est déposé par M. Adnot.
Tous quatre tendent à supprimer l'article 4.
Par amendement n° 68, MM. Braye et Hérisson proposent d'insérer, après le 1° du A du I de l'article 4, deux alinéas ainsi rédigés :
« ... Le deuxième alinéa (1) du I est ainsi rédigé :
« 1. Tout exploitant d'une installation de stockage de déchets ménagers et assimilés non exclusivement utilisée pour les déchets que l'entreprise produit ou tout exploitant d'une installation d'élimination de déchets industriels spéciaux par incinération, co-incinération, stockage, traitement physico-chimique ou biologique. »
Par amendement n° 73, MM. Braye et Hérisson proposent d'insérer, après le 1° du A du I de l'article 4, deux alinéas ainsi rédigés :
« ... Le quatrième alinéa (3) du I de l'article 266 sexies du code des douanes est ainsi modifié :
« 3. Aux déchets ultimes issus des prestations de collecte, de tri et de traitement portant sur des matériaux ayant fait l'objet d'un contrat entre la collectivité locale ou son groupement et un organisme agréé au titre de la loi du 15 juillet 1975 et destinés à une installation de stockage des déchets ménagers et assimilés exploitée conformément à la réglementation en vigueur et inscrite au Plan d'élimination des déchets ménagers et assimilés. »
Par amendement n° 95, M. About et les membres du groupe des Républicains et Indépendants proposent :
I. - De supprimer le quatrième alinéa (7) du 2° du A du I de l'article 4.
II. - Dans le troisième alinéa (4) du 3° du A du I de l'article 4, de supprimer les mots : « aux produits antiparasitaires à usage agricole et aux produits assimilés mentionnés respectivement aux 5, 6 et 7 du I du présent article ».
III. - De supprimer le quatrième alinéa (7) du B du I de l'article 4.
IV. - De supprimer le dernier alinéa (7) du C du I de l'article 4.
V. - Dans le second alinéa (3) du E du I de l'article 4, de supprimer les mots : « les produits antiparasitaires à usage agricole et les produits assimilés mentionnés respectivement aux 5, 6 et 7 du I de l'article 266 sexies ».
Par amendement n° 69, MM. Braye et Hérisson proposent de remplacer le premier alinéa du B du I de l'article 4 par trois alinéas ainsi rédigés :
« 1° Le deuxième alinéa (1) de l'article 266 septies du code des douanes est ainsi rédigé :
« 1. Le stockage définitif des déchets par les exploitants mentionnés au 1 du I de l'article 266 sexies ; ».
« 2° Le même article est complété par un 5, un 6, un 7 et un 8 ainsi rédigés : ».
Par amendement n° 70, MM. Braye et Hérisson proposent de remplacer le premier alinéa du C du I de l'article 4 par trois alinéas ainsi rédigés :
« 1° Le deuxième alinéa (1) de l'article 266 octies du code des douanes est ainsi rédigé :
« 1. Le poids des déchets stockés par les exploitants mentionnés au 1 du I de l'article 266 sexies ; ».
« 2° Le même article est complété par un 5, un 6 et un 7 ainsi rédigés : ».
Par amendement n° 72, MM. Braye et Hérisson proposent de supprimer la deuxième ligne (Déchets réceptionnés dans une installation de stockage de déchets ménagers et assimilés de provenance extérieure au périmètre du plan d'élimination des déchets, élaborée en vertu de l'article 10-2 de la loi n° 75-633 du 15 juillet 1975, dans lequel est située l'installation de stockage) du tableau figurant au 1° du D du I de l'article 4.
Par amendement n° 67, M. Braye propose :
A. - A la quatorzième ligne (« - dont la teneur en phosphates est inférieure à 5 % du poids ») du tableau du 1° du D du I de l'article 4, de remplacer la quotité : « 470 » par la quotité : « 200 ».
B. - A la quinzième ligne (« - dont la teneur en phosphates est comprise entre 5 % et 30 % du poids ») du tableau du 1° du D du I de l'article 4, de remplacer la quotité : « 520 » par la quotité : « 250 ».
C. - A la seizième ligne (« - dont la teneur en phosphates est supérieure à 30 % du poids ») du tableau du 1° du D du I de l'article 4, de remplacer la quotité : « 570 » par la quotité : « 350 ».
Par amendement n° 66, M. Braye propose, à la quatorzième ligne (« dont la teneur en phosphates est inférieure à 5 % du poids ») du tableau du 1° du D du I de l'article 4, de remplacer la quotité : « 470 » par la quotité : « 150 ».
Par amendement n° 71, M. Braye propose :
A. A la dix-huitième ligne (Catégorie 1) du tableau figurant au 1°) du D du I de l'article 4, de remplacer la quotité : « 0 » par la quotité : « 150 ».
B. A la dix-neuvième ligne (Catégorie 2) du même tableau, de remplacer la quotité : « 2 500 » par la quotité : « 500 ».
C. A la vingtième ligne (Catégorie 3) du même tableau, de remplacer la quotité : « 4 000 » par la quotité : « 1 000 ».
D. A la vingt et unième ligne (Catégorie 4) du même tableau, de remplacer la quotité : « 5 500 » par la quotité : « 1 500 ».
E. A la vingt-deuxième ligne (Catégorie 5) du même tableau, de remplacer la quotité : « 7 000 » par la quotité : « 3 000 ».
F. A la vingt-troisième ligne (Catégorie 6) du même tableau, de remplacer la quotité : « 9 000 » par la quotité : « 4 000 ».
G. A la vingt-quatrième ligne (Catégorie 7) du même tableau, de remplacer la quotité : « 11 000 » par la quotité : « 5 000 ».
La parole est à M. Descours, rapporteur, pour présenter l'amendement n° 6.
M. Charles Descours, rapporteur. Imaginons que des citoyens du Lot, des Yvelines ou des Pyrénées-Atlantiques écoutent nos débats et nous entendent parler de pneus ou d'huiles usagés, de taxation sur les déchets, alors qu'ils croyaient assister à la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale... Répondez-moi sincèrement : ne nous prendraient-ils pas pour des fous ? C'est pourtant ce que nous sommes en train de faire. Pour ma part, je proposerai la suppression de cet article.
Madame le secrétaire d'Etat, c'est la première fois que nous nous affrontons...
Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale. Le mot est un peu fort ! (Sourires.)
M. Charles Descours, rapporteur. ... vous au Gouvernement, moi comme rapporteur. Mais, lorsque vous étiez député, nous avons collaboré en commission mixte paritaire. Je vous ai suivie sur certaines questions, notamment sur celle des malentendants.
Vous nous avez répondu que, dans d'autres pays, comme l'Allemagne, la fiscalité écologique pouvait financer des allégements de charges sociales. Certes, mais, le plus souvent, la sécurité sociale est financée par la fiscalité. C'est ainsi qu'en Espagne, le taux de financement de la sécurité sociale par la fiscalité est de 100 %. Dès lors que ce principe est admis, peu importe l'origine des taxes.
Il se trouve qu'en France, ce sont principalement les cotisations qui financent la sécurité sociale. Ainsi le veut notre tradition sociale depuis 1945. Peut-être même est-elle plus ancienne.
Ces traditions sont bien différentes.
En ce début de soirée, je vais m'autoriser un mauvais jeu de mots, dont vous voudrez bien m'excuser. Puisque, pour financer les 35 heures, le Gouvernement inscrit dans la loi de financement de la sécurité sociale une taxe sur les activités polluantes, permettez-moi de relever cette évidence : il pollue le débat ! (Sourires.)
Je vais vous proposer la suppression de cet article et vous en donner les raisons.
Lorsque la TGAP a été créée, l'année dernière, il s'agissait, dans l'esprit du Gouvernement, « d'assurer une plus grande cohérence dans le financement de sa politique de protection de l'environnement ».
Cette mesure devait permettre « au ministère de l'environnement d'assurer pleinement son rôle dans la politique environnementale en France ». Pourquoi pas ?
Le rendement de la TGAP devrait être de 1,9 milliard de francs en 1999. Il serait de 3,25 milliards de francs en 2000.
Le Gouvernement a annoncé récemment, le 20 mai 1999, que la TGAP serait élargie à la prévention des pollutions globales, au premier chef celles qui conduisent à l'émission de gaz à effet de serre. En effet, la France s'est engagée, dans le cadre du protocole de Kyoto adopté en décembre 1997, à stabiliser en 2010 ses émissions au niveau atteint en 1990 - je crois sincèrement que bien lui en a pris - alors que les Etats-Unis ont accepté de payer pour polluer, attitude scandaleuse pour un grand pays.
Mais le Gouvernement a décidé que l'extension aux consommations intermédiaires d'énergie de la TGAP ne rentrerait en application qu'à compter du 1er janvier 2001. Un Livre blanc a été diffusé, présentant les orientations retenues par le Gouvernement.
Entre le vote de la loi de finances pour 1999 et l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2000, le financement des 35 heures est devenu une priorité pour le Gouvernement. Abracadabra... abracadabran... Décidant donc d'affecter cette TGAP à ce financement, le Gouvernement s'est forgé une nouvelle argumentation. Moi, j'adore ce vocabulaire : « le double dividende » ! Pourquoi pas le double-six... ou le double je ne sais pas quoi !
Je cite : « Instrument d'incitation et de prévention, la TGAP, élargie aux consommations intermédiaires d'énergie, permet, aux côtés du premier dividende qu'elle procure... »... Ici, je ne comprends pas s'il s'agit d'un terme boursier.
M. Guy Fischer. En matière de dividendes, c'est pourtant vous les spécialistes !
M. Charles Descours, rapporteur. Je consulterai le groupe communiste républicain et citoyen sur le sujet.
M. Guy Fischer. Vous vous trompez d'interlocuteur !
M. Charles Descours, rapporteur. Je termine la citation : « ... d'allouer les ressources dégagées au service d'un second dividende, le dividende pour l'emploi. » Et voilà pourquoi votre fille est muette !
Je ne suis pas un spécialiste de la fiscalité écologique. Je ne souhaite donc pas me prononcer sur la pertinence et sur l'opportunité de la hausse de la TGAP, de l'extension de son assiette et de ses quotités. J'avoue mon incompétence à ce sujet - je me demande d'ailleurs si je peux être rapporteur d'un texte qui contient des éléments que je ne connais guère, même si je connais la sécurité sociale - et je ne suis donc pas à même de discuter de l'opportunité de fixer à 96 %, 97 % ou 98 % le pourcentage d'oxyde de silicium nécessaire aux granulats « sur produit sec » pour échapper à la TGAP !
Toutefois, j'ai pu observer les réactions des producteurs de lessives - réactions relayées par nos collègues à l'instant - nous expliquant que les lessives phosphatées sont moins nocives pour l'environnement que les lessives non phosphatées, ainsi que les réactions du monde agricole, qui regrette que cette taxe sur les produits phytosanitaires réduise à néant les efforts engagés sur une démarche volontaire pour limiter les pollutions agricoles.
Comment se fait-il que, avant de rédiger cet article, le Gouvernement ne se soit pas concerté mieux avec ces deux acteurs importants du monde économique que sont les producteurs de lessives et les agriculteurs ? Je crois que l'hostilité dont ils nous ont fait part et qui a été relayée à l'instant par certains d'entre nous est tout à fait fondée.
Le rendement attendu dès 2001 pour la TGAP serait de 12,5 milliards de francs, dites-vous. La France, qui assurera la présidence de l'Union européenne à partir du 1er juillet 2000 et qui sera chargée de mettre au point une directive européenne sur ce sujet, préjuge donc, en affectant la TGAP à un fonds d'allègement des charges sociales, le destin d'une telle taxe : a priori , une écotaxe devrait normalement financer des opérations de dépollution ou des programmes de reconversion industrielle. Mais je suis sans doute trop simpliste, trop primaire, pas assez subtil !
Vouloir affecter, comme l'a dit notre collègue Dominique Braye, une recette pérenne de 12,5 milliards de francs quelle que soit la pollution réellement constatée, cela me semble étrange. Si la pollution diminue, il apparaît logique que le montant de la TGAP diminue également ! Pourquoi en faire un impôt de rendement ?
Je pense aussi que, au bout du compte, cette taxe sera à la charge des ménages. Mais je ne désespère pas que, l'année prochaine, au moment de la discussion de la loi de finances, ou nous explique qu'il faut revoir le taux de TVA sur les lessives pour compenser la TGAP incluse dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale de 2000...
Voilà pourquoi la commission des affaires sociales vous propose, mes chers collègues, un amendement de suppression.
Cela étant, cette suppression n'ira vraisemblablement pas jusqu'au bout, et je tiens à dire que les remarques qui ont été présentées tout à l'heure par nos collègues sur toutes les travées de cet hémicycle posent un vrai problème sur le fond de cet article une fois qu'il aura été voté après l'échec de la commission mixte paritaire : ce qu'ont dit Auguste Cazalet, Dominique Braye et Gérard Miquel montre bien que, à travers un amendement de circonstance, nous allons vers des complications extraordinaires. Comment concilier cette taxe écologique, par exemple, avec les dispositions de la loi sur les déchets et avec les mesures qu'ont prises de nombreux gouvernements successifs ?
Je vous demande donc, mes chers collègues, de voter cet amendement de suppression. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Fréville, pour présenter l'amendement n° 76.
M. Yves Fréville. J'ai très peu de choses à ajouter à ce qu'a dit M. le rapporteur. Je souhaite toutefois réagir aux propos de Mme le secrétaire d'Etat.
Vous dites, madame le secrétaire d'Etat, que l'écotaxe faisait partie du programme de M. Jospin. J'en déduis que ce programme était assez imprécis ! (Mme le secrétaire d'Etat proteste.)
A Mme Aubry, qui nous reproche souvent de présenter des propositions imprécises, je tiens à rappeler que, voilà un an, lorsque la majorité de l'Assemblée nationale a adopté la TGAP, c'était pour supprimer l'affectation d'un impôt créé pour financer l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie, afin d'obéir au principe « pollueur-payeur ». On a donc supprimé l'affectation, et toute la majorité d'applaudir... Mais voilà qu'un an après, virage complet sur l'aile, on rétablit ladite affectation pour la sécurité sociale.
Il n'y a donc aucune logique écologique derrière cette proposition, mais uniquement - et M. Descours l'a excellemment montré - une logique de produit.
L'exemple des lessives est particulièrement net ! Permettez-moi d'y revenir. Il paraît que cette mesure rapportera 500 millions de francs. Mais, à l'examen du barème, on constate deux choses.
Premièrement, quand il n'y a pas de phosphate, on ne devrait logiquement pas payer d'impôt, cela paraît évident : je n'ai pas beaucoup de connaissances en chimie, mais je crois quand même que ce sont les phosphates qui sont les agents pollueurs. Ou alors il faudra nous expliquer que, un peu de phosphate, c'est bien ! Toutefois, même en l'absence de phosphate, on va taxer quand même.
Deuxièmement, j'ai lu les débats de l'Assemblée nationale et j'ai constaté que M. Bateux avait déposé un amendement très intéressant, en nous expliquant que non seulement on devrait taxer en l'absence de phosphate mais que, lorsqu'il y en avait beaucoup, on devrait diminuer le montant de la taxe. La différence, qui était ainsi de 260 francs à l'origine, a été réduite à 100 francs.
M. Jean Delaneau, président de la commission des affaires sociales. C'est l'amendement Fabius !
M. Yves Fréville. J'ignore ce qui a amené M. Bateux à déposer son amendement ! Et si, en Normandie, il existe des cas particuliers, cela démontre que la loi n'était pas aussi générale qu'elle le semblait. Or quand une loi n'est pas générale, qu'elle n'a pas d'incidence sur la pollution et qu'on ne voit pas pourquoi elle est affectée à ceci plutôt qu'à cela, sa suppression - défendue par M. le rapporteur - s'impose. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Louis Boyer, pour défendre l'amendement n° 92.
M. Louis Boyer. Je retire cet amendement au profit de l'amendement n° 6 de la commission, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 92 est retiré.
La parole est est à M. Adnot, pour défendre l'amendement n° 103.
M. Philippe Adnot. La présentation de cet amendement va me donner l'occasion d'interpeller Mme le secrétaire d'Etat, puisque je n'ai pas obtenu de réponse à la question que j'ai posée hier concernant l'amortissement de la dette de la CADES.
Je m'interroge : est-ce un oubli ? Ce serait fâcheux ! Est-ce du mépris pour les parlementaires, qui ne devraient pas connaître ces choses ? Ce serait fâcheux ! Est-ce de votre part une méconnaissance du sujet qui vous empêche de répondre ? Ce serait également fâcheux ! J'attends donc votre réponse.
En ce qui concerne la TGAP, vous ne m'avez pas non plus répondu.
Vous n'arrêtez pas de dire que cet impôt est neutre. Ce n'est pas vrai ! Vous avez été amenée à le créer parce que vous avez imposé une charge aux entreprises avec les 35 heures. Vous avez prévu d'accorder des allégements pour compenser cette charge, ce qui est neutre, mais vous avez créé pour cela un nouvel impôt ! Il y a donc deux charges pour un allégement, ce qui n'est pas neutre.
La vérité est que vous avez créé un prélèvement supplémentaire, nous le répéterons aussi souvent que vous essaierez de mentir aux Français en leur faisant croire que vous n'avez pas créé ce prélèvement.
J'ajoute que ce prélèvement ne sera pas neutre parce que ce ne seront pas ceux qui vont le payer qui vont en retirer le bénéfice. Comme je vous l'ai expliqué hier soir, ceux qui vont payer appartiennent aux secteurs primaire et secondaire qui sont les secteurs les plus fragiles dans la compétition internationale. Or ceux qui vont en bénéficier sont les secteurs qui enregistrent des créations d'emploi. Ce n'est donc absolument pas neutre !
La raison pour laquelle je défends cet amendement de suppression est qu'il faut rétablir cette vérité. Vous faites un prélèvement supplémentaire, nous n'en voulons pas. Vous détournez l'utilisation de ces fonds à partir d'une caution morale qui vous sert d'alibi, vous prétendez taxer afin de réduire la pollution, mais ce n'est pas vrai.
Notre collègue M. Fréville vient de nous rappeler que l'amendement Bateux a été voté à l'Assemblée nationale. C'est un formidable aveu ! Parce que, dans la circonscription de M. Fabius, il y a une usine qui produit des lessives contenant du phosphate, l'Assemblée nationale a adopté un amendement pour taxer moins de telles lessives et taxer plus celles qui n'en contiennent pas. C'est bien l'aveu que la volonté est non de protéger l'environnement, mais de dégager des recettes supplémentaires !
C'est d'autant plus grave au moment où nous connaissons, en France, un événement d'une gravité exceptionnelle : l'argent prélevé dans le domaine de l'environnement ne devrait-il pas servir à venir en aide aux trois départements qui ont été gravement touchés par les récentes inondations ?
Ce que vous faites là est très grave, et je le regrette. C'est pourquoi je m'associe à la commission pour vous demander la suppression de l'article 4. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Braye, pour présenter les amendements n°s 68 et 73.
M. Dominique Braye. Comme l'a dit M. le rapporteur, nous ne sommes pas ici pour parler de problèmes de pollution, mais pour examiner le projet de loi de financement de la sécurité sociale.
Certes, nous devrons y revenir, et je m'associe tout à fait à ce qu'a dit notre collègue Gérard Miquel au sujet des décharges internes, objet des amendements n°s 68 et 73.
En la matière, le pilotage à vue du Gouvernement et ses explications a posteriori ne sont pas convaincants.
Je tiens à souligner à cet égard combien le transfert financier entre les comptes de l'Etat et ceux de la sécurité sociale ont été l'occasion de manoeuvres pour le moins approximatives, sinon peu orthodoxes par rapport au droit budgétaire, notre collègue M. Fréville l'a souligné plusieurs fois déjà ce soir. En effet, nous le savons bien, la disposition d'affectation des crédits de la TGAP a été ajoutée à la sauvette, dans des conditions que nous connaissons tous, lors de la première lecture du projet de loi de finances par l'Assemblée nationale.
De plus, en raison du calendrier législatif, ces crédits, non encore examinés comme recettes par le Sénat dans le projet de loi de finances, sont néanmoins examinés comme dépenses dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale ... les dépenses destinées à financer un système déjà voté dans le cadre du projet de loi portant réduction du temps de travail.
Les allégements de charges ont donc été votés avant d'être financés !
Tout cela me semble un montage bien peu régulier, bien peu orthodoxe et, surtout, bien peu démocratique. En tout cas, je tiens à le dire ce soir, cette procédure est en totale contradiction avec le discours que Mme Aubry nous tient depuis deux jours sur le respect des règles qui régissent le fonctionnement de notre pays.
Mes chers collègues, je ne vous l'apprend pas, nous sommes dans un Etat de droit, ce qui signifie que des textes, comme la Constitution ou l'ordonnance de 1959, doivent être respectés.
Le Parlement - en tout cas le Sénat - est extrêmement soucieux du respect des textes qui régissent notre vie politique. Aussi attend-il du Gouvernement qu'il les respecte lui aussi. Mme le ministre nous a dit le faire à plusieurs reprises ; malheureusement, nous sommes obligés de constater que les actes ne sont pas en accord avec les discours.
Telles sont les raisons, mes chers collègues, qui nous amèneront à soutenir la position de la commission des affaires sociales en supprimant l'article 4. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. L'amendement n° 95 est-il soutenu ?...
La parole est à M. Braye, pour défendre l'amendement n° 69.
M. Dominique Braye. Je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 69 est retiré.
Je vous redonne la parole, monsieur Braye, pour défendre l'amendement n° 70.
M. Dominique Braye. Je retire également cet amendement : nous aurons l'occasion de discuter à nouveau de cette question lors de l'examen d'un prochain projet de loi concernant l'environnement.
Et je vous indique d'ores et déjà, monsieur le président, que je retire aussi les amendements n°s 72, 67, 66 et 71.
M. le président. Les amendements n°s 70, 72, 67, 66 et 71 sont retirés.
Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s 68 et 73 ?
M. Charles Descours, rapporteur. M. Braye vient de retirer un certain nombre d'amendements et je l'en remercie.
Le Sénat va, je l'espère, supprimer cet article « ridicule », pour reprendre le titre d'un film. Mais l'Assemblée nationale, à l'issue de la navette, va sans doute le rétablir. Néanmoins, les réserves qui viennent d'être émises par nos collègues, y compris d'ordre constitutionnel - bien sûr, nous saisirons le Conseil constitutionnel - subsisteront. Nous prenons date et nous affirmons solennellement que cet article, s'il est rétabli, entraînera, dans son application, au sein de tel ou tel secteur de l'industrie ou dans les décharges internes des entreprises, d'énormes problèmes. Ses conséquences sont aujourd'hui imprévisibles, et il faudra sans aucun doute modifier ce texte par le biais d'un DMOS, ou je ne sais quel DDOF. Ce texte n'est qu'un texte de circonstance, dont le seul objet, je le répète, est de financer les 35 heures.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements identiques n°s 6, 76, 103, et sur les amendements n°s 68 et 73 ?
Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat. Je ne vais sans doute surprendre personne : le Gouvernement est défavorable à ces amendements, et je m'en explique.
Au risque de vous faire affront, monsieur le rapporteur, je vous croyais plus malin que vous ne tentez de me le faire croire ce soir.
Chaque fois, vous répétez qu'il s'agit de financer les 35 heures. Or, vous savez très bien qu'il s'agit de financer non pas les 35 heures mais les allégements de charges.
M. Charles Descours, rapporteur. Oui, oui...
Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat. Pourtant, Mme Aubry l'a répété un certain nombre de fois, cela répond à vos voeux maintes fois exprimés. Mais maintenant que c'est nous qui le proposons, vous feignez de ne pas comprendre, et vous tentez de vous en tirer par une pirouette et des phrases pseudo-magiques. Je ne suis pas dupe.
Avec l'article 4, le Gouvernement a décidé de poursuivre dans la voie d'une fiscalité écologique fondée sur le principe pollueur-payeur. Les lessives polluent, les granulats minéraux naturels polluent, les produits antiparasitaires à usage agricole polluent. C'est la raison pour laquelle nous appliquons une taxe sur ces produits polluants, et même l'habitant du fin fond de la Lozère peut très bien le comprendre.
M. Michel Mercier. Ce n'est pas gentil pour les habitants de la Lozère !
Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat. C'est M. le rapporteur qui a pris cet exemple, pas moi !
M. Charles Descours, rapporteur. J'ai pris pour exemple les départements des sénateurs qui sont intervenus dans le débat !
Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat. Vous prétendez que cette taxe mettra les industriels en difficulté. La concertation a été menée avec les producteurs de lessives, avec les agriculteurs, avec le ministère de l'environnement. Tout a été fait dans la plus grande transparence.
Votre argumentation vous honore, mais elle est politique.
M. Alain Vasselle. Vous, vous n'en avez pas !
Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat. Si, nous en avons une ! Nous sommes constants dans nos choix. Il s'agit bien d'une réforme globalement neutre et qui conduit même à une baisse des prélèvements sur les entreprises en 2000.
Evidemment, globalement la baisse des charges représente 7,5 milliards de francs et les financements 5,8 milliards de francs. Le différentiel est donc de 1,7 milliards de francs. En conséquence, on ne peut pas dire que les entreprises seront globalement pénalisées ; ce point fait d'ailleurs l'objet d'une petite polémique au sein de la majorité plurielle.
Certes, on peut continuer d'argumenter sur cette question, mais le Gouvernement est défavorable à la suppression de cet article. Nous continuerons avec détermination à financer la réforme des cotisations patronales de sécurité sociale.
M. le président. Je vais mettre aux voix les amendement identiques n°s 6, 76 et 103.
M. Dominique Braye. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Braye.
M. Dominique Braye. Madame la secrétaire d'Etat, il y a une chose que je ne peux pas laisser dire, c'est que vous auriez fixé la taxe en fonction du pouvoir polluant des éléments.
Notre collègue Philippe Adnot vient de démontrer, s'agissant des lessives, que l'examen des amendements qui ont été déposés à l'Assemblée nationale mettait en évidence que des produits non toxiques étaient taxés et que l'Assemblée nationale avait même proposé de taxer plus fortement certains produits reconnus comme étant moins toxiques que d'autres.
Par ailleurs, M. Miquel vient d'évoquer, comme je l'avais fait avant lui, les décharges internes, qui seront exemptées de la taxe alors que tout le monde reconnaît qu'elles sont des sources de pollution très importantes. Pour de multiples raisons, vous n'avez pas voulu les taxer. Je crois qu'il s'agit ici d'un pilotage à vue. Il a fallu trouver non pas le financement de l'abaissement des charges sociales, mais bien le commencement du début du financement des 110 milliards de francs nécessaires à la mise en oeuvre de la loi sur les 35 heures. Je rejoins ici M. Descours pour dire qu'il s'agit bien de financer cette loi.
J'ajouterai que, en ce qui concerne la non-imposition des décharges internes, nous instaurons une différence de traitement entre des pollueurs qui n'est nullement justifiée et sur laquelle il faudra s'expliquer.
En effet, nous allons créer par la loi deux catégories de pollueurs, certains étant taxés et d'autres non. Le Gouvernement devra s'en expliquer, car, comme vous le savez, il existe des textes relatifs à l'égalité de traitement des contribuables. Mais c'est là un autre débat !
Telles sont les raisons pour lesquelles je voterai la suppression de l'article 4.
M. Alain Vasselle. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Vasselle.
M. Alain Vasselle. Madame le secrétaire d'Etat, il est vraiment difficile d'assumer une promesse électorale avec un minimum de cohérence !
Vous avez tenté de répondre à l'argumentation développée par les membres de la majorité sénatoriale. Je constate que, sur l'article 2, des orateurs étaient intervenus dans un sens à peu près identique à celui qui vient d'être suivi par nos collègues, mais d'une manière plus spécifique, sur certains aspects techniques des dispositions législatives tendant à la taxation d'un certain nombre d'activités et de produits.
Qui ne dit mot consent. Mme Aubry s'est contentée d'émettre un avis défavorable sur l'amendement défendu par M. Descours et tendant à supprimer l'article 2.
Or, nous avons affirmé tout à l'heure, notamment MM. Adnot et Richert, qu'en définitive les dispositions du présent projet de loi traduisent un manque de lisibilité du dispositif prévu par le Gouvernement pour assurer le financement des 35 heures, mais également, pour partie, celui du fonds de réserve pour les retraites.
Cette première remarque a été faite ; elle n'a pas été relevée par le Gouvernement : il l'admet donc.
Seconde remarque : ces dispositions vont se traduire par un alourdissement des charges, mêmes si vous tentez de faire valoir et de monter en épingle le fait que la TGAP va permettre un allégement des charges des entreprises.
Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat. Voilà !
M. Alain Vasselle. Certes, mais ce dispositif s'accompagne d'un certain nombre d'autres charges et de taxes, comme l'a relevé notre collègue Yves Fréville, dont la TGAP. De plus, il a pour conséquence majeure, madame le secrétaire d'Etat - et je termine mon argumentation sur ce point - de faire supporter à terme aux Françaises et aux Français - il faut qu'ils le sachent, et je ne sais pas si nous aurons la chance d'être relayés par les médias pour faire valoir les conséquences qui résulteront de ces dispositions législatives - un surcoût pour le traitement des déchets, voire pour le prix de l'eau.
Pour le traitement des déchets, c'est une certitude, car le produit de la taxe qui permettait d'alimenter le budget de l'ADEME et qui va être remplacée par la TGAP a eu pour conséquence, en 1999, de réduire le montant des fonds de concours de l'Etat au profit de l'ADEME. Cet organisme a été contraint de diminuer ses taux de concours au profit des collectivités locales en ce qui concerne toutes les opérations d'investissement relatives au traitement des déchets, que ce soit par incinération ou par la collecte sélective.
Or, que je sache, Mme Voynet est intervenue à plusieurs reprises, sur les ondes ou dans les médias, pour faire valoir qu'elle mettait en avant la collecte sélective et qu'elle encourageait avec force les collectivités à s'engager dans cette voie. Mais elle n'a pas les moyens de sa politique. La preuve en est que les moyens dont elle aurait pu disposer, vous les détournez de leur finalité pour les consacrer à une autre politique, pour tenir une promesse électorale dont vous n'aviez pas mesuré le coût financier.
Il faut savoir également - M. André Boyer l'a rappelé tout à l'heure - que nous allons vers une impasse de 15 à 20 milliards de francs. En 2000, il nous faudra trouver 20 milliards de francs pour assurer l'équilibre du financement des 35 heures.
Force est de constater que ce gouvernement navigue à vue. Il augmente les charges, contrairement à ce qu'il dit. Ce sont les Françaises et les Français qui paieront à travers les services que mettent en place les collectivités locales. Ce n'est pas le Gouvernement qui sera en première ligne. Les maires, ainsi que les conseils généraux et les conseils régionaux qui aident les maires, seront les victimes de cette politique. Ils supporteront l'impopularité des dispositions que vous aurez fait adopter par votre majorité à l'Assemblé nationale.
Vous, vous êtes tranquille. Certes, la France et les Français se feront une opinion sur la politique gouvernementale mais, en tout état de cause, la politique que vous entendez conduire entrera en application grâce au soutien de votre majorité à l'Assemblée nationale. Je le regrette, mais je n'en mettrai que plus d'ardeur pour apporter mon soutien à l'amendement de suppression de notre rapporteur, M. Descours. (Applaudissements sur les travées du RPR, de l'Union centriste et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?..
Je mets aux voix les amendements identiques n°s 6, 76 et 103, repoussés par le Gouvernement.
Mme Nicole Borvo. Le groupe communiste républicain et citoyen s'abstient.

