Séance du 7 mars 2000







M. le président. La parole est à M. Darcos, auteur de la question n° 691, adressée à Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité.
M. Xavier Darcos. Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, ma question concerne les rapatriés qui, en raison du cumul de diverses législations espacées dans le temps, se trouvent confrontés au non-respect de l'un des principes fondamentaux de notre Constitution : l'égalité des citoyens devant la loi.
De quoi s'agit-il ?
En 1970, le législateur a souhaité que des mesures urgentes soient prises en faveur de nombreux Français qui détenaient des biens outre-mer et qui en avaient été spoliés.
Pour remédier à cette iniquité, leur indemnisation fut décidée au titre de l'article 46 de la loi du 15 juillet 1970 relative à l'indemnisation des rapatriés, mais déduction faite des prêts de réinstallation qui leur avaient été consentis.
Ces mesures financières concernèrent de nombreux agriculteurs, des entreprises ou même des professions libérales.
Or, ultérieurement, le législateur décida d'effacer définitivement les dettes contractées par nos compatriotes qui n'avaient pas bénéficié de la législation de 1970 parce qu'ils ne possédaient aucun bien outre-mer.
Nous nous trouvons donc devant deux catégories de citoyens : ceux qui ont bénéficié de l'effacement des prêts de réinstallation et les autres. Il s'agit d'une question de fond sur laquelle nos rapatriés d'outre-mer, et ils sont nombreux en Dordogne, sont extrêmement sensibles.
Le 27 octobre 1998, répondant à M. Georges Frêche, député, Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité a reconnu qu'il s'agissait bien d'une inégalité de traitement, dont le Gouvernement était conscient, et que celui-ci allait agir.
Depuis octobre 1998, je ne vois rien venir. Quelles mesures avez-vous décidé de prendre pour concrétiser vos intentions et pour réparer, à juste titre, les injustices dont nos concitoyens concernés ont été les victimes ?
M. le président. La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale. Monsieur le sénateur, de quoi parlons-nous ?
Après l'indépendance de l'Algérie, l'Etat français a proposé aux familles de rapatriés des prêts bonifiés leur permettant de financer les investissements nécessaires à la relance d'une activité professionnelle équivalente à celle qu'elles connaissaient avant leur départ.
Pour des raisons que chacun peut imaginer, l'afflux massif de rapatriés a entraîné un mouvement spéculatif qui a rendu les investissements plus coûteux et moins rentables qu'espéré. Dans ces conditions, le remboursement des prêts s'est rapidement avéré problématique pour l'ensemble des débiteurs.
En 1970, la majorité de l'époque a décidé d'indemniser les biens perdus en Algérie, mais elle a choisi, aux termes de l'article 46 de la loi, de réduire cette indemnisation du montant des prêts accordés lors de la réinstallation. En 1978, l'article 3 de la seconde loi d'indemnisation a opéré la même réduction.
Le montant de cette « réduction » est aujourd'hui revendiqué par les rapatriés indemnisés, qui vivent comme une injustice le fait que le législateur ait choisi, en décembre 1986, d'effacer sans conditions les prêts de réinstallation attribués aux rapatriés non indemnisés.
Cette demande des rapatriés indemnisés de se voir restituer les prélèvements opérés sur l'indemnisation de 1970 et de 1978 a fait l'objet d'un refus du précédent gouvernement, comme l'ont indiqué M. Romani, à l'occasion d'un entretien avec les associations concernées le 7 mai 1997, et M. Juppé cette même année, lors de la présentation des voeux à l'Elysée.
En juin 1997, Mme Martine Aubry, à son arrivée au Gouvernement, a décidé de faire de la situation des réinstallés surendettés une priorité.
Ainsi, plus de 80 milliards de francs ont été accordés par l'Etat en 1997 et 1998 pour l'apurement des dettes des personnes les plus en difficulté. Le Premier ministre a également décidé, à la demande de Mme Aubry, d'intensifier cet effort en élargissant le champ du dispositif à certains mineurs au moment du rapatriement, qui étaient jusqu'alors exclus - les pupilles de la nation et les orphelins - voire d'accroître l'aide de l'Etat pour les cas les plus critiques. Cette réforme a fait l'objet du décret du 4 juin 1999 paru au Journal officiel du 6 juin. Le nouveau dispositif bénéficie d'une dotation budgétaire de 100 millions de francs.
En outre, ce décret institue une commission nationale qui remplace les CODAIR, les commissions départementales d'aide aux rapatriés réinstallés, et qui a siégé quatre fois depuis octobre 1999. Cette commission de désendettement des rapatriés réinstallés dans une profession non salariée, présidée par un magistrat de la Cour des comptes, assure la transparence et l'harmonisation des décisions.
En outre, les rapatriés surendettés qui ont demandé l'aide au désendettement bénéficient de la suspension provisoire des poursuites jusqu'à la décision de la commission nationale ou celle du juge administratif en cas de recours.
Enfin, un gel des dettes fiscales pour les mêmes rapatriés pendant la procédure d'instruction devant la commission a été décidé par la loi de finances rectificative pour 1999.
S'agissant de la révision de l'article 46, et après étude de cette proposition qui présente effectivement un caractère sérieux, le Gouvernement fera connaître très rapidement ses conclusions.
M. Xavier Darcos. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Darcos.
M. Xavier Darcos. Je vous remercie de votre réponse, madame le secrétaire d'Etat.
C'est surtout votre dernière phrase qui a retenu mon attention et qui m'importe, puisque, par ailleurs, vous avez décrit un dispositif que nous connaissons. J'observe cependant que cette phrase a déjà été prononcée, à peu près dans les mêmes termes et à plusieurs reprises, par des membres du Gouvernement, y compris par M. le Premier ministre lorsqu'il a reçu la coordination des rapatriés.
Je pense qu'il faudrait maintenant passer des paroles aux actes !

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