Séance du 16 décembre 1999







M. le président. Avant de mettre aux voix les conclusions du rapport de la commission, je donne la parole à Mme Bocandé, pour explication de vote.
Mme Annick Bocandé. Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, nous arrivons au terme d'un débat sur l'épargne salariale. En un temps forcément limité, nous avons su, je crois, aborder au fond les différentes questions en suspens sans a priori politicien.
La première question était de savoir dans quelle mesure il fallait améliorer les systèmes existants. En l'occurrence, le Sénat et sa majorité ont fait preuve de responsabilité et de réalisme dans les différentes propositions ayant un impact financier pour l'Etat et les entreprises. La tentation serait grande, pourtant, de céder à la démagogie s'agissant d'une telle proposition de loi.
Or, au niveau de mon groupe parlementaire comme de la commission des affaires sociales, en concertation avec les différents acteurs du système, syndicats et chefs d'entreprise, nous sommes arrivés à la conclusion qu'une réforme efficace doit être, dans un premier temps, relativement ciblée, qu'il s'agisse de la distribution d'actions aux salariés dans des conditions privilégiées à l'occasion d'une augmentation de capital ou de la relance des plans d'actionnariat de la loi de 1973. Cela ne doit pas nous empêcher, évidemment, de réfléchir à des évolutions plus ambitieuses dans l'avenir et, notamment, à une refonte de certains dispositifs redondants ou d'un impact trop limité. J'ai noté à ce sujet un certain consensus.
Notre souci a été également d'éviter de mettre en péril, d'une manière ou d'une autre, un système qui a fait ses preuves, le plan d'épargne d'entreprise, qui permet à près de trois millions de salariés de profiter directement de l'embellie actuelle du marché boursier.
La deuxième question qui nous était posée était de savoir s'il fallait inclure ou non dans le projet sénatorial un volet relativement plus complet sur les options de souscriptions d'actions compte tenu de l'évolution économique. Jean Arthuis et le groupe de l'Union centriste ont jugé que c'était indispensable.
Le Sénat ne pouvait pas laisser dans l'ombre le problème de la fiscalité ou de la transparence des plans d'options par actions, qui se développent de plus en plus en France et à l'étranger. Le débat amorcé sur le projet « Innovation et Recherche » avait fait long feu en toute fin de session en juin dernier.
Je tiens à saluer les propositions de la commission des finances, qui nous ont permis d'approfondir ce débat, bien que, vous le savez, monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, mon groupe aurait souhaité une avancée plus significative.
La troisième et dernière question qui nous était posée était relative à l'indispensable développement de l'actionnariat salarié dans les PME et les PMI.
Cette préoccupation est largement prise en compte dans les propositions du Sénat, que ce soit en cas d'augmentation du capital ou grâce à la mise en place de plans interentreprises.
Pour conclure, je féliciterai notre rapporteur, M. Jean Chérioux, ainsi que les commissions des affaires sociales et des finances pour le travail effectué.
Sous réserve de ces observations, je voterai avec le groupe de l'Union centriste les conclusions de la commission des affaires sociales sur les propositions de loi relatives au développement du partenariat social et de l'actionnariat salarié. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Neuwirth.
M. Lucien Neuwirth. Monsieur le président, madame le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, cosignataire de ce texte tendant à favoriser le développement de l'actionnariat salarié, je veux expliquer notre vote.
Ce texte aurait dû venir en discussion voilà vingt ans. Que de bénéfices communs n'en aurions-nous pas tirés !
M. François Autain. Et pourtant vous étiez au pouvoir !
M. Lucien Neuwirth. Mais ne pleurons pas sur le lait renversé !
Il faut quelquefois du temps, mon cher collègue Autain, pour que les mentalités évoluent, et puis-je dire que certaines situations scandaleuses aident à ce que des prises de conscience se produisent ?
Entre autres, comment obtenir le progrès dans la productivité sinon par la coopération active de tous ceux qui travaillent dans l'entreprise ? Comment y parvenir sans que chacun y ait intérêt ? C'est là une question de bon sens !
Le capital et le travail sont indispensables tous deux à l'entreprise, dont l'avenir les concerne tous deux. Les deux ont une même vocation à en tirer intérêt.
