Séance du 20 janvier 2000







M. le président. « Art. 20 bis . - L'article 71 de la même loi est ainsi rédigé :
« Art. 71 . - Les décrets prévus aux articles 27 et 33 précisent les conditions dans lesquelles une oeuvre cinématographique ou audiovisuelle peut être prise en compte au titre de la contribution d'un éditeur de service à la production indépendante, selon les critères suivants :
« 1° La durée de détention de droits de diffusion par l'éditeur de service ;
« 2° L'étendue des droits secondaires et des mandats de commercialisation, détenus directement ou indirectement par l'éditeur de service ;
« 3° La nature et l'étendue de la responsabilité du service dans la production de l'oeuvre.
« Ces décrets prennent également en compte les critères suivants, tenant à l'entreprise qui produit l'oeuvre :
« 1° La part, directe ou indirecte, détenue par l'éditeur de service au capital de l'entreprise ;
« 2° La part, directe ou indirecte, détenue par l'entreprise au capital de l'éditeur de service ;
« 3° La part, directe ou indirecte, détenue par un actionnaire ou un groupe d'actionnaires à la fois au capital de l'éditeur de service et au capital de l'entreprise ;
« 4° Le contrôle exercé par un actionnaire ou un groupe d'actionnaires à la fois sur l'éditeur de service et sur l'entreprise. »
« 5° La part du chiffre d'affaires ou le volume d'oeuvres réalisé par l'entreprise avec l'éditeur de service.
« Ces décrets fixent les critères mentionnés au présent article retenus pour les oeuvres cinématographiques et ceux retenus pour les oeuvres audiovisuelles et déterminent leurs modalités d'application. »
Par amendement n° 218, Mme Pourtaud, MM. Dreyfus-Schmidt, Collomb, Lagauche, Weber et les membres du groupe socialiste et apparentés proposent de rédiger ainsi le 1° du texte présenté par cet article pour l'article 71 de la loi du 30 septembre 1986 :
« 1° La durée maximale de détention de droits de diffusion par l'éditeur de service qui ne saurait excéder trois ans. »
La parole est à M. Weber.
M. Henri Weber. Nous avions souligné, au cours de la discussion générale, les difficultés et les problèmes de la production française audiovisuelle, en particulier télévisuelle.
Les raisons de ces faiblesses et de ces difficultés sont multiples, mais l'une d'elles tient au fait que, face à 700 petites et moyennes entreprises de production, il n'y a, en France, que quelques diffuseurs, que quelques chaînes nationales.
Le développement, dans les prochaines années, du numérique hertzien notamment, sujet que nous avons abordé longuement cet après-midi, permettra certainement de surmonter cette difficulté. De nouveaux entrants - locaux, régionaux, thématiques - vont apparaître, ainsi que de nouvelles fréquences et de nouveaux canaux. En conséquence, la situation va s'améliorer à cet égard.
Cependant, pour que la multiplication des diffuseurs ait des effets bénéfiques sur la production, il faut mettre un terme à une certaine « viscosité » des droits et instituer ce que vous avez appelé, madame la ministre, la « fluidité » des droits. Le texte que vous nous proposez comporte un certain nombre de dispositions allant dans ce sens, en particulier sur les droits secondaires.
S'agissant de la durée des droits que les diffuseurs peuvent imposer dans une certaine négociation, si nous souhaitons bien évidemment qu'elle soit réglée sur le plan contractuel, nous considérons cependant que la loi doit fixer un maximum. Il est souhaitable en particulier - tel est l'objet de cet amendement - que la durée maximale de détention des droits de diffusion par l'éditeur de service soit de trois ans. En effet, on a pu déplorer des contrats véritablement léonins par lesquels l'éditeur de service s'arrogeait la souveraineté sur ces droits pendant cinq, six ou sept ans, voire plus de dix ans, une telle pratique entraînant un gel des oeuvres.
