Séance du 23 février 2000






DÉFENSEUR DES ENFANTS

Adoption d'une proposition de loi en deuxième lecture

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion en deuxième lecture de la proposition de loi (n° 97, 1999-2000), adoptée avec modifications par l'Assemblée nationale en deuxième lecture, instituant un défenseur des enfants. [Rapport n° 187 (1999-2000).]
Dans la discussion générale, la parole est à Mme le ministre.
Mme Ségolène Royal, ministre délégué chargé de l'enseignement scolaire. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je me réjouis que la proposition de loi présentée par MM. Laurent Fabius et Jean-Paul Bret instituant un Défenseur des enfants et adoptée à l'Assemblée nationale voilà à peine trois mois revienne aujourd'hui devant le Sénat.
La célérité avec laquelle ont été conduits les travaux et les votes, et ce sur toutes les travées, quelles que soient les sensibilités politiques, démontre que vous attachez à la défense des droits de l'enfant toute l'importance qu'elle mérite.
Comme vous tous aujourd'hui, mesdames, messieurs les sénateurs, je suis persuadée que l'on juge l'évolution d'une société à l'aune du sort qu'elle réserve à ses enfants. Je suis donc tout à fait favorable, au nom du Gouvernement, à la création du Défenseur des enfants, dont la mission sera d'enregistrer les réclamations des mineurs et de les orienter vers la résolution amiable des conflits. En effet, un tel dispositif est de nature à encourager le dialogue, le respect d'une plus grande équité et le développement d'une relation de proximité entre les mineurs, les adultes et les institutions qui les concernent.
Il existe déjà au sein de l'éducation nationale un médiateur, mais celui-ci n'est que rarement sollicité par les élèves eux-mêmes. Il existe donc un espace à conquérir pour le nouveau Défenseur des enfants.
Comme vous le savez, dès mon arrivée au Gouvernement, j'ai souhaité que l'école devienne un lieu de vie et un espace de parole où l'enfant puisse être écouté et protégé.
A ce titre, j'ai entrepris différentes actions pour briser la loi du silence en matière de maltraitance, de bizutage, de racket et de pédophilie, ainsi que pour renforcer la santé scolaire en instituant, notamment, un fonds social pour les cantines et en créant, depuis trois ans, 1 400 emplois de médecins, d'infirmières, d'assistantes sociales et en refondant complètement l'éducation à la santé.
J'ai souhaité inscrire le droit de chaque enfant à l'instruction et à la réussite scolaire comme une des priorités de ma politique. Tel est l'objet des zones d'éducation prioritaire, qui, dès 1998, ont été relancées, avec la mise en place des réseaux d'éducation prioritaire.
Par ailleurs, depuis la rentrée dernière, des heures de remise à niveau pour les élèves en difficulté ont été généralisées dans tous les collèges : six heures en classe de sixième et trois heures en classe de cinquième. Selon moi, il est cohérent, lorsqu'on réfléchit aux droits de l'enfant, de se mobiliser sur son droit fondamental à la réussite scolaire.
J'ai également, vous le savez, apporté ma contribution au renforcement du contrôle de l'obligation scolaire en soutenant une proposition de loi sénatoriale, qui a été adoptée à l'unanimité au Sénat et à l'Assemblée nationale, pour lutter, notamment, contre l'embrigadement des enfants dans les sectes, ce qui les prive du droit fondamental à une instruction authentique.
La proposition de loi qui vous est soumise aujourd'hui s'inscrit donc dans la continuité de la politique de reconnaissance des droits de l'enfant tout en renforçant les dispositions législatives déjà adoptées en matière de protection des droits de l'enfant. Elle apparaît comme une synthèse heureuse et équilibrée après les travaux approfondis conduits par les députés et par votre assemblée depuis le 19 novembre 1998, date de son examen en première lecture à l'Assemblée nationale.
Lors de la discussion de cette proposition de loi en première lecture au Sénat, le 9 novembre 1999, vous aviez évoqué les conséquences administratives qui pourraient résulter de la concurrence institutionnelle entre le Médiateur de la République et le Médiateur des enfants. Pour éviter cet écueil, vous aviez souhaité placer cette nouvelle institution auprès du Médiateur de la République afin de conforter l'unité de la médiation institutionnelle.
La proposition de loi qui vous est présentée aujourd'hui a tenu compte de vos inquiétudes. Tout en conservant son indépendance et son autonomie, le Défenseur des enfants ne concurrence pas le Médiateur de la République, mais complète, par la spécificité de sa compétence, le rôle de celui-ci.
