Séance du 15 décembre 1999






ACTIVITÉS PHYSIQUES ET SPORTIVES

Adoption des conclusions
d'une commission mixte paritaire

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion des conclusions du rapport (n° 108, 1999-2000) de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi portant diverses mesures relatives à l'organisation d'activités physiques et sportives.
Dans la discussion générale, la parole est à M. le rapporteur.
M. James Bordas, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la commission mixte paritaire, qui s'est réunie le 1er décembre au Palais-Bourbon, est parvenue à un accord sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi portant diverses mesures relatives aux activités physiques et sportives, que nous avions adoptée le 27 octobre dernier.
Mes chers collègues, je crois que nous pouvons être satisfaits des termes de cet accord, qui doit beaucoup, je tiens à le souligner, à l'esprit constructif dont ont fait preuve tous les membres de la commission mixte paritaire et à l'excellent climat dans lequel nous avions travaillé, le rapporteur de l'Assemblée nationale, M. Jean-Claude Beauchaud, et moi-même, pour en préparer les débats.
Bien sûr, madame la ministre, le texte que nous allons adopter aujourd'hui n'est pas parfait. Nous vous avions exprimé, lors des débats au Sénat, nos regrets de devoir examiner dans l'urgence des mesures qui n'étaient pas toutes également urgentes. Nous vous avions aussi fait part de nos interrogations sur l'efficacité de certaines des mesures proposées.
Ces réserves demeurent justifiées. J'ajouterai que la violence même des réactions qu'ont suscitées les positions prises par le Sénat en faveur de la protection des jeunes sportifs, ainsi que les révélations récentes de certains abus, peuvent faire craindre que nous n'ayons pas encore pris toute la mesure des excès auxquels peuvent malheureusement conduire les dérives du « sport-business ».
Cependant, mes chers collègues, je crois pouvoir dire que nous avons bien amélioré le texte. Il me semble en particulier que, sur les dispositions de l'article 7, relatif aux centres de formation, nous ne nous sommes pas contentés d'un simple compromis et que nous avons réellement progressé par rapport aux positions précédemment prises par chaque assemblée.
Avant d'en venir à cet article 7, je passerai rapidement en revue les conclusions auxquelles est parvenue la commission mixte paritaire sur les autres articles qui restaient en discussion. Elles vous sont en effet, mes chers collègues, déjà connues, puisque, sur tous ces articles, la commission mixte paritaire a retenu le texte du Sénat.
Au chapitre Ier, relatif au statut des clubs sportifs professionnels, la commission mixte paritaire a entériné les précisions rédactionnelles et techniques que nous avions apportées aux articles 1er et 2.
Je voudrais à ce propos vous rappeler, madame la ministre, que, pour le Sénat, l'interdiction faite aux sociétés sportives de faire publiquement appel à l'épargne constitue une mesure conservatoire.
Nous n'en avons pas fait une question de principe, car celle-ci nous semble largement tranchée dès lors qu'on admet la gestion à but lucratif des clubs sportifs et qu'on les autorise à distribuer des bénéfices. Nous rouvrirons donc ce dossier l'an prochain et nous essaierons, d'ici là, de réfléchir à ses incidences en termes de protection des épargnants, et de stabilité de l'actionnariat des clubs sportifs.
Au chapitre II, la commission mixte paritaire a également adopté dans le texte du Sénat les articles 6 et 6 bis, relatifs à la protection des sportifs mineurs.
Je me félicite, madame le ministre, que l'adoption de l'article 6 permette désormais d'invoquer la nullité des contrats qui prévoiraient des rémunérations, des indemnités ou avantages divers au profit d'intermédiaires, des clubs ou des parents des sportifs mineurs.
J'ai en effet été informé que certains clubs n'hésitent pas à proposer aux parents de jeunes de treize ans des contrats dits « de préformation », prévoyant le versement d'allocations aux parents et, pour le club, des indemnités aussi substantielles qu'injustifiées si le jeune ou ses parents refusent de signer les contrats ultérieurs qui leur seraient proposés. Notre texte ne sera donc pas inutile.
Je crois que nous avons également eu raison d'étendre aux jeunes sportifs de moins de seize ans, à l'article 6 bis , le régime de blocage des rémunérations applicables aux jeunes artistes et mannequins.