Si l'on veut que les oeuvres circulent et que se crée véritablement un second marché, une seconde fenêtre, il faut mettre un terme à cette pratique de gel des oeuvres résultant d'une durée excessive de la détention des droits par l'éditeur de service.
C'est la raison pour laquelle nous proposons, par l'amendement n° 218, que la durée maximale de détention des droits de diffusion par l'éditeur de service ne puisse excéder trois ans.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Très bien !
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Paul Hugot, rapporteur. La commission s'en remet à la sagesse du Sénat.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Catherine Trautmann, ministre de la culture et de la communication. Le Gouvernement est défavorable à cet amendement. En effet, il lui paraît nécessaire que la loi renvoie à un décret le soin de fixer la durée maximale de détention des droits de diffusion, et ce, d'ailleurs, pour les raisons qui sont évoquées dans l'objet de l'amendement.
Pour autant, si le Gouvernement choisit cette voie réglementaire pour pouvoir adapter les règles en fonction des différentes catégories d'oeuvre - fictions, documentaires, animations - il a prévu dans la loi, comme vous l'avez rappelé, des dispositifs pour faciliter la fluidité des droits.
Fixer un délai maximal unique de trois ans dans la loi rigidifierait à l'excès, me semble-t-il, un domaine où les conditions de production diffèrent considérablement. Mais nous prendrons bien évidemment en compte dans le décret les éléments qui ont motivé le dépôt de cet amendement. Néanmoins, il est préférable d'en rester au décret plutôt que d'introduire cette disposition dans la loi.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 218.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. J'aimerais savoir, madame la ministre, si un délai maximal inférieur à trois ans vous paraît possible. Si oui, cela peut être intéressant ; si non, mieux vaudrait fixer dans la loi une durée maximale de trois ans ou la durée maximale qui vous semblerait judicieuse. On saurait alors à quoi s'en tenir, ce qui n'empêcherait pas qu'un décret puisse éventuellement prévoir des durées inférieures.
Mme Catherine Trautmann, ministre de la culture et de la communication. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Catherine Trautmann, ministre de la culture et de la communication. S'il est possible, dans certains cas, de descendre en dessous d'une durée de trois ans, dans d'autres cas, il faut peut-être aller au-delà. Il nous faut disposer - tel est le souhait émis par nos interlocuteurs de la production - d'un système qui ne soit pas trop difficile à mettre en oeuvre et qui permette de s'adapter, sans trop de rigidités.
Je préférerais donc ne pas fixer une règle stricte qui empêcherait, par exemple, de disposer du degré de souplesse indispensable en fonction des oeuvres.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Trois ans, cela paraît quand même un grand maximum !
Mme Catherine Trautmann, ministre de la culture et de la communication. Dans certains cas, non ! Je pense que cela reflète la position d'une partie des professionnels, mais pas de tous.
M. Michel Pelchat. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Pelchat.
M. Michel Pelchat. Cet amendement va de toute façon, à mon avis, dans le bon sens, une durée de trois ans à partir de la première diffusion me paraissant quand même constituer un délai déjà fort important ; et vous serez certainement parfois amenée, madame le ministre, à prévoir des délais moins longs.
Vous dites que l'on ne vous laisse pas de marge de manoeuvre ; mais, malheureusement, vous le savez bien, vous n'êtes pas associée à toutes les négociations qui se déroulent, par exemple, dans le secteur privé, et qui, souvent, amènent à geler des oeuvres en empêchant leur fluidité, leur diffusion ou leur rediffusion par d'autres producteurs, qui peuvent être concurrents de celui qui les a éditées pour la première fois. Ce dernier essaiera bien sûr, surtout en présence d'oeuvres de bonne qualité, de les conserver pour son propre usage ; et il les reproduira ainsi une fois ou deux.
Je crois donc que tout cela milite en faveur d'une plus grande fluidité, et c'est tout l'intérêt de cet amendement. C'est cette fluidité qui permettra d'alimenter tous les programmes à venir.
