Séance du 19 janvier 2000







M. le président. « Art. 4 bis . - Après l'article 48 de la même loi, il est inséré un article 48-1 A ainsi rédigé :
« Art. 48-1 A . - Les sociétés nationales de programme et la société La Cinquième-ARTE ne peuvent accorder, de quelque manière que ce soit, un droit exclusif de reprise de leurs programmes diffusés par voie hertzienne terrestre à un distributeur d'offres groupées de services de télévision mises à la disposition du public par satellite, câble ou tout autre moyen de télécommunication.
« Tout distributeur de services de télévision met à la disposition du public les services des sociétés nationales de programme et de la société La Cinquième-ARTE, pour l'exercice des missions prévues au a de l'article 45, qui sont diffusés en clair par voie hertzienne terrestre. Les coûts de diffusion de cette reprise sont à la charge du distributeur et ces programmes sont mis gratuitement à la disposition de l'ensemble des abonnés. »
Je suis saisi de trois amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Par amendement n° 14, M. Hugot, au nom de la commission des affaires culturelles, propose de rédiger ainsi le texte présenté par cet article pour l'article 48-1 A de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 :
« Art. 48-1 A . - L'exercice par les sociétés nationales de programmes et par la société La Cinquième-Arte du droit défini à l'article 216-1 du code de la propriété intellectuelle doit être concilié avec l'objectif de mise à disposition du public de leurs programmes sur l'ensemble des supports disponibles. »
Par amendement n° 208, Mme Pourtaud, MM. Dreyfus-Schmidt, Collomb, Lagauche, Weber et les membres du groupe socialiste et apparentés proposent de rédiger comme suit le premier alinéa du texte présenté par l'article 4 bis pour l'article 48-1 A de la loi du 30 septembre 1986 :
« Sur le territoire national, les sociétés nationales de programme et la société La Cinquième-Arte ne peuvent accorder, de quelque manière que ce soit et pour tout procédé de télécommunication, un droit exclusif de reprise de leurs programmes diffusés par voie hertzienne terrestre. »
Par amendement n° 209, Mme Pourtaud, MM. Dreyffus-Schmidt, Collomb, Lagauche, Weber et les membres du groupe socialiste et apparentés proposent de remplacer le second alinéa du texte présenté par l'article 4 bis, pour l'article 48-1 A de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 par les dispositions suivantes :
« Sur le territoire métropolitain, tout distributeur de services par satellite met à la disposition du public, sauf si elles s'y opposent pour motif légitime, les services des sociétés nationales de programmes visées au I et au III de l'article 44, ainsi que de la société la Cinquième-Arte pour l'exercice des missions prévues aux a et b de l'article 45, qui sont diffusés en clair et en mode analogique par voie hertzienne terrestre.
« Par dérogation à l'article 108, pour les départements, territoires et collectivités territoriales d'outre-mer, tout distributeur de services met à la disposition du public les services de la société nationale de programme visée au II de l'article 44 qui sont diffusés en clair et en mode analogique par voie hertzienne terrestre.
« Les programmes mentionnés aux alinéas précédents sont mis gratuitement à la disposition de l'ensemble des abonnés selon des modalités définies par décret en Conseil d'Etat après avis du Conseil supérieur de l'audiovisuel.
« Les coûts de transport et de diffusion de cette reprise sont à la charge des distributeurs de services par satellite. Pour les départements, territoires et collectivités territoriales d'outre-mer, ces coûts peuvent être partagés, le cas échéant, entre les distributeurs de services par satellite et la société nationale de programme visée au II de l'article 44, selon des modalités définies par décret en Conseil d'Etat après avis du Conseil supérieur de l'audiovisuel. »
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 14.
M. Jean-Paul Hugot, rapporteur. Il est indispensable de maintenir aux télévisions publiques le droit qui leur est reconnu, comme à l'ensemble des diffuseurs, par l'article 216-1 du code de la propriété intellectuelle, d'autoriser ou de refuser la télédiffusion de leurs programmes. Cela implique que ces télévisions publiques disposent du droit d'octroyer les autorisations en fonction notamment de leurs intérêts commerciaux et de leurs stratégies de développement. C'est d'ailleurs pour préparer son entrée dans les métiers du numérique et du multimédia que France Télévision a souhaité participer au tour de table de TPS et a accordé l'exclusivité de la diffusion satellitaire de ses programmes.