Il fallait en effet que le Défenseur des enfants soit une entité à part, clairement identifiable et réservée aux enfants pour que ceux-ci le considèrent comme un interlocuteur privilégié, créé pour eux et à l'écoute de leurs préoccupations. C'est pour cette raison que le Défenseur des enfants doit bénéficier d'un fonctionnement souple et original.
Dans le texte qui vous est soumis, cette institution a vocation à recevoir l'ensemble des réclamations des mineurs. Mais, lorsque celles-ci mettent en cause des personnes publiques ou tout organisme investi d'une mission de service public, le Défenseur des enfants doit les renvoyer au Médiateur de la République. Cette solution permet aux enfants et à leurs familles de bénéficier d'un accès direct à la médiature, profitant ainsi de son expérience, et au Médiateur de la République de conserver l'unité de sa mission.
Institution originale, la spécificité du Défenseur des enfants résulte de trois caractéristiques.
En premier lieu, les compétences du Défenseur des enfants ont été élargies à la sphère privée puisque celui-ci peut se saisir des réclamations visant des personnes physiques ou morales de droit privé.
Dans la cellule familiale, certains droits fondamentaux, comme la liberté d'expression ou le droit à la dignité des enfants, peuvent être bafoués ; l'intervention du Défenseur des enfants peut s'avérer alors indispensable.
Les enfants en difficulté placés par l'autorité parentale, administrative ou judiciaire au sein d'associations de droit privé pourront eux aussi solliciter l'intervention du Défenseur des enfants. Tous les élèves, notamment ceux des établissements privés, sont susceptibles de bénéficier de cette extension.
Par ailleurs, les adolescents peuvent être confrontés à des violations de leurs droits par des employeurs ou des commerçants et, là encore, l'aide du Défenseur des enfants peut leur être précieuse.
En deuxième lieu, pour lui assurer une meilleure lisibilité, il a été apporté à cette institution un changement de dénomination : l'appellation de « Médiateur des enfants », retenue dans la proposition de loi initiale, a été remplacée par celle de « Défenseur des enfants ».
Ce changement de nom permet de souligner que la nouvelle autorité indépendante n'aura pas seulement un rôle de médiation : elle assurera aussi la promotion des droits de l'enfant en organisant des actions d'information sur ces droits.
Le Défenseur des enfants sera également chargé de proposer des modifications législatives et réglementaires lorsqu'il apparaîtra que l'application des textes en vigueur aboutit à des situations inéquitables. Ainsi travaillera-t-il au plus près des préoccupations des mineurs, dont il deviendra le porte-parole. L'avantage de cette nouvelle dénomination est qu'elle évite toute confusion avec le médiateur de la République, préoccupation qui était également, je le sais, celle de certains d'entre vous.
En troisième lieu, l'indépendance du Défenseur des enfants est consacrée par son mode de financement. L'Assemblée nationale, par un amendement que j'ai présenté au nom du Gouvernement, a inscrit dès maintenant dans la loi la dotation budgétaire allouée au Défenseur des enfants, qui sera imputée sur le budget du Premier ministre.
La création du Défenseur des enfants doit permettre de renforcer le lien et le dialogue entre les enfants et les adultes. L'intérêt des enfants n'est pas en opposition avec celui des adultes, il fait partie tout simplement des droits attachés à la dignité de la personne humaine.
Je souhaite ardemment que cette institution ait une action forte pour aider tous les enfants qui souffrent, qui se découragent, qui subissent sans comprendre, et qu'ainsi il leur soit redonné les moyens de grandir avec confiance en l'avenir et l'espoir de réussir. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Christian Bonnet, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, voici que nous revient une proposition de loi qui visait initialement à instituer un Médiateur des enfants.
Lors du débat en deuxième lecture à l'Assemblée nationale - vous venez, madame la ministre, de le rappeler - cette proposition de loi a fait l'objet de trois modifications.
D'abord, à la demande, crois-je savoir, de M. Bernard Stasi, Médiateur de la République, pour éviter confusion et dévalorisation, le terme de « défenseur » a été substitué à celui de « médiateur ».
Ensuite, il était prévu des attributions calquées sur celles du Médiateur de la République, ce qui avait l'aspect d'une redondance et risquait de générer une redoutable concurrence, dénoncée à l'époque par notre assemblée. Aujourd'hui, dans le domaine des litiges avec les administrations publiques ou les collectivités territoriales, les requêtes sont renvoyées pour attribution au Médiateur de la République et, comme vous venez de le souligner, le champ de compétences propre du défenseur couvrira les seuls litiges de caractère privé.
