Séance du 21 mars 2000







M. le président. La séance est reprise.
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, sans revenir sur ce que j'ai dit tout à l'heure, je souhaite cependant apporter quelques éléments de réponse aux différents orateurs qui sont intervenus dans ce débat.
Certains s'interrogent pour savoir s'il est juste ou non qu'Air France reste dans le secteur public et considèrent que, depuis longtemps, la compagnie devrait être privatisée ; d'autres - c'est le choix du Gouvernement - considèrent au contraire qu'Air France doit rester dans le secteur public, et s'inquiètent même, à l'instar de M. Lefebvre à l'instant, de l'ouverture du capital qui a récemment été décidée : le système fonctionne-t-il, ne s'agit-il pas d'un handicap pour la compagnie elle-même ?
Depuis 1997 - M. Vinçon l'a souligné - des progrès ont été accomplis, permettant le développement de la compagnie. Ces progrès sont sans doute à mettre au compte du président de l'entreprise, M. Spinetta - mais vous me permettrez au passage de ne pas oublier les salariés - et vous avez même parlé du prédécesseur de M. Spinetta, M. Christian Blanc. Vous avez cependant lancé une petite pique à l'égard du Gouvernement en disant que, dans tout cela, il n'avait pas fait grand-chose. Vous comprendrez que je me sois senti un peu visé ! ( Oui ! sur les travées du RPR.)
Permettez-moi de m'expliquer sur ce point. Mais je ne serais pas trop long, rassurez-vous.
M. Jean-François Le Grand, rapporteur. C'est un plaisir de vous entendre, monsieur le ministre !
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. La décision sur les deux pistes supplémentaires à Roissy n'avait pas été prise lorsque j'ai pris mes fonctions. Elle l'a été, et les pistes sont en cours de réalisation.
M. Jean-François Le Grand, rapporteur. C'est un peu court, comme réponse !
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Quant à l'accord bilatéral avec les Etats-Unis, il avait été rompu en 1992. La majorité précédente n'en est peut-être pas responsable, mais c'est un fait, il y avait eu rupture en 1992. Depuis, tous les gouvernements successifs ont essayé de passer un accord avec les Américains.
Ces derniers proposaient un accord open sky , c'est-à-dire à ciel ouvert, mais nous considérions, nous, qu'il n'était pas possible de faire n'importe quoi au risque d'être écrasés.
Il est vrai que certains considéraient que, sans la privatisation, avec la gauche - et surtout avec ce ministre des transports - on n'arriverait pas à conclure un bon accord avec les Américains. Or nous avons passé un très bon accord bilatéral : chaque fois que les Etats-Unis gagnent une fréquence, nous en gagnons une aussi et, à l'issue de la période de trois ans qui a été prévue, nous aurons même la possibilité d'aller au-delà pour que l'équilibre soit réel entre les Etats-Unis et la France.
Tout cela favorise particulièrement la compagnie nationale Air France, même si elle n'est pas seule concernée.
Depuis, il y a eu l'alliance avec Delta Airlines. On me dit que le processus a pris du retard. Mais j'ai trouvé la situation que j'ai trouvée ! Si, vraiment, la perspective de la privatisation avait été convaincante - puisque tel était le discours tenu par les gouvernements précédents, ceux de M. Balladur et de M. Juppé, qui promettaient de privatiser, notamment au prétexte que l'Europe, après la capitalisation de 20 milliards de francs, l'exigeait - pourquoi n'avez-vous pas conclu de telles alliances ? Celles qui existaient lorsque j'ai pris mes fonctions étaient, en effet, insuffisantes, vous le savez bien, monsieur le rapporteur.
M. Jean-François Le Grand, rapporteur. Il y aurait beaucoup à dire sur ce point, monsieur le ministre !
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Il y aurait sûrement beaucoup à dire, et je reconnais que je suis un peu rapide, ...
M. Jean-François Le Grand, rapporteur. En effet !
M. Serge Vinçon. Aussi rapide que les avions !
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. ... mais je ne veux pas prendre trop de votre temps.
En tout cas, en ce qui concerne Delta Airlines, rien n'était fait, nous sommes bien d'accord ! Or, cette alliance majeure, c'est nous qui l'avons conclue, et les autres compagnies européennes dont vous parliez avaient déjà passé de telles alliances.
M. Poniatowski a longuement parlé de l'échange salaire-actions. Or ce dispositif a été autorisé par le Parlement dans son principe...
M. Ladislas Poniatowski. Tout à fait !
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. ... et validé par une commission indépendante, l'ex-commission des privatisations, qui a rendu un avis favorable et conforme en soulignant que cette opération comportait un bilan équilibré pour le patrimoine de l'Etat.