Or le texte adopté par l'Assemblée nationale prive les télévisions publiques de l'exercice de ce droit, dans la mesure où le must carry, l'obligation de portage, les contraint à mettre leurs programmes gratuitement à la disposition de l'ensemble des bouquets, certes sous leur responsabilité, mais sans exclure par exemple les bouquets à connotation pornographique ou autres, dont les responsables seront contents d'offrir à bon compte à leurs abonnés le confort d'écoute apporté par la présence de chaînes publiques. On risque alors d'avoir un bouquet « porno-public » ou un bouquet « sitcoms-publics ». L'image du service public risque de s'en ressentir.
Par ailleurs, le texte de l'Assemblée nationale conforte objectivement la position dominante du groupe Canal Plus - Canal satellite sur le marché de la télévision payante, alors que l'un des objectifs de l'exclusivité accordée à TPS était de favoriser l'instauration de la concurrence sur ce marché, et alors que c'est en fonction de cet objectif pro-concurrentiel que la Commission européenne a expressément reconnu, en 1997, la conformité au droit de la concurrence du pacte d'actionnaire de TPS et qu'elle vient, à l'issue d'un réexamen de l'état du marché de la télévision payante, d'accorder la prolongation de l'exclusivité pour deux ans.
Pour toutes ces raisons, il paraît inopportun de maintenir le texte adopté par l'Assemblée nationale. Il est en revanche utile que la loi définisse expressément la présence sur tous les supports de diffusion disponibles comme l'objectif qui doit guider la mise en oeuvre par les organismes publics du droit défini par l'article 216-1 du code de la propriété intellectuelle.
Pour le service public, le critère de la stratégie industrielle doit être complété par d'autres. C'est l'objet de cet amendement.
Je précise qu'il existe trois supports de diffusion : le hertzien terrestre, le câble et le satellite. L'objectif formulé par l'amendement de la commission est donc satisfait dès lors que les émissions de télévisions publiques sont diffusées sur un bouquet satellitaire.
M. le président. La parole est à Mme Pourtaud, pour présenter l'amendement n° 208.
Mme Danièle Pourtaud. Cet amendement vise à conforter le dispositif retenu par l'Assemblée nationale.
L'Assemblée nationale a, en première lecture, en effet adopté un dispositif qui met fin à la possibilité pour les chaînes publiques d'accorder à un distributeur de services un droit exclusif de reprise de leurs programmes sur son bouquet satellitaire. En clair, tout le monde le sait, cette clause d'exclusivité existe actuellement dans le contrat qui lie les chaînes publiques à TPS.
Cette exclusivité, cela vient d'être rappelé, constitue un avantage commercial important pour TPS. Certes, la Commission de Bruxelles, dans sa décision du 3 mars 1999, qu'elle a en fait confirmée récemment, considérait que l'exclusivité dont jouissait TPS se justifiait au regard de la concurrence. La Commission avait par ailleurs admis, elle l'a confirmé, qu'une disposition législative pouvait parfaitement mettre fin à cette exclusivité. Nous souhaitons donc que le dispositif qui est proposé par l'Assemblée nationale soit maintenu.
Par ailleurs, nous proposons une rédaction simplifiée qui vise à supprimer la notion d'exclusivité sur le territoire national. On peut parfaitement concevoir qu'à l'étranger les chaînes françaises puissent, pour pénétrer un pays, garantir l'exclusivité à un opérateur de plate-forme satellitaire souhaitant les diffuser. Mais cela n'a strictement rien à voir avec la raison principale qui motive notre rejet de la proposition de la commission. Les chaînes publiques financées par la redevance doivent effectivement rester disponibles pour l'ensemble des téléspectateurs français. En conséquence, lorsqu'une plate-forme dessert principalement le territoire national, les chaînes ne peuvent concéder l'exclusivité à cette plate-forme satellitaire.
M. le président. La parole est à M. Dreyfus-Schmidt, pour présenter l'amendement n° 209.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. C'est un point dur du texte, je veux dire de la part de la commission. Cette dernière, dans un texte assez curieux, celui de l'amendement n° 14, évoque « l'objectif de mise à disposition du public de leurs programmes - ceux des chaînes publiques - sur l'ensemble des supports disponibles ». Il faut savoir ce que l'on veut : si l'on veut réellement que les chaînes publiques soient mises à la disposition du public sur l'ensemble des supports disponibles, il faut écrire dans la loi qu'il y a ce que l'on appelle dans le jargon de l'audiovisuel le must-carry.
