Séance du 20 décembre 1999







M. le président. « Art. 24. - I. - Les troisième à dernier alinéas de l'article 61 de la loi de finances pour 1998 (n° 97-1269 du 30 décembre 1997) sont remplacés par six alinéas ainsi rédigés :
« 1° En recettes :
« - les versements de la Fédération de Russie à la France en application de l'accord signé le 27 mai 1997 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la Fédération de Russie ;
« - les versements du budget général représentatifs de la rémunération produite par les sommes versées par la Fédération de Russie en application de cet accord ;
« 2° En dépenses :
« - les versements de l'Etat aux personnes physiques ou morales détentrices de valeurs mobilières ou de liquidités ;
« - les versements de l'Etat à l'agence nationale pour l'indemnisation des Français d'outre-mer pour l'indemnisation des personnes physiques ou morales détentrices de créances, d'intérêts et d'actifs autres que les valeurs mobilières et les liquidités. »
« II. - 1° Une indemnisation solidaire des détenteurs de titres, créances et actifs est versée à partir du compte d'affectation spéciale n° 902-31 "Indemnisation au titre des créances françaises sur la Russie" en vue de l'application de l'accord du 27 mai 1997 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la Fédération de Russie portant règlement définitif des créances financières et réelles apparues antérieurement au 9 mai 1945. Elle bénéficie aux personnes qui se sont fait recenser dans les conditions prévues par l'article 73 de la loi n° 98-546 du 2 juillet 1998 portant diverses dispositions d'ordre économique et financier, qui détiennent des titres, créances et actifs indemnisables au titre du 2° du présent paragraphe et qui ont apporté la preuve :
« - pour les porteurs de valeurs mobilières ou de liquidités, qu'elles étaient titulaires de la nationalité française au moment du recensement organisé par la loi n° 98-546 du 2 juillet 1998 précitée, et au plus tard au 5 janvier 1999 ;
« - Pour les personnes physiques ou morales détentrices de créances, d'intérêts et d'actifs autres que les valeurs mobilières et liquidités, qu'elles étaient titulaires de la nationalité française au moment de la dépossession ou sont des ayants droit de ces personnes.
« 2° Un décret en Conseil d'Etat précisera la nature et l'origine des titres, créances et actifs indemnisables ainsi que les règles de preuve. Ce décret définira les règles selon lesquelles chaque catégorie de titres, créances et actifs se voit attribuer une valeur en francs-or de 1914, qui est :
« - soit égale à sa valeur nominale, dans le cas des titres émis ou garantis avant le 7 novembre 1917 par l'empire de Russie ou par des collectivités locales situées sur son territoire ;
« - soit, pour les autres valeurs représentatives de titres, créances et actifs, tient compte de l'année de perte de jouissance appréciée à la date susmentionnée du 7 novembre 1917 ou bien, s'agissant de territoires annexés, à la date de l'annexion. »
« III. - Dès versement par la Fédération de Russie de l'intégralité de la somme due au titre de l'accord du 27 mai 1997 susmentionné, le budget général verse au compte d'affectation spéciale n° 902-31 "Indemnisation au titre des créances françaises sur la Russie" une somme représentative des intérêts produits par les versements de la Fédération de Russie et calculés par référence au taux des bons du Trésor de maturité comparable à la durée entre chaque versement de la Fédération de Russie et le 1er août 2000.
« Le montant total des indemnités versées est égal à la somme versée par la Fédération de Russie en application de l'article 3 de l'accord du 27 mai 1997 susmentionné, majorée du versement du budget général dont le montant est défini à l'alinéa précédent.
