Séance du 18 novembre 1999







M. le président. « Art. 26. - L'article 41 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 1999 (n° 98-1194 du 23 décembre 1998) est ainsi modifié :
« I. - Dans le premier alinéa du I, après les mots : "des établissements de fabrication de matériaux contenant de l'amiante," sont insérés les mots : "des établissements de flocage et de calorifugeage à l'amiante ou de construction et de réparation navales,".
« I bis. - Dans le deuxième alinéa du I, après les mots : "où y étaient fabriqués", sont insérés les mots : "ou traités l'amiante ou".
« II. - Après le troisième alinéa du I, il est inséré quatre alinéas ainsi rédigés :
« 3° S'agissant des salariés de la construction et de la réparation navales, avoir exercé un métier figurant sur une liste fixée par arrêté conjoint des ministres chargés du travail, de la sécurité sociale et du budget.
« Le bénéfice de l'allocation de cessation anticipée d'activité est ouvert aux ouvriers dockers professionnels sous réserve qu'ils cessent toute activité professionnelle, lorsqu'ils remplissent les conditions suivantes :
« 1° Travailler ou avoir travaillé, au cours d'une période déterminée, dans un port au cours d'une période pendant laquelle étaient manipulés des sacs d'amiante ; la liste de ces ports et, pour chaque port, de la période considérée est fixée par arrêté conjoint des ministres chargés du travail, de la sécurité sociale, des transports et du budget ;
« 2° Avoir atteint un âge déterminé qui pourra varier en fonction de la durée du travail dans le port sans pouvoir être inférieur à cinquante ans. »
« III. - Le dernier alinéa du I est complété par les mots : "ni avec une allocation de préretraite ou de cessation anticipée d'activité".
« IV. - La première phrase du premier alinéa du II est ainsi rédigée :
« Le montant de l'allocation est calculé en fonction de la moyenne actualisée des salaires mensuels bruts des douze derniers mois d'activité salariée du bénéficiaire pour lesquels ne sont pas prises en compte, dans des conditions prévues par décret, certaines périodes d'activité donnant lieu à rémunération réduite. »
La parole est à Mme Beaudeau.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Le mardi 9 novembre, en commission des finances, à la suite d'une de mes interrogations, vous m'avez répondu que la reconnaissance des maladies professionnelles « faisait l'objet d'une sous-estimation récurrente et que ces affections étaient trop souvent prises en charge par l'assurance maladie ». Vous avez évidemment totalement raison, et le projet de budget que vous présentez le confirme.
Je me plais cependant à souligner que les mesures prévues par le projet de loi et les deux articles votés à l'Assemblée nationale par voie d'amendement sont positifs, qu'il s'agisse de la prolongation à trois ans du délai de dépôt de dossier de l'allocation pour la retraite des travailleurs de l'amiante, de l'extension aux établissements de flocage et de calorifugeage de la notion de responsabilité de la maladie, de l'extension de la notion de risque pour les salariés de la construction et de la réparation navale, ou encore du bénéfice ouvert aux dockers d'une allocation de cessation d'activité. C'était l'objet de l'article 26. Un autre article introduit par l'Assemblée nationale visait la prise en compte des accidents successifs pour le calcul de l'indemnisation.
Vous reconnaîtrez toutefois volontiers que la politique de santé publique en France n'intègre pas suffisamment et valablement la prévention, le traitement, la réparation et l'indemnisation de la maladie professionnelle et de l'accident du travail. Le fait que ce thème ait été non pas retenu, mais ajouté lors des états généraux sur la santé est d'ailleurs significatif. Il a fallu la vigilance de certains d'entre nous pour que ces sujets fassent l'objet d'un réel débat.
La programmation de 53 milliards de francs pour le coût de la réparation est une tarification qui s'inscrit au titre de la prévoyance. Elle ne correspond ni aux réalités ni aux besoins.
