Séance du 29 novembre 1999







M. le président. Par amendement n° I-231, MM. Oudin, Braun, Cazalet, Chaumont, Delong, Joyandet, Ostermann et Trégouët proposent d'insérer, après l'article 2 bis, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Dans le premier alinéa du e du 1° du I de l'article 31 du code général des impôts, le taux : "14 %" est remplacé par le taux : "25 %".
« II. - La perte de recettes résultant pour l'Etat de l'application du I ci-dessus est compensée à due concurrence par un relèvement des droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts et par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés à l'article 403 du code général des impôts. »
La parole est à M. Oudin.
M. Jacques Oudin. Cet amendement est favorable aux propriétaires bailleurs dont les revenus tirés d'une location sont les plus taxés. La charge fiscale est lourde par rapport aux risques pris par le propriétaire bailleur. Il convient donc d'augmenter le taux de l'abattement auquel le propriétaire a droit au titre des frais de gestion, qui est insuffisant au regard des frais réels.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. Nous abordons le domaine des revenus fonciers.
Cet amendement a pour objet de relever de 14 % à 25 % la déduction forfaitaire sur les revenus fonciers. Le cas échéant, il serait utile de reprendre cette disposition lors de l'examen de la deuxième partie du présent projet de loi de finances, car il faut réexaminer l'ensemble du dispositif de la fiscalité immobilière.
Il convient de rappeler que le régime de la déduction forfaitaire sur les revenus fonciers a connu de nombreuses modifications au cours des dernières années, la plus récente ayant été le relèvement à 14 % obtenu grâce au Sénat et, si mes souvenirs sont exacts, sur la proposition de M. Alain Lambert, alors rapporteur général.
L'amendement proposé part d'une bonne analyse. Toutefois, des considérations de solde budgétaire nous conduisent à souhaiter que ce point soit réexaminé au titre de la deuxième partie, car le coût est substantiel et ne peut sans doute pas être pris en compte par redéploiement au sein des éléments de recettes et de dépenses qui concourent au solde de l'Etat.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. J'aurais certainement développé avec moins de talent ce que vient de présenter excellemment M. le rapporteur général. Je me range à son avis. Le Gouvernement souhaite le retrait de l'amendement et, si tel n'est pas le cas, son rejet.
M. le président. Monsieur Oudin, l'amendement n° I-231 est-il maintenu ?
M. Jacques Oudin. Je suis très sensible aux arguments présentés par M. le rapporteur général. Je retire donc cet amendement, que je représenterai lors de l'examen de la deuxième partie du projet de loi de finances.
M. le président. L'amendement n° I-231 est retiré.
Par amendement n° I-232, MM. Oudin, Braun, Cazalet, Chaumont, Delong, Joyandet, Ostermann et Trégouët proposent d'insérer, après l'article 2 bis, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Le paragraphe II de l'article 199 terdecies OA du code général des impôts est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Pour les versements réalisés à compter du 1er janvier 2000, les limites mentionnées au premier alinéa sont portées respectivement à 75 000 francs et à 150 000 francs. »
« II. - La perte de recettes résultant pour l'Etat de l'application du I ci-dessus est compensée à due concurrence par un relèvement des droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts et par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés à l'article 403 du code général des impôts. »
La parole est à M. Oudin.
M. Jacques Oudin. Cet amendement a pour objet d'inciter à l'investissement dans les petites et moyennes entreprises en doublant les plafonds de la réduction d'impôt au titre des souscriptions au capital de ces entreprises. Le doublement de ces plafonds, qui seraient portés à 75 000 francs et à 150 000 francs, est très important non pas en valeur absolue mais pour les entreprises concernées.
Cette réduction d'impôt est portée à un niveau identique à celle qui est consentie pour les souscriptions aux parts de fonds communs de placement dans l'innovation, les FCPI.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. Cet amendement est excellent. Il rejoint les travaux que nous avons menés ensemble au sein de la commission des finances au cours de ces derniers mois, et notamment l'une des propositions qui avait été faite lorsque nous examinions le projet de loi sur l'innovation et la recherche. La commission émet bien sûr un avis favorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Là encore, nous sommes devant une disposition dont l'objectif est juste : favoriser l'épargne en direction des petites et moyennes entreprises.
Depuis la loi de finances pour 1998, le Gouvernement a pris des dispositions très importantes dans ce domaine. Je rappelle ici : la création des bons de souscription de parts de créateur d'entreprise, que l'on pourrait qualifier de stock-options pour les créateurs d'entreprise ; le report d'imposition des plus-values en cas de remploi dans une société nouvelle ; la création des contrats d'assurance-vie investis en actions, dont 5 % doivent être investis dans des entreprises non cotées, les contrats « DSK ». Cet effort a été poursuivi : la réduction d'impôt pour investissement dans les PME a été prorogée, le dispositif de déduction des pertes en cas de liquidation de la société a été amélioré.