« IV. - Les droits à indemnisation sont répartis dans les conditions suivantes :
« 1° Pour chaque patrimoine de créances, d'intérêts et d'actifs indemnisables autres que les valeurs mobilières et les liquidités, un premier montant est calculé en appliquant les taux suivants aux différentes tranches de patrimoine :
« - de 0 à 100 000 francs-or 1914 inclus, chaque franc-or est indemnisé au taux de 0,4 franc français actuel,
« - de 100 000 francs-or 1914 exclu à 1 million de francs-or 1914 inclus, chaque franc-or est indemnisé au taux de 0,04 franc français actuel,
« - au-delà de 1 million de francs-or 1914, chaque franc-or est indemnisé aux taux de 0,004 franc français actuel ;
« 2° L'indemnité versée au titre de ce patrimoine est ensuite calculée en multipliant le montant défini au 1° ci-dessus par un coefficient (égal à 1 + (B/[A + B]) × ([B-C]/C), où :
« - A est la quote-part de la somme définie au deuxième alinéa du III correspondant au rapport entre l'ensemble des valeurs mobilières et des liquidités indemnisables et l'ensemble des titres, créances et actifs indemnisables,
« - B est la quote-part de la somme définie au deuxième alinéa du III correspondant au rapport entre les créances, intérêts et actifs indemnisables autres que les valeurs mobilières et les liquidités et l'ensemble des titres, créances et actifs indemnisables,
« - C est la somme des montants résultant du 1° ci-dessus ;
« 3° Pour les porteurs de valeurs mobilières et de liquidités indemnisables, la somme calculée selon la formule A (1 + [B - C]/[A + B]) est répartie entre les porteurs comme suit : chaque porteur reçoit une somme forfaitaire égale à 250 millions de francs rapportée au nombre de porteurs indemnisables ; cette somme forfaitaire est augmentée d'un montant :
« - proportionnel à la valeur totale du portefeuille de valeurs mobilières et de liquidités si cette valeur est inférieure à 150 000 francs-or 1914 ;
« - égal à l'indemnisation que recevrait un portefeuille de valeurs mobilières et de liquidités de valeur égale à 150 000 francs-or 1914 si la valeur totale du portefeuille est supérieure à 150 000 francs-or 1914.
« V. - Le Trésor public et l'agence nationale pour l'indemnisation des Français d'outre-mer sont chargés de liquider et de verser les indemnités allouées en application des III et IV ci-dessus, selon des modalités fixées par décret.
« VI. - Les personnes qui ont déposé des titres auprès des services de l'Etat durant la période de recensement en application de l'article 73 de la loi n° 98-546 du 2 juillet 1998 précitée pourront venir les retirer selon des modalités fixées par décret. »
Je suis saisi de trois amendements identiques.
L'amendement n° 61 est présenté par M. Marini, au nom de la commission.
L'amendement n° 21 est présenté par M. Lachenaud et les membres du groupe des Républicains et Indépendants.
L'amendement n° 30 est présenté par M. Badré et les membres du groupe de l'Union centriste.
Tous trois tendent à supprimer cet article.
La parole est à M. le rapporteur général, pour défendre l'amendement n° 60.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Avec l'article 24 nous abordons la question des emprunts russes.
Dans le rapport écrit, je développe une série de considérations, issues notamment des travaux de la commission de suivi des accords franco-russes. Il s'agit d'un problème difficile que cette commission s'est efforcée de traiter au mieux.
S'agissant de répartir le produit de l'indemnisation consentie par l'Etat russe, dont le montant est bien entendu faible par rapport à la valeur des créances en question, trois solutions étaient concevables, et Yann Gaillard y a fait allusion dans son intervention lors de la discussion générale : l'indemnisation au marc le franc ; l'indemnisation forfaitaire à chaque ayant droit ; l'indemnisation selon un taux dégressif ou toute autre forme de règlement intermédiaire.
Le choix est difficile à opérer car les objectifs recherchés risquent d'être, dans une large mesure, inconciliables ou contradictoires.
La commission s'est quelque peu attardée sur les aspects juridiques de ce sujet. La question se pose de savoir quelle est la nature des titres qui vont être indemnisés.
Si je prends l'exemple des obligations, cette nature est différente selon que ces obligations ont été cotées sur le marché réglementé de Paris jusqu'à une date récente ou ne l'ont plus été.
Vous savez que les obligations, représentatives de titres d'emprunts souscrits auprès de l'Etat russe ou garantis par celui-ci, ont continué à être cotées jusqu'à cette date récente, car il y avait un espoir de la part des investisseurs que la créance sur l'Etat russe, qui était momentanément virtuelle, retrouve une certaine valeur économique. C'est l'espoir, la spéculation au sens propre du terme, portant sur une telle créance, devenue virtuelle pendant des décennies, qui a fondé le maintien à la cote de ces titres, lesquels sont donc demeurés des valeurs mobilières assujetties aux normes habituelles en la matière.
A l'inverse, les actions de sociétés disparues, de même que les obligations émises par des émetteurs privés russes ayant disparu du fait des confiscations révolutionnaires, ne sont plus des valeurs mobilières, ne sont plus que des titres symboliques d'une épargne d'autrefois qui a disparu à un moment donné.
Il n'en reste pas moins que l'essentiel des titres détenus par les porteurs de ce que l'on appelle des « emprunts russes » - mais qui recouvrent une réalité beaucoup plus complexe que cela - sont bien des valeurs mobilières. La commission des finances, se sentant tenue par les principes habituels du droit des valeurs mobilières de même que par le principe constitutionnel d'égalité devant la loi, s'est trouvée plongée dans une certaine perplexité et a décidé, à ce stade, de ne pas accepter le dispositif proposé par le Gouvernement.