Le texte de la commission mixte paritaire retient également les articles 9 et 10 adoptés par le Sénat, l'un sur l'initiative de nos collègues du groupe socialiste, l'autre sur proposition du Gouvernement. Ces deux articles concourent à une meilleure application de la loi du 23 mars dernier et faciliteront la lutte contre le dopage.
J'en viens enfin à l'article 7. Le texte adopté par la commission mixte paritaire, sur proposition conjointe de ses deux rapporteurs, marque, je l'ai dit, un net progrès, et cela à deux égards. D'une part, il permet de mieux concilier la protection du système de formation et celle des droits des jeunes sportifs. D'autre part, il vous donne, madame la ministre, un droit de regard et de contrôle sur la formation des sportifs professionnels, et cela aussi, c'est important.
Le Sénat a accepté de prévoir dans le texte la mention expresse de l'obligation pour un jeune de conclure son premier contrat professionnel avec son club formateur - premier contrat dont la durée sera expressément limitée à trois ans, et non à quatre ou cinq ans comme actuellement - parce que cette obligation s'inscrit désormais dans un dispositif mieux « balisé » et plus équilibré.
Je noterai d'abord que cette disposition ne pourra être mise en oeuvre que si, d'une part, le centre de formation a été agréé par le ministère et si, d'autre part, le jeune sportif entend poursuivre une carrière professionnelle. Ces deux points sont essentiels, et je note que vous pourrez désormais, madame la ministre, veiller à la qualité de la formation scolaire et professionnelle dispensée dans les centres.
Deuxièmement, les clubs seront tenus d'offrir une aide à l'insertion scolaire ou professionnelle aux jeunes à qui ils ne proposeront pas de contrat en fin de formation. C'est aussi très important pour équilibrer les obligations des deux parties et pour responsabiliser les clubs, qui ont souvent tendance à gonfler à l'excès les effectifs en formation.
Troisièmement, il est expressément prévu que la convention qui sera conclue avant l'entrée en formation devra fixer la durée de celle-ci.
Vous pourrez, je l'espère, madame la ministre, vous appuyer sur cette disposition pour mettre un terme aux pratiques consistant, à travers un enchaînement de contrats, à lier les jeunes pendant une dizaine d'années.
Enfin - cette disposition s'inspire d'ailleurs du texte du Sénat - les clauses de conventions devront, certes, être adaptées aux différentes disciplines sportives, mais elles devront toujours être conformes à des clauses types définies par décret en Conseil d'Etat. Cela aussi nous paraît être une garantie essentielle à laquelle il vous incombera, madame la ministre, de donner une traduction concrète.
La principale faiblesse de ce dispositif demeure, bien sûr, sa portée uniquement nationale, même si je m'associe bien volontiers aux propos du rapporteur à l'Assemblée nationale qui souhaitait qu'il puisse constituer une base de discussion avec nos partenaires européens.
En conclusion, madame la ministre, mes chers collègues, je rappellerai les propos du président de notre commission, M. Adrien Gouteyron, lors de notre débat en première et unique lecture : il avait souligné que la présente proposition de loi ne réglait pas définitivement tous les problèmes, notamment ceux que pose l'évolution du sport professionnel, et qu'elle représentait une petite étape en attendant l'examen d'un texte d'une portée beaucoup plus vaste.
J'espère comme lui, madame la ministre, que nous aborderons, les uns et les autres, ce plus vaste débat dans le même esprit que celui qui nous anime aujourd'hui et c'est avec cet espoir, mes chers collègues, que je vous demande d'adopter les conclusions de la commission mixte paritaire. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Marie-George Buffet, ministre de la jeunesse et des sports. Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, après l'adoption à l'unanimité, en mars dernier, de la loi sur la lutte contre le dopage, un texte législatif sur le sport fait une nouvelle fois l'objet d'un accord entre les deux assemblées en commission mixte paritaire.
Je m'en réjouis, car cet accord n'a rien d'un consensus minimum.
Les mesures préconisées ont donné lieu à un débat de qualité sur des questions tout à fait essentielles, et je tiens à féliciter M. le rapporteur et votre commission pour le travail effectué.
Cette proposition de loi devrait apporter des réponses fortes et conformes à l'éthique du sport.
La première concerne le sport professionnel.