M. Louis de Broissia. C'est-à-dire l'obligation de transport !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je vous remercie d'anticiper cette traduction que j'allais donner !
J'avoue que je ne comprends pas - M. Joyaudet a employé ce terme tout à l'heure - l'hypocrisie qui consiste à écrire le principe mais à ne pas prendre les moyens de l'obtenir.
Nous, nous proposons que les moyens soient pris. C'est l'objectif de l'amendement que Mme Pourtaud vient de défendre, amendement qu'il convient, bien entendu, de rectifier, monsieur le président, en remplaçant les mots : « la société La Cinquième-Arte » par les mots : « les sociétés la Cinquième et Arte ».
J'en viens à l'amendement n° 209. Il s'agit de réécrire le dispositif adopté par l'Assemblée nationale pour préciser l'obligation de transport des chaînes par tout distributeur de services, c'est la clause d'obligation de transport, comme on a maintenant coutume de le dire.
Nous adhérons totalement à la philosophie exprimée par l'Assemblée nationale mais nous proposons par notre amendement d'en modifier quelque peu la forme, puisque ladite clause s'applique déjà aux exploitants de réseaux câblés, conformément aux termes de l'article 34 de la loi de 1986. Nous proposons donc de limiter la portée de cet article aux distributeurs de services satellitaires. L'obligation de transport ne concerne que les services en analogique puisque aucun dispositif ne réglemente encore de façon globale le numérique hertzien terrestre.
Notre dispositif prend également en compte les situations locales. Ainsi, il n'y a pas lieu de prévoir la diffusion de RFO en métropole, de France Télévision, Radio France, La Cinquième et Arte outre-mer, ni de faire entrer RFI dans le champ d'application de l'article, car sa diffusion est d'abord tournée vers l'étranger.
Nous renvoyons au pouvoir réglementaire le soin de préciser les modalités de la gratuité pour le public de ces services au sein d'offres payantes, tout comme celui de fixer le partage des coûts de transport pour l'outre-mer entre les distributeurs de services et France Télévision.
En métropole, en revanche, le transport et les frais de diffusion resteraient à la charge des distributeurs.
Enfin, nous prévoyons expressément que les chaînes publiques pourront s'opposer à leur reprise sur un bouquet qui, de par sa programmation, pourrait nuire à leur image, parce qu'il diffuse des émissions pornographiques, par exemple.
Pour ce faire, les chaînes publiques devront invoquer un motif légitime, ce qui permettra à l'intéressé de contester ce refus.
Je me répète : nous demandons qu'il y ait obligation pour tous les distributeurs. Vous paraîtrait-il normal en effet que des utilisateurs qui paient la redevance aient accès aux chaînes publiques sur un support et que d'autres ne l'aient pas sur l'autre ? Ce serait évidemment tout à fait anormal.
Une exception a été prévue au départ, pour des raisons financières. Aujourd'hui, on n'en est plus là. Il n'y a plus aucune raison de le faire, nous demandons donc que l'on y mette un terme.
Par ailleurs, nous inspirant d'ailleurs d'une réflexion de M. le rapporteur, si nous demandons que l'obligation de transport soit la règle, nous prévoyons cependant une exception quand ce sont les chaînes publiques elles-mêmes qui s'opposent, pour un motif légitime, à leur transport par tel ou tel distributeur suspect.
M. le président. Je suis donc saisi d'un amendement n° 208 rectifié, présenté par Mme Pourtaud, MM. Dreyfus-Schmidt, Collomb, Lagauche, Weber et les membres du groupe socialiste et apparentés, et tendant à rédiger comme suit le premier alinéa du texte proposé par l'article 4 bis pour l'article 48-1 A de la loi du 30 septembre 1986 :
« Sur le territoire national, les sociétés nationales de programme et la société mentionnée à l'article 45 ne peuvent accorder, de quelque manière que ce soit et pour tout procédé de télécommunication, un droit exclusif de reprise de leurs programmes diffusés par voie hertzienne terrestre. »
Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s 208 rectifié et 209 ?
M. Jean-Paul Hugot, rapporteur. La commission est défavorable à l'amendement n° 208 rectifié, qui est incompatible avec l'amendement qu'elle a elle-même déposé.