Le patronat - cela a déjà été dit hier - triche sur les lieux du travail. Non content de freiner les déclarations, il empêche les arrêts de travail pour accidents et bloque par des arguties juridiques la reconnaissance de la maladie ou de l'accident pourtant scientifiquement établie. La question se pose : quel montant faudrait-il inscrire ?
Notre collègue M. Fischer a avancé hier soir un chiffre, mais il s'agit là d'une analyse que je qualifierai de quantitative car, sur le plan qualitatif, nous sommes loin d'avoir épuisé toutes les pistes de recherche.
A votre demande, madame la ministre, une mission a été confiée à l'IGAS. Son rapport, rendu public cet été, est sans appel : il confirme la toxicité des éthers de glycol. Nous attendons donc une interdiction réelle de la fabrication de ce produit.
Nous attendons également une procédure permettant la reconnaissance des victimes déjà contaminées, et nous attendons beaucoup plus : nous souhaitons que soient sanctionnés ceux qui, comme à l'INRS, l'Institut national de recherche et de sécurité pour la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles, cherchent à masquer les conclusions d'une étude épidémiologique.
Mais nous aurons certainement l'occasion de revenir sur cette question puisque vous nous annoncez une réforme de la médecine du travail !
Nous avons eu l'expérience de l'amiante, puis celle de l'aluminium, et aujourd'hui celle des éthers de glycol. D'autres, malheureusement, suivront, car le patronat s'oppose à la reconnaissance de nouvelles maladies professionnelles.
Pour combattre cette opposition - et je sais que vous partagez notre combat - nous devons travailler avec tous les organismes publics pour faire émerger l'existence de toutes ces maladies professionnelles, dont la liste définitive est loin d'être établie.
Il reste beaucoup à faire, vous le savez, même si, les statistiques étant peu nombreuses, nous ne disposons que de peu d'indicateurs de qualité pour couvrir l'ensemble des maladies professionnelles.
Dans ces conditions, il faudrait - et je sais que vous vous y attachez - soutenir les initiatives et les projets de l'unité santé/travail, l'UST, au sein du futur institut de veille sanitaire : cette unité pourrait développer une organisation en réseau de coordination, d'incitation et de synthèse consacrée à la surveillance épidémiologique.
L'UST se pourrait concentrer sur la mise en place d'outils permettant de faciliter la surveillance des risques professionnels et la réalisation de programmes concernant les pathologies, les nuisances et les aspects généraux de la santé au travail présentant une importance particulière.
Je me permets d'insister sur la promotion et le développement de cette unité, qui nécessiterait, selon ses responsables, une cinquantaine de personnes - épidémiologistes, ingénieurs et personnels de soutien - et l'attribution d'un budget de fonctionnement annuel de 50 millions de francs.
Pendant les premières années, le budget de fonctionnement de l'UST pourrait être destiné pour partie à financer les actions internes et, surtout, à soutenir les réseaux externes coordonnés par l'unité.
Madame la ministre, nous souhaiterions vous voir soutenir, promouvoir et financer ce projet élaboré par des chercheurs de l'unité 88 de l'Institut national de la santé et de la recherche médicale, l'INSERM.
Il faudrait que le Gouvernement engage une politique plus résolue dans ce domaine, pour deux raisons : premièrement, les maladies professionnelles se sont accrues de 7,5 % cette année et les accidents de travail de 2,5 %, vous l'avez d'ailleurs souligné dans l'annexe à l'article 1er ; deuxièmement, tous les problèmes de santé sont liés aux conditions de travail, qu'il s'agisse des problèmes d'audition ou de reproduction, des pathologies respiratoires, des problèmes dermatologiques, neurologiques, psychiatriques ou cardio-vasculaires, sans oublier les facteurs psychosociaux au travail.
Lors d'un colloque qui s'est tenu au Sénat le 4 octobre dernier, Mme Dominique Gillot avait reconnu « l'écart toujours important et persistant entre la réalité des maladies causées par le travail et l'indemnisation des victimes », que le rapport Deniel, puis le rapport de Mme Levy-Rosenwald ont contribué à mettre en évidence.