Aujourd'hui, vous pouvez, vous, estimer que le résultat est déséquilibré, mais, moi, je ne partage pas cet avis, et je le partage d'autant moins qu'il n'était pas aussi évident que des salariés acceptent qu'une partie de leur salaire soit transformée en actions ! D'ailleurs, combien pensaient que l'on n'y arriverait pas ? Eh bien, cela s'est fait !
S'agissant des autres salariés, monsieur Poniatowski, il convient - je l'ai dit tout à l'heure, mais je le souligne - de rappeler que ceux-ci se sont vus réserver 15 % des titres offerts au lieu des 10 % qui étaient la règle dans les autres opérations d'ouverture, y compris dans les opérations de privatisation.
On peut toujours reprocher au Gouvernement de n'en avoir pas assez fait dans un sens ou d'en avoir trop fait dans l'autre, mais, en tout cas, cela fonctionne, et le personnel est plus associé qu'auparavant à la gestion, y compris au sein du conseil d'administration.
Celui-ci se compose ainsi de six représentants de l'Etat, de cinq personnalités qualifiées - lesquelles jouent pleinement leur rôle d'administrateurs et ne comprennent d'ailleurs pas que des représentants d'entreprises publiques ou de fonctionnaires, puisqu'on y trouve aussi, vous le savez bien, des représentants d'entreprises privées, ce qui amène même certains à craindre que cela n'induise certains risques - et de six représentants des salariés. C'est la loi de la démocratie, monsieur Poniatowski ! Au demeurant, vous l'avez, à juste titre, dit vous-même, si ces derniers avaient deux représentants de plus, il faudrait obligatoirement un représentant supplémentaire pour l'Etat.
S'y ajoutent, c'est exact, deux représentants des salariés actionnaires - et, pour que la représentation ne soit pas inéquitable, ce que vous avez craint, il y a un représentant des salariés actionnaires pilotes et un représentant des salariés actionnaires non pilotes - et deux représentants des actionnaires privés.
Je vous le dis très sincèrement, je ne vois pas ce que pourrait apporter de plus un représentant supplémentaire pour l'Etat ! N'avez-vous d'ailleurs pas dit fort justement, monsieur Poniatowski, que nous aurions la possibilité de faire ce que nous voulons, que cela dépendrait de notre bonne volonté, du décret ?...
Le texte qui vous est proposé me paraît raisonnable. Il n'a pour vocation de mettre en cause ni l'ouverture du capital ni le principe de la majorité pour l'actionnaire public.
L'autonomie de gestion des entreprises publiques - une vieille revendication de votre groupe, monsieur Lefebvre - signifie-t-elle que l'on fait tout ce que l'on veut et n'importe quoi ? Bien sûr que non !
Mme Hélène Luc. Je l'espère !
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. La stratégie est fixée par l'actionnaire public, c'est-à-dire par le Gouvernement, dans les lettres de mission. Mais, après, on libère l'entreprise de toute contrainte qui paralyse telle ou telle de ses initiatives : c'est cela, l'autonomie de gestion ! Celle-ci ne réside pas uniquement dans le discours, nous devons faire avancer les choses.
Ce que nous proposons, c'est de faciliter la représentation des actionnaires - disons le mot, puisque c'est le cas - au sein du conseil d'administration, y compris en la personne de représentants salariés actionnaires, et de favoriser l'autonomie de gestion.
M. Plancade a soulevé un problème qui, effectivement est réel, celui des représentants des usagers. Rien n'interdit, au demeurant, de choisir parmi les personnes qualifiées des représentants des « clients » - osons le mot - de l'entreprise ! En effet, Air France évolue désormais dans un contexte totalement concurrentiel. Dans ces conditions, autant le dire très franchement, si l'entreprise veut progresser et rayonner, si elle veut que le progrès social suive le progrès économique - puisque c'est, en fait, le sens de l'action que nous voulons mener dans ce domaine - elle doit avoir au coeur de sa démarche le souci du client et du passager ! Ou alors, il faut vraiment qu'elle fasse autre chose...
L'absence de représentants des usagers ne doit donc surtout pas être interprétée comme l'indice qu'Air France n'aurait pas le souci desdits usagers. J'ai presque envie de vous dire que cela doit être interprété, au contraire, comme la preuve que toute la compagnie et tous les administrateurs ne peuvent qu'avoir le souci des usagers, à défaut de quoi il n'y aurait pas de développement possible pour la compagnie ! (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen ainsi que sur les travées socialistes.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion des articles.

Article 1er