M. Dreyfus-Schmidt a rectifié cet amendement, puisque La Cinquième-Arte est en voie de redéfinir ses contours. Mais il convient de modifier également l'amendement n° 14.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. C'est exact !
M. Jean-Paul Hugot, rapporteur. Par ailleurs, la commission est défavorable à l'amendement n° 209. Nous ne nous sommes sans doute pas bien compris, monsieur Dreyfus-Schmidt, sur l'obligation de transport des chaînes publiques.
M. le président. Je suis donc saisi d'un amendement n° 14 rectifié, présenté par M. Hugot, au nom de la commission des affaires culturelles et tendant à rédiger ainsi le texte proposé par l'article 4 bis pour l'article 48-1 A de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 :
« Art. 48-1 A. - L'exercice par les sociétés nationales de programmes et par la société mentionnée à l'article 45, du droit défini à l'article 216-1 du code de la propriété intellectuelle doit être concilié avec l'objectif de mise à disposition du public de leurs programmes sur l'ensemble des supports disponibles. »
Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s 14 rectifié, 208 rectifié et 209 ?
Mme Catherine Trautmann, ministre de la culture et de la communication. Je dirai d'emblée que le Gouvernement est défavorable à l'amendement n° 14 rectifié.
Toute la conception du service public que j'ai exposée en présentant le projet de loi justifie pleinement de mettre fin, dès l'application de la loi, au contrat d'exclusivité de diffusion de France 2 et de France 3 qui avait été consenti au profit de TPS.
Cela n'a rien à voir, je m'empresse de le dire, avec la décision de la Commission européenne, qui ne se prononce pas sur les mêmes bases et qui n'empêche nullement le Gouvernement français de prendre ses décisions en tant qu'actionnaire des chaînes publiques.
Le service public doit être accessible à tous au mieux des techniques de diffusion, sans exclusive ni limitation.
Il me semble essentiel, monsieur le rapporteur, que le principe d'universalité du service public implique, d'une part, l'absence de diffusion exclusive et, d'autre part, qu'un must carry soit imposé sur l'ensemble des supports. Ces principes ne peuvent être simplement garantis sur le réseau hertzien terrestre alors que le câble et le satellite connaissent le succès que nous savons.
Par ailleurs, du fait de ce que je viens de dire de la nécessité du must carry , je suis évidemment favorable aux amendements n°s 208 rectifié et 209. Je partage en effet les préoccupations de Mme Pourtaud et de M. Dreyfus-Schmidt.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 14 rectifié.
M. Michel Pelchat. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Pelchat.
M. Michel Pelchat. Il convient de ne pas tout mélanger ! En l'occurrence, nous ne pouvons parler que d'Antenne 2 et de France 3, parce que Arte et La Cinquième, qu'elles soient ensemble ou séparées, sont déjà présentes sur les deux bouquets satellitaires, sur TPS et sur Canal Satellite. C'est le choix de leur président, qui n'entre pas dans le débat de ce soir.
En ce qui concerne l'obligation pour les chaînes publiques d'être présentes sur tous les systèmes de diffusion, je l'approuve. Mais j'ajoute - parce que c'est la règle - que, si les téléspectateurs paient la redevance, c'est pour recevoir les émissions en clair et non pour être incités à s'abonner à un service payant.
Imaginons que, demain, un satellite soit lancé, un satellite national ou européen, et qu'il diffuse des chaînes en clair. Il faudrait absolument que les chaînes publiques soient présentes. C'est l'évidence.
Si ce satellite est lancé par une chaîne commerciale en revanche, c'est le libre jeu de la concurrence et c'est le choix d'entreprise qui prévaut, et non plus la loi et le principe de l'égalité des citoyens.
Est-ce à nous de faire ce choix ou revient-il au président de l'entreprise de le faire ?
A cet égard, il a été dit à plusieurs reprises qu'il fallait que le président de France Télévision soit responsabilisé et on lui donne cinq ans.
On va lui demander de gérer de façon responsable son entreprise. C'est lui qui devra donc choisir les supports payants sur lesquels il voudra être ; c'est lui qui monnaiera l'intérêt que présente sa chaîne pour le diffuseur de services payants.