En effet, on a beaucoup parlé du numérique hertzien, et nous y reviendrons tout à l'heure ; cela représente de très nombreux programmes qu'il faudra alimenter, ce qui ne pourra se faire qu'avec des premières diffusions d'oeuvres. Il faudra procéder à nombre de rediffusions, qui ne pourront pas toujours se faire au bénéfice des mêmes diffuseurs, de ceux qui ont produit les premières oeuvres. Il faudra donc bien que les oeuvres soient fluides pour irriguer l'ensemble des moyens de diffusion existants.
Voilà pourquoi cet amendement me paraît bon.
M. Louis de Broissia. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. de Broissia.
M. Louis de Broissia. Comme mon collègue Michel Pelchat, je pense que cet amendement va dans le bon sens. Je crois que nous sommes tous d'accord. M. le rapporteur de la commission des affaires culturelles s'en est remis à la sagesse du Sénat. Or la sagesse s'oriente généralement vers le soutien d'une mesure souhaitable.
Comme cela est indiqué dans l'objet de l'amendement, certains contrats prévoient, pour « affamer » le marché, l'achat des droits pour sept ans, huit ans, voire dix ans.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Tout à fait !
M. Louis de Broissia. J'ai vu des contrats de ce genre, qui vont à l'encontre de ce que nous recherchons, à savoir, conformément à l'intitulé de ce projet de loi, la liberté de communication. Cette liberté passe par des mesures incitatives. Une durée maximale de détention des droits de diffusion par l'éditeur de service n'excédant pas trois ans me paraît de nature à permettre une saine régulation du marché.
Nous pourrons toujours préciser, dans cette deuxième lecture dont on parle tant depuis le début de la discussion, qu'il ne sera pas possible d'excéder trois ans sauf si un décret le précise. Quoi qu'il en soit, nous aurons l'occasion d'en reparler.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Sauf renouvellement !
Mme Catherine Trautmann, ministre de la culture et de la communication. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Catherine Trautmann, ministre de la culture et de la communication. Chacun le sait, certaines oeuvres relèvent de budgets d'investissement d'une tout autre ampleur. Or cet amendement présente l'inconvénient de considérer toutes les oeuvres de la même façon, quel que soit leur budget, quel que soit le taux des obligations.
Pourquoi prévoyons-nous un décret ? Parce que cela permet plus de souplesse car on peut ainsi s'adapter plus facilement à chaque situation concrète, en fonction de la durée, du taux des obligations mais aussi des parts de coproduction.
Nous devons préserver une possibilité de négociation et laisser le champ relativement ouvert. Sinon, en effet, tout le monde serait toisé à la même aune.
Je n'ai pas la volonté de rigidifier le système, mais je pense qu'il vaut mieux ne pas modifier la loi pour aboutir à une disposition inapplicable. Dans tout ce secteur, il y aura négociation, et la voie réglementaire ou l'accord professionnel interviendront, comme c'est le cas actuellement entre les diffuseurs et les professionnels du cinéma.
Plus j'avance dans la concertation avec les professionnels, plus je me rends compte que nous devons prendre vraiment en compte l'intérêt non seulement des producteurs mais aussi des diffuseurs.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Voilà !
Mme Catherine Trautmann, ministre de la culture et de la communication. Ce que j'envisageais en proposant des dispositions nouvelles sur la fluidité des droits dans ce projet de loi, c'est bien sûr de suivre le processus en recourant, après discussion et prise en compte de l'avis des professionnels, à la voie réglementaire en prenant un décret particulièrement adapté à la diversité de leurs situations.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Nous vous faisons confiance à vous, madame la ministre, mais après, peut-être moins !
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 218, repoussé par le Gouvernement et pour lequel la commission s'en remet à la sagesse du Sénat.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 20 bis, ainsi modifié.

(L'article 20 bis est adopté.)

Article 21