(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. En conséquence, l'article 4 est supprimé et les amendements n°s 68 et 73 n'ont plus d'objet.

Article additionnel après l'article 4

M. le président. Par amendement n° 74, MM. Braye et Hérisson proposent d'insérer, après l'article 4, un article additionnel ainsi rédigé :

« Après le quatrième alinéa, il est inséré, dans l'article 22-1 de la loi n° 75-633 relative à l'élimination des déchets et à la récupération des matériaux, un alinéa ainsi rédigé :
« De même sont exonérés de la surtaxe de 50 % visée au deuxième alinéa les déchets ménagers et assimilés provenant de l'extérieur du périmètre du plan d'élimination des déchets en vigueur, dès lors que leur acheminement est effectué par route pour les départements limitrophes au centre de traitement et par voie ferrée ou par voie fluviale dans les autres cas. »
La parole est à M. Braye.
M. Dominique Braye. La limitation au périmètre du plan départemental d'élimination des déchets, du stockage et du traitement des déchets ménagers et assimilé n'est manifestement pas compatible avec le principe issu du droit communautaire relatif à l'exigence de la meilleure proximité pour l'élimination de ces déchets.
Je tiens à attirer l'attention de mes collègues sur le fait que tous les plans départementaux qui sont fondés actuellement sur le principe de proximité risquent, plus ou moins rapidement, d'être mis en péril par un jugement du Conseil d'Etat qui devrait être rendu dans les jours prochains.
Afin de permettre une organisation plus souple de l'élimination interdépartementale des déchets, il serait souhaitable de ne pas pérenniser une surtaxe conçue en un autre temps et qui entrave les initiatives locales destinées à rationaliser les lieux de stockage au-delà de la stricte limite départementale. La rationalisation des équipements locaux et la réduction des pollutions atmosphériques qui lui sont liées doivent être encouragées par les pouvoirs publics.
C'est pourquoi, naturellement, je vous propose de supprimer cette surtaxe.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Charles Descours, rapporteur. Mon cher collègue, j'ignore si la limitation au périmètre du plan départemental d'élimination des déchets est compatible ou non avec le principe issu du droit communautaire, mais ce que je sais c'est qu'une telle préoccupation est fort éloignée du projet de loi de financement de la sécurité sociale. En conséquence, je vous demande de retirer votre amendement.
M. le président. Monsieur Braye, maintenez-vous votre amendement n° 74 ?
M. Dominique Braye. Je ne peux pas résister à la demande de M. le rapporteur et je retire cet amendement.
M. Charles Descours, rapporteur. Je vous remercie.
M. le président. L'amendement n° 74 est retiré.

Article 4 bis

M. le président. « Art. 4 bis . - Les jeunes agriculteurs bénéficient d'une exonération partielle des cotisations techniques et complémentaires d'assurance maladie, invalidité et maternité, de prestations familiales et d'assurance vieillesse agricole dont ils sont redevables pour eux-mêmes et au titre de leur exploitation. Cette exonération est applicable pendant les trois années civiles qui suivent celle au cours de laquelle ils bénéficient des prestations d'assurance maladie du régime des personnes non salariées agricoles et remplissent, en qualité de chef d'exploitation, des conditions, définies par décret, relatives à la taille économique maximale de leur exploitation. Pour bénéficier de l'exonération, ils doivent être âgés de dix-huit ans au moins et de quarante ans au plus à la date de leur affiliation au régime de protection sociale des personnes non salariées agricoles ; un décret détermine les dérogations qui peuvent être apportées à ces limites d'âge.

« Les cotisations visées à l'alinéa précédent sont réduites de 65 % au titre de la première année civile au cours de laquelle est accordée l'exonération, de 55 % au titre de la seconde et de 35 % au titre de la troisième. Le plafond de ces exonérations et le montant minimal de cotisations dont les jeunes agriculteurs sont redevables sont déterminés par décret. » - (Adopté.)

Article additionnel avant l'article 5

M. le président. Par amendement n° 96, M. Arnaud propose d'insérer, avant l'article 5, un article additionnel ainsi rédigé :

« A l'article 1613 bis du code général des impôts, le premier alinéa est ainsi rédigé :
« Les boissons constituées par un mélange préalable de boissons passibles d'un droit mentionné aux articles 402 bis , 403, 438, 520 A ( a du I) du code général des impôts ou de boissons ayant un titre alcoolmétrique n'excédant pas 1,2 % vol. et de boissons alcooliques passibles d'un droit mentionné aux articles 402 bis , 403, 438, 520 A ( a du I) du code général des impôts, lorsqu'elles sont conditionnées pour la vente au détail en récipients de moins de soixante centilitres, font l'objet d'une taxe perçue au profit de la Caisse nationale de l'assurance maladie des travailleurs salariés dès lors que le mélange ainsi obtenu titre plus de 1,2 % vol. »
La parole est à M. Arnaud.
M. Philippe Arnaud. Au travers de cet article additonnel, qui me paraît bien placé avant l'article 5, je souhaite seulement attirer l'attention du Gouvernement et la vôtre, mes chers collègues, sur une situation pour le moins paradoxale, voire contradictoire au regard des objectifs qui ont été définis par le Gouvernement et par le Parlement dès 1996, confirmés en 1997 et en 1998, et qui visaient à lutter contre l'alcoolisme des jeunes en taxant les produits hypocrites que nous avions convenance à appeler les « premix ».
Le décret d'application comporte une ambiguïté et conduit à une situation paradoxale. Ainsi, une bière mélangée à de la limonade est surtaxée au titre des « premix » alors qu'une bière mélangée à un whisky, c'est-à-dire une bière dite « boostée », n'est pas taxée.
Nous avions cherché à surtaxer les « premix » parce qu'il s'agit de produits de consommation courante pour les jeunes mais « dopés » au niveau de l'alcool.
De la même façon, un spiritueux à 40° ou 42°, s'il est mélangé à un jus de fruit, ce qui aura pour effet de le ramener à un taux de 20° ou 25°, sera surtaxé.
Je pense qu'il y a une erreur dans la rédaction du décret. J'attire votre attention, madame la secrétaire d'Etat, sur le fait que l'application de ce décret engendre des effets pervers et des situations pour le moins curieuses. Il serait donc souhaitable d'en revenir au texte et à l'esprit de la loi votée en 1996, confirmée en 1997 et en 1998. Nous sommes aujourd'hui en 1999, peut-être pouvons-nous apporter cette correction !
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Charles Descours, rapporteur. Dès que sont apparus sur le marché les « premix », la commission des affaires sociales du Sénat s'est opposée à ces produits, qui aboutissaient à favoriser l'alcoolisme des jeunes. Par leur aspect plus engageant qu'une boisson alcoolisée, on encourageait en effet les jeunes à consommer de l'alcool, alors qu'ils auraient pu éprouver une certaine réticence.
Nous avons donc toujours approuvé la surtaxation des « premix ».
Il n'en demeure pas moins que l'amendement de notre collègue M. Arnaud pose un vrai problème.
Si ce qu'il dit est exact - le Gouvernement vous le dira - je suis pour que l'on fixe la taxe au même niveau. Je suis aussi favorable à une taxation à un niveau élevé et pour le mélange d'un alcool et d'un jus de fruit, et pour le mélange de deux alcools.
Je considère que ces alcools hypocrites favorisent l'alcoolisme et que nous devons les dénoncer. Le jeunes ont suffisamment de problèmes pour qu'il ne soit pas besoin d'ajouter celui-là.
J'aimerais connaître l'avis du Gouvernement sur ce texte extrêmement pointu.
M. le président. Quel est donc l'avis du Gouvernement ?
Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat. Je partage tout à fait votre sentiment sur la taxation des « premix », monsieur le rapporteur. Ce sont des boissons qui ont été fabriquées pour rendre attractive la consommation d'alcool, sous un air un peu plus ludique.
Il s'agit d'un mélange d'alcool et de boisson non alcoolisée, donc de deux produits vraiment différents, et la taxation a été fixée en conséquence.
En revanche, M. Arnaud envisage le cas de mélanges de deux types d'alcool, qui sont aujoud'hui taxés de manière différente car ils appartiennent à une catégorie différente.
Une taxation particulière sur des mélanges entraînerait une complication ; un tel dispositif nécessite donc un approfondissement, une étude particulière, de façon à éviter des contentieux - certains sont déjà en cours au niveau communautaire - et il convient d'en attendre l'issue.
Le Gouvernement est donc défavorable à cet amendement.
M. le président. Quel est désormais l'avis de la commission ?
M. Charles Descours, rapporteur. Face à la complexité du système, je serais tenté de m'en remettre à la sagesse du Sénat.
Toutefois, à titre personnel, je voterai cet amendement. Si la majorité sénatoriale me suit, je n'y verrai pas d'inconvénient car cela obligera le Gouvernement à regarder de près, pendant la navette, ce qui se passe, y compris en matière de droit communautaire.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 96.
M. Claude Huriet. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Huriet.
M. Claude Huriet. Je voterai cet amendement car je n'ai pas compris, madame le secrétaire d'Etat, les explications que vous venez de donner.
Vous faites référence à une directive européenne que M. Arnaud n'a pas mentionnée. Mais, surtout, vous dites que le Gouvernement envisage d'attendre le résultat des actions contentieuses en cours.
Voilà qui ne me convient pas du tout. Nous sommes là pour légiférer. Le législateur n'a pas à « courir » après la jurisprudence. Le fait que des actions contentieuses soient engagées ou non n'a, pour moi, aucun importance.
La cause est juste, vous l'avez reconnu vous-même. Dans ces conditions, je ne vois pas ce qui s'oppose à l'adoption de l'amendement n° 96. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 96, repoussé par le Gouvernement.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard. Le groupe socialiste s'abstient.
Mme Nicole Borvo. Le groupe communiste républicain et citoyen également.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, avant l'article 5.