La proposition de loi de notre collègue Chérioux, que nous voulons féliciter pour sa pugnacité et pour la conviction qu'il a mise dans ce combat, marque un nouveau départ vers cet avenir qu'attendent depuis longtemps non seulement les gaullistes sociaux, mais aussi bien d'autres.
L'essentiel était que le débat public s'ouvre au sein de la représentation nationale, puis dans le pays tout entier.
La mondialisation est là, il faut que nous disions quelle place nous voulons donner à l'homme qui travaille dans la société. Il n'y a qu'un combat qui vaille : le combat pour l'homme.
Une nation qui porte ses antagonismes n'a pas d'avenir ; mais une nation qui partage le fruit de son travail avance au pas du monde.
Voilà pourquoi nous voterons unanimement ce texte, qui est, je l'espère, un signe des temps nouveaux. (Applaudissements sur les travées du RPR et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Hamel.
M. Emmanuel Hamel. Il arrive que les temps nouveaux soient des temps de nostalgie et de tristesse !
M. François Autain. Oh !
M. Emmanuel Hamel. Avant le vote de cette importante et positive proposition de loi de notre éminent collègue Jean Chérioux, je crois devoir exprimer publiquement mon émotion d'avoir lu, à la page 6 du feuilleton de la séance d'aujourd'hui, que, à compter du 16 décembre à minuit, soit dans moins de cinq heures, le mandat de sénateur de notre éminent collègue M. Pasqua prendra fin.
Il nous quitte pour servir son idée de la France au Parlement européen.
Il laisse à notre assemblée un grand souvenir.
Je salue son départ avec nostalgie. Le scrutin public qui va intervenir sera donc le dernier auquel il participera.
M. le président. La parole est à M. Arthuis.
M. Jean Arthuis. Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le groupe de l'Union centriste, Mme Bocandé vient de le dire, votera cette proposition de loi telle qu'elle résulte des délibérations du Sénat.
Je me réjouis de ce que les deux propositions de loi, celle qui émanait de M. Chérioux et la nôtre, aient pu converger et faire l'objet d'une discussion commune. Je remercie d'ailleurs M. Chérioux, qui a rapporté les deux textes avec objectivité et une extrême courtoisie.
Je veux également adresser des remerciements à M. Trégouët.
Mon cher collègue, si, au cours de la discussion, des nuances sont apparues dans nos propos respectifs, sur le fond nous sommes en pleine cohérence, et le Parlement n'est-il pas là pour que le débat ait lieu ?
Au demeurant, l'important est que nous ayons pris cette initiative.
Nous sommes en 1999. L'ouverture au marché européen, l'ouverture au monde, doivent cesser d'inspirer la crainte et quelquefois le repli ou l'angoisse chez certains de nos compatriotes. Il nous appartient de faire vivre des communautés dynamiques. Les entreprises ne sont plus des lieux d'affrontement et, s'il y a aujourd'hui inflation des actifs, veillons à ce que ces actifs soient répartis entre tous les membres de la communauté, en particulier au profit des salariés.
M. le président. La parole est à M. Autain.
M. François Autain. J'indiquerai simplement que les nombreux amendements qui ont finalement été adoptés au cours de la discussion des articles n'ont pas modifié la position du groupe socialiste, position que j'avais définie lors de la discussion générale.
Je regrette que ce texte, qui sera sans aucun doute adopté par le Sénat, interfère avec la concertation que le Gouvernement a mise en oeuvre et qui, comme je l'indiquais tout à l'heure, va donner lieu à un rapport.
Ce que je souhaite c'est que le rythme de la navette, si navette il y a, s'adapte aux délais que le Gouvernement s'est fixés pour mener à son terme cette consultation absolument nécessaire qu'il a engagée avant de légiférer.
On pourrait, certes, lui reprocher d'avoir un peu tardé, mais je peux garantir, notamment à mon collègue M. Neuwirth, qu'il ne lui faudra pas vingt ans pour prendre des dispositions dans ce domaine très sensible !
Nous sommes tous d'accord pour considérer le sujet comme très important. Et, soyez-en sûrs, dans des délais rapides, le Gouvernement prendra position.
Nous serons alors, bien entendu, à ses côtés.
Mais, aujourd'hui, nous nous trouvons dans l'obligation de voter contre ce texte.