Je sais que ces rapports vous ont confortée, madame la ministre, et que vous avez la résolution d'agir pour faciliter la reconnaissance de ces droits et de ces travailleurs victimes du travail.
Nous avons noté, madame la ministre, que d'autres rendez-vous nous attendent pour l'an 2000 : un projet de loi portant DMOS et une loi de modernisation du système de santé qui inclurait les droits des victimes.
Soyez persuadée, madame la ministre, que nous ne compterons pas nos efforts pour que des avancées, répondant à des situations souvent dramatiques, soient réalisées beaucoup plus vite.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Madame Beaudeau, nous avons effectivement fortement renforcé la protection contre les accidents du travail et les maladies professionnelles ces deux dernières années.
Je ne reviendrai pas sur la réouverture des dossiers, sur la rapidité avec laquelle les caisses doivent répondre, sur l'opposabilité des tarifs ou sur les cinq nouveaux tableaux qui ont été publiés, notamment sur les lombalgies et les dorsalgies, qui étaient attendus depuis des années. D'autres sont d'ailleurs en préparation, vous l'avez dit, et je souhaite simplement le répéter après vous.
En ce qui concerne les éthers de glycol, dès la remise du rapport de l'INSERM, nous avons pris très rapidement un arrêté d'interdiction car certains de ces éthers étaient considérés comme nocifs pour la santé.
Nous pensons comme vous, madame Beaudeau, qu'il faut renforcer l'UST au sein de l'institut de veille sanitaire, qui bénéficiera cette année de moyens humains et financiers renforcés, puisque les mesures nouvelles inscrites dans le budget pour 2000 s'élèvent à 38,5 millions de francs, ce qui porte la subvention de l'Etat à 101 millions de francs.
Cet effort financier permet la création de quarante postes supplémentaires et le financement de nouveaux programmes, parmi lesquels figurent en priorité les travaux engagés par l'UST. Je vous rejoins donc également dans cette nécessité.
Par ailleurs, nous allons rendre public le rapport de l'IGAS sur l'INRS. Je ne peux que redire ce que j'ai dit hier en réponse au groupe communiste républicain et citoyen : à la suite des rapports de M. Deniel et de Mme Levy-Rosenwald, j'ai demandé à cette dernière de poursuivre ses travaux pour que nous puissions mesurer avec une plus grande pertinence l'ampleur des transferts des accidents du travail vers la branche maladie. J'espère que des indicateurs seront disponibles dans les mois qui viennent afin que nous puissions prendre des décisions le plus rapidement possible.
M. le président. Par amendement n° 52 rectifié, M. Descours, au nom de la commission des affaires sociales, propose, dans le quatrième alinéa (1°) du II de l'article 26, après les mots : « sacs d'amiante », d'insérer les mots : « en quantité importante ».
La parole est à M. Descours, rapporteur.
M. Charles Descours, rapporteur. Les amendements que nous avons déposés à l'article 26 ont pour objet d'indemniser convenablement les travailleurs qui ont été en contact avec l'amiante.
Je me réjouis que le prédécesseur de Mme Gillot au secrétariat d'Etat à la santé, M. Hervé Gaymard, ait pris la décision d'interdire l'amiante, ce qui n'avait pas été fait pendant des années et des années, sous beaucoup de gouvernements successifs.
J'en viens à l'amendement n° 52 rectifié : s'agissant des dockers, un décret doit fixer les ports et les périodes dans lesquels ont été manipulés des sacs d'amiante, par opposition au chargement et au déchargement en containers qui se sont généralisés au cours de ces dernières années. Il semble utile de préciser que ces opérations devaient se faire « en quantité importante », afin que la loi ne vise que les ports par lesquels transitait une part significative des exportations et des importations d'amiante en France. Cela évitera peut-être des contentieux !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Je me réjouis que mon prédécesseur ait interdit l'amiante. Il était en effet temps, comme l'a dit M. le rapporteur !