Article 5

M. le président. « Art. 5. - I. - L'article L. 139-1 du code de la sécurité sociale est ainsi rédigé :

« Art. L. 139-1 . - L'Agence centrale des organismes de sécurité sociale centralise la part du produit des contributions attribuée aux régimes obligatoires d'assurance maladie en application du IV de l'article L. 136-8 et la répartit entre les régimes obligatoires d'assurance maladie.
« Chaque régime d'assurance maladie, à l'exception de la Caisse nationale de l'assurance maladie des travailleurs salariés, reçoit un montant égal à celui perçu en 1998 au titre de la répartition tant de ces contributions que des droits de consommation sur les alcools corrigé de l'impact sur douze mois de la revalorisation du taux de la contribution sociale généralisée intervenue au 1er janvier 1998. Ce montant est réactualisé au 1er janvier de chaque année en fonction de l'évolution de l'assiette de la contribution visée à l'article L. 136-1 entre les deux derniers exercices clos.
« Ces montants et les modalités de leur versement sont fixés par arrêté conjoint des ministres chargés de la sécurité sociale et du budget après consultation d'une commission de répartition de la contribution sociale généralisée, composée notamment de représentants des régimes concernés et présidée par le secrétaire général de la Commission des comptes de la sécurité sociale.
« La Caisse nationale de l'assurance maladie des travailleurs salariés reçoit le solde de la contribution sociale généralisée après la répartition prévue au deuxième alinéa du présent article.
« La commission de répartition dresse, au terme d'un délai de cinq ans, un bilan de l'application des présentes dispositions qu'elle présente au Parlement et propose, le cas échéant, une modification des modalités de calcul des montants versés à chaque régime. »
« II. - A l'avant-dernier alinéa de l'article L. 241-2 du code de la sécurité sociale, le taux : "5 %" est remplacé par le taux : "45 %".
« III. - Le code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
« 1° L'article L. 139-2 est abrogé ;
« 2° A l'article L. 241-1, les mots : "et une fraction du produit des droits visés à l'article L. 139-1, à concurrence du montant correspondant à l'application des dispositions de l'article L. 139-2" sont supprimés ;
« 3° Au dernier alinéa de l'article L. 612-1, les mots : "et une fraction du produit des droits visés à l'article L. 139-1, à concurrence du montant correspondant à l'application des dispositions de l'article L. 139-2" sont supprimés ;
« 4° Au dernier alinéa de l'article L. 711-2, les mots : "et une fraction du produit des droits visés à l'article L. 139-1, à concurrence du montant correspondant à l'application des dispositions de l'article L. 139-2" sont supprimés.
« IV. - Le code rural est ainsi modifié :
« 1° Au premier alinéa de l'article 1031, les mots : "et une fraction du produit des droits visés à l'article L. 139-1 du même code, à concurrence du montant correspondant à l'application des dispositions de l'article L. 139-2 du même code" sont supprimés ;
« 2° A l'article L. 1106-6-3, les mots : "et une fraction du produit des droits visés à l'article L. 139-1 du même code, à concurrence du montant correspondant à l'application des dispositions de l'article L. 139-2 de ce code" sont supprimés.
« V. - Les dispositions du présent article sont applicables à compter de la répartition effectuée au titre de l'année 2000.
« Par dérogation aux dispositions du deuxième alinéa de l'article L. 139-1 du code de la sécurité sociale, le montant des contributions dues au titre de l'exercice 2000 est déterminé par la double application aux montants fixés pour 1998 du taux d'évolution de l'assiette annuelle de la contribution entre 1998 et 1997. »
Par amendement n° 7, M. Descours, au nom de la commission des affaires sociales, propose de rédiger comme suit cet article :
« I. - L'article L. 139-2 du code de la sécurité sociale est ainsi rédigé :
« Art. L. 139-2. - L'Agence centrale des organismes de sécurité sociale centralise la part des contributions attribuée aux régimes obligatoires d'assurance maladie en application du IV de l'article L. 136-8 et la répartit selon la clef suivante :
« - Caisse nationale d'assurance maladie des travaileurs salariés : 87,000 % ;
« - Régime des salariés agricoles : 2,290 % ;
« - Caisse nationale militaire de sécurité sociale : 1,540 % ;
« - Régime des exploitants agricoles : 1,818 % ;
« - Caisse autonome d'assurance maladie des professions indépendantes : 5,370 % ;
« Autres régimes d'assurance maladie : 1,982 %.
« Les montants des contributions attribuées aux régimes d'assurance maladie sont fixés par arrêté conjoint des ministres chargés de la sécurité sociale et du budget après consultation d'une commission de répartition de la contribution sociale généralisée, composée notamment de représentants de régimes concernés et présidée par le secrétaire général de la commission des comptes de la sécurité sociale.
« La commission de répartition dresse chaque année un bilan de l'application des présentes dispositions qu'elle transmet à la commission des comptes de la sécurité sociale.
« II. - Les dispositions du présent article sont applicables à compter de la répartition effectuée au titre de l'année 2000. »
La parole est à M. Descours, rapporteur.
M. Charles Descours, rapporteur. L'article 5 est un article à 250 milliards de francs ! Je vais donc être conduit à exposer assez longuement l'amendement.
Cet article porte sur la répartition de la CSG maladie et des droits sur les alcools entre les différents régimes d'assurance maladie. Le système mis en place en 1997, lors du premier « basculement » CSG-cotisations d'assurance maladie, n'a pas « supporté », si je puis m'exprimer ainsi, le deuxième « basculement » et nous n'avons fait que dénoncer cette complexité depuis le début de la discussion.
La première opération de répartition s'effectue au regard des pertes de cotisations estimées, à partir d'une base 1996 qui devient de plus en plus hypothétique et lointaine.
La deuxième opération de répartition consiste à faire bénéficier la CNAMTS, la Caisse nationale de l'assurance maladie des travaileurs salariés, et la CANAM, la Caisse nationale d'assurance maladie - pour les « non-non » - du « solde » de CSG.
Mais tout cela se fait en fonction des déficits comptables estimés. Par exemple, comme la CNAMTS était censée être en équilibre en 1999, le solde de CSG qui lui a été affecté n'était pas suffisant. En conséquence, pour 2 000, elle reçoit environ 3 milliards de francs de plus de CSG, au titre de la régularisation de l'exercice 1999, tandis que la CANAM bénéficie de 3 milliards de francs de moins. Mais, en contrepartie, la CANAM perçoit un montant de C3S beaucoup plus élevé que l'an dernier.
La Cour des comptes - ce n'est pas n'importe qui - avait regretté ces règles effroyablement complexes en 1997 et en 1998. Je les avais moi-même relevées dans mon rapport d'information fait au nom de la commission des affaires sociales du mois de juin dernier sur les lois de financement de la sécurité sociale.
En conséquence, je me félicite de la présence de cet article dans cette loi de financement. Nos intentions ne sont pas « homicides » comme avec les amendements sur les articles 2, 3 et 4. Je propose en effet que le Parlement adopte une clef de répartition de la CSG entre les régimes d'assurance maladie fixée en pourcentage. Cela me paraît plus clair et plus transparent.
Le système que propose le Gouvernement repose sur une répartition en montants, sur une base 1998 réévaluée et réestimée pour 2000.
Les régimes d'assurance maladie sont « sûrs » de recevoir leur CSG, la CNAMTS prenant les risques d'un moindre rendement de CSG que prévu. En contrepartie, elle bénéficie de meilleures rentrées de CSG.
Le système du Gouvernement, à mon sens, a pour principal inconvénient de laisser à la seule CNAMTS la fraction de droits sur les alcools affectée à l'assurance maladie. Lors de la première substitution, en 1997, comme les pertes de cotisations étaient supérieures au rendement attendu de la CSG, ces droits sur les alcools ont été « ajoutés ».
Désormais, comme la CSG est « montée en puissance », ces deux recettes doivent être séparées, pour des raisons de transparence et de lisibilité.
En ce qui concerne la CSG, il peut apparaître légitime qu'un montant important soit affecté à la CNAMTS, après compensation aux différents régimes des pertes de cotisations, en raison notamment des charges spécifiques grevant le régime d'assurance maladie le plus important. Il suffit de penser au financement de la couverture maladie universelle.
Mais, pour les droits sur les alcools, la justification de cette imposition aux régimes d'assurance maladie est bien, théoriquement, de compenser pour chaque régime les ravages, en termes de santé publique, de l'alcoolisme.
Je vous propose, mes chers collègues, de conserver la répartition actuelle des droits sur les alcools - 40 % pour les régimes d'assurance maladie, 5 % pour les CNAMTS, 55 % pour le FSV, qui est certes très complexe, mais résulte d'un choix du Gouvernement opéré lors de la discussion de la loi portant création de la couverture maladie universelle.
Le système que je propose aboutit à peu près aux mêmes résultats que le système du Gouvernement. Si la prévision de CSG pour 2000 s'avère exacte, ce mécanisme sera favorable à la CNAMTS de 800 millions de francs, la CNAMTS bénéficiant, en effet, de la C3S.
Je ne considère pas avoir trouvé un système « parfait ». Je pense que cette question extraordinairement technique cache des enjeux financiers considérables. Il me semble important de ne pas adopter l'article 5 en l'état sans avoir pris le temps de la réflexion.
Je ne sais si j'ai simpifié le texte du Gouvernement, mais, vous le comprendrez, le financement de la sécurité sociale est déjà à ce point complexe que, même quand on essaie de le simplifier, il reste encore beaucoup à faire.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat. Vous avez fait un développement assez long de votre proposition, monsieur le rapporteur, que vous nous présentez comme une mesure de simplification.
Actuellement, la CSG maladie, ainsi qu'une partie des droits sur les alcools, pour un montant de 4,8 milliards de francs, est répartie entre les différents régimes d'assurance maladie, selon les règles suivantes : chaque régime reçoit l'équivalent des recettes de cotisations qu'il aurait eu sans la substitution CSG - cotisations 1997 et 1998. Ces recettes fictives doivent être recalculées chaque année, ce qui est de plus en plus difficile. Le solde va à la CNAMTS ou éventuellement à la CANAM, en fonction du déficit prévu, puis on régularise l'année suivante. La régularisation peut être importante : c'est le cas notamment en 2000 pour 1999, puisqu'elle s'élève à 3 milliards de francs.
Ce qui est proposé pour 2000, c'est que chaque régime reçoive, chaque année, ce qu'il a reçu en 1998, majoré de la croissance des recettes de la CSG depuis cette date. Le calcul est donc plus simple. Ensuite, le solde va à la CNAMTS ainsi que toute la fraction de droits sur les alcools. C'est transparent ! Les calculs sont beaucoup plus simples. Il n'y a plus de régularisation ni de répartition entre caisses des droits sur les alcools.
Votre proposition, quant à elle, consiste, d'une part, à répartir la CSG maladie au moyen d'une clé en pourcentage, les plus petits régimes ayant un pourcentage global à se partager et, d'autre part, à laisser inchangée la répartition actuelle de la fraction de droits sur les alcools répartie entre les régimes d'assurance maladie.
Probablement parce que vous avez eu des difficultés de rédaction, ce deuxième aspect est inapplicable, puisque les règles actuelles vont être entièrement abrogées par l'amendement. Cette maladresse mise à part, votre proposition est plus compliquée que la nôtre, puisqu'elle crée deux systèmes de répartition avec deux règles différentes : un pour la CSG, un pour la fraction droits sur les alcools. Votre système est plus compliqué que le système actuel que vous prétendez pourtant simplifier.
Par ailleurs, il n'est pas exact que la complexité actuelle des droits sur les alcools résulte de la loi portant création de la couverture maladie universelle. Elle provient de la première opération de substitution CSG-cotisations décidée par le gouvernement Juppé. Comme la substitution proprement dite était déficitaire, on avait ajouté une fraction des droits sur les alcools à répartir entre les régimes maladie. La loi portant création de la couverture maladie universelle a simplement eu pour effet le transfert d'une partie des droits sur les alcools du FSV à la seule CNAM sans répartition entre les caisses d'assurance maladie.
Votre proposition aboutirait, selon vous, à donner 800 millions de francs supplémentaires à la CNAM par rapport à la proposition que nous faisons. C'est peut-être exact, mais cela provient seulement du fait que vous avez fixé le pourcentage attribué à la CNAM pour parvenir à ce résultat.
Au contraire, notre proposition simplifie le système, tout en donnant à chaque régime une somme aussi proche que possible de celle qu'il aurait eue avec les règles actuelles, afin de ne léser personne. Je demande donc le rejet de l'amendement.
M. le président. Personne ne demande la parole ?... Je mets aux voix n° 7, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'article 5 est ainsi rédigé.

Article additionnel après l'article 5

M. le président. Par amendement n° 97, M. Arnaud propose d'insérer, après l'article 5, un article additionnel ainsi rédigé :

« Le code général des impôts est ainsi modifié :
« I. - Au 1° du I de l'article 403, le tarif "5 474 francs" est remplacé par le tarif "5 450 francs".
« Au 2° du I du même article, le tarif "9 510 francs" est remplacé par le tarif "9 467 francs".
« II. - Au dernier alinéa du a) du I de l'article 520 A, le tarif "17 francs" est remplacé par le tarif "14,50 francs".
« III. - Au 2° de l'article 438, le tarif "22 francs" est remplacé par le tarif "29,60 francs".
« Au 3° du même article, le tarif "7,60 francs" est remplacé par le tarif "10 francs". »
La parole est à M. Arnaud.
M. Philippe Arnaud. Je sais bien qu'en défendant cet amendement je risque de revenir sur des débats que nous avons déjà eus, mais, comme je sais que l'Assemblée nationale rétablira le financement des 35 heures par un prélèvement sur les droits acquittés sur les alcools, je le défends tout de même.
J'étais déjà opposé à l'augmentation de la taxe sur les alcools en 1996, 1997 et 1998, tout simplement parce que je souhaitais que l'assiette soit élargie à l'ensemble des produits alcoolisés. Il s'agissait alors, nous disait-on, de lutter contre l'alcoolisme et, par ailleurs, d'alimenter le fonds vieillesse mais seuls les spiritueux et les bières étaient appelés à contribuer.
Aujourd'hui, il s'agit de financer les 35 heures. Cette mesure nous est présentée - je ne la commenterai pas - comme une avancée sociale. C'est donc une amélioration des conditions de vie des travailleurs. Or, pour financer cette amélioration du confort de ceux qui travaillent, qui sollicite-t-on, par une taxe sur les produits qu'elles fabriquent ? Des régions qui, aujourd'hui, sont en situation de crise dramatique. C'est comme si, madame la secrétaire d'Etat, en pleine période de crise des mines de charbon affectant une grande région française, on taxait davantage le charbon pour financer une semaine supplémentaire de congés payés à ceux qui, ailleurs sur le territoire, ont la chance de travailler.
Dans ces conditions, comprenez que je considère comme tout à fait inacceptable de financer la loi sur les 35 heures par une taxe sur les alcools. Entendez notre cri de détresse ! Je me demande vraiment comment le Gouvernement pourra expliquer à des travailleurs d'une région sinistrée qu'ils seront appelés à financer un progrès social dont ils ne bénéficieront pas.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Charles Descours, rapporteur. Nous connaissons très bien les difficultés économiques que connaît votre département, monsieur Arnaud.
L'amendement que vous avez déposé a pour objet de modifier le subtil équilibre trouvé depuis 1996 entre la taxation des alcools forts et celle du vin. J'ignore si cet équilibre est juste, mais je rappelle que, depuis le vote de la loi Evin, intervenu en 1991, des tentatives ont été faites, y compris par M. Evin lui-même lorsqu'il n'était plus ministre, pour l'affiner. Ce que je sais, c'est que la position de la commission des affaires sociales du Sénat est constante depuis 1996 : il convient, à notre sens, de ne pas toucher cet équilibre, afin d'éviter de ranimer les guerres de religion liées à cette question.
Nos collègues représentant les départements sinistrés par les récentes intempéries ne sont pas présents ce soir dans cet hémicycle, mais leur région est grande productrice de vin et ils s'étaient farouchement élevés contre la loi Evin, ainsi que contre les tentatives ultérieures de faire évoluer la taxation du vin.
Voilà pourquoi nous sommes défavorables à votre amendement, monsieur Arnaud, tout en étant conscients des difficultés que rencontre votre département.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat. L'argumentation soutenue par M. le rapporteur est très raisonnable. Le Gouvernement n'envisage pas non plus de modifier la fiscalité sur les alcools sans concertation préalable avec les professionnels concernés. L'adoption de votre amendement, monsieur Arnaud, nous mettrait en difficulté vis-à-vis d'eux. Nous ne souhaitons pas toucher à l'équilibre qui existe aujourd'hui. Aussi, le Gouvernement ne peut qu'être défavorable à l'amendement n° 97.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 97.
M. Philippe Arnaud. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Arnaud.
M. Philippe Arnaud. Tout en comprenant parfaitement la position de la commission ainsi que celle du Gouvernement, je maintiens mon amendement, en raison du détournement d'affectation de ressources qui est opéré et que le Gouvernement aura quelque difficulté à expliquer en certaines régions viticoles.
M. Claude Huriet. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Huriet.
M. Claude Huriet. Pour les raisons que M. le rapporteur vient d'exprimer, je ne pourrai pas voter cet amendement, tout en comprenant, et pour cause ! puisque la Lorraine s'est trouvée, elle aussi, dans une situation dramatique voilà quelque temps - situation à laquelle Philippe Arnaud a fait indirectement allusion - le drame que vivent les viticulteurs dans son département.
Je profite de l'occasion, madame le secrétaire d'Etat, pour vous demander où en est le rapport d'évaluation sur la loi Evin. En effet, la loi Evin a été l'un des premiers textes sur lequel le Parlement et le Gouvernement de l'époque ont souhaité qu'une évaluation soit faite.
Que je sache, la date prévue pour le dépôt de ce rapport doit être dépassée depuis au moins deux ou trois ans. Chaque fois que l'on discute de textes concernant l'alcool et l'alcoolisme, on est amené à faire référence à la loi Evin. Or, aujourd'hui, ni le Parlement, ni le Gouvernement ne sont éclairés sur les conditions d'application de cette loi et sur les conséquences, que j'espère favorables, de sa mise en oeuvre.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 97, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Article 5 bis

M. le président. « Art. 5 bis . - I. - L'article L. 651-9 du code de la sécurité sociale est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Ces majorations de retard peuvent faire l'objet d'une remise totale ou partielle décidée par le directeur de l'organisme visé à l'article L. 651-4. Ces décisions peuvent faire l'objet d'un recours devant les tribunaux des affaires de sécurité sociale qui statuent en dernier ressort. »
« II. - Les dispositions du présent article s'appliquent aux demandes de remises de majorations postérieures au 1er janvier 2000.
« III. - Les modalités d'application du présent article sont fixées par décret. » - (Adopté.)

Article additionnel après l'article 5 bis

M. le président. Par amendement n° 84, le Gouvernement propose, après l'article 5 bis , d'insérer un article additionnel ainsi rédigé :