L'amendement n° I-232 vise à relever les plafonds concernant ces différentes dispositions. Cela serait d'une effcacité médiocre au regard de l'objectif que l'on cherche à atteindre car, aujourd'hui, seule une minorité de contribuables, environ 18 % des souscripteurs, font état de versements égaux ou supérieurs aux plafonds actuels de 37 500 francs et de 75 000 francs.
C'est donc, pour l'essentiel, un effet d'aubaine en faveur de quelques bénéficiaires seulement qui résulterait de votre proposition. Elle ne susciterait pas vraiment de nouvelles souscriptions.
Le dispositif actuel d'encouragement à l'investissement dans les fonds propres des petites et moyennes entreprises est à la fois incitatif et équitable. Il doit connaître un régime de croisière suffisamment stable pour faire ses preuves encore mieux qu'il ne les a faites jusqu'à présent.
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. J'écoute avec beaucoup d'attention M. le secrétaire d'Etat. Chaque mot est pesé et ses propos sont importants. Or, depuis ce matin, il a choisi d'illustrer par divers exemples les moyens que le Gouvernement met en oeuvre pour soutenir la croissance. Vous avez ainsi, monsieur le secrétaire d'Etat, cité la baisse des droits de mutation comme un exemple de soutien à l'activité économique. C'était en effet une bonne politique. Cependant, je n'ai pas trouvé dans la réponse que vous avez donnée à M. Oudin tout à l'heure le même signal s'agissant de la déduction forfaitaire qu'il vous suggérait, alors que cette mesure allait dans la même direction.
Puis, sur ce nouvel amendement - après avoir fait preuve d'un lyrisme que j'ai admiré voilà un instant lorsque, à propos de l'amendement de notre collègue Yvon Collin, vous avez dit à quel point la chair et le sang de l'initiative économique vous préoccupaient - vous n'avez trouvé ni chair ni sang dans ce que M. Oudin vous propose.
Finalement, je ne vois, à travers vos positions sur les propositions qui vous sont faites dans ces deux derniers amendements, aucun écho de ce que vous avez annoncé tout à l'heure comme étant la grande politique du Gouvernement. Je voulais le faire remarquer avant de vous demander si, en « deuxième lecture » de l'amendement, si je puis dire, vous ne devriez pas modifier votre point de vue. Pour être franc, dans votre avis sur cet amendement, je n'ai pas vraiment senti si vous étiez franchement défavorable ou si vous souhaitiez simplement vous en tenir à une forme de sagesse quasi sénatoriale... en espérant que cette formulation ne soit pas déshonorante à vos yeux.
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. J'aurai pu m'en remettre à la sagesse du Sénat quant au fond de cette disposition. Mais je suis résolu à demander son rejet en raison de son coût. La dépense fiscale est trop importante...
M. Philippe Marini, rapporteur général. Et la cagnotte ?
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. ... pour que je puisse me laisser aller à accepter, au nom du Gouvernement, ces dispositions. En effet, les unes après les autres, elles chargent, comme le faisait remarquer in petto tout à l'heure M. Charasse, certains impôts à l'excès pour gager les différentes mesures d'allégement par ailleurs préconisées par le Sénat, ou, comme c'est le cas avec le présent amendement, elles ont un coût prohibitif par rapport à l'effet économique positif attendu.
Aussi, je réitère ma demande de rejet par le Sénat.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° I-232.
M. Jacques Oudin. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Oudin.
M. Jacques Oudin. Je pensais, monsieur le secrétaire d'Etat, que vous écouteriez la voix de la raison, à savoir M. le président de la commission des finances.
Vous avez avancé le dernier argument qu'invoque un ministre des finances en disant : cela va coûter trop cher. Or, cet argument est irrecevable car la disposition proposée vise à dynamiser les petites et moyennes entreprises en leur permettant d'avoir plus de fonds propres et des actionnaires plus actifs en la matière. Il s'agit de leur permettre de croître davantage. Et lorsqu'elles se développent elles paient des impôts à l'Etat. En renonçant à prendre une mesure de dynamisation des entreprises et de l'économie, vous vous privez de rentrées fiscales ultérieures. Ce n'est pas un bon raisonnement !
Bien entendu, vous allez dire : prouvez-nous que cette mesure, qui va coûter cher dans un premier temps, procurera par la suite des rentrées fiscales. J'ai fait un jour une analyse dans mon propre secteur. Nous avions voté des dégrèvements d'impôt en faveur d'entreprises qui s'installaient. Quelques conseillers m'ont alors objecté que cela coûterait cher. Or, il a été facile de leur montrer que nous allions récupérer notre mise en trois ans et que tout le reste représenterait du gain.
Par conséquent, s'il y a un investissement intéressant à faire, monsieur le secrétaire d'Etat, c'est bien de prendre des mesures comme celles-ci.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Très bien !
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° I-232, accepté par la commission et repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi de finances, après l'article 2 bis.

Article 2 ter