En ce qui concerne la reconnaissance des maladies liées à l'amiante, il était aussi temps de faire quelque chose. C'est ce que nous avons fait : l'année dernière, nous avons ainsi prévu une cessation d'activité pour les salariés qui ont fabriqué de l'amiante et je m'étais engagée, après une étude avec les experts et les entreprises concernées, à compléter la liste des personnels impliqués en visant les salariés ayant travaillé l'amiante dans des conditions pouvant entraîner des maladies. Nous le faisons aujourd'hui en étendant cette liste aux entreprises de calorifugeage et de flocage, mais aussi aux salariés qui ont manipulé des sacs d'amiante dans des ports.
Monsieur le rapporteur, loin de permettre une limitation des contentieux, parler de manipulation « en quantité importante » de l'amiante n'apparaît pas particulièrement utile, cela a été démontré abondamment ces dernières années. C'est d'ailleurs pourquoi la loi de 1976 n'évoquait que certaines poussières d'amiante dans l'air, car on croyait alors qu'il suffisait d'avoir été au contact de peu d'amiante pour ne pas être atteint.
Nous savons maintenant - vous venez de l'évoquer en rappelant la décision de M. Gaymard - que le fait d'avoir travaillé au contact de petites quantités d'amiante peut entraîner des maladies très graves dans la mesure où elle a été inspirée.
Ce sont les signes mêmes de la maladie qui sont pris en compte. Il est donc important que les dockers qui ont travaillé au déchargement de ce produit dans les trois ports français dans lesquels il a transité puissent effectivement bénéficier d'une préretraite - nous leur devons bien cela - avant qu'il ne soit trop tard car, pour un grand nombre d'entre eux, la maladie est dans un stade très avancé.
M. Charles Descours, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Descours, rapporteur.
M. Charles Descours, rapporteur. Dans la mesure où Mme la ministre nous dit que seuls trois ports sont concernés, je retire l'amendement, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 52 rectifié est retiré.
Par amendement n° 83, M. Autain, Mme Dieulangard, MM. Chabroux, Domeizel, Mme Printz, M. Cazeaux et les membres du groupe socialiste et apparentés proposent, après le II de l'article 26, d'insérer un paragraphe additionnel ainsi rédigé :
« ... - Dans l'avant-dernier alinéa du I, après les mots : "provoqués par l'amiante", sont insérés les mots : ", notamment l'épaississement de la plèvre viscérale,". »
La parole est à M. Autain.
M. François Autain Cet amendement nous donne l'occasion de corriger ce que nous considérons comme une anomalie dans la rédaction actuelle des textes législatifs et réglementaires, car sont actuellement écartées les affections professionnelles consécutives à l'inhalation de poussière d'amiante, qui se caractérisent notamment par des épaississements pleuraux bilatéraux, avec ou sans irrégularité. Ces affections se trouvent regroupées au paragraphe B du tableau 30 des maladies professionnelles du régime général.
Il faut savoir que la plupart des victimes de l'amiante ont contracté dans un premier temps l'une des affections inscrites dans ce paragraphe. Telle est, en tout cas, la constatation dont a fait état l'ANDEVA, l'association qui regroupe l'ensemble des malades touchés par l'amiante, dont j'ai rencontré les représentants.
J'ajoute que, malgré les nouvelles dipositions de l'article 26 - dont je me réjouis -, qui étendent aux travailleurs d'un plus grand nombre d'établissements et d'entreprises la possibilité de bénéficier d'un départ anticipé, les porteurs des affections figurant au paragraphe B du tableau 30 qui n'ont pas la « chance » d'être employés dans les entreprises concernées ne pourront pas bénéficier de cette cessation anticipée d'activité.
C'est une raison supplémentaire pour demander que les maladies regroupées sous ce paragraphe B soient prises en compte.
Enfin, je souhaite poser deux questions à Mme la ministre.