« I. - L'article L. 131-6 du code de la sécurité sociale est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Sans préjudice du précédent alinéa, les cotisations mentionnées au premier alinéa dues au titre de la première année civile d'activité sont calculées à titre provisionnel sur une base forfaitaire qui ne peut excéder 18 fois la valeur de la base mensuelle de calcul des prestations familiales en vigueur au 1er octobre de l'année précédente ; celles dues au titre de la deuxième année civile d'activité sont calculées à titre provisionnel sur une base forfaitaire qui ne peut excéder 27 fois cette valeur.
« II. - L'article L. 612-4 du code de la sécurité sociale est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Par dérogation aux dispositions du premier alinéa, le montant de la cotisation annuelle assise sur le revenu forfaitaire visé à l'article L. 131-6 ne peut excéder, au titre de la première année civile d'activité, celui qui serait dû sur 18 fois la valeur de la base mensuelle de calcul des prestations familiales en vigueur au 1er octobre de l'année précédente et, au titre de la deuxième année civile d'activité, celui qui serait dû sur 27 fois cette valeur.
« III. - Les dispositions du I et du II sont applicables aux cotisations dues par les travailleurs non salariés des professions non agricoles débutant leur activité à compter du 1er juillet 2000. »
La parole est à Mme le minsitre.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Cet amendement s'inscrit dans la volonté du Gouvernement de développer la création d'entreprises, donc la création d'emplois.
Notre pays, nous le savons, grâce à son potentiel de croissance et à sa main-d'oeuvre qualifiée, a de bonnes perspectives dans ce domaine.
Les petites entreprises, qui sont d'ailleurs souvent le fruit de projets personnels, constituent un atout pour l'emploi ; ce sont elles qui, aujourd'hui, « portent » le développement de nouveaux services dont la société a besoin, le développement de nouvelles technologies et assurent une croissance riche en emplois.
Depuis deux ans, le Gouvernement s'efforce de favoriser la création d'entreprises.
Sur le plan financier, dès l'élaboration de la loi sur les emplois-jeunes et de la loi sur la lutte contre les exclusions, nous avons décidé de créer un système d'avances remboursables.
Dans la loi de finances et la loi sur l'innovation, nous avons décidé de favoriser l'émergence des projets les plus risqués.
Nous avons également fait des progrès en matière de simplification administrative, même s'il en reste encore à faire, en instituant un régime fiscal pour les micro-entreprises pouvant être adapté aux créateurs, ou encore en quérant une simplification des formalités, permettant la création d'entreprises en vingt-quatre heures.
La mission menée par Eric Besson au nom de la commission des finances de l'Assemblée nationale a ouvert des pistes importantes en matière de financement et d'accompagnement des créateurs, de simplification des dispositifs.
Les assises régionales de la création d'entreprises qui ont été tenues par Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat aux PME, organisées dans trois régions, ont aussi montré des voies à suivre.
De tous ces travaux, il ressort notamment qu'il nous faut encore simplifier et alléger les cotisations sociales des créateurs et diminuer les risques qu'ils encourent.
La création d'une entreprise est en effet un processus exigeant, qui suppose à la fois de l'imagination, de la volonté, du professionnalisme. Il implique que le créateur affronte une diversité de sujets. Le rôle des pouvoirs publics, de l'ensemble des institutions qui travaillent en amont au moment de la création, de la banque aux réseaux consulaires, doit être de faciliter et d'accompagner ce processus.
Mme Marylise Lebranchu coordonne actuellement la préparation des assises nationales de la création d'entreprises, à l'occasion desquelles d'autres aspects ne manqueront pas d'être évoqués.
Dans l'immédiat, cet amendement apporte une pierre supplémentaire à l'édifice concernant la très grande majorité des créateurs d'entreprise, puisqu'il modifie les cotisations sociales du créateur, qu'il soit artisan ou commerçant, qu'il démarre sous statut indépendant, en tant que gérant majoritaire d'une SARL ou en tant qu'associé unique.
Actuellement, les revenus du début de l'activité n'étant pas encore connus, les cotisations des travailleurs indépendants sont acquittées dès le premier mois - c'est d'ailleurs un problème - sur une base forfaitaire qui varie selon les catégories de cotisations. Lorsque le revenu est connu - en général deux ans après - les cotisations sont régularisées. En attendant, la charge de trésorerie est souvent lourde pour le créateur, surtout si le revenu tiré de l'activité est faible dans un premier temps.
Pour les cotisations d'assurance maladie, le revenu forfaitaire retenu pour les deux premières années est égal à 69 456 francs.
Pour les cotisations d'assurance vieillesse, le revenu forfaitaire retenu est égal à 57 880 francs la première année et à 86 820 francs la seconde année.
Pour les cotisations d'allocations familiales, la CSG et la CRDS, le revenu forfaitaire est égal à 38 370 francs pour les deux premières années.
On voit bien la complexité du problème.
Nous proposons une harmonisation à la baisse des assiettes forfaitaires du début d'activité et un allégement des cotisations sociales dues au titre des deux premiers exercices.
Le texte pose donc le principe d'un revenu forfaitaire maximum de 38 370 francs, soit dix-huit fois la base mensuelle des allocations familiales pour la première année civile d'activité, et de 57 550 francs pour la deuxième année, pour toutes les cotisations et contributions.
Par ailleurs, le Gouvernement modifiera les dispositions réglementaires relatives au recouvrement de ces diverses cotisations afin que le créateur d'entreprise n'ait aucune cotisation à payer avant le quatrième mois d'activité.
Notre souci est que l'entrepreneur puisse enregistrer ses premières entrées de trésorerie avant les appels de cotisations.
La baisse de cotisations sera ainsi de 30 % pendant la première année. Cette baisse se prolongera la seconde année. Elle sera d'au moins 15 % pour un artisan percevant le revenu moyen. La mesure sera applicable aux créateurs dont l'activité démarrera après le 30 juin 2000. Les dispositions d'application pour chacune de ces cotisations seront prises par décret.
Finalement, l'amendement n° 84 favorise la création d'entreprises, améliore la trésorerie de l'entrepreneur et facilite la lisibilité des cotisations sociales pour les créateurs. Il est tout particulièrement fait pour que les projets les plus modestes puissent émerger. Il vise donc à établir une égalité des chances dans la création d'entreprises, qui n'est pas toujours assurée aujourd'hui dans notre pays.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Charles Descours, rapporteur. Monsieur le président, je pense que les collaborateurs de Mme le ministre ont eu le temps de préparer la réponse à la question posée par notre collègue Claude Huriet sur le rapport relatif à l'application de la loi Evin. S'il en est ainsi, je souhaiterais que Mme la ministre nous fasse part de cette réponse dès maintenant. Dans le cas contraire, je souhaiterais qu'on nous la communique demain matin.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. L'évaluation de la loi Evin a donné lieu à un rapport qui a été rendu public aujourd'hui même.
M. Charles Descours, rapporteur. On a une de ces chances ces jours-ci !
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Monsieur le rapporteur, voilà trois ans que nous l'attendions : il vaut mieux qu'il sorte aujourd'hui que jamais. (M. Charles Descours, rapporteur, proteste.)
Vous n'êtes jamais content ! Vous me posez une question, je m'apprête à vous répondre positivement et vous n'êtes pas content. Je ne sais plus que faire pour vous satisfaire ! (Sourires.)
Dominique Gillot et moi nous faisons tout pour vous être agréables, mais, décidément, nous n'y arrivons pas !
Le commissariat général du plan a enfin rendu son évaluation, évaluation qui est positive, sur le tabac, qu'il s'agisse de l'interdiction de la publicité, de la protection des non-fumeurs ou de la politique des prix, même si des efforts doivent encore être faits en milieu scolaire et chez les jeunes.
Le Gouvernement a multiplié par cinq le budget consacré à la prévention du tabagisme depuis deux ans. Vous savez que le rapport que nous a remis M. Recours contient des propositions pour lutter contre le tabagisme chez les jeunes. Nous y travaillons actuellement avec Mme Gillot.
En ce qui concerne l'alcool, le bilan est plus contrasté, en particulier sur l'interdiction de la publicité. Mais on sait qu'en matière de lutte contre l'alcoolisme la démarche doit être plus globale. Aujourd'hui la MILDT, la mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie s'apprête à travailler sur la prévention des dépendances.
Telle est la première réponse que nous pouvons vous apporter, dans la mesure où nous n'avons pas encore eu le temps de nous pencher de manière très approfondie sur les conclusions de ce rapport, qui vient de nous être remis.
M. Charles Descours, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Charles Descours, rapporteur.
M. Charles Descours, rapporteur. Madame le ministre, je me réjouis que nous puissions disposer de ce rapport dans les prochains jours.
S'agissant de l'amendement n° 84, puisque nous en sommes à échanger des amabilités - ne suffit-il pas que l'on demande un rapport pour apprendre qu'il vient de sortir ? -, nous y sommes favorables.
Nous y sommes favorables non seulement pour faire plaisir au Gouvernement, mais aussi parce qu'il vise à harmoniser et à alléger les bases de calcul des cotisations et des contributions sociales des jeunes entrepreneurs.
Il est vrai que, actuellement, des bases forfaitaires différentes selon les risques sont utilisées. Pour les non-salariés, la cotisation est calculée en pourcentage du revenu professionnel de l'avant-dernière année. Or, pour les jeunes créateurs d'entreprise, par définition, ce revenu n'existe pas.
Le système tend à prendre comme référence la base mensuelle des allocations familiales et à calculer les cotisations sociales à partir de cette base. L'allégement est notable : 30 % la première année, 15 % la seconde année. Nous souhaitons simplement que le décret d'application soit publié rapidement. Vous avez affirmé, madame la ministre, que le dispositif serait applicable le 1er juillet 2000 ; nous en prenons acte.
En 2000, le coût sera de 300 millions de francs, ce qui revient une fois de plus à diminuer les excédents de la C3S. Là encore, c'est malheureusement de la tuyauterie ! Quand on diminue les excédents de la C3S, on diminue le FSV. Et c'est effectivement la C3S qui sera mise à contribution pour combler le besoin de financement de la CANAM, de l'ORGANIC et de la CANCAVA.
Bien entendu, il y a là un geste d'allégement que nous apprécions, mais, en l'occurrence, rien ne sort de la poche de l'Etat. Ce sont les caisses qui sont mises à contribution. En tout cas, il est heureux qu'un geste soit fait en faveur des non-salariés, qui sont généralement quelque peu oubliés dans les lois de financement de la sécurité sociale.
J'en profite pour vous demander, madame le ministre, tout en sachant que cette question relève plutôt d'un de vos collègues, si vous ne pourriez pas faire étudier la faculté, pour les travailleurs non-salariés, de bénéficier, comme en matière d'impôt sur le revenu, de reports d'un exercice déficitaire à un autre.
La rédaction actuelle de l'article L. 131-6 du code de la sécurité sociale interdit les reports déficitaires qui permettent de lisser les pertes d'un exercice déficitaire sur trois ou cinq ans. Quels que soient les problèmes que cela pose, il me semble qu'il serait préférable d'harmoniser, sur ce point, les règles fiscales et sociales.
De plus, il existe toujours des cotisations minimales perçues par les régimes des non-salariés non agricoles. La prise en compte des reports déficitaires ne conduirait pas à supprimer toutes les cotisations sociales.
Les jeunes entrepreneurs, qui seront certainement heureux de cet amendement, apprécieraient beaucoup que ma suggestion puisse être mise en oeuvre.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Monsieur le rapporteur, s'agissant de la proposition que vous venez de formuler, il est difficile d'imputer, en matière de prélèvements sociaux, les déficits enregistrés une année sur une autre année. Nous ne sommes pas dans le cadre de la fiscalité. La fiscalité est progressive, contrairement aux cotisations sociales, qui sont proportionnelles au revenu.
Dès lors que le prélèvement a un caractère progressif, ce qui est le cas en matière d'impôt sur le revenu, la prise en compte du déficit d'une année dans l'imposition d'une autre année se justifie. Dès lors qu'il est proportionnel, au contraire, il n'existe pas de raison majeure de procéder à tel report.
Un travailleur indépendant est redevable de cotisations sociales qui sont strictement fonction du revenu propre à chaque année. Il n'y a pas lieu de minorer la capacité contributive que le travailleur indépendant a dégagée au cours d'une année donnée du montant du déficit qu'il a pu enregistrer lors de l'année précédente.
Ceci n'est évidemment qu'une première réponse, à chaud, mais je suis prête à examiner ce problème de plus près.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 84.
M. Alain Vasselle. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Vasselle.
M. Alain Vasselle. Je voudrais simplement relever la nature du financement de cette disposition tout à fait intéressante en faveur des artisans et des commerçants, c'est-à-dire le prélèvement sur une partie de l'excédent de la C3S.
Si ce financement de 300 millions de francs ne faisait qu'amputer l'excédent global de la C3S, qui vient alimenter le fonds de solidarité vieillesse, il n'y aurait pas lieu d'en être préoccupé. En effet, aujourd'hui, cet excédent global atteint 8,3 milliards de francs. Mais il va aussi subir les effets du dispositif imaginé pour le financement des 35 heures et pour celui du fonds de réserve.
Or nous savons que le fonds de solidarité vieillesse est soumis à l'effet de ciseaux : lorsque la conjoncture est porteuse, ce fonds se porte bien et ne suscite aucune inquiétude particulière, comme nous le constatons depuis trois ou quatre ans ; en revanche, aussitôt que la conjoncture s'inverse, l'effet contraire se produit puisque le fonds de solidarité a pour objet de financer des dépenses non contributives de solidarité, mais aussi de prendre en charge des périodes de chômage. Il est bien évident, que si le chômage venait à redémarrer, le fonds de solidarité vieillesse risquerait de se trouver à nouveau en difficulté.
Dès lors, il est fort dangereux d'affecter une partie des ressources du fonds de solidarité vieillesse à des dépenses pérennes. Bien entendu, lorsqu'on se trouve dans une situation plutôt bonne, la tentation est forte de prélever sur des recettes destinées à alimenter un fonds qui paraît chaque année en excédent. Malheureusement, un retournement de situation peut avoir des effets désastreux, et il est nécessaire qu'un fonds comme celui-ci conserve une marge de manoeuvre suffisante.
Je crains que les différentes mesures qui sont prévues dans ce projet de loi de financement de la sécurité sociale ne fragilisent à terme le fonds de solidarité vieillesse. C'est la raison pour laquelle je me permets de formuler ces quelques observations, tout en saluant cet amendement qui va permettre d'alléger, pendant deux ou trois ans, les charges des artisans et des commerçants. C'est une excellente initiative. Nous avons d'ailleurs toujours dit qu'il fallait tendre vers l'allégement des charges des entreprises.
Mme Nicole Borvo. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à Mme Borvo.
Mme Nicole Borvo. Je ne suis pas hostile à ce qu'on favorise les petites entreprises nouvelles créatrices d'emplois, mais je pense qu'il serait préférable d'alléger les charges financières plutôt que d'alléger toujours les charges sociales.
C'est la raison pour laquelle je m'abstiendrai.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 84, accepté par la commission.
M. Guy Fischer. Le groupe communiste républicain et citoyen s'abstient.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 5 bis.

Article additionnel avant l'article 6

M. le président. Par amendement n° 8, M. Descours, au nom de la commission des affaires sociales, propose d'insérer, avant l'article 6, un article additionnel ainsi rédigé :

« Après l'article L. 225-6, il est inséré, dans le titre II du livre II du code de la sécurité sociale, un chapitre 5 bis ainsi rédigé :

« Chapitre 5 bis
« Affectation des résultats comptables
des branches du régime général

« Art. L. 225-7. - Chaque branche du régime général dispose d'une section comptable distincte de celle de ses opérations courantes.
« Après la clôture de l'exercice, le résultat comptable de la branche est imputé sur cette section comptable.
« Le placement des sommes inscrites à cette section comptable est effectué par l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale dans le respect de la séparation des branches.
« Un décret détermine les modalités d'application du présent article. »
La parole est à M. Descours, rapporteur.
M. Charles Descours, rapporteur. La loi du 25 juillet 1994 a réaffirmé le principe de gestion commune de trésorerie par l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale, l'ACOSS, mais a également prévu une individualisation de la trésorerie des branches, qui disposent ainsi d'intérêts créditeurs et débiteurs résultant de la gestion de trésorerie. La commission des affaires sociales est très attachée, je le rappelle, à cette individualisation de la trésorerie des branches.
Lors de l'examen de la loi de financement de la sécurité sociale pour 1999, l'Assemblée nationale, suivant au pied de la lettre une recommandation de la Cour des comptes, a supprimé une disposition de l'article 2 de la loi du 25 juillet 1994 qui prévoyait la possibilité pour les conseils d'administration des caisses nationales de placer des « éventuels excédents durables de trésorerie ». Cette disposition n'était pas, il faut le reconnaître, d'une clarté absolue. Mais votre commission s'était opposée à cette suppression, qu'elle avait jugée pour le moins « prématurée ».
Aucune disposition du code de la sécurité sociale n'est prévue actuellement pour l'affectation des excédents comptables.
La commission des affaires sociales constate que le Gouvernement met en place, dans la confusion, des mécanismes de transferts qui se font au détriment de la sécurité sociale dans son ensemble mais qui visent notamment la branche famille. Aussi souhaite-t-elle, dans le respect de l'autonomie des branches de la sécurité sociale, que celles-ci bénéficient des excédents qu'elles créent, comme c'est le cas pour la CNAF ou la CNAV, ou assument a contrario des dettes qu'elles génèrent, comme c'est le cas pour la CNAM.
Il y va de la clarté dans laquelle doit se poursuivre le redressement des comptes sociaux et de la responsabilisation de chacun.
Dans le rapport annexé à la loi de financement pour 1998, le Gouvernement affirmait sa « volonté de restructurer l'équilibre financier, gravement compromis aujourd'hui, de la branche famille » et décidait la mise sous conditions de ressources des allocations familiales.
Le fait que la branche famille enregistre aujourd'hui des excédents n'a rien de surprenant : le contraire serait même étonnant dans un contexte de croissance.
Les réserves qu'elle peut accumuler aujourd'hui lui permettront demain d'éviter une nouvelle remise en cause des fondements de notre politique familiale.
De même, la branche vieillesse est dans l'oeil du cyclone à la veille du choc démographique de 2005. Dans cette attente, il est sain qu'elle puisse constituer des réserves productives d'intérêts et il est prudent que ces réserves restent en son sein plutôt que de migrer vers un fonds de réserve dont les missions sont aussi incertaines ; mais j'ai cru comprendre qu'elles se précisaient au fur et à mesure de la sortie des décrets.
A terme, si la sécurité sociale présente des excédents durables, au-delà des cycles conjoncturels, il importera d'ouvrir, dans la transparence et le respect des partenaires sociaux, un débat sur l'affectation de ces réserves : amélioration des prestations, diminution des prélèvements actuels ou encore remboursement anticipé de la dette sociale, c'est-à-dire diminution des prélèvements qui pèsent sur les générations à venir jusqu'en 2014, et je crois qu'à cet égard M. Adnot attend toujours la réponse à la question qu'il a posée hier.
Aussi la commission propose-t-elle que chaque branche dispose d'une section comptable distincte de celle de ses opérations courantes, sur laquelle serait affecté le résultat comptable de l'exercice clos précédent. Un déficit d'une année pourrait être ainsi « financé » par un excédent d'une année suivante, selon un système de « stabilisateurs automatiques ».
En 1998, seule la branche accidents du travail a été excédentaire de 1,6 millard de francs. Les déficits des branches vieillesse - 0,2 milliard de francs - famille, - 1,9 milliard de francs - et maladie - 15,9 milliards de francs - doivent être financés : cela représente un total de 18 milliards de francs. La CADES n'ayant repris « que » 12 milliards de francs par anticipation, il reste ainsi 6 milliards de francs de déficit supplémentaires à répartir entre les trois branches.
En 1999, la branche maladie serait déficitaire de 12,1 milliards de francs. Les trois autres branches seraient à l'équilibre.
C'est pour éviter des passages de branche à branche, pour défendre l'autonomie financière des branches et pour accroître la clarté du financement de la sécurité sociale que la commission vous propose d'adopter l'amendement n° 8.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Je peux tout d'abord redire, en réponse à M. Adnot, que la CADES dégagera bien des excédents suffisants pour rembourser la dette : il n'y a donc pas d'inquiétude à avoir de ce côté.
En ce qui concerne l'amendement n° 8, qui vise à introduire pour chaque branche du régime général une section comptable distincte de celle des opérations courantes, je dois dire que je comprends mal le but que vous cherchez à atteindre, monsieur le rapporteur.
En effet, le plan comptable ne prévoit pas de section comptable qui pourrait recevoir en affectation le résultat d'un exercice, mais il prévoit que ce résultat doit être soit viré au report à nouveau de l'organisme, soit affecté à un compte de réserve figurant au bilan de l'organisme. Il y a donc bien, dans le droit commun actuel, un traitement comptable des résultats qui me paraît de nature à satisfaire votre demande, en tout cas telle que vous l'avez présentée.
Par ailleurs, si votre souci est l'individualisation des branches, je vous rappelle que chaque branche a ses propres comptes. Seule la trésorerie fait l'objet d'une gestion commune par l'ACOSS. Il est vrai que les reports à nouveau des différentes branches ont été remis à zéro en 1994, mais c'est une décision qu'a prise le gouvernement de M. Balladur. Depuis, les résultats sont bien enregistrés au bilan de chaque branche.
J'ajoute que le Premier ministre s'est engagé, et cela figure dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale, à garantir les ressources de la branche famille, justement pour éviter des opérations du type de celle qui ont eu lieu en 1994.
Enfin, nous avons décidé - et je crois que nous allons dans le sens de ce que vous recherchez - d'affecter les excédents de la branche vieillesse au fonds de réserve des retraites pour éviter que cet argent puisse être utilisé autrement.
Par conséquent, je ne vois pas l'intérêt de cet amendement et je n'y suis pas favorable.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 8.
M. Yves Fréville. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Fréville.
M. Yves Fréville. Par cet amendement, la commission pose une vraie question : comment isoler les problèmes de trésorerie de chaque branche ?
J'ai sous les yeux le rapport du ministre de l'emploi et de la solidarité sur les avances de trésorerie au régime général de sécurité sociale en 1999. S'agissant précisément de la branche famille, dont parlait Mme la ministre il y a quelques minutes - elle prenait l'exemple de 1994 ; moi, je reste en 1999 - je lis ceci : « Les caisses d'allocations familiales ont versé au mois d'août la majoration de l'allocation de rentrée scolaire décidée par le Gouvernement en juillet lors de la conférence de la famille. Cette dépense pèse dans un premier temps sur la trésorerie de l'ACOSS, puisqu'elle ne pourra être remboursée par l'Etat qu'en toute fin d'année ou au début de l'année 2000, après le vote de la loi de finances rectificative. »
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Cela n'a rien à voir !
M. Yves Fréville. En d'autres termes, c'est l'ACOSS qui doit supporter les conséquences financières du retard mis par l'Etat à lui payer l'allocation de rentrée scolaire.
Par conséquent, sans entrer dans les détails techniques, je pense que l'amendement déposé par M. Descours montre bien qu'un véritable problème se pose pour isoler la trésorerie des différentes branches.
M. Charles Descours, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Descours, rapporteur.
M. Charles Descours, rapporteur. Je ne suis pas sûr que l'amendement que j'ai présenté soit techniquement impeccable.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. En tout cas, il ne résout pas le problème posé !
M. Charles Descours, rapporteur. Mais vous avez très bien compris mon objectif, madame le ministre. Il s'agit de faire en sorte une branche dégage que, quand un excédent de trésorerie, celui-ci reste dans cette branche, afin d'éviter les montages que nous avons dénoncés en début de séance, notamment le « siphonnage » des résultats, tel que le Gouvernement l'avait prévu initialement.
Donc, pour éviter ce « siphonnage », et la tentation est toujours grande, nous devons inscrire dans la loi que chaque branche conservera ses excédents de trésorerie.
Je maintiens donc l'amendement n° 8 ; il est possible qu'il faille le modifier sur le plan technique, mais le principe d'autonomie des branches et du maintien des excédents éventuels dans les branches doit être vraiment intangible.
Nous nous étions beaucoup battus, en 1994, pour que la loi à laquelle j'ai fait référence soit adoptée. Elle l'a été. Mais il faut de temps en temps faire des piqûres de rappel, car tous les gouvernements ont des tentations, tentations que l'on peut d'ailleurs comprendre. (Sourires.)
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Si je puis me permettre, certains gouvernements ont plus la tentation que d'autres...
M. Charles Descours, rapporteur. Attendez...
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. En 1994, le gouvernement Balladur a utilisé 60 milliards de francs d'excédents cumulés de la branche famille pour financer la branche maladie, qui connaissait certaines difficultés.
La question que pose M. Fréville n'a véritablement rien à voir avec l'amendement déposé par M. le rapporteur, de sorte que, si cet amendement était adopté, il ne la réglerait en rien.
En effet, ce que demande M. le rapporteur - j'ai maintenant mieux compris - c'est qu'il soit affiché de manière claire dans la loi que les excédents de chaque branche restent « à perpétuité », si je puis dire, dans la même branche. En revanche, monsieur Fréville, vous posez un problème de trésorerie : vous estimez que la sécurité sociale n'a pas à consentir d'avances pour des dépenses par ailleurs prévues.
Mais je vous rassure : étant donné que l'allocation de rentrée scolaire, dont M. le Premier ministre a annoncé la pérennisation, sera bientôt une allocation pérenne de la branche famille, laquelle, en fonction de ses capacités, la prendra en compte, elle sera donc inscrite de manière permanente dans les comptes de la sécurité sociale.
C'est une autre façon de régler le problème que vous avez soulevé, auquel l'amendement de M. le rapporteur ne répond, lui, absolument pas.
M. Yves Fréville. La question demeure posée !
M. Charles Descours, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Descours, rapporteur.
M. Charles Descours, rapporteur. Madame le ministre, je sais que vous avez de la mémoire. Je souhaite qu'elle ne soit pas sélective ! Je rappelle que, si les partenaires sociaux se sont mobilisés lorsque vous avez présenté ce projet de loi en conseil des ministres, c'était au motif d'une ponction sur les excédents des caisses de sécurité sociale de 5,5 milliards de francs.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Mais non !
M. Charles Descours, rapporteur. Comment « non » ?
M. Alain Vasselle. Mais si !
M. Charles Descours, rapporteur. Enfin ! madame le ministre, il y avait bien une ponction de 5,5 milliards de francs sur les excédents des caisses de sécurité sociale ?
M. Alain Vasselle. Tout à fait !
M. Charles Descours, rapporteur. Ce que je veux éviter, c'est le renouvellement de tels événements. Et, tant que le sort des excédents n'est pas réglé par la loi, tous les gouvernements peuvent céder à la tentation de s'en emparer.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. J'aime que les choses soient claires et précises : lorsque nous souhaitions prendre des recettes à venir, nous ne faisions pas de prélèvements sur les excédents du passé. Votre amendement, s'il était voté, n'empêcherait pas ce que vous voulez éviter. Je me permets de vous le dire, monsieur Descours, pour que vous puissiez éventuellement compléter votre texte. Ce serait dommage de ne pas atteindre les objectifs que vous vous fixez. (Sourires.)
D'ailleurs, je ne suis pas la seule à ne pas avoir bien compris l'objectif de votre amendement : M. Fréville ne l'a pas plus compris non plus.
Donc, non seulement cet amendement ne répond pas au problème posé, mais encore je ne souhaite pas moi-même répondre de manière positive.
M. Charles Descours, rapporteur. Je persiste et je signe !
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Vous ne vous rendez pas service. Moi, j'essaie de vous aider ! (Nouveaux sourires.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 8, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, avant l'article 6.