Que nous propose-t-on en l'espèce ? D'un côté, il y a TPS, dont il est actionnaire. De l'autre côté, il y aurait des diffuseurs privés qui assureraient la diffusion gratuitement alors qu'il n'aurait pas contribué au capital. Cela me choque.
Avec le texte que vous nous proposez, mes chers collègues, nous instaurerions une distorsion entre France 2 et France 3.
Avec la diffusion gratuite sur tous les supports, nous instaurerons un autre type de déséquilibre car il ne peut être question de faire financer des systèmes payants, qu'il s'agisse du câble ou du satellite, par la redevance.
Un troisième point ne me paraît pas clair. On prévoit un certain nombre de chaînes publiques dans les départements d'outre-mer. Là-bas il existe de modestes bouquets, dont les budgets qui n'ont rien à voir avec ceux de TPS ou de Canal Satellite. Les sociétés qui les exploitent sont très fragiles. Si on leur imposait de transporter les signaux de France 2 et France 3 depuis la métropole, elles n'y résisteraient pas économiquement parlant et elles disparaîtraient. Cela reviendrait à appauvrir un paysage audiovisuel qui n'est déjà pas si brillant.
J'estime enfin que ce débat ne mérite pas de susciter de telles émotions. Que le président de France Télévision soit aussi présent sur l'autre bouquet satellitaire en métropole n'emporte pas de conséquence extraordinaire pour TPS, qui continuera d'être le seul bouquet capable d'offrir l'intégralité des chaînes en clair.
En effet, c'est évident, France 2 ou France 3 ne représentent que 32 ou 33 % des auditeurs et près de 70 % d'entre eux resteront fidèles aux autres chaînes du bouquet TPS. Je tiens donc à relativiser quelque peu toutes les émotions qui ont été suscitées.
De plus, je ne pense pas qu'il nous revienne d'obliger le président de France Télévision à être présent sur tous les supports. Il doit cependant être autorisé à choisir, dans l'intérêt de son entreprise, économiquement parlant.
Personnellement je suis en désaccord avec le texte adopté par l'Assemblée nationale, c'est pourquoi je voterai le texte de la commission des affaires culturelles. Il s'agit ainsi non d'empêcher ou d'interdire ! Il s'agit simplement de confier au président de France Télévision une responsabilité en fonction d'une stratégie d'entreprise.
M. Louis de Broissia. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. de Broissia.
M. Louis de Broissia. Je fais miens tous les propos exprimés par M. Pelchat, qui a fait porter la discussion sur des points extrêmement raisonnables. Je crois en effet qu'on veut faire dire à la commission ce qu'elle ne dit pas.
Madame le ministre, vous m'autoriserez tout d'abord à dire que j'aime bien votre émotion européenne à géométrie variable !... Les propositions de la Commission ne seraient pas vraiment contraignantes, selon vous. Je me permets toutefois de relever que c'est le deuxième commissaire européen à la concurrence qui se prononce sur TPS. Cela témoigne, pour le moins, d'une certaine continuité dans l'appréciation.
Il est trop facile d'être européen quand cela arrange et de cesser de l'être dans le cas contraire. C'était ma première observation.
Par ailleurs, c'est ma deuxième observation, le parti socialiste est totalement logique avec lui-même, depuis l'origine. Je lui reconnais cette cohérence.
L'exclusivité de TPS découle, messieurs les sénateurs, mesdames les sénatrices socialistes, du refus par Canal + des chaînes publiques. Vous semblez l'avoir oublié. Cela ne remonte pourtant pas à l'époque de Mathusalem ! C'était il y a trois ans.
A l'époque, Canal + n'y a pas cru et un autre bouquet satellitaire a vu le jour grâce à l'intelligence des parlementaires et, surtout, des opérateurs. Canal Satellite n'a pourtant pas été affaibli, ses responsables le répètent d'ailleurs tous les jours.
La concurrence a été favorable à l'essor de la réception satellitaire, l'expérience en témoigne. L'obligation de transport, en revanche, ne peut que nuire au service public.
Madame Pourtaud, j'attire d'ailleurs votre attention sur le fait que TPS a permis au service public de capitaliser. Pour une fois que le service public devient un pôle industriel, cette capitalisation devrait être passée par pertes et profits. Pour ma part, j'appuie l'initiative industrielle et intelligente de TPS.
La proposition de la commission des affaires culturelles va donc dans le sens du renforcement du service public de l'audiovisuel.