Enfin, rien n'étant prévu sur le plan financier, en dépit des observations faites par le Sénat en première lecture sur ce point, le Gouvernement a très heureusement introduit - là encore, vous venez de le rappeler, madame la ministre - un amendement prévoyant que les crédits nécessaires à l'accomplissement de la mission du Défenseur des enfants seraient inscrits dans le budget du Premier ministre.
Ces aménagements aidant - que l'on doit aux vertus du bicamérisme et qui sont loin d'être négligeables - l'une des idées-forces de l'Assemblée nationale lors de la deuxième lecture à laquelle elle a procédé a été de gommer toute référence à la loi de base de 1973 instituant un Médiateur de la République, tout en en reprenant, à la virgule près, les termes, ce qui explique l'inflation purement apparente de la présente proposition de loi.
Les députés ont voulu marquer par là l'indépendance du défenseur des enfants, à travers la substitution aux références classiques à un texte de base, celui de 1973, d'un texte spécifique, substitution qui a pour inconvénient de surcharger inutilement un texte législatif et, peut-être, d'induire une confusion dans l'esprit de beaucoup. Mais cet aspect des choses, s'il est formellement déplorable, peut être tenu, au fond, pour négligeable.
Aussi bien, considérant, certes, qu'à partir d'une louable intention on crée à certains égards un nouveau « machin » administratif, mais considérant les aménagements qui sont intervenus par rapport au texte d'origine - « défenseur », limitation aux seuls litiges privés, prise en compte du financement - et considérant, de surcroît, le fait que, sur un sujet sensible, s'il était en droit, et avait même le devoir, de marquer en première lecture certaines réserves vis-à-vis d'une proposition de loi, le Sénat ne saurait se permettre de passer, aux yeux d'une opinion conditionnée par les médias, comme indifférent au sort des enfants, d'autant que les deux assemblées ont toujours visé le même objectif et que leurs divergences ne portaient que sur les modalités d'application permettant de l'atteindre.
Dès lors, votre commission, à l'unanimité, vous propose, mes chers collègues, d'éviter « une guerre de tranchées » et d'adopter conforme le texte qui, rectifié par rapport à celui de la première lecture, nous revient du Palais-Bourbon.
Enfin, ultime observation, la proposition de loi organique relative à l'inéligibilité du médiateur, aujourd'hui défenseur des enfants, a été déclarée non conforme à la Constitution par le Conseil constitutionnel du fait que le législateur n'avait pu se prononcer en connaissance de cause, le texte étant alors en navette. Il faudra, dès lors, une nouvelle proposition de loi organique en ce sens pour en finir avec cette affaire. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à Mme Derycke.
Mme Dinah Derycke. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le Sénat avait, en novembre dernier, modifié assez profondément la proposition de loi instituant un Médiateur des enfants.
La principale préoccupation dans vos rangs, chers collègues de la majorité sénatoriale, était alors d'éviter que le Médiateur des enfants ne vienne concurrencer le Médiateur de la République. Certains d'entre vous s'interrogeaient même sur la nécessité d'une nouvelle autorité indépendante, qui introduirait la confusion dans l'esprit de nos citoyens.
Avec ma collègue du groupe communiste, j'ai défendu, au contraire, le principe d'une institution indépendante, collaborant intelligemment avec la médiature et renvoyant les dossiers qui relevaient manifestement de sa compétence. J'ai également plaidé pour l'extension de la compétence du Médiateur des enfants à la sphère privée.
Bon nombre de nos propositions ainsi que celles qu'avait exposées M. Jacques Pelletier ont été reprises par l'Assemblée nationale.
Je me félicite, aujourd'hui, que M. le rapporteur propose d'adopter conforme le texte instituant un Défenseur des enfants, et ce à plus d'un titre.
En première lecture, nous avions pu constater que, sur toutes les travées, nous visions l'objectif défini dans la proposition de loi de M. Fabius, à savoir mieux protéger les enfants, et que les divergences - M. le rapporteur vient de le rappeler - ne portaient que sur les modalités concrètes de mise en oeuvre. Je me réjouis donc de l'accord qui se dessine aujourd'hui.
« Médiateur », « Défenseur », le qualificatif importe peu, même s'il faut bien reconnaître que le terme de « Défenseur » est peut-être plus facile à identifier pour les enfants que celui de « Médiateur ».
Je crois que nous faisons aujourd'hui oeuvre utile. Peut-être, d'ailleurs, serons-nous surpris de l'apport de cette nouvelle institution dans notre connaissance des problèmes concrets auxquels sont confrontés de nombreux enfants.
Nous faisons aujourd'hui un acte fort. J'espère que cette nouvelle institution marquera une évolution de notre appréhension des questions concernant les enfants.