Tout d'abord, dans l'article 41 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 1999, modifié par l'article 26 du présent projet, sont visés « des établissements de flocage et de calorifugeage à l'amiante ou de construction et de réparation navales ». Les établissements sous-traitants sont-ils également inclus dans cette définition ? Cette précision, en effet, ne figure pas explicitement dans le texte.
Ensuite, pouvez-vous nous dire quelques mots de la liste des métiers ouvrant droit à un certain nombre d'avantages ? En effet, selon l'ANDEVA, le Gouvernement prépare une liste limitative de dix-neuf professions pour la cessation anticipée d'activité dans la construction navale, alors que trente-sept, selon l'association, sont concernées.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Charles Descours, rapporteur. S'agissant d'un amendement très technique, le chirurgien thoracique que je suis s'avoue incompétent ; il attend donc que Mme le ministre prenne son pleuroscope et nous donne son avis sur l'épaississement de la plèvre viscérale. (Sourires.)
M. François Autain. Je suis généraliste. C'est la supériorité que j'ai sur vous !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Je tiens à rassurer M. Autain : tous les établissements sont concernés, et un établissement sous-traitant est un établissement, bien évidemment.
Depuis l'année dernière, nous avons fait un travail de recensement, notamment avec l'ANDEVA mais aussi avec les organisations syndicales et patronales, les directions régionales du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle et les caisses régionales d'assurance maladie. Nous disposons ainsi aujourd'hui d'une liste d'établissements assez complète et d'une liste des métiers qui ont conduit certains salariés à être en lien avec l'amiante.
Dans certains cas, ces personnels n'ont pas travaillé à la production. En effet, quand, dans un établissement, des individus employés dans un secrétariat étaient en lien ouvert avec un atelier, nous avons considéré qu'ils devaient, parce qu'ils avaient pu être en contact avec des poussières d'amiante, être concernés par la mesure que nous avons prise.
Nous avons donc eu une vision large s'appuyant sur la pratique qui existait dans les établissements.
J'ajoute qu'à tout moment une association - celle dont vous parlez ne s'en prive pas, et elle a raison ! - peut nous signaler des cas complémentaires nous permettant de compléter la liste, comme nous l'avons fait, l'année dernière, s'agissant d'entreprises fabriquant de l'amiante : deux établissements qui avaient disparu - comme beaucoup d'autres, d'ailleurs - nous ont été signalés, et nous avons effectivement pu constater que certains ateliers devaient être ajoutés à la liste, ce qui a été fait. Donc, l'arrêté peut évoluer chaque fois qu'une enquête se révèle positive, si je puis dire.
Vous le savez, nous avons beaucoup travaillé sur les affections liées à l'amiante.
L'amendement tend, par ailleurs, à élargir la mesure aux personnes reconnues atteintes de lésions pleurales bénignes. Les experts médicaux les plus éminents sont unanimes pour considérer que cette pathologie ne constitue pas une lésion aux conséquences fortement invalidantes. D'abord, on peut avoir ces lésions pleurales sans avoir été en contact avec l'amiante, pour d'autres causes. En outre, ces lésions pleurales n'ont pas pour conséquence obligatoire - heureusement ! - une accélération de la maladie qui entraîne une maladie invalidante comme celle que nous voulons toucher.
Ces plaques pleurales ne constituent pas le stade initial d'une maladie grave - cela a été dit et prouvé. D'ailleurs, toutes les autorités médicales qui ont participé à la conférence de consensus, réunie pour ce faire, notamment le président de cette conférence, le professeur Fournier, pneumologue, mais aussi président de la société de pneumologie française, le professeur Got, que nous avions chargé, avec Bernard Kouchner, de nous faire le rapport sur la gestion du risque et les problèmes de santé publique posés par l'amiante, le professeur Chailleux, pneumologue au CHU de Nantes, sollicité en qualité d'expert de ces maladies, ont considéré, s'agissant des plaques pleurales, que : « Leur présence ne semble pas indiquer un niveau d'exposition particulier, ni constituer un facteur de risque supplémentaire d'asbestose, de cancer broncho-pulmonaire ou de mésothéliome. Leur évolutivité est lente ou nulle. »
Donc, lorsqu'une personne reconnue initialement atteinte de plaques pleurales présente un taux d'incapacité inférieur à 10 %, elle n'est pas touchée. Si ce taux est supérieur à 10 %, cela signifie qu'elle a développé une autre maladie qui, par définition, la fait entrer dans le champ, et donc bénéficier de ces dispositions.