Il nous semble, par ailleurs, que les résultats définitifs du recensement n'ont pas encore été obtenus, alors que cela aurait dû être un préalable à la détermination des modalités d'indemnisation.
Il nous semble aussi que ces modalités sont contestables du point de vue du droit et exposent l'Etat à un contentieux important.
Enfin, la répartition des sommes disponibles entre les détenteurs d'obligations russes et les autres créanciers spoliés, notamment du fait des événements de la Seconde Guerre mondiale, ne nous paraît reposer sur aucune approche rationnelle, du moins dans l'état actuel des informations qui nous ont été transmises.
Pour l'ensemble de ces raisons, que je me permets à cette heure de ne pas développer de manière trop abondante, la commission estime devoir proposer la suppression de l'article 24.
M. le président. La parole est à M. Lachenaud, pour défendre l'amendement n° 21.
M. Jean-Philippe Lachenaud. C'est en vertu d'arguments identiques à ceux que M. le rapporteur général a développés - imprécision du texte, qui renvoie à un décret, et inégal traitement des différentes catégories de titres - que nous proposons également la suppression de cet article.
M. le président. La parole est à M. Fréville, pour défendre l'amendement n° 30.
M. Yves Fréville. Nos arguments sont également les mêmes : les problèmes de transparence et d'équité que pose le dispositif proposé font qu'il ne peut être accepté en l'état.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements identiques n°s 61, 21 et 30 ?
M. Christian Sautter, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. J'avoue que je suis déconcerté, pour ne pas employer une expression plus forte, par ces trois amendements de suppression.
Voilà maintenant quatre-vingt-trois ans que les porteurs d'« emprunts russes » attendent d'être indemnisés. Un travail patient et minutieux de recensement a été fait par 3 300 trésoreries, travail qui a permis de dénombrer 316 000 porteurs, pour un total de 9 200 000 titres.
Ces titres, ainsi que M. le rapporteur général l'a signalé, sont divers : titres d'emprunts émis par la Russie ou ses collectivités locales ou des territoires annexés par l'URSS ; actions et obligations d'entreprises qui avaient leur siège sur le territoire russe ou sur les territoires annexés par l'URSS ; actifs des spoliés ; billets de la Banque impériale de Russie.
Le recensement a permis d'établir qu'en moyenne chaque porteur détenait vingt-neuf titres. Par conséquent, il s'agit bien de ces petits porteurs dont on a presque fait des figures de légende.
Je signale courtoisement à M. le rapporteur général que, à partir du moment où le précédent gouvernement avait négocié une somme qui devrait avoisiner les 2,5 milliards de francs - avec les intérêts capitalisés, comme M. Gaillard l'a fort bien expliqué - se posait la question de sa répartition, sachant que trois porteurs sur cinq ont dix titres ou moins - ce sont, eux, de très petits porteurs ! - que plus de 90 % des porteurs ont cinquante titres ou moins et que seulement 2 % des porteurs détiennent plus de deux cents titres.
Un travail non moins considérable que celui qu'a représenté le recensement a été effectué sous l'autorité de Jean-Claude Paye, conseiller d'Etat, qui est unanimement respecté, pour déterminer les meilleures modalités d'indemnisation.
Le Gouvernement s'est très largement rendu aux conclusions de M. Jean-Claude Paye et il a effectivement souhaité que les plus petits porteurs reçoivent une indemnisation relativement plus importante. Il y a là une démarche qui ne heurte en rien le principe d'égalité. En effet, les différentes catégories de porteurs ont été traitées sur un même pied. Je l'ai dit, le recensement s'est fait dans les mêmes conditions pour tous les porteurs, et deux porteurs placés dans la même situation recevront exactement la même somme.
Il est vrai que nous avons fait une différence - j'en ai déjà débattu avec M. Gaillard - entre les porteurs et les spoliés, essentiellement parce que les créances des spoliés, qui sont des entreprises, sont souvent très supérieures à celles des porteurs, qui sont des particuliers.
A l'issue d'un processus long et complexe, nous proposons un dispositif d'indemnisation dont le détail, c'est vrai, sera précisé par décret en Conseil d'Etat. Et vous dites que c'est trop tôt, que ce n'est pas complet, qu'il faut encore attendre...
Je le répète, ces porteurs d'emprunts russes attendent depuis quatre-vingt-trois ans. Doivent-ils donc attendre quatre-vingt-cinq ou cent ans, jusqu'à ce que nous ayons élaboré un système absolument parfait ?