Article 6

M. le président. « Art. 6. - Pour 2000, les prévisions de recettes, par catégorie, de l'ensemble des régimes obligatoires de base et des organismes créés pour concourir à leur financement sont fixées aux montants suivants :



(En milliards

de francs.)

«
Cotisations effectives

1 043,0

«
Cotisations fictives

201,5

«
Contributions publiques

67,1

«
Impôts et taxes affectés

515,6

«
Transferts reçus

4,7

«
Revenus des capitaux

1,7

«
Autres ressources

34,1



« Total des recettes

1 867,7

»
Je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Par amendement n° 9 rectifié, M. Descours, au nom de la commission des affaires sociales, propose :
A. - A la première ligne (Cotisations effectives) du tableau figurant à cet article, de remplacer la somme : « 1 043,0 » par la somme : « 1 086,8 » ;
B. - A la troisième ligne (Contributions publiques) du même tableau, de remplacer la somme : « 67,1 » par la somme : « 62,8 » ;
C. - A la quatrième ligne (Impôts et taxes affectés) du même tableau, de remplacer la somme : « 515,6 » par la somme : « 461,6 » ;
D. - En conséquence, à la dernière ligne (Total des recettes) du même tableau, de remplacer la somme : « 1 867,7 » par la somme : « 1 853,2 ».
Par amendement n° 115, Mme Borvo, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent :
I. - A la première ligne (Cotisations effectives) du tableau figurant à cet article, de remplacer la somme : « 1 043,0 » par la somme : « 1 073,0 ».
II. - En conséquence, à la dernière ligne (Total recettes) du même tableau, de remplacer la somme : « 1 867,7 » par la somme : « 1 897,7 ».
La parole est à M. Descours, rapporteur, pour présenter l'amendement n° 9 rectifié.
M. Charles Descours, rapporteur. Monsieur le président, le Sénat venant d'adopter l'amendement n° 84, je souhaite rectifier cet amendement, en minorant de 300 millions de francs les cotisations des non-salariés.
M. le président. Je suis donc saisi d'un amendement n° 9 rectifié bis, par lequel M. Descours, au nom de la commission des affaires sociales, propose :
A. - A la première ligne (Cotisations effectives) du tableau figurant à cet article, de remplacer la somme : « 1 043,0 » par la somme : « 1 086,5 » ;
B. - A la troisième ligne (Contributions publiques) du même tableau, de remplacer la somme : « 67,1 » par la somme : « 62,8 » ;
C. - A la quatrième ligne (Impôts et taxes affectés) du même tableau, de remplacer la somme : « 515,6 » par la somme : « 461,6 » ;
D. - En conséquence, à la dernière ligne (Total des recettes) du même tableau, de remplacer la somme : « 1 867,7 » par la somme : « 1 852,9 ».
La parole est à M. Fischer, pour défendre l'amendement n° 115.
M. Guy Fischer. Cet amendement sera, pour certains, provocateur. (Sourires.) Il vise en effet à majorer de 30 milliards de francs les prévisions de recettes de la branche accidents de travail par une augmentation correspondante du taux de cotisation des employeurs à cette branche.
Mon propos sera nuancé, car, vous l'aurez compris, il s'agit pour nous surtout de poser un vrai problème et d'obtenir une réponse de la commission et du Gouvernement.
Répondant à une question orale posée le 30 mars dernier par notre collègue Marie-Claude Beaudeau, concernant la santé au travail, Mme la secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle déclarait, entre autres : « En ce qui concerne la tarification, il est clair que les conséquences financières des accidents du travail et des maladies professionnelles doivent être imputées à la branche accident du travail de la sécurité sociale. C'est une question de principe et une démarche cohérente pour inciter l'employeur à la prévention. »
Depuis deux ans, le Gouvernement s'est engagé à améliorer la sécurité au travail et à mieux prendre en charge les maladies professionnelles afin de garantir les droits des victimes, des mesures particulières ont été prises en faveur des victimes de l'amiante.
Le rapport annexé au projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2000 confirme que la démarche de prévention des risques professionnels, pour éviter, notamment, la survenance de cancers, des maladies mentales ou des lésions par efforts répétés, devait être privilégiée et renforcée. La réforme de la médecine du travail est, à ce titre, importante.
Toutefois, la question essentielle, la question de fond, celle du financement de la protection des risques au travail, n'a toujours pas été posée.
Nous savons tous que, en principe, il appartient aux entreprises, donc à l'employeur, de supporter les charges liées aux accidents du travail, les cotisations de ces derniers étant fonction des risques qu'ils font courir aux salariés, du nombre de maladies ou d'accidents que l'activité génère et de la nature de cette dernière.
De fait, les salariés et les médecins du travail subissent de nombreuses et diverses pressions pour que les maladies professionnelles ne soient pas déclarées et reconnues en tant que telles.
Il en résulte que, concrètement, l'assurance maladie supporte la prise en charge des soins afférents aux maladies professionnelles non reconnues, en lieu et place des entreprises.
Le rapport Déniel ainsi que le rapport du Haut comité de la santé publique font état d'importantes sous-déclarations pour les maladies professionnelles.
Le cas des cancers professionnels peut être utilement retenu à titre d'illustration. La sécurité sociale reconnaît, chaque année, cent à deux cents cas de cancers professionnels, alors que le ministère les évalue à dix mille.
Outre le préjudice pour les victimes, il s'agirait de 30 milliards de francs à la charge de l'assurance maladie, alors que cette somme devrait être imputée aux entreprises responsables.
La loi de financement de la sécurité sociale de 1997 a institué un versement de la branche accidents du travail vers la branche maladie pour compenser les dépenses supportées par cette dernière.
L'évaluation faite par M. Déniel du montant de cette non-prise en charge s'élevait à 900 millions de francs en 1997.
Depuis, la commission Levy-Rosenwald a préconisé la reconduction du versement de 1 milliard de francs.
A juste raison, M. Claude Evin note qu'« une interrogation subsiste quant au montant de ce versement. »
Considérant qu'il convient d'initier un débat à ce sujet, dès à présent, nous proposons de majorer de 30 milliards de francs les prévisions de recettes de la branche accidents du travail.
Cela doit se traduire par une augmentation correspondante du taux de cotisation que les employeurs versent à cette branche, permettant effectivement de prendre en charge les salariés victimes.
Chers collègues, ce soir, nous voulions poser un vrai problème qui, jusqu'à présent, n'a pas reçu de réponse satisfaisante.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 115 ?
M. Charles Descours, rapporteur. Notre collègue Guy Fischer soulève un vrai problème. Cependant, il ne faut pas mettre sur le même plan les accidents du travail et les maladies professionnelles. Je crois très sincèrement que les accidents du travail sont déclarés, et même parfois plus qu'ils ne le devraient. En revanche, le problème est plus complexe pour les maladies professionnelles.

Je rappelle que, dans la loi de financement de la sécurité sociale de 1997, qui avait été présentée par Alain Juppé et son gouvernement, une revalorisation de 1 milliard de francs avait été inscrite, supérieure donc aux 900 millions de francs qui avaient été demandés dans le rapport Déniel.
Aujourd'hui, il faut peut-être aller plus loin, mais la somme est, de toute manière, de l'ordre du milliard de francs, d'après le rapport que vous avez cité, alors que vous proposez 30 milliards de francs, monsieur Fischer ! Je rappelle tout de même que la branche accidents du travail et maladies professionnelles représente 52 milliards de francs : avec ce que vous proposez, il s'agirait rien moins que d'un doublement.
S'il y a un problème concernant les maladies professionnelles, il faut l'étudier, et notamment examiner les propositions présentées dans le rapport Déniel. Quant à inscrire 1 milliard de francs dans le projet de loi de financement pour 2000, je laisse au Gouvernement le soin de le faire, lui, car il n'a pas, lui, à justifier ses transferts, contrairement à nous, qui devons toujours trouver des compensations budgétaires.
La commission des affaires sociales est donc défavorable à l'amendement n° 115, sans méconnaître qu'il y a probablement un problème pour certaines maladies professionnelles.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s 9 rectifié bis et 115 ?
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Le Gouvernement est défavorable à l'amendement n° 9 rectifié bis.
L'amendement n° 115, qui vise à majorer de 30 milliards de francs le reversement forfaitaire de la branche accidents du travail et maladies professionnelles à la branche maladie pose effectivement un vrai problème, ainsi que M. Descours vient de le dire.
Dès 1997, le rapport déposé par la commission présidée par M. Déniel a mis en évidence l'ampleur de la sous-déclaration des maladies professionnelles ou des accidents du travail qui pèsent de manière anormale sur la branche maladie. On constatait cependant l'absence de données statistiques permettant de chiffrer ce phénomène de manière complète, raison pour laquelle on préconisait de retenir un montant minimal dont la réalité était attestée par des données scientifiques avérées. Mme Levy-Rosenwald, à qui nous avons demandé d'approfondir la question, a dressé le même constat. Dans la mesure où il n'existait pas de données statistiques précises sur l'ampleur de cette sous-déclaration, je lui ai demandé de poursuivre ses travaux et ses enquêtes afin de nous donner un chiffrage qui nous permettrait de vérifier si le montant du versement forfaitaire mis à la charge de la branche ATMP est suffisant ou non. J'espère que nous aurons dans les mois à venir des propositions pour avancer en ce domaine.
J'ai vraiment la conviction, sans être capable de chiffrer ce montant, grâce à des témoignages individuels de salariés, qu'il existe une sous-déclaration, notamment en matière d'accidents du travail. En effet, l'entreprise, en particulier lorsqu'elle est au taux individualisé, craint une majoration de celui-ci et demande aux salariés de ne pas déclarer lesdits accidents. Il est très difficile de connaître la réalité de ce phénomène. Il faut attendre la deuxième phase des études pour prendre une décision appropriée. A l'évidence, le problème que vous avez soulevé est réel.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 9 rectifié bis.
M. Yves Fréville. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Fréville.
M. Yves Fréville. Nous voterons, bien sûr, cet amendement, puisqu'il ne fait que traduire dans les chiffres les décisions prises par le Sénat à l'article 2.
D'abord, je me permettrai de faire remarquer à Mme le ministre, en sachant très bien qu'elle n'est pas responsable de cette situation, que nous n'avons pas, dans cet article d'équilibre, une vision globale de toutes les recettes de la sécurité sociale, puisque les 28 milliards de francs de la CADES n'y figurent pas. Cette décision a été prise en son temps, lors de l'examen du projet de loi organique. Il y a encore 28 milliards de francs d'impôt supplémentaires qui sont levés à ce titre pour couvrir les déficits de la sécurité sociale.
J'en viens à ma deuxième remarque, et là je me tourne vers M. le rapporteur, qui n'est pas plus responsable de cette situation que Mme le ministre ne l'était de la situation précédente.
La Cour des comptes dit très clairement qu'il serait tout à fait souhaitable que nous ayons une présentation de l'article d'équilibre par branche. La discussion que nous venons d'avoir sur les accidents du travail montre très bien que cela manque. Nous pourrions, les uns et les autres, nous retrouver un jour pour modifier la loi organique afin que l'article d'équilibre nous donne des renseignements précis branche par branche. Certes, les jugements politiques resteraient ce qu'ils sont, mais nous verrions apparaître les problèmes réels, ce qui n'est pas le cas actuellement.
Ma dernière remarque concerne le texte qui nous vient de l'Assemblée nationale et que l'amendement de la commission vise très judicieusement à corriger. Là, je m'adresse à Mme le ministre. S'agissant du total des recettes de la sécurité sociale, si on compare le chiffre qui figure dans le projet de loi initial et celui qui résulte des amendements ayant été adoptés à l'Assemblée nationale, on constate bien une diminution des recettes de 5,6 milliards de francs. Nous retrouvons ici la discussion récurrente sur la diminution des recettes de la sécurité sociale du fait du transfert des droits sur les alcools. Je me permets simplement de constater que cette diminution de 5,6 milliards a bien été effectuée.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 9 rectifié bis, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'amendement n° 115 n'a plus d'objet.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 6, ainsi modifié.

(L'article 6 est adopté.)