A cette question qui, à l'évidence, méritait d'être posée, puisque les experts les plus éminents se la sont posée, la réponse est donc claire. Aussi, compte tenu de ces explications, je serais très heureuse que M. Autain retire l'amendement.
M. le président. Quel est maintenant l'avis de la commission ?
M. Charles Descours, rapporteur. L'exposé de Mme le ministre m'a permis de me recycler dans un domaine que j'avais quelque peu oublié depuis seize ans que je siège au Parlement ! (Sourires.)
Je suis heureux d'entendre tous ces honorables collègues nous dire qu'il y a des plaques pleurales sur la plèvre viscérale qui sont bénignes et qui n'évoluent pas.
Je serais très ennuyé d'avoir à émettre un avis défavorable. Compte tenu de la réponse très claire de Mme le ministre, il m'apparaît effectivement que M. Autain devrait retirer l'amendement.
M. le président. Acceptez-vous de retirer l'amendement, monsieur Autain ?
M. François Autain. Il m'est difficile de résister à une pression conjointe de Mme le ministre et de M. le rapporteur, d'autant que les explications de Mme le ministre ont été très satisfaisantes.
Par conséquent, je retire l'amendement.
M. Emmanuel Hamel. C'est un hommage à la clarté de la réponse de Mme le ministre !
M. le président. L'amendement n° 83 est retiré.
Par amendement n° 53, M. Descours, au nom de la commission des affaires sociales, propose, dans le texte présenté par le IV de l'article 26 pour la première phrase du premier alinéa du II de l'article 4 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 1999, après les mots : « ne sont pas prises en compte », d'insérer les mots : « ou sont compensées ».
La parole est à M. Descours, rapporteur.
M. Charles Descours, rapporteur. Cet amendement vise à corriger une situation douloureuse et absolument paradoxale dans le dispositif du fonds de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante.
Certains travailleurs, prématurément touchés par une maladie reconnue comme étant liée à l'amiante, bénéficient d'une pension d'invalidité modeste et ont dû continuer à travailler à temps partiel, parfois durant plusieurs années, pour assurer des revenus décents à leur famille.
L'allocation de préretraite du fonds, calculée sur le salaire à niveau réduit des douze derniers mois d'activité, n'assure donc pas aux intéressés un niveau de vie suffisant, d'autant qu'elle n'est pas compatible avec le maintien de la pension d'invalidité.
Des salariés victimes de l'amiante sont donc paradoxalement obligés de continuer à travailler malgré la création de ce fonds. Pour cette catégorie de travailleurs, il nous semble nécessaire d'autoriser le Gouvernement, par décret, à ajouter le montant de la pension d'invalidité aux revenus d'activité à temps partiel pour déterminer des revenus de base décents pour le calcul de la pension de préretraite.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Nous avons déjà prévu dans le texte la neutralisation des périodes qui ont donné lieu à rémunération réduite. Il n'y a donc pas lieu de prévoir une compensation du salaire de référence afférent à ces mêmes périodes puisqu'elles sont exclues. Nous arrivons d'ailleurs ainsi au même résultat.
Je suis donc défavorable à l'amendement.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 53, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Par amendement n° 54, M. Descours, au nom de la commission des affaires sociales, propose de compléter in fine l'article 26 par deux paragraphes ainsi rédigés :
« V. - Dans la troisième phrase du premier alinéa du III, après les mots : "sont constituées", sont insérés les mots : "à parité".
« VI. - Le paragraphe ci-dessus est applicable à compter de l'exercice 2000. »
La parole est à M. Descours, rapporteur.
