Séance du 7 mars 2000







M. le président. La parole est à M. Courteau, auteur de la question n° 720, adressée à M. le ministre de l'intérieur.
M. Roland Courteau. Madame la secrétaire d'Etat, passé le choc des inondations qui ont ravagé le département de l'Aude, que vous connaissez bien, nous nous mobilisons maintenant pour reconstruire dans le cadre, il faut le reconnaître, d'un partenariat exemplaire entre l'Etat et le conseil général de l'Aude notamment.
Cela dit, en matière d'indemnisation, il importe, je crois, de faire le point et de noter quelques retards dans le versement des aides publiques, pourtant déjà débloquées, aux entreprises. Il importe aussi de tirer les enseignements de l'application de la loi sur les catastrophes naturelles ou encore du fonctionnement des dispositifs de prévention, d'alerte et de protection.
En ce qui concerne les assurances, force est de constater que certains sinistrés ne sont toujours pas indemnisés. Si certains assureurs savent se montrer à la hauteur en matière d'indemnisation, d'autres invoquent des dispositions réglementaires pour ne pas indemniser la totalité des préjudices.
Bref, d'une manière générale, un certain nombre d'inégalités de traitement apparaissent. Ne serait-il donc pas nécessaire, dix-huit ans après, d'apporter quelques modifications à la loi du 13 juillet 1982, qui permit, au demeurant, à l'époque, de très grandes avancées en ce domaine ?
Pourquoi ne pas étendre, par exemple, la prise en charge des dommages matériels directs aux dommages matériels indirects et immatériels ? Chacun sait ici que les dommages indirects concernent les clôtures, les murs, les plantations, les terrains ; quant aux dommages immatériels, il s'agit des pertes de loyers, des honoraires d'expert, du préjudice patrimonial, du manque à gagner pour certaines entreprises ou du relogement des familles.
Sur ce dernier point, par exemple, ne serait-il pas juste que l'assurance, lors d'une catastrophe naturelle reconnue, prenne en charge les frais de relogement pour les propriétaires dont l'habitation a été rendue inhabitable ?
Est-il normal par ailleurs que les propriétaires des véhicules sinistrés mais assurés au minimum ne puissent pas être indemnisés ? On ne pourra pas toujours compter, pour aider les sinistrés mal indemnisés, sur les associations caritatives ou sur les organismes sociaux, d'autant que je crois savoir que l'assiette de la surprime de 12 %, qui constitue la contribution au fonds « catastrophes naturelles », est particulièrement élargie.
Dès lors, ne pourrait-on, par exemple, ouvrir les indemnisations pour catastrophe naturelle sur les mêmes bases qu'une garantie dommage et incendie, ce qui permettrait une indemnisation dans son entier ?
Pour conclure, j'évoquerai une seconde question très brièvement.
Nous savons tous que le risque zéro n'existe pas. Il n'empêche que tout doit être mis en oeuvre pour réduire les risques encourus, et ce d'autant que certaines zones de mon département sont régulièrement frappées depuis des siècles par des inondations dévastatrices. Même si nous n'ignorons pas le caractère phénoménal des inondations de novembre, il faut impérativement et rapidement tirer toutes les leçons de ces événements, tant en ce qui concerne l'identification des facteurs aggravants, le fonctionnement des dispositifs de la chaîne d'alerte ou ceux qui sont relatifs à la prévention, à la protection et à la gestion des crues.
Pouvez-vous, madame la secrétaire d'Etat, dresser un premier bilan des mesures engagées concernant les différents problèmes que je viens d'évoquer ?
M. le président. La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Florence Parly, secrétaire d'Etat au budget. Monsieur le sénateur, votre question aborde d'emblée le problème du niveau de l'indemnisation accordée aux sinistrés, et vous avez mis l'accent sur un certain nombre des difficultés auxquelles ceux-ci peuvent se heurter actuellement.
Les sujets que vous soulevez sont importants et les propositions que vous formulez nécessitent d'engager des discussions avec les compagnies d'assurance.
Ce qui est certain, c'est qu'à ce stade nous essayons de les régler du mieux que nous pouvons dans le cadre des commissions départementales, qui sont là pour tenter de trouver des solutions adaptées aux besoins de chacun.
Vous m'avez également interrogée sur les leçons que nous pouvions tirer en matière de procédure d'alerte et sur les mesures que nous avions prises depuis les événements du mois de novembre.
La procédure d'alerte en matière d'inondation repose à la fois sur les services d'annonce de crue - quand ils existent et dont les missions sont définies par un arrêté du 27 février 1984 - et sur les bulletins régionaux d'alerte météorologique produits par Météo-France.