J'avoue être extrêmement surpris et je demande avec une grande fermeté, au nom de ces 335 000 porteurs d'emprunts russes qui ont manifesté une grande patience,
qu'on ne les fasse pas attendre plus longtemps sous des prétextes qui, à mon avis, ne tiennent pas. Je ne pense pas que la perfection soit de ce monde et je considère que ces petits porteurs ont maintenant droit à une indemnisation.
M. le président. Je vais mettre aux voix les amendements identiques n°s 61, 21 et 30.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Je demande la parole contre les amendements.
M. le président. La parole est à Mme Beaudeau.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Par accord passé entre la France et la Fédération de Russie le 27 mai 1997, accord qui faisait suite au mémorandum du 26 novembre 1996, les deux parties sont convenues de solder un contentieux international particulièrement ancien.
En effet, à l'époque de l'empire russe, à la suite des accords internationaux que ce régime avait signés avec les puissances occidentales - la France et l'Angleterre - et dont l'une des conséquences fut d'ailleurs de nous entraîner dans la Première guerre mondiale, avaient été émis des emprunts en principe destinés à permettre le financement du décollage économique de la Russie.
On sait que le montant de ces emprunts a atteint un niveau particulièrement important et que leurs effets concrets sur le terrain ont été relativement limités ; du reste, nombre d'historiens ont établi qu'une part des sommes concernées n'a servi qu'à assurer les frais de représentation de la monarchie tsariste.
Il n'en demeure pas moins que le contentieux est né des bouleversements politiques qu'a connus la Russie à partir de 1917, mais aussi de l'attitude que les alliés de la Russie ont jugé utile d'adopter dans ce contexte, ce que l'on a appelé la politique du « cordon sanitaire », qui est notamment à l'origine de la prolongation de la guerre civile jusqu'en 1921 et qui a finalement empêché toute résolution acceptable de la situation.
On comprend qu'il ait été difficile au gouvernement de l'époque, quoiqu'on en dise, de payer une dette contractée auprès de pays soutenant militairement et financièrement ceux qui le combattaient.
S'il faut retenir les leçons de l'histoire, on ne devrait pas oublier que la France a renoncé, sous l'amicale recommandation des Etats-Unis, à certaines des créances exigées de l'Allemagne aux termes du traité de Versailles, du fait de la situation économique que ce pays connaissait alors.
La situation née de l'éclatement de l'Union soviétique a conduit à une modification des données du problème.
Nous sommes en présence d'une procédure ouvrant un certain nombre de droits aux porteurs de titres, même si l'indemnisation, c'est-à-dire un dédommagement relatif du préjudice causé, mais exonéré de tout prélèvement fiscal, est sans doute loin de constituer la solution la plus satisfaisante.
On le sait, le recensement des porteurs et des titres a exigé un certain temps. Il a permis de dénombrer plus de neuf millions de titres et un peu plus de 285 000 déclarations.
Pour s'en tenir aux personnes physiques, on observera simplement que les détenteurs de ces titres représentent un peu moins de 1 % des foyers français.
Néanmoins, la diffusion de la propriété des titres et créances est à la fois large et diversifiée - c'est d'ailleurs toujours le cas en la matière - puisque plus de 90 % des déclarations portaient sur la possession de moins de cinquante titres et les trois quarts sur moins de vingt titres, alors que certaines déclarations particulièrement importantes cumulent ensemble une part importante des titres et créances admis au système d'indemnisation. Ainsi, moins de 2 % des déclarations cumulent près de 50 % des titres et créances.
La solution retenue par l'article est celle d'une forme de « tunnelisation » de l'indemnisation, permettant à tous les porteurs de bénéficier d'un minimum d'indemnisation, ce qu'une indemnisation proportionnelle au nombre de titres détenus ou à la valeur de ces titres n'aurait certainement pas assuré.
Ce dispositif permet de distribuer l'essentiel de cette indemnisation au plus grand nombre de porteurs, et c'est sans doute ce qui, en dernière analyse, doit guider notre décision.
Nous ne voterons donc aucun des amendements de suppression de l'article 24 qui, sous prétexte d'obscurité du dispostifi, tendent en réalité à faire valoir les intérêts des plus gros porteurs.
M. Yann Gaillard. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Gaillard.
M. Yann Gaillard. Je me suis déjà largement expliqué ce matin sur ce sujet.
En tant que membre de la commission de suivi, je suis solidaire de ses conclusions ; j'ai d'ailleurs approuvé le rapport qu'elle a rendu.
Au passage, je regrette que le représentant de l'Assemblée nationale au sein de cette commission n'ait jamais pris part à ses travaux. Le rapport s'en serait peut-être trouvé plus équilibré.