TITRE III

DISPOSITIONS RELATIVES AUX DÉPENSES
ET À LA TRÉSORERIE

Section 1

Branche famille

Article 7

M. le président. « Art. 7. - I. - L'article L. 551-1 du code de la sécurité sociale est ainsi rédigé :

« Art. L. 551-1 . - Le montant des prestations familiales est déterminé d'après des bases mensuelles de calcul revalorisées par décret, une ou plusieurs fois par an, conformément à l'évolution des prix à la consommation hors tabac prévue dans le rapport économique, social et financier annexé à la loi de finances pour l'année civile à venir.
« Si l'évolution constatée des prix à la consommation hors tabac est différente de celle qui avait été initialement prévue, il est procédé à un ajustement destiné à assurer, pour l'année civile suivante, une évolution des bases mensuelles conforme à l'évolution des prix à la consommation hors tabac. »
« II. - Les dispositions du I entrent en vigueur à compter du 1er janvier 2000.
« Pour l'année 2000, il est fait application du mécanisme d'ajustement découlant du deuxième alinéa de l'article L. 551-1 du code de la sécurité sociale au titre de l'évolution constatée en moyenne annuelle de l'indice des prix hors tabac de l'année 1999. Le montant des bases mensuelles issu de ce calcul est majoré, à titre exceptionnel, de 0,3 %. »
Sur l'article, la parole est à M. Chérioux.
M. Jean Chérioux. Les articles 7, 8 et 9 forment un tout. Pour autant, je serai aussi concis que possible.
Madame la ministre, vous n'avez consacré qu'un paragraphe à la politique familiale dans votre intervention hier. Vous vous contentiez d'indiquer que vous en poursuivrez la rénovation. C'est pourquoi il ne me semble pas inutile de m'interroger sur ce que doit être une vraie politique familiale.
Une vraie politique familiale se doit d'être tout d'abord globale, c'est-à-dire une politique qui prend en compte aussi bien les paramètres économiques que les paramètres sociaux et, enfin, la dimension culturelle de la famille au regard tant de sa structure que de ses missions, notamment sur le plan éducatif.
Une vraie politique familiale se doit aussi d'être universelle, c'est-à-dire qu'elle doit concerner toutes les familles, je dis bien « toutes ». S'il est indéniable que certaines, les plus modestes, doivent bénéficier d'une attention particulière, les autres, plus aisées, ne doivent pas pour autant être laissées de côté.
Asseoir une politique familiale sur des niveaux de ressources pour justifier certaines mesures restrictives, c'est aller radicalement à l'encontre de ce principe d'universalité.
Une vraie politique familiale doit permettre de concilier la vie professionnelle et la vie familiale.
L'assouplissement du temps choisi, et j'insiste sur le terme « choisi », doit être la première des ambitions. M. le Président de la République a d'ailleurs récemment rappelé que « 80 % des femmes en âge de travailler exercent un métier. C'est une aspiration très profonde. Elle n'est pas négociable. »
Toutefois, lorsque les femmes souhaitent se consacrer à leurs enfants, il faut leur en donner les moyens ; c'est la liberté de choix.
Mes propos ne relèvent pas de la polémique partisane. Ils traduisent, en effet, ce que pensent l'ensemble des familles. Il n'y a pas un iota entre la définition que je viens d'exposer et celle de l'Union nationale des associations familiales qui, je le rappelle, est l'interlocuteur privilégié des pouvoirs publics aux termes de la loi elle-même.
Les principes étant posés, que dire de la voie dans laquelle vous vous engagez ?
Si je ne doute pas de vos ambitions, peut-être pas trop éloignées des nôtres au fond, tout au moins si l'on en juge par vos déclarations, encore que la priorité accordée au PACS par rapport à d'autres mesures favorables aux familles pourrait m'en faire douter, nous divergeons en tout cas sur les moyens à mettre en oeuvre.
Face aux mesures que vous proposez pour la branche famille, c'est plutôt la déception qui l'emporte du côté des familles.
Vous annoncez un excédent de 1,41 milliard de francs, mais il s'agit - nous l'avons dénoncé suffisamment ici - d'un artifice. M. le rapporteur, notamment, a indiqué qu'il visait à masquer un excédent spontané réel de 6 milliards de francs.
En effet, vous effectuez un certain nombre de ponctions à la source.
Ainsi, un milliard de francs ont été détournés vers le fonds de réserve pour les retraites, lui-même privé de recettes affectées au financement des 35 heures. En définitive, indirectement ce sont donc les familles qui financeront la réduction du temps de travail. J'ajoute que vous rompez délibérément avec la règle de la séparation des branches, règle d'or des lois de financement de la sécurité sociale.
En outre, 2,5 milliards de francs passent à la trappe par la débudgétisation de la majoration de l'allocation de rentrée scolaire - vous l'avez d'ailleurs indiqué très clairement tout à l'heure - le financement de celle-ci étant mis en définitive à la charge de la CNAF, puisque vous en faites une allocation. Mais il est vrai qu'il est facile d'être généreux avec l'argent des autres.
Finalement, il reste seulement 1,41 milliard de francs pour l'élaboration d'une vraie politique familiale.
Les dispositions que vous proposez ne sont pas mauvaises en soi, mais elles sont par trop timides au regard de ce qui aurait pu être fait à partir de cet excédent spontané de 6 milliards de francs.
Certes, on peut apprécier le coup de pouce de 0,3 % accordé aux prestations familiales et prévu à l'article 7. Cependant, l'article 8, présenté comme une avancée sociale, constitue en réalité un recul par rapport à la loi de 1994 relative à la famille qui prévoyait avant le 31 décembre 1999 le recul à vingt-deux ans de l'âge limite pour l'ouverture des droits. Je suis surpris, madame la ministre, que vous ne vous tourniez pas vers moi en entendant mes propos.
Certes, je connais vos arguments concernant cette fameuse loi de 1994. Il est vrai que les dépenses constatées la première année se sont avérées supérieures à celles qui étaient prévues initialement. Mais je me permets de vous faire remarquer que ce dépassement était essentiellement imputable au succès extraordinaire de l'allocation parentale d'éducation qui a dépassé toutes les prévisions, ce qui prouve que cette mesure répondait bien à un besoin profond de nos concitoyens, puisque plus de 500 000 familles en ont alors bénéficié. En outre, elle avait entraîné d'importantes économies pour l'indemnisation du chômage.
Enfin, l'article 9 institue la garantie de ressources pour la branche famille, point qui a beaucoup été évoqué tout à l'heure. Je constate que, pour le moment, vous vous livrez au contraire, comme M. le rapporteur l'a dit, à un « siphonnage » des excédents de la branche famille.
Aussi, vous comprendrez, madame la ministre, que les mesures que vous proposez ne soulèvent pas un grand enthousiasme de notre part. C'est d'autant plus grave que les 6 milliards de francs d'excédent spontané vous en auraient donné les moyens !
Vous comprendrez également que, dans ces conditions, nous attendions avec impatience l'inscription à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale de la proposition de loi sur la famille que le Sénat a adoptée en juin dernier. (Applaudissements sur les travées du RPR.)
M. le président. La parole est à Mme Borvo.
Mme Nicole Borvo. Dans leurs missions quotidiennes, les caisses d'allocations familiales - dont relèvent 10 millions d'allocataires - servent une multitude de prestations, mais elles développent aussi des services aux usagers, tel le réseau d'aide aux parents destiné à conforter leur rôle éducatif.
Face aux demandes sociales toujours plus fortes auxquelles elles doivent faire face en raison de l'augmentation du nombre de personnes en difficulté, qui vivent en grande partie grâce aux prestations d'aide sociale, mais aussi du fait de l'accroissement et de la complexité des allocations distribuées, de nombreuses caisses sont aujourd'hui au bord de l'asphyxie, principalement parce que, dans le même temps, leurs effectifs n'ont pas évolué.
Le système informatique des caisses d'allocations familiales n'est, bien sûr, pas sans défaut et sa mise en place a nécessité du temps. Toutefois, il faut admettre qu'il n'a fait qu'aggraver et révéler une situation déjà tendue, faute de personnels suffisants pour aller au-devant des allocataires et pour les accueillir dans des conditions satisfaisantes, compte tenu des nouvelles missions qui incombent aux caisses.
Le résultat, nous le connaissons tous depuis les dysfonctionnements de cet été, notamment en région parisienne, et singulièrement à Paris où j'ai eu l'occasion de me rendre sur place pour constater ce qu'il en était.
Des courriers sont traités avec deux mois de retard. De nombreux dossiers sont en souffrance. Des personnels sont exposés à la violence, à l'incompréhension des familles allocataires, pour lesquelles les versements retardés, interrompus, sont extrêmement pénalisants. Il arrive que la CNAF fournisse à certaines familles 80 % de leur budget !
Autant dire que, pour les personnes les plus fragilisées, les ruptures de paiement sont autant d'obstacles qui compromettent le maintien dans le logement, la vie au quotidien tout simplement.
Madame la ministre, pour mettre en oeuvre la politique sociale, familiale que le Gouvernement s'est fixée, les caisses d'allocations familiales comme les caisses primaires d'assurance maladie sont des maillons essentiels. Il convient d'entendre les inquiétudes des personnels et de donner rapidement aux caisses les moyens humains et les ressources suffisantes pour qu'elles remplissent pleinement leurs missions, ô combien utiles.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Tous deux sont présentés par Mme Borvo, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
L'amendement n° 116 a pour objet :
I. - De rédiger comme suit le texte présenté par l'article 7 pour l'article L. 551-1 du code de la sécurité sociale :
« Art. L. 551-1 - Le montant des prestations familiales est déterminé d'après des bases mensuelles de calcul revalorisées par décret, une ou plusieurs fois par an, conformément à la progression générale des salaires moyens ou du salaire minimum interprofessionnel de croissance. »
II. - Pour compenser les pertes de recettes résultant du I ci-dessus, insérer après le I de l'article 7 un paragraphe additionnel ainsi rédigé :
« ... - Le taux de la cotisation prévue à l'article L. 136-6 du code de la sécurité sociale est relevé à due concurrence des pertes de recettes résultant de la modification du montant des prestations familiales visé à l'article L. 551-1 du code de la sécurité sociale. »
L'amendent n° 117 vise :
I. - Dans le second alinéa du texte proposé par le paragraphe I de l'article 7 pour l'article L. 551-1 du code de la sécurité sociale, à remplacer les mots : « différente de » par les mots : « supérieure à » ;
II. - Pour compenser les pertes de recettes résultant du I ci-dessus, à insérer après le I de l'article 7 un paragraphe additionnel ainsi rédigé :
« ... - Les pertes de recettes résultant de la modification de la base de calcul de l'ajustement visé au second alinéa de l'article L. 551-1 du code de la sécurité sociale sont compensées à due concurrence par le relèvement du taux de la cotisation prévue à l'article L. 136-6 du code de la sécurité sociale. »
La parole est à Mme Borvo, pour présenter ces deux amendements.
Mme Nicole Borvo. L'article 7 fixe les règles de revalorisation des bases mensuelles fondant le calcul des prestations familiales et détermine ainsi l'évolution du pouvoir d'achat des familles.
Le Gouvernement fait le choix de pérenniser l'indexation du montant des prestations familiales sur l'indice des prix. De surcroît, il reconduit un mécanisme de réajustement mis en place par la loi de 1994 relative à la famille et permettant de corriger, de compenser le trop-perçu d'une année sur l'autre du fait d'une surévaluation de l'inflation.
Bien que vous conserviez ainsi, madame la ministre, une certaine marge de manoeuvre de l'évolution des prestation s'agissant, il n'en demeure pas moins que le dispositif choisi peut se révéler pénalisant pour le budget familial.
En 1996, alors que l'indice des prix atteignait à peu près 1,9 %, la droite, qui prétend être seule capable de mener une politique généreuse en faveur des familles, n'a-t-elle pas usé de ce mécanisme pour « geler » l'évolution des prestations ?
Je vous concède que, cette année, le taux de revalorisation des bases mensuelles, au regard d'une application à la lettre de la règle posée, aurait dû être de 0,2 %.
Au 1er janvier 2000, le Gouvernement a décidé une majoration exceptionnelle de 0,3 %. S'agit-il d'un véritable coup de pouce, comme cela a été dit, ou d'un simple correctif destiné à rendre moins choquant un dispositif qui n'est pas bon ?
Les familles subiront une baisse de leur pouvoir d'achat, l'évolution prévisionnelle des prix pour 2000 étant de 0,9 % et celle du PIB de 1,2 %.
Pour l'ensemble des allocataires des caisses, notamment pour le tiers d'entre eux qui disposent d'un revenu mensuel inférieur à 4 200 francs, cette décision, vous l'avouerez, n'est pas très positive.
La croissance est là, et je m'en réjouis. Il est juste que les familles bénéficient des fruits de celle-ci. L'équilibre de la branche et la confirmation de l'excédent donnaient une marge de manoeuvre plus large pour mener une politique qui soit réellement en faveur des familles.
Ne pouvant nous satisfaire de cette situation, nous proposons, par amendements, d'indexer les prestations familiales non sur l'évolution des prix, mais sur celle du salaire moyen, ce qui a le double avantage d'assurer la progression du pouvoir d'achat des familles, dont les besoins sont croissants, et de mettre fin au débat sur le mécanisme pervers de régularisation. M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Charles Descours, rapporteur. Je souhaiterais connaître l'avis du Gouvernement.
M. le président. Quel est donc l'avis du Gouvernement ?
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Monsieur Chérioux, permettez-moi de vous redire que, lorsque nous sommes arrivés au pouvoir en 1997, le déficit de la branche famille s'élevait à 14,5 milliards de francs. Certes limité à 500 millions de francs en 1995, le dérapage entraîné par l'application de la loi « famille » atteignait 5,6 milliards de francs en 1998.
Si je rappelle ces chiffres, c'est pour mettre en évidence la difficulté de l'exercice qui consiste à faire des prévisions. C'est aussi pour montrer qu'une réforme comme celle que nous présentons, qui sera financée à hauteur de 85 % d'ici à cinq ans - je fais évidemment allusion à la baisse des charges sociales - est difficilement critiquable.
Pour revenir aux amendements n°s 116 et 117, le Gouvernement n'y est pas favorable.
Madame Borvo, le Gouvernement a apporté un complément de 0,3 % au-delà de la revalorisation des prix cette année. Cela peut évidemment vous paraître insuffisant ; je ne pense pourtant pas qu'il soit possible d'aller plus loin.
Depuis deux ans, nous avons arrêté des priorités dans la branche famille avec les associations familiales, dont M. Chérioux me dit qu'elles ne sont pas satisfaites - on peut toujours demander plus ! - et les organisations syndicales.
Elles ont souhaité que l'allocation de rentrée scolaire bénéficie cette année à tous les parents. Cette mesure a été mise en oeuvre dès la rentrée dernière.
Elles ont souhaité que les allocations familiales soient prolongées jusqu'à l'âge de vingt ans et les compléments jusqu'à vingt et un ans.
Elles ont également souhaité que les modes de garde pour les enfants des familles les plus défavorisées fassent l'objet d'un effort très important. Nous avons donc accordé un milliard de francs en 1998 et 700 millions de francs cette année à la caisse d'action sociale de la CNAF.
Ces mesures ont été retenues au détriment d'une revalorisation plus importante des allocations familiales. Vous avez le droit de le regretter. Si, comme tout le laisse à penser, les résultats sont meilleurs dans les années qui viennent, sans doute pourrons-nous aller plus loin.
Le Gouvernement n'est pas favorable à ces amendement, qui tombent par ailleurs sous le coup de l'article 40.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Charles Descours, rapporteur. Si l'article 40 s'applique, nous ne saurions être plus royalistes que le roi !
MM. Jean Chérioux et Alain Vasselle. Est-il évoqué ou invoqué ?
M. le président. Madame la ministre, pouvez-vous être plus précise ? Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Je répare immédiatement mon imprécision : j'invoque l'article 40, monsieur le président.
M. le président. L'article 40 est-il applicable, monsieur Joyandet ?
M. Alain Joyandet, au nom de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Il l'est, monsieur le président !
M. le président. En conséquence, les amendements n°s 116 et 117 sont irrecevables.
Par amendement n° 118, Mme Borvo, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent :
I. - De supprimer la première phrase du second alinéa du II de l'article 7.
II. - Pour compenser la perte de recettes résultant du I ci-dessus, de compléter, in fine, l'article 7 par un paragraphe additionnel ainsi rédigé :
« ... - La perte de recette résultant de la suppression de l'application pour 2000 du mécanisme d'ajustement découlant du second alinéa de l'article L. 551-1 du code de la sécurité sociale est compensée à due concurrence par un relèvement du taux de la cotisation prévue à l'article L. 136-6 du code de la sécurité sociale. »
Madame Borvo, compte tenu de la décision qui vient d'être prise, je suppose que cet amendement n'a plus d'objet.
Mme Nicole Borvo. Effectivement, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 118 n'a plus d'objet.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 7.

(L'article 7 est adopté.)

Articles additionnels après l'article 7

M. le président. Par amendement n° 119, Mme Borvo, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent d'insérer, après l'article 7, un article additionnel ainsi rédigé :

« I. - Dans le premier alinéa de l'article L. 521-1 du code de la sécurité sociale, le mot : "deuxième", est remplacé par le mot : "premier". »
« II. - Le taux de la contribution visée à l'article L. 136-6 du code de la sécurité sociale est relevé à due-concurrence. »
La parole est à Mme Borvo.
Mme Nicole Borvo. Si vous le permettez monsieur le président, je présenterai par la même occasion l'amendement n° 120.
M. le président. Par amendement n° 120, Mme Borvo, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent d'insérer, après l'article 7, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Le premier alinéa de l'article L. 521-1 du code de la sécurité sociale est complété par une phrase ainsi rédigée : "Elles sont dues pour chaque enfant ne dépassant pas l'âge limite ouvrant droit au versement."
« II. - Le taux de la cotisation prévue à l'article L. 136-6 du code de la sécurité sociale est relevé à due concurrence. »
La parole est Mme Borvo, pour défendre les amendements n°s 119 et 120.
Mme Nicole Borvo. Vous avez décidé, madame la ministre, d'impulser une politique familiale plus équitable, moins inégalitaire, qui ambitionne de soutenir toutes les familles, intégrant les mutations de notre société et cohérente avec l'ensemble des politiques publiques.
Un soutien particulier est apporté aux familles les plus modestes. En cela, la réforme du quotient familial, l'extension de l'allocation de rentrée scolaire, les majorations pour âge des allocations des bénéficiaires du RMI sont des mesures positives. Je m'en réjouis.
Une réflexion est engagée concernant l'aide aux jeunes adultes et le développement de l'accueil du jeune enfant. Il est effectivement important d'assurer une certaine diversité des modes de garde et de mettre en place une tarification plus juste afin que les parents aient réellement le choix entre un mode collectif ou individuel de garde. Comme beaucoup, je souhaite que l'APE, qui a connu un certain succès, faute notamment de modes de garde appropriés, accessibles, puisse être ajustée, afin qu'elle cesse d'éloigner durablement les femmes de l'emploi.
Les femmes aspirent indéniablement à se ménager du temps pour s'occuper de leurs enfants. Pourquoi, alors, ne pas envisager de prolonger le congé maternité ?
A 81 %, les femmes interrogées récemment dans un sondage CSA Le Parisien y sont favorables.
Enfin, pourquoi, madame la ministre, ne pas donner un signe fort en reconnaissant les familles dès leur constitution, en aidant ces dernières dès le premier enfant ?
Actuellement, alors que les allocations familiales se prétendent universelles, plus de deux millions d'enfants n'en bénéficient pas, tout simplement parce qu'ils sont uniques, ou provisoirement uniques. Pour faire face au coût qu'engendre la venue de l'enfant, les changements et contraintes nouvelles dans le mode de vie, une telle mesure serait juste et largement appréciée par les familles.
Mme Gillot, dans son rapport sur la famille, annonçait l'idée de retenir « que ce qui fait famille, c'est la présence de l'enfant, et qu'il est du devoir des pouvoirs publics de veiller à ce que le devenir de cette troisième personne soit garanti dans les meilleures conditions de justice sociale et de protection juridique. »
Nos amendements tendant à insérer des articles additionnels s'inscrivent tout à fait dans cette démarche. Nous prévoyons non seulement le versement des allocations familiales dès le premier enfant, mais aussi d'en maintenir le bénéfice aux familles dont l'un des enfants atteint l'âge de vingt ans.
Le financement des mesures que je vous propose d'adopter pourrait très bien être recherché, comme le préconisait Famille de France , en juin 1999, dans l'augmentation des cotisations patronales à la branche famille.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s 119 et 120 ?
M. Charles Descours, rapporteur. Je souhaite entendre l'avis du Gouvernement.
M. le président. Quel est donc l'avis du Gouvernement ?
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Le versement des allocations familiales dès le premier enfant représenterait un coût supérieur à 14 milliards de francs, soit dix fois l'excédent prévisionnel de la branche famille pour l'an 2000 ! Il me semble donc très difficile d'envisager de le mettre en oeuvre.
Nous avons d'ailleurs décidé en 1999 de verser l'allocation de rentrée scolaire à l'ensemble des familles, y compris aux 350 000 familles qui ont un seul enfant. Le coût de cette mesure, qui était réclamée par les associations familiales, s'est élevé à 560 millions de francs.
Les familles qui comptent un seul enfant ont par ailleurs droit à d'autres prestations, telles que l'allocation pour jeune enfant, les aides au logement, l'allocation au soutien familial et l'allocation de parent isolé.
La Délégation interministérielle à la famille se penche actuellement sur l'accueil du jeune enfant, quel que soit son rang : premier, deuxième ou autre... Les idées actuellement évoquées dépassent la durée du congé de maternité, qui relève plutôt d'aspects biologiques, pour envisager l'accueil du jeune enfant, pour la création éventuelle d'un congé complémentaire. C'est l'un des thèmes qui seront abordés lors de la prochaine conférence de la famille, en liaison avec les associations familiales et syndicales.
Le Gouvernement n'est donc pas favorable à votre proposition.
J'en viens au maintien des allocations familiales pour les familles de deux enfants lorsque l'aîné atteint l'âge limite de vingt ans. Pour éviter dans ce cas une diminution brutale des prestations familiales, le Gouvernement a choisi de relever à vingt et un ans l'âge limite d'attribution de deux prestations spécifiques : le complément familial et les aides au logement, qui, contrairement aux allocations familiales, sont attribuées sous condition de ressources. Le choix de ces prestations réaffirme ainsi la volonté claire du Gouvernement de soutenir en priorité les familles modestes.
Par ailleurs, de nombreuses mesures ont déjà été prises en faveur des jeunes adultes. Pour tenir compte de la durée plus longue de la cohabitation des jeunes adultes avec leurs parents, l'âge limite pour les prestations familiales a été porté à dix-neuf ans en 1998, puis à vingt ans en 1999.
Mais, au-delà du soutien financier, l'une des priorités du Gouvernement consiste à encourager les jeunes adultes à acquérir leur propre autonomie pour se prendre eux-mêmes en charge. Les mesures visant, à travers le programme TRACE, les emplois-jeunes, à réduire le chômage des jeunes doivent permettre à ceux-ci de devenir plus vite autonomes et de quitter leur famille.
Le Gouvernement est défavorable aux amendements n°s 119 et 120 tout en reconnaissant que l'accueil de l'enfant, notamment du premier enfant, mérite encore des améliorations.
Cela dit, j'invoque l'article 40 à l'encontre de ces deux amendements.
M. le président. Monsieur Joyandet, l'article 40 est-il applicable ?
M. Alain Joyandet, au nom de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Il l'est, monsieur le président.
M. le président. En conséquence, les amendements n°s 119 et 120 sont irrecevables.