M. Jean Delaneau, président de la commission des affaires sociales. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires sociales.
M. Jean Delaneau, président de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, madame le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, je tiens à saluer l'enthousiasme et la ténacité de notre collègue Jean Chérioux, qui étudie ce problème depuis de nombreux mois. Il a conduit la commission à réfléchir avec lui en présentant un rapport d'information avant même que cette proposition de loi ne voie le jour et que M. Arthuis et les membres du groupe de l'Union centriste ne déposent une seconde proposition de loi, ce dont nous nous réjouissons.
Je souhaite remercier la commission des finances, avec laquelle nous entretenons d'excellents rapports. En effet, le budget, d'abord, la loi de financement de la sécurité sociale, ensuite, représentent une grande part de la masse financière qui circule dans notre pays et nous veillons scrupuleusement à ce que les compétences des uns et des autres soient respectées, le tout dans un excellent esprit.
Madame la secrétaire d'Etat, monsieur Autain, quel bel argument que le vôtre : ce n'est pas mal, ce pourrait être bien, même,...
M. François Autain. Ce pourrait être mieux !
M. Jean Delaneau, président de la commission des affaires sociales. ... mais nous sommes en train de réfléchir... Nous n'allons donc pas laisser interférer une espèce de petite loi dans le grand projet de société que prépare l'actuelle majorité. Vous jetez un regard condescendant sur les propositions de MM. les rapporteurs et vous dites : « Attendez de voir le texte qui va sortir !... » Mais quand ?
M. François Autain. Avant vingt ans ! (Sourires.)
M. Jean Delaneau, président de la commission des affaires sociales. Dans le programme d'ici au mois de juin prochain présenté par le ministre des relations avec le Parlement, je n'ai pas vu le moindre début de commencement d'un texte strictement spécifique sur ce sujet. En revanche, il est d'ores et déjà probable que d'autres textes qui y figurent seront reportés à la fin de l'année, voire au début de l'année prochaine. Et je m'adresse là à mes collègues de la commission des affaires sociales : le grand toilettage de la politique de la santé qui nous était promis pour le printemps serait maintenant repoussé probablement à 2001.
Ainsi, de report en report, l'emploi du temps de nos assemblées étant surchargé, on ne voit rien venir. Ce n'est pas spécifique à l'actuel gouvernement ! Nous avons pu également le constater à d'autres occasions.
Depuis la réforme de la Constitution, « une séance par mois est réservée par priorité à l'ordre du jour fixé par chaque assemblée ». Vous n'empêcherez donc pas le Sénat d'essayer de faire avancer les choses !
Nous ne vous croyons pas lorsque vous dites que ces propositions de loi feront l'objet d'une navette. En effet, si le Gouvernement inscrit à l'ordre du jour prioritaire du Sénat des textes qui sont proposés par la majorité de l'Assemblée nationale, en revanche, très peu de textes présentés par le Sénat sont soumis à l'Assemblée nationale. M. le ministre des relations avec le Parlement nous en a promis deux aujourd'hui. C'est un événement, car voilà très longtemps que nous le réclamions.
Par conséquent, nous savons que ce texte ne sera pas présenté à l'Assemblée nationale, pour les raisons qui ont été exposées. Cela signifie qu'une grande réflexion ne sera pas engagée sur ce sujet à l'Assemblée nationale !
M. le président. Avant de consulter la Haute Assemblée, je souhaite à mon tour vous féliciter, monsieur Chérioux, pour le travail réalisé. Je sais bien que le président de séance est tenu au devoir de réserve, mais, d'après ce que j'ai cru comprendre, mon propos ne devrait pas modifier profondément le résultat du vote. Je tiens donc à souligner votre pugnacité et votre compétence, sous oublier, bien sûr, la sportivité de M. Jean Arthuis, qui se range, après avoir lui-même déposé une proposition de loi sur le même sujet, aux conclusions du rapport de la commission.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix les conclusions modifiées du rapport de la commission des affaires sociales sur les propositions de loi n°s 52 et 87 (1999-2000).
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant de la commission des affaires sociales.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions réglementaires.

(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.) M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 26:

Nombre de votants 312
Nombre de suffrages exprimés 312
Majorité absolue des suffrages 157
Pour l'adoption 214
Contre 98

10