En deux ans, il est pensable que la France - qui donne l'exemple en Europe - puisse se doter de deux bouquets satellitaires comme le demande la Commission. L'amendement n° 106 que j'ai déposé, et qui sera examiné dans un instant, va dans ce sens.
Monsieur Charasse, pour moi, la Commission n'est pas l'alpha et l'oméga de la règle internationale...
M. Michel Dreyfus-Schmidt. C'est la loi !
M. Louis de Broissia ... mais je la respecte pour l'avis continu exprimé en son sein.
En tant que défenseur du service public, et en principe ce projet de loi sur l'audiovisuel vise à renforcer le service public, je trouverais bizarre qu'à l'occasion du vote d'un amendement, on oublie l'intérêt du service public. Je suivrais donc la position de la commission.
Mme Danièle Pourtaud. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à Mme Pourtaud.
Mme Danièle Pourtaud. Monsieur de Broissia nous ne sommes absolument pas animés par l'idée d'obliger le service public à ne plus être actionnaire de TPS.
Il ne s'agit pas du seul opérateur de notre paysage audiovisuel qui ait des intérêts dans les deux plates-formes.
Un certain nombre de chaînes sont diffusées sur les deux plates-formes. Par conséquent, le service public peut parfaitement rester actionnaire d'une plate-forme s'il y trouve son intérêt, si cela correspond à ses missions - c'est un autre débat ! - et par ailleurs être présent sur l'autre.
Quant à votre deuxième argument, la Commmission européenne n'a pas prétendu que le service public devait rester en exclusivité sur TPS. Son raisonnement est plutôt, me semble-t-il, le suivant : en l'état actuel de la loi, et pour ce qui relève de notre responsabilité d'examiner les situations qui sont favorables à la concurrence, nous, Commission européenne, considérons qu'il n'y a pas d'inconvénient, au regard de la concurrence, à ce que le service public soit en exclusivité sur TPS.
La Commission européenne, se plaçant du point de vue du client, considère qu'une situation de concurrence est un facteur qui peut contribuer à faire baisser les prix des différents abonnements pour les clients, ce en quoi, elle n'a pas forcément tort d'ailleurs ! Ce n'est pas une polémique, c'est un fait !
Mais elle n'interdit absolument pas, je le répète - je crois même qu'elle l'a précisé - que le législateur se prononce sur le sujet. Nous pouvons donc parfaitement considérer, quant à nous, que les chaînes de service public payées par la redevance - M. Pelchat a en effet parfaitement raison de dire qu'il ne s'agit que de France 2 et de France 3 - doivent être accessibles par l'ensemble des Français qui choisissent de s'équiper d'un système permettant de recevoir le satellite ou qui sont obligés de le faire parce qu'ils résident dans ces zones d'ombre chères à M. Dreyfus-Schmidt.
Cette position ne va donc absolument pas à l'encontre des intérêts du service public. Au contraire, elle est absolument conforme à la nature du secteur public et à ses rapports avec les téléspectateurs français qui doivent effectivement être dans une situation d'égalité vis-à-vis du service public, lequel doit être accessible gratuitement en tout point du territoire, et cela quel que soit le moyen de réception choisi.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Absolument !
M. Pierre Laffitte. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Laffitte.
M. Pierre Laffitte. Je m'étonne quelque peu de la position de mon collègue et ami Louis de Broissia sur ce point, car il existe dans son département, et même dans sa région, de fortes zones d'ombre, ce qu'il trouve, il nous l'a clairement fait savoir, tout à fait inadmissible.
A l'intérieur de telles zones, des téléspectateurs ont peut-être été conduits à choisir CanalSatellite précisément parce qu'ils ne pouvaient recevoir ni Arte ni FR 3. Je trouve, par conséquent, inadmissible que, payant la redevance, ils ne puissent même pas recevoir FR 3 par ce biais, parce que France Télévision a accordé une exclusivité à un autre bouquet ! On pourrait admettre cette forme d'appui, lorsqu'il n'y avait pas de véritable concurrence, mais aujourd'hui cette concurrence existe, et ce n'est pas un commissaire de Bruxelles qui me fera croire que 800 000 abonnés ne sont pas une concurrence pour une chaîne qui en compte un million, soit un rapport de 80 à 100 ! On compte même actuellement deux chaînes de satellite en France.