Son existence est une réalité. Son apport à l'activité économique est reconnu. Sa capacité à cultiver l'imaginaire, à créer des vocations sportives est incontestable.
En même temps, nous mesurons les effets désastreux de l'affairisme ou de l'argent facile.
La proposition de loi permet un développement et une gestion transparente des activités économiques liées au sport ; elle contribue à maintenir le secteur professionnel dans l'organisation fédérale.
Tout en refusant l'immobilisme, cette proposition de loi fixe des limites conformes au respect des règles sportives. Elle permet aux clubs professionnels de se doter d'un statut juridique adapté à leur spécificité et à leur diversité.
Si elle crée le statut de société anonyme sportive professionnelle, elle refuse de soumettre le sport à la seule logique de l'argent, en interdisant la cotation en bourse. Ce n'est pas, pour vous comme pour moi, monsieur le rapporteur, une question de principe : c'est à partir de l'expérience que connaissent d'autres pays de l'Union européenne, et peut-être aussi à partir d'une certaine idée du sport, selon laquelle celui-ci ne peut se jouer au CAC 40, que nous avons proposé d'interdire la cotation en bourse. C'est un choix responsable et équilibré.
Le deuxième aspect concerne les subventions des collectivités aux associations et sociétés sportives visées par le texte.
Pour un grand nombre d'élus, la position qui consiste à supprimer totalement cette aide publique, et ainsi à priver une ville, un département, une région de la possibilité de soutenir l'action d'un club professionnel, était devenue une position intenable.
On ne peut à la fois s'inquiéter du risque d'un sport professionnel organisé en circuit privé et fermé et, en même temps, obliger les clubs à trouver la totalité de leur financement dans la sphère privée.
Pour autant, je tiens à le souligner, la mesure préconisée ne consiste pas à rétablir simplement le droit aux subventions publiques.
Vous avez manifesté le souci de déterminer l'affectation de ces fonds publics et de procéder à un contrôle de leur utilisation. Il m'apparaît, à cet égard, tout à fait normal de vous informer des principales indications que contiendra le décret d'application de la loi.
En premier lieu, les subventions des collectivités ne pourront être utilisées à d'autres fins qu'au financement de missions d'intérêt général clairement identifiées.
Il s'agira de la formation des jeunes et de leur insertion professionnelle ; de la participation du club à des actions d'éducation, de solidarité sociale, de lutte contre la violence dans le sport ; de la création d'emplois visant à l'amélioration des conditions d'accueil et de sécurité du public ; de la protection de la santé des sportifs et de la lutte contre le dopage ; enfin, du développement des pratiques sportives associatives, en particulier de l'accès des jeunes filles et des femmes à ces pratiques.
En second lieu, le décret fixera le montant maximal des subventions à partir de la situation actuelle des clubs.
Ces dispositions offriront aux collectivités un levier nouveau dans leurs relations contractuelles avec les clubs.
Ce dispositif est très attendu non seulement par les élus, mais aussi par les clubs, notamment ceux qui ont de faibles budgets. C'est pourquoi nous veillerons à ce que le décret d'application soit publié dans les meilleurs délais.
Le troisième et dernier point est essentiel, puisqu'il concerne la protection des sportifs mineurs et le soutien aux clubs formateurs, point sur lequel vous avez insisté, monsieur le rapporteur.
Là encore, le dispositif retenu en commission mixte paritaire répond à cette double ambition de manière équilibrée, intelligente et novatrice.
Votre assemblée a été particulièrement sensible au respect de la dignité et des intérêts des sportifs mineurs. Je tiens d'ailleurs à saluer l'amélioration apportée par le Sénat sur ce point.
Quant aux dispositions relatives à la formation, elles ont suscité, il est vrai, des débats entre les deux assemblées. Je me réjouis d'autant plus de l'accord qui a pu être trouvé en commission mixte paritaire.
La formation et la qualité des éducateurs sportifs sont l'un des meilleurs atouts du sport français. L'exploit de notre équipe féminine de handball en est l'illustration. Sachons préserver cet acquis !
Il est indispensable de donner aux clubs formateurs les moyens juridiques de résister aux tentatives de pillage de talents dont ils sont l'objet.
La convention qui liera ces clubs aux jeunes sportifs comportera des droits et des devoirs réciproques. La possibilité pour le club d'obtenir le premier contrat professionnel d'un jeune qu'il a formé répond à cet objectif.