C'est pourquoi le groupe socialiste votera le texte issu des travaux de l'Assemblée nationale et accepté à l'unanimité par la commission des lois du Sénat. (Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme Terrade.
Mme Odette Terrade. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, un peu plus de deux mois après son premier passage au Sénat, la proposition de loi dont l'initiative appartient au président de l'Assemblée nationale et qui tend à créer un Médiateur des enfants nous revient en deuxième lecture.
C'est, pour les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen, un double motif de satisfaction.
D'abord, cette accélération de la procédure législative témoigne de l'attention particulière accordée par le Gouvernement et l'ensemble des parlementaires aux droits des enfants.
Celle-ci se vérifie d'ailleurs également avec la proposition de loi que nous examinerons ensuite et qui vise à renforcer le rôle de l'école dans la prévention et la détection des mauvais traitements à enfants.
La présente proposition atteste d'une réelle volonté de traduire en actes les principes énoncés dans la convention internationale des droits de l'enfant, dite convention de New York, que la France a été l'un des premiers Etats à ratifier.
Or, j'avais souhaité le souligner lors de la première lecture, si la France est l'un des pays dans lesquels les droits de l'homme, en général, et les droits de l'enfant, en particulier, sont assez bien respectés, les réalités de la vie ne sont pas toujours en adéquation avec les droits proclamés.
La maltraitance, le suicide des jeunes, l'inégalité devant le système éducatif ou l'inégalité face aux droits aux vacances et aux loisirs sont autant de questions qui doivent nous prémunir contre toute tentation d'autosatisfaction. Et la liste n'est certainement pas exhaustive !
Dans ce contexte, où la progression des droits ne va malheureusement pas toujours de pair avec leur accessibilité, l'institution d'un porte-parole des enfants paraît particulièrement opportune. Elle est le gage qu'une vigilance constante sera exercée à cet égard.
C'est pourquoi nous saluons l'effort de consensus qui s'est manifesté à la commission des lois, sous l'égide du rapporteur, M. Christian Bonnet : plutôt que - pour reprendre ses termes - de « s'engager dans une guerre de tranchées » sur les modalités de fonctionnement du « Défenseur » des enfants, il a choisi de hâter et faciliter la création d'une institution qui, dans son principe, recueille l'assentiment unanime des groupes.
Si la proposition de loi est adoptée telle qu'elle, ainsi que nous le laisse espérer l'absence d'amendements, le défenseur des enfants pourra être rapidement mis en place. Nous espérons que l'annulation par le Conseil constitutionnel de la proposition de loi organique relative à l'inéligibilité du Médiateur des enfants ne constituera qu'un bref contretemps.
D'autant que notre souhait de doter le Médiateur des enfants de moyens effectifs de fonctionnement se trouve en partie satisfait par un amendement gouvernemental adopté à l'Assemblée nationale. En effet, vous l'avez dit, madame la ministre, les crédits de fonctionnement du Défenseur des enfants seront inscrits au budget du Premier ministre, ce qui lui garantit les moyens de son existence.
Tombe ainsi l'un des arguments avancés ici même en première lecture pour tenter de justifier un rattachement organique au Médiateur de la République.
Que l'Assemblée nationale ait rétabli l'indépendance organique du Défenseur des enfants et que la majorité sénatoriale ait bien voulu convenir que cette solution était la bonne est une deuxième raison de se réjouir.
Les sénateurs communistes avaient vivement combattu l'option de la majorité sénatoriale en première lecture qui, en rattachant le Médiateur des enfants au Médiateur de la République, en faisait, en fin de compte, un « mineur sous tutelle » et vidait ainsi de son sens l'institution.
La création d'une entité propre aux enfants répond au caractère spécifique de leurs droits, qui ne doivent pas être systématiquement et exclusivement appréhendés au travers du prisme des adultes ; elle se situe dans la lignée des conclusions de la commission d'enquête de l'Assemblée nationale sur cette question et du sentiment de la très grande majorité des Français.
L'indépendance du Défenseur des enfants est la condition de sa crédibilité auprès des principaux intéressés : elle est absolument nécessaire pour qu'il puisse prétendre relayer leur parole. J'en veux pour preuve l'expérience du médiateur de l'enseignement, qui n'est saisi qu'exceptionnellement des réclamations des élèves.
Pour notre part, nous aurions souhaité pousser plus loin cette logique d'appropriation de l'institution par les enfants, en permettant aux associations de lycéens, notamment, de lui adresser leurs réclamations. Cette possibilité, qui correspond pourtant à une pratique citoyenne collective déjà éprouvée au travers des conseils municipaux des enfants et du Parlement des enfants, aurait mérité d'être prolongée au niveau du Défenseur des enfants.
