Séance du 18 novembre 1999







M. le président. « Art. 21. _ Pour la contribution due au titre de l'année 2000, est substitué le taux de 2 % au taux K mentionné dans le tableau figurant à l'article L. 138-10 du code de la sécurité sociale. »
Par amendement n° 31, M. Descours, au nom de la commission des affaires sociales, propose de supprimer cet article.
La parole est à M. Descours, rapporteur.
M. Charles Descours, rapporteur. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, nous allons essayer les uns et les autres d'être brefs pour essayer d'en terminer avant le dîner.
M. le président. Je vous en remercie.
M. Charles Descours, rapporteur. Nous avons été sensibles à vos sollicitations, monsieur le président.
Toutefois, je commence mal car le premier amendement que je présente nécessite un exposé assez long. En effet, l'article 21 pose un problème constitutionnel.
L'article 31 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 1999 a institué un mécanisme de régulation des dépenses pharmaceutiques reposant, à titre principal, sur des conventions conclues par les entreprises avec le comité économique du médicament et, pour les entreprises non conventionnées, sur une taxe sur le chiffre d'affaires prévue par l'article L. 138-10 dudit code.
Cette taxe est déclenchée, pour ces entreprises, lorsque le chiffre d'affaires hors taxes réalisé en France par l'ensemble des entreprises non conventionnées sur l'exploitation de médicaments remboursables a progressé d'un taux supérieur à celui de l'ONDAM.
Il n'est point besoin de revenir, cette année, sur les arguments que nous avions développés l'an dernier pour critiquer les effets de seuil massifs caractérisant ce mode de taxation automatique, mais nous devons constater que ce mécanisme de taxation, qui avait été présenté par le Gouvernement comme un mode de régulation pérenne de l'évolution des dépenses pharmaceutiques, fait l'objet, avant même d'avoir été appliqué au titre de 1999, d'un projet de modification. Mieux vaut tard que jamais ! Le présent article substitue, pour l'an 2000, le taux de 2 % à la référence au taux de progression de l'ONDAM pour déclencher le mécanisme de taxation.
Si l'article L. 138-10 avait été appliqué sans modification pour 2000, le taux retenu aurait été celui de 4,5 %, l'ONDAM proposé par l'article 28 du présent projet de loi progressant de 4,5 % par rapport à l'ONDAM adopté l'an dernier par le Parlement, avant les opérations de rebasage.
La commission estime que cet article est contraire aux dispositions de l'article L.O. 111-3, tel qu'il est issu de la loi organique n° 96-646 du 22 juillet 1996.
En effet, aux termes de cet article, « chaque année, la loi de financement de la sécurité sociale :
« 1° Approuve les orientations de la politique de santé et de sécurité sociale et les objectifs qui déterminent les conditions générales de l'équilibre financier de la sécurité sociale ;
« 2° Prévoit, par catégorie, les recettes de l'ensemble des régimes obligatoires de base et des organismes créés pour concourir à leur financement ;
« 3° Fixe, par branche, les objectifs de dépenses de l'ensemble des régimes obligatoires de base comptant plus de 20 000 cotisants actifs ou retraités titulaires de droits propres ;
« 4° Fixe, pour l'ensemble des régimes obligatoires de base, l'objectif national de dépenses d'assurance maladie ;
« 5° Fixe, pour chacun des régimes obligatoires de base visés au 3° ou des organismes ayant pour mission de concourir à leur financement qui peuvent légalement recourir à des ressources non permanentes, les limites dans lesquelles ces besoins de trésorerie peuvent être couverts par de telles ressources. »
Certes, ces dispositions ne sont pas limitatives, les lois de financement pouvant comporter, aux termes du paragraphe III de l'article L.O. 111-3 du code de la sécurité sociale, « des dispositions affectant directement l'équilibre financier des régimes obligatoires de base ou améliorant le contrôle du Parlement sur l'application des lois de financement de la sécurité sociale ».
On pourrait soutenir que, en définissant un objectif national de dépenses pharmaceutiques de 2 % pour 2000, l'article 21 constitue une disposition « affectant directement l'équilibre financier des régimes obligatoires de base » : une telle assertion ne pourrait être contestée, la fixation d'un taux spécifique de 2 % pour le médicament, au lieu des 4,5 % retenus par l'article 28 du projet de loi, devant même avoir un impact positif sur les finances sociales.
Cependant, la fixation d'un objectif spécifique de dépenses est contraire aux dispositions du 4° de l'article L.O. 111-3, qui ne prévoit qu'un « objectif national de dépenses d'assurance maladie pour l'ensemble des régimes de base ».