En même temps, le texte introduit deux innovations importantes.
D'une part, les jeunes qui ne se verront pas proposer un premier contrat avec le club formateur bénéficieront d'un dispositif d'accompagnement social et d'orientation professionnelle.
D'autre part, tous les centres de formation feront l'objet d'un agrément ministériel qui devra notamment prendre en compte la place et la qualité de la formation générale des jeunes, les conditions d'accueil et d'encadrement, le respect de leurs droits. D'ailleurs, lorsque nous disposerons des conclusions définitives de l'inspection que j'ai diligentée dans les centres de formation, nous en informerons les deux assemblées.
Telles sont, mesdames, messieurs les sénateurs, les raisons qui fondent le soutien du Gouvernement à la proposition de loi qui vous est soumise.
L'ensemble de ces dispositions contribue, monsieur le rapporteur, à une construction européenne positive.
Je peux vous indiquer, à ce propos, que le rapport qui vient d'être élaboré par le président de la Commission, M. Prodi, développe une série d'orientations que nous avons souhaitées et défendues ici à plusieurs reprises.
Il s'agit de la reconnaissance de la spécificité du sport dans l'application des règles économiques concurrentielles.
Je note avec beaucoup d'intérêt que la Commission préconise « une action des autorités publiques nationales afin de sauvegarder les structures actuelles et la fonction sociale du sport ».
Dans ce cadre, la Commission propose « un socle commun » de la politique sportive européenne fondé, notamment, sur l'encadrement de l'acquisition des clubs sportifs par des entités commerciales - ce que nous venons de faire -, sur la lutte contre le commerce de jeunes sportifs - c'est le sens de cette proposition de loi -, sur l'inscription, dans les missions des fédérations, d'une relation structurelle et solidaire entre le sport amateur et le sport professionnel, et sur la redistribution d'une part des droits de télévision, point que nous aborderons dès le mois de février à l'occasion de l'examen d'un projet de loi sur lequel je vous proposerai de travailler.
Comme vous le constatez, le traitement du sport au niveau européen a connu, en deux ans, une évolution importante. Je crois pouvoir dire, sans exagération, que la France a pris une part active à cette évolution, parce que nous aimons le sport lorsqu'il s'identifie au plaisir et à la liberté. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à Mme Luc.
Mme Hélène Luc. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je veux simplement dire quelques mots sur les raisons qui nous conduisent à adopter le texte qui nous est soumis, lequel résulte d'un travail croisé entre nos deux assemblées. Ce travail a été constructif, vous l'avez souligné, monsieur le rapporteur, et je suis en complet accord avec vous.
Lors de son examen en première lecture, nous avons eu l'occasion de nous exprimer sur les orientations de ce texte ; je n'y reviendrai donc pas.
Je me félicite qu'une entente entre notre Haute Assemblée et l'Assemblée nationale ait permis une rédaction de l'article 7 qui donne aux clubs sportifs des garanties dans les formations qu'ils dispenseront, tout en assurant des droits et des devoirs pour les clubs sportifs qui ont bénéficié de cette formation. Cette mesure était attendue par nombre de clubs qui sont, je n'en doute pas, très attentifs à la teneur de nos travaux.
Sans présager le cours des débats à venir, je souhaite qu'à l'instar de la collaboration fructueuse qui fut la nôtre sur ce texte, la réflexion se poursuive lors de l'examen de la future grande loi sur le sport, aussi bien au sein de notre assemblée qu'avec l'Assemblée nationale et vous-même, madame la ministre.
Les valeurs du mouvement sportif, l'éthique du sport, le front commun que nous formons très souvent face à une certaine « marchandisation » de la compétition sportive seront à nouveau, pour nous, l'occasion de transcender ce qui parfois nous sépare et de nous retrouver autour des textes qui nous sont présentés par le ministère de la jeunesse et des sports. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen ainsi que sur les travées socialistes.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion des articles.
Je rappelle que, en application de l'article 42, alinéa 12, du règlement, lorsqu'il examine après l'Assemblée nationale le texte élaboré par la commission mixte paritaire, le Sénat se prononce par un seul vote sur l'ensemble du texte.
Je donne lecture du texte de la commission mixte paritaire :