Séance du 23 mars 2000







M. le président. « Art. 2. _ Les manuels scolaires et les programmes de recherche en histoire et en sciences humaines accorderont à la traite négrière et à l'esclavage la place conséquente qu'ils méritent. La coopération qui permettra de mettre en articulation les archives écrites disponibles en Europe avec les sources orales et les connaissances archéologiques accumulées en Afrique, dans les Amériques, aux Caraïbes et dans tous les autres territoires ayant connu l'esclavage sera encouragée et favorisée. »
Par amendement n° 2, M. Schosteck, au nom de la commission, propose de supprimer cet article.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur. Nous proposons la suppression de l'article 2 car cette disposition relève du domaine réglementaire.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat. Le Gouvernement, par la voix de Mme Guigou, avait effectivement observé que ces dispositions relevaient plutôt du domaine réglementaire, c'est-à-dire du devoir de mémoire et de l'obligation de consacrer une place importante dans nos manuels scolaires à l'esclavage et à la traite négrière car, il faut bien en convenir, ils sont restés pendant très longtemps muets sur ces questions.
Quand j'étais élève - et vous êtes nombreux à être de ma génération - nous parlions de l'esclavage certes, mais cela visait à l'époque les Etats-Unis et Abraham Lincoln ; nous n'entendions jamais évoquer l'esclavage dans les colonies françaises.
En ce domaine, le Sénat souhaite que cette question soit de la compétence du comité des personnalités qui est institué à l'article 4 pour réfléchir à l'amélioration des programmes scolaires. Le Gouvernement s'en remet à la sagesse de la Haute Assemblée sur cette question.
Toutefois, je rappellerai que, devant l'Assemblée nationale, M. Donnedieu de Vabres, parlementaire de l'opposition, avait déclaré : « Bien sûr, il y a le partage prévu par la Constitution, mais il y a le fait que, depuis des années, nous souhaitons tous le rétablissement de l'instruction civique à l'école et l'introduction dans les manuels scolaires de références civiques et historiques. Il n'est pas possible de priver le Parlement de la possibilité d'exprimer ce souhait fort, quel que soit le contenu de l'article 34 et de l'article 37 ».
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 2.
Mme Lucette Michaux-Chevry. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à Mme Michaux-Chevry.
Mme Lucette Michaux-Chevry. Certes, sur le fond, la commission des lois a raison. Mais ce qui nous sépare c'est la méconnaissance totale que vous avez de notre histoire. A nous-mêmes, Domiens, pendant des années, notre propre histoire a été occultée.
Je crois que ce serait un signe fort de maintenir l'article 2. Cela permettrait à chacun de comprendre les différences qui existent et d'aboutir à la réconciliation à travers la connaissance de notre histoire.
M. Jacques Larché, président de la commission. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jacques Larché, président de la commission. Il me semble qu'après le vote à l'unanimité de l'article 1er, nul n'est en droit de dire que le Parlement de la République voudrait passer sous silence, de quelque manière que ce soit, les événements tragiques de l'esclavage.
Il n'en reste pas moins que le texte doit être relativement ordonné et la commission propose à l'article 3 bis que le comité pourra dire aux autorités de l'éducation nationale d'inscrire dans les manuels tel ou tel fait. Ainsi nos jeunes concitoyens des départements d'outre-mer mais aussi de métropole étudieront-ils des faits qui jusqu'à présent étaient passés sous silence.
Je demande donc au Sénat d'accepter le retrait d'une disposition dont nous pensons que, dans la tâche que nous avons à accomplir, elle ne doit pas figurer dans la loi.
Cela est d'autant plus vrai, si l'on tient compte du débat. Vous connaissez la formule : « Un débat peut changer mon opinion, jamais mon vote. » Ce soir nous avons donné d'une manière assez significative une illustration complètement différente de cette formule : le débat a changé le vote de la commission et je vous demande d'en prendre note.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 2, pour lequel le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'article 2 est supprimé.

Article 3