Article 8

M. le président. « Art. 8. - I. - L'article L. 512-3 du code de la sécurité sociale est ainsi modifié :

« 1° Le 3° est abrogé ;
« 2° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Toutefois, pour l'attribution du complément familial et de l'allocation de logement mentionnés aux 3° et 4° de l'article L. 511-1 et à l'article L. 755-21, l'âge limite peut être différent de celui mentionné au 2° du présent article. »
« II. - Les dispositions du 2° du I sont applicables, à compter du 1er janvier 2000, au titre des enfants nés à compter du 1er janvier 1980.
« III. - L'article 22 de la loi n° 94-629 du 25 juillet 1994 relative à la famille est abrogé au 31 décembre 1999.
« IV. - A l'article L. 755-21 du code de la sécurité sociale, il est inséré, après le premier alinéa, un alinéa ainsi rédigé :
« Un décret fixe l'âge limite pour l'ouverture du droit à cette allocation pour tout enfant dont la rémunération n'excède pas le plafond mentionné au 2° de l'article L. 512-3 à condition qu'il poursuive des études, ou qu'il soit placé en apprentissage ou en stage de formation professionnelle au sens du livre IX du code du travail, ou qu'il se trouve, par suite d'infirmité ou de maladie chronique, dans l'impossibilité constatée de se livrer à une activité professionnelle. »
Sur l'article, la parole est à Mme Borvo.
Mme Nicole Borvo. Afin d'apporter un plus aux familles, comme le Gouvernement s'y était engagé lors de la conférence de la famille du 7 juillet dernier, l'attribution du complément familial et de l'aide au logement est prolongée jusqu'à vingt et un ans.
Pour de nombreuses familles confrontées à la prise en charge de plus en plus tardive des grands adolescents poursuivant leurs études ou de jeunes adultes touchés par le chômage, notamment, c'est évidemment une mesure positive.
Toutefois, ce n'est qu'un début de réponse. Le Gouvernement en est d'ailleurs pleinement conscient puisqu'il a accepté, à la demande des parlementaires communistes, de poursuivre la réflexion sur la politique à mener en direction des jeunes adultes sur la base d'un rapport qui devrait être remis avant l'an prochain.
Il est en effet impératif de procéder à un examen de l'ensemble des aides apportées à la famille et d'envisager d'accompagner les jeunes vers l'autonomie, tant sociale et professionnelle qu'économique.
A juste titre, Mme Gillot notait, dans son rapport « de « synthèse et de propositions pour une politique familiale rénovée », qu'il « s'agit d'une question d'ordre national qui dépasse la sphère familiale. » J'en suis d'accord.
A priori, cette démarche n'est pas partagée par la commission des affaires sociales. Elle regrette en effet que le Gouvernement abroge l'article 22 de la loi du 25 juillet 1994, qui permettait un relèvement progressif jusqu'à vingt-deux ans de l'âge limite d'ouverture du droit à l'ensemble des prestations familiales.
Les amendements déposés sur cet article et qui reviennent à admettre qu'on peut prolonger indéfiniment les allocations familiales ne peuvent nous satisfaire car elles ne permettront nullement de régler les problèmes auxquels sont confrontés les familles mais aussi les jeunes adultes.
M. le président. Par amendement n° 10, MM. Machet et Descours, au nom de la commission des affaires sociales, proposent de rédiger ainsi le III de l'article 8 :
« III. - L'article 22 de la loi n° 94-629 du 25 juillet 1994 relative à la famille est ainsi modifié :
« 1° Dans le premier alinéa du I et à la fin du II, la date : "31 décembre 1999" est remplacée par la date : "31 décembre 2002".
« 2° A la fin de la première phrase du II, la date : "31 décembre 1998" est remplacée par la date : "31 décembre 2001". »
La parole est à M. Descours, rapporteur.
M. Charles Descours, rapporteur. Je défendrai cet amendement à la place de M. Machet.
Je rappelle que l'article 22 de la loi du 25 juillet 1994 relative à la famille prévoyait, avant le 31 décembre 1999, le relèvement progressif jusqu'à vingt-deux ans de l'âge limite d'ouverture du droit à l'ensemble des prestations familiales.
Cet objectif, qui n'a pas été atteint, reste particulièrement pertinent à nos yeux.
Le Gouvernement ne partage pas cette analyse.
Soucieux de faire disparaître une disposition dont la portée symbolique est évidente, il propose d'abroger l'article 22, alors qu'il cessera d'être applicable le 31 décembre 1999.
Attachée au maintien de cet article, la commission des affaires sociales ne peut accepter qu'on renonce ainsi aux objectifs définis en 1994. Elle vous propose donc d'adopter un amendement supprimant l'abrogation de l'article 22 et prolongeant l'application de cet article de trois années, c'est-à-dire jusqu'au 31 décembre 2002.
Le délai supplémentaire ainsi laissé sera vraisemblablement suffisant pour atteindre l'objectif fixé en 1994.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Défavorable, monsieur le président.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 10.
M. Claude Huriet. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Huriet.
M. Claude Huriet. Je suis, bien entendu, favorable à l'amendement de la commission des affaires sociales, même si, après l'argumentation que j'ai développée lors de la discussion générale, je serais tenté d'aller dans le sens de toute simplification de la législation et de la réglementation qu'ont à appliquer les caisses d'allocations familiales : je rejoins en cela les explications de notre collègue Mme Borvo.
Madame la ministre, je sais combien il est difficile pour un ministre de répondre à l'ensemble des questions et des remarques qui sont formulées par les parlementaires lors d'une discussion générale, mais je vous avais interrogée à propos de la démarche que le Gouvernement s'était engagé à effectuer dans le cadre de la convention d'objectifs et de gestion qu'il a signée avec la caisse nationale d'allocations familiales en matière de simplification, et je n'ai pas obtenu de réponse.
Vous savez, puisque ce n'est pas la première fois que je vous en ai entretenue, l'importance qu'en tant que président du conseil de surveillance et en son nom j'accorde à cette démarche. Pourriez-vous nous dire, ce soir ou en quelque autre occasion, quelle est la volonté du Gouvernement sur ce point pour inverser une tendance qui a des effets pervers désormais incommensurables, car la surcharge des personnels des caisses d'allocations familiales est une chose, mais lesdits effets pervers pour les bénéficiaires des prestations servies par les caisses est autre chose, et le problème est de plus en plus ardu.
Il est indispensable que non seulement le Parlement, pour ce qui le concerne, mais aussi le Gouvernement puissent inverser cette tendance, car cette inflation de textes entraîne désormais des complications insupportables.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Je voudrais répondre une deuxième fois - car je lui ai déjà répondu tout à l'heure - à M. Huriet.
La simplification de l'ensemble des prestations - comme des aides diverses, d'ailleurs - est à l'ordre du jour de la prochaine conférence de la famille. Au demeurant, un groupe de travail existe aujourd'hui réunissant l'Etat, la délégation à la famille et la CNAF sur les aides aux logements. Par ailleurs, nous travaillons à la fois sur les modes de garde et sur les prestations familiales.
Je crois, effectivement, qu'une simplification est nécessaire. Il faut cependant faire attention car, aujourd'hui, ce qui apparaît comme une complexité, c'est aussi la prise en compte de situations différentes : le niveau financier des familles, par exemple, ou encore l'âge ou le nombre des enfants, et la simplification ne va pas obligatoirement dans le sens de l'équité.
Permettez-moi aussi de dire que, au moment où nous entrons dans le monde de l'informatique, il est un peu paradoxal de poser des problèmes de complexité qui n'ont pas été posés précédemment. Ce qui ne signifie pas pour autant qu'il n'y en a pas ! Nous devons toutefois préserver nos objectifs : aider les familles nombreuses, aider les familles les plus modestes, aider ceux qui ont des charges particulières.
Au regard de ces objectifs, si nous pouvons arriver à simplifier, nous le ferons, et nous y travaillons actuellement.
M. Charles Descours, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Descours, rapporteur.
M. Charles Descours, rapporteur. Madame la ministre, je ne veux pas prolonger le débat sur ce point, mais la simplification est vraiment nécessaire. Le conseil de surveillance de l'ACOSS nous a d'ailleurs présenté une telle demande lors de sa dernière réunion. Nous gérons aujourd'hui 300 lignes différentes et tous les partenaires qui étaient autour de la table ce jour-là - et ils étaient nombreux - ont souhaité une telle simplification.
Aujourd'hui, malgré les programmes informatiques, la complexité est telle qu'il existe des blocages, que les caisses dénoncent. M. Huriet s'est expliqué au nom des familles et la demande est unanime de la part des partenaires de l'ACOSS.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 10, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 8, ainsi modifié.

(L'article 8 est adopté.)

Article 9

M. le président. « Art. 9. - La Caisse nationale des allocations familiales bénéficie d'une garantie de ressources pour la période courant du 1er janvier 1998 au 31 décembre 2002.

« Les ressources de la Caisse nationale des allocations familiales perçues au titre de l'année 2002 ne seront pas inférieures aux ressources de cette caisse pour l'année 1997 revalorisées, déduction faite de la subvention versée par l'Etat au titre de la majoration d'allocation de rentrée scolaire et d'un montant équivalent aux ressources transférées en 2000 à la Caisse nationale de l'assurance maladie des travailleurs salariés en vertu de l'article 10 de la loi n° 99-641 du 27 juillet 1999 portant création d'une couverture maladie universelle.
« Dans le cas contraire, constaté à l'issue de la période mentionnée au premier alinéa par la Commission des comptes de la sécurité sociale, un versement à la Caisse nationale des allocations familiales permet, dans les conditions prévues par la loi de financement de la sécurité sociale, de combler la différence observée.
« La revalorisation mentionnée au deuxième alinéa est égale à l'évolution du produit intérieur brut en valeur aux prix courants sur l'ensemble de la période visée au premier alinéa, mentionnée dans le rapport sur les comptes de la nation. »
Par amendement n° 11, MM. Machet et Descours, au nom de la commission des affaires sociales, proposent, dans le premier alinéa de cet article, de remplacer le millésime : « 1998 » par le millésime : « 1999 » et le millésime : « 2002 » par le millésime : « 2003 »
La parole est à M. Descours, rapporteur.
M. Charles Descours, rapporteur. Monsieur le président, si vous m'y autorisez, je défendrai en même temps les amendements n°s 11 et 12, qui ont le même objet.
M. le président. J'appelle donc en discussion l'amendement n° 12, présenté par MM. Machet et Descours, au nom de la commission des affaires sociales, et visant, dans le deuxième alinéa de l'article 9, remplacer le millésime : « 2002 » par le millésime : « 2003 » et le millésime : « 1997 » par le millésime : « 1998 »
Veuillez poursuivre, monsieur le rapporteur.
M. Charles Descours, rapporteur. Ces deux amendements visent à conférer une plus grande efficacité à la garantie de ressources de la branche famille, instituée par le présent article.
Il décale d'une année cette garantie de ressources afin qu'elle couvre la période 1999-2003 et non la période 1998-2002, et qu'elle prenne comme base de référence l'année 1998 et non l'année 1997.
Si la philosophie du système n'a pas changé, les dates d'application en ont été modifiées pour le conforter.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Défavorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 11, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amnedement n° 12, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.) M. le président. Par amendement n° 13, MM. Machet et Descours, au nom de la commission des affaires sociales, proposent de rédiger comme suit la fin du troisième alinéa de l'article 9 :
« ... un versement de l'Etat à la Caisse nationale des allocations familiales permet, dans les conditions prévues par les lois de finances et de financement de la sécurité sociale, de combler la différence observée. »
La parole est à M. Descours, rapporteur.
M. Charles Descours, rapporteur. Il s'agit d'un amendement de précision qui dispose que l'éventuel versement compensateur à la branche famille proviendra - ce qui n'était pas suffisamment précisé - de l'Etat, comme c'était le cas dans le dispositif institué par la loi « famille » de 1994 et comme vous l'avez vous-même confirmé, madame la ministre, devant notre commission, le 21 octobre, en déclarant que l'Etat serait garant des ressources de la branche famille.
Nous espérons que le Gouvernement sera favorable à cet amendement de précision.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Je confirme ce que j'ai dit devant la commission : je m'en remets à la sagesse du Sénat.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 13, pour lequel le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 9, modifié.

(L'article 9 est adopté.)

Section 2

Branche vieillesse

Article 10

M. le président. « Art. 10. - I. - A la section 2 du chapitre Ier du titre V du livre II du code de la sécurité sociale, il est inséré un article L. 251-6-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 251-6-1 . - La Caisse nationale d'assurance vieillesse des travailleurs salariés affecte au fonds de réserve pour les retraites mentionné au deuxième alinéa de l'article L. 135-1 :
« 1° Le résultat excédentaire de l'exercice clos de chacun des fonds dont elle a la gestion, à l'exception de celui du régime spécial mentionné à l'article L. 715-1 ; un arrêté conjoint des ministres chargés de la sécurité sociale et du budget fixe chaque année la date de ce versement ;
« 2° Le cas échéant, en cours d'exercice, un montant représentatif d'une fraction de l'excédent prévisionnel de l'exercice tel que présenté par la Commission des comptes de la sécurité sociale lors de sa réunion du second semestre de ce même exercice ; un arrêté conjoint des ministres chargés de la sécurité sociale et du budget détermine les montants à verser ainsi que les dates de versement. »
« II. - L'article L. 135-6 du même code est ainsi modifié :
« 1° Le 3° devient le 4° ;
« 2° Il est inséré un 3° ainsi rédigé :
« Les montants résultant de l'application de l'article L. 251-6-1 ; »
« 3° Il est inséré un 3° bis ainsi rédigé :
« bis Une fraction égale à 49 % du produit des prélèvements visés aux articles L. 245-14 à L. 245-16 ; ».
« III. - Les dispositions du présent article s'appliquent à compter de l'exercice comptable 1999.
« IV. - Le II de l'article L. 245-16 du code de la sécurité sociale est ainsi rédigé :
« II. - Le produit des prélèvements mentionnés au I est ainsi réparti :
« - 49 % au fonds mentionné à l'article L. 135-6 ;
« - 8 % à la Caisse nationale de l'assurance maladie des travailleurs salariés ;
« - 30 % à la Caisse nationale d'assurance vieillesse des travailleurs salariés ;
« - 13 % à la Caisse nationale des allocations familiales. »
Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 14 est présenté par MM. Vasselle et Descours, au nom de la commission des affaires sociales.
L'amendement n° 93 est présenté par M. Louis Boyer et les membres du groupe des Républicains et Indépendants.
Tous deux tendent à supprimer cet article.
La parole est à M. Vasselle, rapporteur, pour défendre l'amendement n° 14.
M. Alain Vasselle, rapporteur de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, sur l'initiative de notre commission, le Sénat n'avait pas rejeté, lors de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1999, le principe d'un fonds de réserve pour les retraites.
Nous avions cependant, à l'époque, souligné que la constitution d'un tel fonds n'avait véritablement de sens que si un certain nombre de conditions étaient respectées.
La première était que la constitution d'un fonds de réserve supposait que les pouvoirs publics mènent effectivement une politique de retraite dans une perspective à long terme, ce qui n'est manifestement pas le cas pour le moment.
La deuxième condition était que ce fonds de réserve ait une mission claire et définie de manière préalable, en l'occurrence le lissage de la hausse des cotisations. Or aucun objectif n'a encore été assigné au fonds créé par la loi de financement de la sécurité sociale pour 1999. Comme l'ont rappelé tout à l'heure Mme le ministre et notre rapporteur M. Descours, seul un décret paru au Journal officiel le 24 octobre 1999 - c'est-à-dire il y a à peu près trois semaines - a prévu les modifications relatives au comité de surveillance du FSV ; mais la finalité des modalités de gestion du fonds de réserve reste encore totalement floue.
La troisième condition est la suivante : le fonds de lissage ne résout pas le problème du financement futur des retraites et ne peut donc constituer qu'une mesure d'accompagnement d'une réforme d'ensemble des retraites. Or cette réforme n'est toujours pas engagée.
Quatrième condition, la constitution d'un fonds de lissage exige des ressources importantes et durables : de 400 à 500 milliards de francs au moins en 2020 pour le seul régime général. Au regard de ces besoins, et même si l'on tient compte de la montée en puissance qui fera suite à l'adoption des dispositions prévues par le présent projet de loi de financement de la sécurité sociale, les 2 milliards de francs dont dispose le fonds de réserve paraissent bien dérisoires ! Près d'une année après sa création, le fonds de réserve reste, de ce point de vue, un fonds très virtuel...
Permettez-moi à ce sujet une parenthèse : je serai curieux de savoir, madame le ministre, comment cette somme sera placée. En effet, le décret prévoit que les disponibilités du fonds peuvent faire l'objet de placements dans des conditions définies par le ministre chargé de l'économie et des finances, ce qui - vous le reconnaîtrez - n'est pas très explicite et n'indique pas réellement comment ce fonds sera géré. Mais je ferme là la parenthèse.
Alors que la loi de financement de la sécurité sociale pour 1999 avait prévu que les excédents du fonds de solidarité vieillesse alimenteraient le fonds de réserve, le Gouvernement a finalement décidé d'amputer ces excédents en en diminuant les recettes et de faire bénéficier le fonds de réserve d'une fiscalité affectée par l'intermédiaire de 49 % du prélevement social de 2 % sur les revenus du patrimoine correspondant aux 5,5 milliards de francs que n'a pas versés le régime général au financement des 35 heures.
La commission des affaires sociales considère que ce tour de passe-passe est inacceptable, car il fait financer de manière directe le fonds de réserve par toutes les branches de la sécurité sociale - ce que nous dénonçons depuis l'examen de la loi de financement de la sécurité sociale - y compris par les branches maladie et famille, au mépris du principe de la séparation des branches.
Il prive, ce faisant, la CNAMTS d'une recette qui avait été attribuée pour financer la couverture maladie universelle décidée au début de l'été, c'est-à-dire il y a peu de temps. Par ailleurs, il contribue à faire financer de manière indirecte les 35 heures par la sécurité sociale.
Parallèlement, le Gouvernement racle les fonds de tiroirs en mettant à contribution de manière ponctuelle les caisses d'épargne et la Caisse des dépôts et consignations.
Cette agitation un peu désordonnée, cette politique au coup par coup, révèle l'absence totale de plans de financement à moyen ou à long terme pour le fonds de réserve. Le Gouvernement, à l'évidence, s'efforce de masquer une terrible réalité, il nous donne le sentiment de ne pas savoir comment alimenter durablement ce fonds.
Enfin, la cinquième des conditions que j'ai évoquées est que la constitution d'un tel fonds exige de définir de manière préalable les conditions de sa gestion financière. Or, pour le moment, rien n'a été fait.
Aucune des cinq conditions que j'ai énumérées n'est aujourd'hui respectée. Le fonds de réserve n'est, dès lors, pour le Gouvernement, qu'un alibi destiné à masquer son incapacité à entreprendre les vraies réformes nécessaires à assurer la pérennité à long terme de notre système de retraite.
Pas plus que l'an dernier, la commission des affaires sociales ne souhaite supprimer le fonds de réserve pour les retraites, qui peut servir de réceptacle à des recettes non fiscales - par exemple les sommes provenant de la réforme des caisses d'épargne - ou à des libéralités spontanées, telles que celles de la Caisse des dépôts et consignations.
En revanche, la commission est opposée à une ponction sur les réserves de la sécurité sociale, opérée par le biais de contributions directes ou indirectes, avant que les lignes directrices de la réforme des retraites n'aient été clairement définies et ladite réforme effectivement engagée.
C'est la raison pour laquelle je vous propose, mes chers collègues, au nom de la commission des affaires sociales, d'adopter un amendement de suppression de cet article 10, non pas, je le répète, parce que nous sommes opposés sur le principe à la constitution de ce fonds de réserve, mais parce que nous n'avons obtenu, depuis maintenant plus d'un an, aucun élément qui nous permette d'apprécier comment ce fonds sera géré et comment il sera alimenté d'une manière durable et à un niveau correspondant aux besoins du financement des retraites à partir de 2006.
M. le président. La parole est à M. Louis Boyer, pour présenter l'amendement n° 93.
M. Louis Boyer. Je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 93 est retiré.
Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 14 ?
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Je suis un peu étonnée de la proposition de M. Vasselle, ou plutôt de son absence de proposition.
Je crois qu'il est quand même un peu paradoxal de dire, comme ce fut le cas l'année dernière, que ce fonds de réserve était attendu mais que son montant était négligeable, puis, alors que nous l'abondons cette année pour arriver à un montant de plus de 20 milliards de francs, de nous le reprocher.
Je dois dire qu'après vous avoir entendu, monsieur Vasselle, je ne comprends plus grand-chose.
Vous dites que vous êtes favorable à la constitution d'un fonds de réserve, mais vous affirmez en même temps qu'il ne peut en aucun cas y avoir de prélèvement complémentaire, ni d'impôt, ni de cotisations sociales, ni de ressources provenant de la Caisse des dépôts et consignations, ni de recours aux fonds de mutualisation des caisses d'épargne, que nous avons mobilisés.
Dans ces conditions, comment voulez-vous financer ce fonds de retraite ?
Plus globalement, j'entends toutes ces critiques de l'opposition, qui nous presse de prendre des mesures sur les retraites, mais je n'ai toujours pas compris quelles étaient ses propositions. Vous ne voulez pas d'un fonds de réserve augmentant les impôts, les cotisations ou les prélèvements de quelque ordre que ce soit. Alors, que souhaitez-vous ? Repousser à soixante-cinq ans ou à soixante-dix ans l'âge de la retraite ? Augmenter les cotisations des entreprises et des salariés de 10 % à 15 % ? Il faudra bien, à un moment, le dire !
M. Jean Delaneau, président de la commission des affaires sociales. Ce n'est pas nous qui gouvernons, madame la ministre !
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Bien évidemment ! Mais ne reprochez pas à ceux qui gouvernent de mettre de l'argent de côté pour essayer de régler le problème des retraites, ce qui n'a pas été fait jusqu'à présent !
Il y a une certaine contradiction à dire qu'il faut absolument traiter le problème en instituant un fonds tout en refusant obstinément toutes les resources susceptibles d'alimenter ce fonds.
Je veux bien que l'on ne soit pas à une contradiction près, mais, à un moment donné, en démocratie, il faut assurer la cohérence des discours ! Or, excusez-moi de vous le dire, là, elle ne l'est pas !
En effet, nous ne faisons que ce que nous avions dit, c'est-à-dire qu'au-delà de la dotation de l'année dernière nous affectons dans ce fonds de réserve - et quoi de plus normal ! - non seulement les excédents de la CNAV de 1999, qui s'élèvent à 4,4 milliards de francs, ainsi que ceux de 2000, mais aussi des prélèvements non pas sur les contributions des employeurs et des salariés, comme vous le disiez, mais sur les revenus du capital.
Aujourd'hui, pour les Français, ce problème passe avant celui du chômage, et tout le monde reconnaît qu'il faut constituer des réserves.
La Caisse des dépôts et consignations a proposé au ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, ce qui est à l'étude, de verser 3 milliards de francs à ce fonds de réserve, et par ailleurs, le Gouvernement a décidé d'y affecter 4 milliards de francs des fonds de mutualisation des caisses d'épargne.
Nous serons ainsi à plus de 20 milliards de francs en fin d'année.
Bien sûr, ce n'est qu'un début, mais si, chaque année, nous obtenons des résultats similaires, nous parviendrons à traiter une partie non négligeable du problème des retraites.
Des décisions seront annoncées par le Premier ministre au mois de janvier prochain. Nous souhaitons, grâce aux excédents de la CNAV ou aux recettes exceptionnelles issues de la mutualisation des caisses d'épargne, alléger les difficultés du traitement des retraites.
Vous êtes défavorables à ces mesures, mais je ne comprends toujours pas quelles sont celles que vous préconisez pour résoudre ce problème.
M. Alain Vasselle, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Vasselle, rapporteur.
M. Alain Vasselle, rapporteur. J'ai écouté avec une extrême attention Mme le ministre essayer de convaincre la Haute Assemblée qu'en définitive elle était en contradiction avec elle-même parce que, en n'acceptant pas l'alimentation du fonds, elle s'opposait de fait à sa constitution, et ce pour laisser à penser à l'opinion publique que la majorité sénatoriale ne veut pas soutenir le Gouvernement qui engage une réforme nécessaire en matière de retraites.
Je m'inscris en faux contre cette assertion de Mme le ministre selon laquelle la majorité sénatoriale serait incohérente !
Nous avons indiqué très clairement en 1999, je le répète, et nous le réaffirmons à l'occasion du projet de loi de financement de 2000, ne pas être opposés au principe de constitution d'un fonds de réserve. Encore faut-il qu'il corresponde à quelque chose, que nous sachions comment il va être géré, comment il sera alimenté de manière pérenne, comment il progressera pour satisfaire les besoins dès 2006.
Nous ne pouvons pas, nous, Parlement, puisque le projet de loi de financement a pour objet justement de nous permettre de contrôler les dépenses de la sécurité sociale, donner un chèque en blanc au Gouvernement, qui nous propose une gestion « à la petite semaine » consistant à mettre 2 milliards de francs une année, à rajouter 10 milliards de francs un peu plus tard, puis 5 ou 6 milliards cette année, prélevés les excédents de la branche famille et de la branche maladie. Ce n'est certainement pas la bonne méthode pour alimenter de façon pérenne ce fonds de réserve.
Vous savez pourtant, madame le ministre, et le Gouvernement aussi, qu'une véritable réforme des retraites passe par une réforme de structures. Or les seuls gouvernements qui ont eu le courage d'engager des réformes de structures, ce sont les gouvernements Balladur et Juppé. Pour votre part, vous restez l'arme au pied, arguant que vous poursuivez la concertation et que ce n'est qu'à son issue que vous envisagerez les réformes de structures nécessaires.
Vous savez très bien que, en alimentant ce fonds au niveau où vous l'alimentez, ses réserves seront insuffisantes pour faire face aux besoins en 2006. Inévitablement, il faudra augmenter le montant des cotisations. Ne créez donc pas d'illusion, ne laissez pas croire aux Français que la constitution de ce fonds de réserve permettra de régler leurs problèmes de retraite,...
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Personne n'a dit cela !
M. Alain Vasselle, rapporteur. ... qu'en 2006 on rasera gratis et que, à cette date, l'ensemble des actifs n'auront pas à mettre la main à la poche pour assurer l'équilibre des retraites... et en 2020 a fortiori, en 2040 plus encore puisque les experts chiffrent les besoins à plusieurs centaines de milliards de francs !
Madame le ministre, il faut revenir à la réalité des faits. N'intentez pas un mauvais procès à la majorité sénatoriale. Lorsque vous serez en mesure de nous apporter des éléments fiables sur la manière dont ce fonds sera alimenté de façon durable, dont il sera géré et dont il progressera pour atteindre les objectifs que vous entendez fixer et sur lesquels nous sommes disposés à vous soutenir, nous serons prêts à adopter les propositions que vous nous ferez pour alimenter ce fonds.
Pour le moment, il ne nous est pas possible d'approuver votre proposition, faute d'éléments suffisamment fiables.
En outre, s'agissant des 2 milliards de francs, je souhaiterais que vous nous précisiez les modalités de leur gestion. Par qui seront-ils gérés ? Comment vont-ils évoluer ? Quelle sera leur affectation ? Nous ne disposons d'aucune information sur ces points.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 14.
M. Claude Domeizel. Je demande la parole contre l'amendement.
M. le président. La parole est à M. Domeizel.
M. Claude Domeizel. M. Vasselle et la majorité sénatoriale sont en train de se prendre à leur propre piège.
L'année dernière, ils nous ont dit qu'ils étaient pour le fonds de réserve, mais que 2 milliards de francs, c'était une somme ridicule. Aujourd'hui, alors qu'il disposera de 20 milliards de francs, ils tentent de trouver d'autres arguments.
M. Alain Vasselle, rapporteur. Ce sont exactement les mêmes !
M. Claude Domeizel. Monsieur Vasselle, j'ai lu votre rapport écrit. Sur une vingtaine de pages, vous expliquez le bien-fondé du fonds de réserve et même comment il faut l'alimenter. Et vous concluez : « Aucune de ces conditions n'étant aujourd'hui remplie, le fonds de réserve n'est qu'un alibi à l'immobilisme gouvernemental. » Je ne comprends pas très bien où est l'immobilisme alors que le Gouvernement va de l'avant !
Je conçois qu'on soit favorable au fonds de réserve et que l'on n'approuve pas les moyens proposés pour l'alimenter - c'est la position de M. Vasselle. Alors, monsieur Vasselle, faites des propositions !
Mais vous n'en faites pas, par manque de courage, alors que vous expliquez durant vingt pages de votre rapport écrit comment il faut faire !
Le groupe socialiste se prononce pour ce fonds. La proposition du Gouvernement lui convient, même si elle aurait peut-être pu être aménagée. Aussi, nous voterons contre l'amendement de suppression de l'article 10, car cet amendement est, à nos yeux, je l'ai déjà dit dans la discussion générale, la preuve que vous tenez un double langage.
M. Louis Boyer. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Louis Boyer.
M. Louis Boyer. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l'article 10 est censé traiter des retraites. La modicité de son contenu est à la mesure de l'importance de l'enjeu du financement des retraites futures.
Il n'est pas fait grand-chose pour conforter notre système de retraite par répartition. Il faut dès maintenant conforter la retraite par répartition.
Les données démographiques sont connues de tous. Certes, le régime général est équilibré ; il fera même cette année des bénéfices, que vous allez ponctionner. Mais, à brève échéance, il sera de nouveau en déficit. L'avenir des régimes spéciaux n'est pas mieux assuré. Les millions de retraités actuels se demandent si leur revenu sera assuré et à quel niveau. L'impact financier de l'attentisme est bien connu : plus on tarde, plus les difficultés financières se répercutent sur le paiement des pensions.
Face à des enjeux de cette importance, le Gouvernement ne répond que par des atermoiements en proposant que quelques milliards de francs d'excédents soient versés au fonds de réserve. Mais ce sont des dizaines de milliards de francs qui sont en jeu : 66 milliards de francs par an dès 2006, plus de 300 milliards de francs chaque année à partir de 2015. Votre fonds de réserve permettra au mieux de couvrir le tiers du déficit qui apparaîtra en 2006. Ce fonds n'est qu'un alibi pour masquer l'inaction. Sur les régimes spéciaux, rien non plus n'est fait pour réduire l'inégalité entre salariés du public et salariés du privé.
Nous préconisons, en outre, la création de plans d'épargne retraite par capitalisation.
Alors que tous les grands pays ont adopté un système par capitalisation pour assurer l'avenir et ajouter un étage aux régimes en place, nous déplorons votre refus purement idéologique de vous engager à temps dans une voie qui aurait dû être ouverte depuis longtemps et qui a été explorée par la loi Thomas de 1997.
Nous souhaitons donc la suppression de cet article 10.
M. Claude Domeizel. C'est incohérent !
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 14, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'article 10 est supprimé.
La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