La commission estime qu'est inopérante l'argumentation relative à l'impact sur l'équilibre financier.
En effet, ce n'est pas parce que, par exemple, la prévision de recettes par catégorie pour chacun des régimes de base - au lieu de l'ensemble des régimes - améliorerait l'information du Parlement qu'elle serait conforme aux dispositions du 2° de l'article L.O. 111-3.
Ce n'est pas non plus parce qu'elle aurait un impact sur l'équilibre financier de la sécurité sociale que la fixation d'objectifs de dépenses par prestation - au lieu d'objectifs par branche - serait conforme aux dispositions du 3° du même article.
Ce n'est donc pas non plus parce qu'elle a un impact sur l'équilibre que la fixation d'un « ONDAM-médicament » à laquelle procède cet article est conforme aux dispositions du 4° de l'article précité.
Vous nous direz peut-être, madame le ministre, que cet article prévoit un objectif non pas pour le secteur du médicament mais pour les seules entreprises non conventionnées. Nous estimons que cet argument est également inopérant.
En effet, ce qui vaut pour le « secteur » du médicament vaut aussi pour les « sous-secteurs » : la loi organique n'a prévu qu'un ONDAM, et donc pas d'ONDAM-médicament, a fortiori, pas d'ONDAM sous-sectoriel au sein du poste de dépenses consacrées au médicament.
En outre, les conventions individuelles, à la différence de la taxe, ne sont pas obligatoires pour les laboratoires. Si les entreprises signent des conventions, c'est précisément pour ne pas payer cette taxe. L'objectif que vous définissez par cet article est bien un objectif qui concerne toutes les entreprises, lesquelles seront d'autant plus incitées à signer des conventions que le taux spécifique défini par cet article sera peu élevé.
La commission comprend l'intérêt de l'engagement politique que traduit, pour le Gouvernement, la publication de taux sectoriels. Mais elle estime que l'opportunité du vote de ces taux sectoriels doit être discutée par le législateur organique et ne saurait donc être décidée presque en catimini pour un secteur et une seule année dans le cadre d'une loi « ordinaire », fût-elle de financement de la sécurité sociale.
La commission vous propose donc, mes chers collègues, de supprimer cet article qu'elle estime contraire à la loi organique. Si mon argumentation a été aussi longue, c'est évidemment en vue d'une argumentation devant le Conseil constitutionnel.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Le Gouvernement n'est pas favorable à cet amendement.
Comme l'a dit lui-même M. le rapporteur, il s'agit de fixer non un taux d'évolution pour le médicament mais le taux à partir duquel se déclenchera la taxe, taxe qui, entre parenthèses, avait déjà été prévue l'année dernière sans être considérée comme contraire à la Constitution.
Il s'agit tout simplement de tirer les conséquences du rebasage comme définition.
En ce qui concerne l'industrie pharmaceutique, je veux rappeler que, si les dépenses de l'assurance maladie liées aux médicaments augmentent l'année prochaine de 2 %, comme le prévoit cet article, elles auront augmenté d'environ 16 % sur trois ans. On comprend donc que nous souhaitions que la clause de sauvegarde s'applique l'année prochaine comme elle s'appliquera cette année.
Je continue à ne pas comprendre comment on peut s'élever contre le dépassement de l'ONDAM et ne pas accepter que ceux qui dépassent les objectifs fixés par le Parlement de manière générale puissent en subir un certain nombre de conséquences, et ce d'autant plus que nous sommes engagés, avec le syndicat national de l'industrie pharmaceutique ainsi qu'avec les grands laboratoires, dans une politique conventionnelle, qui me réjouit et grâce à laquelle nous mettons en place une politique tout à fait ambitieuse et claire du médicament.
M. Charles Descours, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Descours, rapporteur.
M. Charles Descours, rapporteur. La question que nous nous posons est la suivante : qu'est-ce qu'un objectif sectoriel de dépenses si ce n'est un taux au-delà duquel se déclenchent les mécanismes régulateurs ? On ne va pas poursuivre la discussion, le Conseil constitutionnel tranchera.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Il a déjà tranché.
M. Charles Descours, rapporteur. Si nous perdons, nous l'accepterons ; cela nous est déjà arrivé !
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. C'est vrai !
M. Charles Descours, rapporteur. Mais nous avons parfois gagné !
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 31.
M. Emmanuel Hamel. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Hamel.
M. Emmanuel Hamel. Je veux rendre hommage à Mme la ministre pour avoir enrichi la langue française d'un nouveau terme : « rebasage ». Bravo, madame ! (Sourires.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 31, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'article 21 est supprimé.

Article 22