Il me semble, par conséquent, normal que tous les Français qui paient la redevance puissent recevoir les chaînes pour lesquelles ils paient. Dans mon département, de nombreuses personnes situées dans des zones d'ombre se plaignent de ne pas recevoir les chaînes nationales pour lesquelles elles paient la redevance, alors qu'elles ont dû opter pour le satellite !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Très bien !
M. Alain Joyandet. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Joyandet.
M. Alain Joyandet. J'ai l'impression que nous sommes en train de déraper...
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Mais non !
M. Alain Joyandet. ... car nous sommes passés d'un sujet à un autre. Ce n'est pas le problème des zones d'ombre qui nous préoccupe ce soir ! Or on est en train d'expliquer que, pour combattre les zones d'ombre, il faut obliger l'ensemble des diffuseurs à transporter le service public...
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Exactement !
M. Alain Joyandet ... alors que l'on devrait, à mon avis, poser la question inverse, à savoir : qu'en est-il de nos concitoyens qui paient la redevance...
M. Michel Dreyfus-Schmidt. On en reparlera !
M. Alain Joyandet. ... et qui ne reçoivent pas le service public ?
M. Michel Pelchat. C'est la vérité !
M. Alain Joyandet. C'est tout simplement parce que le service public refuse d'équiper le reste du territoire, alors que c'est sa mission !
M. Louis de Broissia. Très bien !
M. Alain Joyandet. Mais là, on retombe, madame la ministre, dans un autre débat, qui est celui du financement du service public.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. J'ai un amendement sur ce point.
M. Alain Joyandet. On a parlé de milliards dans la discussion générale. Pourquoi le service public de télévision n'équipe-t-il pas les 10 % ou les 15 % du territoire restants ? Parce qu'il n'a pas les moyens financiers de le faire !
Je rejoins les arguments de notre collègue M. Pelchat sur une certaine liberté économique. Obliger les diffuseurs à transporter le service public en motivant cette obligation par l'existence de zones d'ombres, c'est vraiment retourner complètement le problème, alors que l'on devrait donner au service public les moyens financiers nécessaires...
M. Michel Pelchat. Très bien !
M. Alain Joyandet. ... pour assumer une diffusion sur l'ensemble du territoire national, puisqu'il perçoit la redevance sur l'ensemble de ce territoire !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Ils peuvent le faire en payant un décodeur, par exemple.
M. Henri Weber. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Weber.
M. Henri Weber. S'il faut éviter de déraper et recentrer, recentrons ! (Sourires.)
Désormais, deux opérateurs sont en situation de concurrence. Ils sont peut-être encore inégaux, mais l'inégalité n'est pas telle que la concurrence est nulle et non avenue, comme c'était encore le cas voilà trois ans.
Comme cela a été dit à plusieurs reprises, les émissions financées par la redevance du service public sont un bien public. Elles doivent être présentes sur les deux plates-formes satellitaires. Si l'une de ces plates-formes, celle où se trouve entre autres TF 1, considère que, pour faire face à la concurrence, elle doit mettre les bouchées doubles, qu'elle investisse et qu'elle augmente son offre !
Les entreprises du bouquet TPS ne sont pas au bord du dépôt de bilan ! Elles n'ont pas à utiliser les oeuvres produites par le service public grâce à la redevance comme un argument de concurrence. Ce sont des biens publics. Que ces chaînes multiplient, diversifient et enrichissent leur offre spécifique. Ce sera profitable à notre industrie des programmes qui, si je vous ai bien entendu hier soir, nous tient tous à coeur.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 14 rectifié, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, les amendements n°s 208 rectifié et 209 n'ont plus d'objet.
Par amendement n° 106, M. de Broissia propose :
I. - De compléter in fine l'article 4 bis par un paragraphe ainsi rédigé :
« II. - Les dispositions du présent article entreront en vigueur à l'expiration d'un délai de deux ans à compter de la date de la promulgation de la présente loi. »
II. - En conséquence, de faire précéder le premier alinéa de l'article 4 bis de la mention : « I. - ».
La parole est à M. de Broissia.
M. Louis de Broissia. Je retire cet amendement, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 106 est retiré.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 4 bis , modifié.

(L'article 4 bis est adopté.)
M. le président. Mes chers collègues, nous avançons à un rythme relativement lent. Nous avons examiné neuf amendements en une heure quarante, il en reste 213 !

Article 5