14

DÉPÔT DE PROJETS DE LOI

M. le président. J'ai reçu de M. le Premier ministre un projet de loi autorisant l'approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République d'Estonie en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion et la fraude fiscales en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune (ensemble un protocole).
Le projet de loi sera imprimé sous le n° 78, distribué et renvoyé à la commision des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.
J'ai reçu de M. le Premier ministre un projet de loi autorisant l'approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Lettonie en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion et la fraude fiscales en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune (ensemble un protocole).
Le projet de loi sera imprimé sous le n° 79, distribué et renvoyé à la commision des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.
J'ai reçu de M. le Premier ministre un projet de loi autorisant l'approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Lituanie en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion et la fraude fiscales en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune (ensemble un protocole).
Le projet de loi sera imprimé sous le n° 80, distribué et renvoyé à la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.

15

RETRAIT D'UN TEXTE SOUMIS
EN APPLICATION DE L'ARTICLE 88-4
DE LA CONSTITUTION

M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre une communication, en date du 17 novembre 1999, l'informant que la proposition de décision du Conseil portant attribution d'une aide macrofinancière supplémentaire à la Bulgarie (n° E 1330) a été transmise par erreur le 9 novembre 1999 et qu'il y avait lieu, en conséquence, de procéder au retrait de ce texte.

16

DÉPÔT DE RAPPORTS

M. le président. J'ai reçu de M. Lucien Lanter un rapport fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration général sur la proposition de loi organique de M. Gaston Flosse et des membres du groupe du Rassemblement pour la République, tendant à améliorer le régime électoral applicable à la formation de l'Assemblée de la Polynésie française (n° 471, 1998-1999).
Le rapport sera imprimé sous le n° 76 et distribué.
J'ai reçu de M. Jean Huchon un rapport fait au nom de la commission des affaires économiques et du Plan sur le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, portant ratification des ordonnances n° 98-520 du 24 juin 1998, n° 98-521 du 24 juin 1998, n° 98-523 du 24 juin 1998, n° 98-526 du 24 juin 1998, n° 98-776 du 2 septembre 1998, n° 98-777 du 2 septembre 1998 prises en application de la loi n° 98-145 du 6 mars 1998 portant habilitation du Gouvernement à prendre, par ordonnances, les mesures législatives nécessaires à l'actualisation et à l'adaptation du droit applicable outre-mer (n° 423, 1998-1999).
Le rapport sera imprimé sous le n° 77 et distribué.
J'ai reçu de M. Henri Torre un rapport fait au nom de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation sur le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, portant ratification des ordonnances n° 98-524 du 24 juin 1998, n° 98-525 du 24 juin 1998, n° 98-581 du 8 juillet 1998, n° 98-775 du 2 septembre 1998 prises en application de la loi n° 98-145 du 6 mars 1998 portant habilitation du Gouvernement à prendre, par ordonnances, les mesures législatives nécessaires à l'actualisation et à l'adaptation du droit applicable outre-mer (n° 422, 1998-1999).
Le rapport sera imprimé sous le n° 81 et distribué.

17

ORDRE DU JOUR

M. le président. Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd'hui, jeudi 18 novembre 1999, à neuf heures trente, quinze heures et éventuellement le soir :
Suite de la discussion du projet de loi (n° 40, 1999-2000) de financement de la sécurité sociale pour 2000, adopté par l'Assemblée nationale.
Rapport (n° 58, 1999-2000) de MM. Charles Descours, Jacques Machet et Alain Vasselle, fait au nom de la commission des affaires sociales.
Avis (n° 68, 1999-2000) de M. Jacques Oudin, fait au nom de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation.
Aucun amendement à ce projet de loi n'est plus recevable.

Délais limites pour les inscriptions de parole
et pour le dépôt des amendements

Déclaration du Gouvernement, suivie d'un débat, sur la conférence ministérielle de l'Organisation mondiale du commerce à Seattle :
Délai limite pour les inscriptions de parole dans le débat : lundi 22 novembre 1999, à dix-sept heures.
Conclusions de la commission des lois sur la proposition de loi organique de M. Gaston Flosse et des membres du groupe du Rassemblement pour la République tendant à améliorer le régime électoral applicable à la formation de l'assemblée de la Polynésie française (n° 76, 1999-2000):
Délai limite pour le dépôt des amendements : lundi 22 novembre 1999, à dix-sept heures.
Conclusions de la commission des lois (n° 62, 1999-2000) sur :
- la proposition de loi de M. Bernard Joly visant à généraliser l'interdiction des candidatures multiples aux élections ;
- la proposition de loi de M. Philippe Marini et plusieurs de ses collègues portant diverses dispositions relatives aux élections municipales, cantonales et législatives ;
- la proposition de loi de M. Michel Dreyfus-Schmidt et des membres du groupe socialiste tendant à interdire les candidatures multiples aux élections cantonales ;
- la proposition de loi de M. Michel Dreyfus-Schmidt et des membres du groupe socialiste relative à l'élection des députés et à l'élection des conseillers généraux ;
- et la proposition de loi de M. Georges Gruillot et plusieurs de ses collègues relative aux conditions d'éligibilité des candidats aux élections cantonales et aux déclarations de candidatures au deuxième tour des élections cantonales et législatives :
Délai limite pour le dépôt des amendements : lundi 22 novembre 1999, à dix-sept heures.
Conclusions de la commission des lois sur la proposition de loi de M. Jacques Pelletier permettant au juge des tutelles d'autoriser un majeur sous tutelle à être inscrit sur une liste électorale (n° 63, 1999-2000) :
Délai limite pour le dépôt des amendements : lundi 22 novembre 1999, à dix-sept heures.
Conclusions de la commission des lois sur la proposition de loi organique de M. Jacques Pelletier relative à l'inéligibilité des majeurs sous tutelle (n° 67, 1999-2000) :
Délai limite pour le dépôt des amendements : lundi 22 novembre 1999, à dix-sept heures.
Conclusions de la commission des affaires sociales (n° 73, 1999-2000) sur :
- la proposition de loi de M. Joseph Ostermann et plusieurs de ses collègues relative au régime local d'assurance maladie complémentaire obligatoire des départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle applicable aux assurés des professions agricoles et forestières ;
- et la proposition de loi de Mme Gisèle Printz et M. Roger Hesling relative au régime local d'assurance maladie complémentaire obligatoire des départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle applicable aux assurés des professions agricoles et forestières :
Délai limite pour le dépôt des amendements : mardi 23 novembre 1999, à dix-sept heures.
Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, portant ratification des ordonnances n° 98-522 du 24 juin 1998, n° 98-731 du 20 août 1998, n° 98-773 du 2 septembre 1998 prises en application de la loi n° 98-145 du 6 mars 1998 portant habilitation du Gouvernement à prendre, par ordonnances, les mesures législatives nécessaires à l'actualisation et à l'adaptation du droit applicable outre-mer (n° 420, 1998-1999) :
Délai limite pour le dépôt des amendements : mardi 23 novembre 1999, à dix-sept heures.
Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, portant ratification des ordonnances n° 98-580 du 8 juillet 1998, n° 98-582 du 8 juillet 1998, n° 98-728 du 20 août 1998, n° 98-729 du 20 août 1998, n° 98-730 du 20 août 1998, n° 98-732 du 20 août 1998, n° 98-774 du 2 septembre 1998 prises en application de la loi n° 98-145 du 6 mars 1998 portant habilitation du Gouvernement à prendre, par ordonnances, les mesures législatives nécessaires à l'actualisation et à l'adaptation du droit applicable outre-mer (n° 421, 1998-1999) :
Délai limite pour le dépôt des amendements : mardi 23 novembre 1999, à dix-sept heures.
Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, portant ratification des ordonnances n° 98-524 du 24 juin 1998, n° 98-525 du 24 juin 1998, n° 98-581 du 8 juillet 1998, n° 98-775 du 2 septembre 1998 prises en application de la loi n° 98-145 du 6 mars 1998 portant habilitation du Gouvernement à prendre, par ordonnances, les mesures législatives nécessaires à l'actualisation et à l'adaptation du droit applicable outre-mer (n° 422, 1998-1999) :
Délai limite pour le dépôt des amendements : mardi 23 novembre 1999, à dix-sept heures.
Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, portant ratification des ordonnances n° 98-520 du 24 juin 1998, n° 98-521 du 24 juin 1998, n° 98-523 du 24 juin 1998, n° 98-526 du 24 juin 1998, n° 98-776 du 2 septembre 1998, n° 98-777 du 2 septembre 1998 prises en application de la loi n° 98-145 du 6 mars 1998 portant habilitation du Gouvernement à prendre, par ordonnances, les mesures législatives nécessaires à l'actualisation et à l'adaptation du droit applicable outre-mer (n° 423, 1998-1999) :
Délai limite pour le dépôt des amendements : mardi 23 novembre 1999, à dix-sept heures.
Personne ne demande la parole ?...
La séance est levée.

(La séance est levée le jeudi 18 novembre 1999, à zéro heure vingt-cinq.)

Le Directeur
du service du compte rendu intégral,
DOMINIQUE PLANCHON





NOMINATION DE RAPPORTEURS
COMMISSION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES

M. Louis Althapé a été nommé rapporteur de la proposition de loi n° 497 (1998-1999) de M. Daniel Eckenspieller relative aux enquêtes publiques et modifiant la loi n° 83-630 du 12 juillet 1983 relative à la démocratisation des enquêtes publiques et à la protection de l'environnement.

COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES,
DE LA DÉFENSE ET DES FORCES ARMÉES

M. Robert Del Picchia a été nommé rapporteur du projet de loi n° 48 (1999-2000) autorisant la ratification du protocole, établi sur la base de l'article K. 3 du traité sur l'Union européenne, relatif au champ d'application du blanchiment de revenus dans la convention sur l'emploi de l'informatique dans le domaine des douanes et à l'inclusion du numéro d'immatriculation du moyen de transport dans la convention.
M. Robert Del Picchia a été nommé rapporteur du projet de loi n° 49 (1999-2000) autorisant la ratification de la convention, établie sur la base de l'article K. 3 du traité sur l'Union européenne, sur l'emploi de l'informatique dans le domaine des douanes.
M. Robert Del Picchia a été nommé rapporteur du projet de loi n° 50 (1999-2000) autorisant la ratification du protocole, établi sur la base de l'article K. 3 du traité sur l'Union européenne, concernant l'interprétation, à titre préjudiciel, par la Cour de justice des Communautés européennes, de la convention sur l'emploi de l'informatique dans le domaine des douanes.
M. Robert Del Picchia a été nommé rapporteur du projet de loi n° 51 (1999-2000) autorisant la ratification de l'accord relatif à l'application provisoire entre certains Etats membres de l'Union européenne de la convention, établie sur la base de l'article K. 3 du traité sur l'Union européenne, sur l'emploi de l'informatique dans le domaine des douanes.

COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES

M. Jean Chérioux a été nommé rapporteur de sa proposition de loi n° 52 (1999-2000) tendant à favoriser le développement de l'actionnariat salarié.

COMMISSION DES FINANCES

M. Michel Mercier a été nommé rapporteur du projet de loi n° 56 (1999-2000), adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, modifiant le code général des collectivités territoriales et relatif à la prise en compte du recensement général de la population de 1999 pour la répartition des dotations de l'Etat aux collectivités locales.

ORGANISMES EXTRAPARLEMENTAIRES
COMITÉ CONSULTATIF DE L'UTILISATION DE L'ÉNERGIE

Lors de sa séance du 17 novembre 1999, le Sénat a reconduit M. Henri Revol dans ses fonctions de membre du comité consultatif de l'utilisation de l'énergie.

CONSEIL D'ADMINISTRATION DE L'AGENCE
POUR L'ENSEIGNEMENT FRANÇAIS À L'ÉTRANGER

Lors de sa séance du 17 novembre 1999, le Sénat a reconduit M. Paul d'Ornano dans ses fonctions de membre du conseil d'administration de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger.

COMMISSION CENTRALE DE CLASSEMENT
DES DÉBITS DE TABAC

Lors de sa séance du 17 novembre 1999, le Sénat a reconduit M. Auguste Cazalet dans ses fonctions de membre de la commission centrale de classement des débits de tabac.

NOMINATION D'UN MEMBRE
D'UNE COMMISSION PERMANENTE

Dans sa séance du mercredi 17 novembre 1999, le Sénat a nommé M. Jean-Pierre Vial membre de la commission des affaires sociales, en remplacement de M. Simon Loueckhote, démissionnaire.



Le Directeur du service du compte rendu intégral, DOMINIQUE PLANCHON QUESTIONS ORALES REMISES À LA PRÉSIDENCE DU SÉNAT (Application des articles 76 à 78 du réglement)


Remboursement des traitements
des maladies orphelines

655. - 17 novembre 1999. - M. Francis Grignon attire l'attention de Mme le secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale sur le remboursement des traitements de certaines maladies dites orphelines. En effet, la maladie de Biermer, maladie génétique grave et orpheline peut être soignée par des injections régulières de vitamines B 12. Or ce traitement n'est nullement remboursé par la sécurité sociale. Il lui demande donc si, dans ce type de cas, qui ne doit être le seul, il ne serait pas envisageable de prévoir un remboursement par la sécurité sociale, remboursement qui serait ainsi fonction de la pathologie et non du médicament.

Contribution représentative du droit de bail
sur les locations de chasse en Alsace-Moselle

656. - 17 novembre 1999. - M. Francis Grignon attire l'attention de M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie sur les conséquences de l'article 12 de la loi de finances rectificative pour 1998 n° 98-1267 du 30 décembre 1998 remplaçant les droits d'enseignement à la charge des locataires par une contribution annuelle représentative du droit de bail à la charge quant à elle des bailleurs. Alors que le droit de bail était traditionnellement payé directement par le locataire de la chasse, la commune doit désormais acquitter la nouvelle contribution puis la récupérer auprès du locataire. Cette mesure soulève un certain nombre de difficultés dans le cas des locations de chasse par les communes d'Alsace et de Moselle. En effet, ces dispositions ne trouvent pas une application satisfaisante du fait des dispositions particulière du droit local, car les communes d'Alsace et de Moselle gèrent la chasse pour le compte des propriétaires fonciers. De plus, ces nouvelles dispositions créent un échelon supplémentaire dans la perception de la contribution, ce qui a pour effet de transférer la responsabilité de la déclaration et du paiement de la contribution à la commune. Ainsi, la mise en oeuvre de cette contribution impose aux communes des procédures supplémentaires, ce qui ne va pas dans le sens d'une simplification administrative. Il lui demande donc s'il ne serait pas envisageable de revenir à la situation antérieure d'un droit payé directement par les locataires de la chasse.