Ces bulletins sont adressés aux préfets des départements, qui, pour plus de précision, peuvent se rapprocher du service départemental de Météo-France. Il leur appartient dès lors aux préfets, en fonction des informations reçues, de lancer vers les communes concernées l'alerte et toutes les précisions utiles relatives aux hauteurs d'eau et aux délais. Il est dès lors de la responsabilité des maires d'informer les populations.
Afin d'améliorer la transmission de l'alerte et de l'information vers les maires, un dispositif associant un automate d'alerte et un serveur opérationnel a été mis en place progressivement dans les préfectures. A ce jour, 50 % des départements sont équipés de ce système.
S'agissant des ouvrages de protection contre les inondations, un programme de recensement de tous ces ouvrages a été lancé par le ministère de l'aménagement du territoire et de l'environnement en mai 1999. Les premiers résultats sont attendus pour la mi-2000, une priorité étant accordée aux ouvrages qui participent à la protection de lieux particulièrement sensibles, notamment ceux où résident des populations importantes et où se posent des problèmes de réseaux.
Parallèlement, un groupe de travail, auquel participe le ministère de l'intérieur, a été mis en place par le ministère de l'aménagement du territoire et de l'environnement pour moderniser la gestion des ouvrages de protection en conciliant deux principes : d'une part, les collectivités locales protégées doivent pouvoir participer à la gestion de ces ouvrages ; d'autre part, les propriétaires privés doivent assumer leurs obligations, le cas échéant, au travers de nouvelles structures.
Enfin, s'agissant des inondations qui se sont produites dans le Sud-Ouest au mois de novembre 1999, une mission interministérielle a été désignée pour effectuer un retour d'expérience où figurent les volets prévision et alerte, mais également l'évaluation des dispositifs de protection et de prévention, afin de dégager les mesures d'amélioration nécessaires, l'objectif étant que nous ne reconstruisions pas strictement à l'identique un certain nombre de réseaux ; en effet, dans cette dernière hypothèse, si par malheur un événement du même type venait à se reproduire, des conséquences identiques en découleraient.
M. Roland Courteau. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Courteau.
M. Roland Courteau. Madame la secrétaire d'Etat, j'ai bien noté les précisions que vous avez bien voulu apporter et je vous en remercie.
Si j'ai souhaité, quatre mois après ce terrible drame, intervenir une nouvelle fois, c'est parce que de trop nombreux sinistrés souffrent encore. Outre les conditions d'application de la loi sur les catastrophes naturelles, les entreprises attendent impatiemment le versement de fonds publics pourtant déjà débloqués. Je pense bien évidemment aussi, et j'y ai insisté tout à l'heure, aux particuliers mal indemnisés par les assurances ou en attente des indemnisations. Certains sont obligés d'emprunter pour effectuer des travaux nécessaires au retour à une vie normale.
Dans certains cas et dès lors que les remboursements sont importants, il est des assureurs qui tentent de gagner du temps, pariant peut-être sur la lassitude des intéressés, qui, de guerre lasse, finiraient par accepter des indemnisations que, pourtant, ils jugent insuffisantes.
Sur le volet concernant la prévention et la protection, je souhaite également compléter mes propos.
Pourquoi reconstruire à l'identique, comme vous venez de le reconnaître, madame la secrétaire d'Etat, certains ouvrages dont on sait qu'ils constituent des facteurs aggravants ? C'est pourtant le cas dans certains endroits en ce moment même.
Quant au dispositif d'alerte, il importe qu'il puisse évoluer en fonction des progrès technologiques et de l'expérience vécue vers un système plus rapide et donc plus efficace.
Enfin, même si les derniers événements relèvent du phénoménal et de l'exceptionnel, je le répète, ils font suite à d'autres inondations catastrophiques au cours des décennies ou des siècles passés. Il nous faut donc mieux analyser et mieux comprendre ce qui s'est passé au niveau du fleuve Aude, de ses affluents et des différents bassins versants afin de définir les mesures de prévention, de protection et de gestion de crise à prendre.
Je crois que l'on ne fera pas l'économie d'études et de travaux d'envergure et donc de financements importants pour prévenir de telles catastrophes ou, tout au moins, pour en réduire les effets. Vu l'importance du chantier - certaines études font état de quelque 150 millions de francs - il serait utile qu'un tel projet puisse être inscrit au contrat de plan.
En conclusion, je serais donc tenté de dire, madame la secrétaire d'Etat : nous comptons sur votre appui.

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