M. Charles Descours, rapporteur. Cet amendement de précision concerne les modalités de financement du fonds pour les victimes de l'amiante.
Actuellement, il est précisé que ce fonds est financé par une contribution de l'Etat et par un versement de la branche accidents du travail ; nous proposons de préciser que le financement doit être effectué à parité par les deux.
Je rappelle que le fonds est un dispositif nouveau puisqu'il prévoit un mécanisme de préretraite pour les travailleurs ayant été au contact de l'amiante au cours de leur vie professionnelle. Il s'agit donc de l'indemnisation par avance d'un risque potentiel. Tous les salariés qui bénéficient de ce fonds ne sont pas victimes - heureusement - d'une maladie professionnelle à la date à laquelle ils prennent leur retraite anticipée.
Inscrire la parité dans la loi apparaît utile dans la mesure où les dispositions prévues à l'article 26, dont on ne conteste pas la nécessité, entraînent un changement de dimension du fonds, dont le montant devrait augmenter sérieusement.
Actuellement, le Gouvernement est habilité à décider unilatéralement du partage des dépenses. Aucune règle ne s'impose pour prendre l'arrêté de répartition qui fixe la somme due par la branche accidents du travail et par l'Etat.
Le 16 novembre 1998, lorsque le dispositif avait été présenté à l'Assemblée nationale en nouvelle lecture, ce qui est peu habituel, vous aviez indiqué, madame la ministre, que les « allocations seraient versées par un fonds financé à parité par le budget de l'Etat et la sécurité sociale »...
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Non, non !
M. Charles Descours, rapporteur. Si, si !
... « et qu'en 1999 l'Etat prendrait, à titre transitoire, la quasi-totalité des besoins de financement ».
Les principes alors fixés nous semblent toujours excellents.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. L'année dernière, parce qu'il fallait aller vite, et notamment parce que certains salariés étaient atteints de maladies graves, l'Etat a pris en charge la cessation d'activité des travailleurs de l'amiante.
Cette année, le fonds sera alimenté à hauteur de 200 millions de francs par l'Etat et à hauteur de 675 millions de francs par la branche accidents du travail.
Personnellement, je ne souhaite pas qu'il y ait parité entre l'Etat et le budget de la sécurité sociale. Je vois l'intervention dont vous me parlez ; je suis d'autant plus étonnée qu'à l'époque nous discutions avec les représentants du patronat pour créer une cotisation particulière accidents du travail prise en charge par l'ensemble des entreprises.
Il ne me semble en effet pas anormal que les entreprises assument ce qui relève de leur responsabilité, à savoir les conséquences sur la santé d'un certain nombre d'activités.
N'étant pas favorable à la parité entre l'Etat et le budget de la sécurité sociale, je suis, naturellement, défavorable à l'amendement.
M. Charles Descours, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Descours, rapporteur.
M. Charles Descours, rapporteur. Madame la ministre, il s'agit du fonds pour les préretraites.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. J'ai bien compris !
M. Charles Descours, rapporteur. Il ne s'agit donc pas de malades !
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Si, ils sont malades !
M. Charles Descours, rapporteur. Ils ne sont pas tous malades !
Le problème, précisément, c'est que l'on fait comme s'ils étaient tous malades, ce qui n'est pas le cas. Si je vous suis bien - car on sent bien que l'Etat ne va pas rester longtemps dans ce fonds ! - cela signifie que l'Etat ne fera aucun effort même pour ceux qui ont été des travailleurs exposés à l'amiante, qui ne sont pas malades, mais qui bénéficient du dispositif de préretraite. C'est dommage.
Je maintiens donc l'amendement.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. On ne peut pas dire que l'Etat ne fait aucun effort puisque, en 2000, il prend 200 millions de francs à sa charge, à comparer aux 675 millions de francs de la branche accidents du travail, et que, en 1999, il a tout payé.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 54, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article n° 26, modifié.

(L'article 26 est adopté.)

Articles additionnels après l'article 26