Quoi qu'il en soit, je crois qu'un grand principe a guidé la commission : le principe d'équité. Nous n'avons pas considéré qu'une application « intégriste » du droit des valeurs mobilières était possible compte tenu des inégalités extraordinaires de remboursement auxquelles elle aurait donné lieu entre le plus petit et le plus gros porteur ; j'ai cité des chiffres ce matin.
Il s'agit non d'un remboursement mais d'une indemnisation symbolique : 2 % de la créance telle qu'on peut l'évaluer, c'est un symbole. Or un symbole doit, me semble-t-il, correspondre à des considérations d'équité et d'équilibre politico-social.
Cette question n'est pas tout de même la plus importante de celles qui doivent être résolues dans la France d'aujourd'hui ! Dès lors, il est inutile de susciter des controverses à ce sujet.
J'aurais voté l'article 24 tel que le Gouvernement l'avait aux quatre cinquièmes tiré des propositions de la commission s'il ne s'était montré trop « pingre » à l'égard de l'autre catégorie d'ayants droit que sont les spoliés de la guerre de 1939-1945.
Je voterai donc contre les amendements de suppression et m'abstiendrai sur l'article 24.
M. François Trucy. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Trucy.
M. François Trucy. Le groupe des Républicains et Indépendants votera les amendements visant à supprimer l'article 24.
Il avait affirmé sa volonté dès le 10 décembre 1997, lors de l'examen du projet de loi autorisant l'approbation des accords.
Mes collègues et moi-même avons toujours été très vigilants sur la part qui reviendrait finalement aux porteurs de titres d'emprunts sur les 400 millions de dollars devant être versés entre 1997 et 2000.
Nous avons demandé en vain au Gouvernement de faire un geste concret en versant aux porteurs de titres russes la contrepartie des quarante-sept tonnes d'or remises par la Russie soviétique à l'Allemagne en application du traité de Brest-Litovsk du 3 mars 1918, puis par l'Allemagne à la France en application du traité de Versailles du 28 juin 1919. Cet or est toujours dans les coffres de la Banque de France, comme la commission des finances a pu le constater voilà deux ans.
Le président de notre groupe, M. Henri de Raincourt, a écrit au Premier ministre pour demander que la France reconsidère sa position à la suite des révélations sur le détournement d'une partie des aides internationales accordées à la Russie.
Si tous ces accords ont été passés dans la transparence et avec le souci d'en finir avec cette affaire vieille de quatre-vingt-trois ans, la transparence est très loin d'être une réalité dans le contexte quasiment criminel que nous connaissons actuellement. La France ne devrait-elle pas réagir sur ce point ? Il semble que le Gouvernement ait, pour l'instant, un avis différent.
Très attentifs à la question des délais, nous avons plaidé pour une accélération du processus d'indemnisation et proposé qu'un acompte soit versé aux porteurs de titres d'emprunts, ou bien que les sommes déjà perçues par la France soient placées au profit des ayants droits.
Le Gouvernement nous a donné raison sur ce dernier point en affectant les sommes versées à un compte spécial dont les intérêts sont répartis entre les porteurs de titres russes. Nous lui en donnons acte.
En revanche, nous regrettons le retard pris depuis la signature des accords franco-russes. Le recensement n'a débuté que le 6 juillet 1998, pour s'achever le 5 janvier 1999. Cela étant, monsieur le ministre, vous avez rappelé le travail important qu'avait exigé ce recensement.
Notre groupe pourrait donc se réjouir de voir enfin ce dossier en voie de règlement. Mais le compte n'y est pas, ni la manière.
Le dispositif proposé nous apparaît en effet doublement contestable.
D'une part, sous prétexte de ne pas introduire de trop fortes disparités entre les sommes versées, le processus ne respecte ni le droit des valeurs mobilières ni le principe constitutionnel d'égalité devant la loi. Deux titres de valeurs identiques peuvent en effet être indemnisés différemment. Le Conseil d'Etat n'a-t-il pas émis des réserves sur ce point ?
D'autre part, contrairement à ce qu'avait annoncé le Gouvernement, les règles d'indemnisation ne sont pas entièrement précisées par la loi : l'article 24, déjà un peu obscur, renvoie en effet à un décret en Conseil d'Etat.
Pour toutes ces raisons, notre groupe se rallie à la suppression de l'article. Le Gouvernement ne comptant pas verser les indemnités avant l'été prochain, il a largement le temps de parfaire la copie.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix les amendements identiques n°s 61, 21 et 30, repoussés par le Gouvernement.

(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. En conséquence, l'article 24 est supprimé.

Article additionnel avant l'article 25