Néanmoins, certaines améliorations du texte initial méritent d'être soulignées.
Nous avons notamment obtenu que les associations reconnues d'utilité publique puissent saisir le Défenseur des enfants. Est ainsi fort heureusement consacrée l'action des nombreuses associations nationales et internationales en faveur des droits de l'enfant. Je pense, en particulier, au réseau d'associations COFRADE, conseil français des associations pour les droits de l'enfant.
De même, nous nous réjouissons que l'Assemblée nationale ait donné suite à deux amendements déposés par nos collègues du groupe socialiste du Sénat, qui rejoignaient d'ailleurs les préoccupations exprimées par M. Pelletier.
Le premier permet désormais au Défenseur des enfants de proposer des mesures législatives nouvelles, et non plus seulement correctives, tendant à faire progresser les droits de l'enfant.
Quant au second, il étend la compétence du Médiateur des enfants à la sphère privée, partant de l'idée que les droits de l'enfant ne sont pas divisibles et distincts selon qu'ils trouvent à s'exprimer dans la sphère publique ou dans la sphère privée.
Cette approche nous semble pourtant contredite par la rédaction nouvelle de l'article 3 dans ses dispositions qui concernent les compétences respectives du Médiateur des enfants et du Médiateur de la République pour les litiges mettant en cause des personnes publiques.
Dès lors qu'ils seront « suffisamment sérieux », ces litiges devront être renvoyés au Médiateur de la République, qui garde ainsi, pour l'essentiel, la maîtrise des choses.
Au nom du « principe » de l'unité de la médiation institutionnelle - j'aimerais que l'on m'explique ce qu'il recouvre et quel en est le fondement ! - on sacrifie, par ces modifications de l'article 3, l'unité de la protection des droits de l'enfant, alors même que l'extension de la compétence du Défenseur des enfants aux litiges privés lui redonnait toute sa substance.
Cette solution ne nous semble pas opportune. Comme vous le rappeliez à l'Assemblée nationale, madame la ministre, « le respect des droits fondamentaux des enfants est un principe universel, et donc indivisible ».
Oter au Défenseur des enfants la possibilité d'instruire les litiges mettant en cause des personnes publiques ne nous semble pas aller dans le sens de cette universalité. La rédaction initiale, qui prévoyait une information réciproque du Médiateur des enfants et du Médiateur de la République, nous semblait de loin préférable.
Les sénateurs communistes ne sont pas non plus convaincus par l'appellation « Défenseur des enfants » retenue en deuxième lecture, qui est censée prémunir contre tout risque de concurrence avec le Médiateur de la République. Sans vouloir privilégier la forme sur le fond, ce changement de nom ne nous semble pas correspondre à l'esprit dans lequel a été conçue l'institution.
Dans la dynamique de la convention de New York, la mise en place d'un médiateur des enfants répond à un changement de perception du statut de l'enfant. Celui-ci n'est plus seulement un « objet de protection » à qui l'on octroie le droit d'être défendu par les adultes - étymologiquement, le mot « enfant » désigne celui qui ne parle pas - mais une personne à part entière, titulaire en tant que telle de droits et de capacité à les faire respecter. Tel est l'aspect véritablement révolutionnaire de la convention internationale des droits de l'enfant.
Or, le mot « défenseur » ne traduit pas cette appréhension « positive » de l'enfant ; au contraire, il nous semble de nature à faire perdurer cette vision de l'enfant « objet de droit » plutôt que « sujet de droit ».
On a dit que cette dénomination serait plus parlante, plus compréhensible par les enfants. Je n'en suis pas convaincue ; je crains, au contraire, avec d'autres, qu'elle ne soit source de confusion, en assimilant la nouvelle institution à une sorte de « super-avocat ».
Ces quelques remarques n'altèrent cependant en rien la satisfaction avec laquelle les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen verront se mettre en place le Défenseur des enfants.
Dans une interview récente, l'écrivain Alain Serres, à qui l'on doit la réédition du Grand Livre des droits de l'enfant, nous rappelait que « l'enfant n'a qu'un devoir, celui de connaître ses droits et de savoir que ces mêmes droits s'appliquent à son semblable ».
L'institution du Défenseur des enfants va dans ce sens, et c'est pourquoi nous voterons sans hésitation le présent texte.
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion des articles.
Je rappelle que, aux termes de l'article 42, alinéa 10, du règlement, à partir de la deuxième lecture au Sénat des projets ou propositions de loi, la discussion des articles est limitée à ceux pour lesquels les deux chambres du Parlement n'ont pas encore adopté un texte identique.

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