Séance du 4 avril 2000







M. le président. « Art. 19 bis A. - I. - L'article 149-1 du même code est ainsi rédigé :
« Art. 149-1 . - L'indemnité prévue à l'article précédent est allouée par décision du premier président de la cour d'appel dans le ressort de laquelle a été prononcée la décision de non-lieu, de relaxe ou d'acquittement. »
« II. - Au premier alinéa de l'article 149-2 du même code, les mots : "La commission, saisie" sont remplacés par les mots : "Le premier président de la cour d'appel, saisi" et les mots : "qui n'est susceptible d'aucun recours de quelque nature que ce soit" sont supprimés.
« III. - Le dernier alinéa du même article est supprimé.
« IV. - Il est inséré, après l'article 149-2 du même code, deux articles 149-3 et 149-4 ainsi rédigés :
« Art. 149-3 . - Les décisions prises par le premier président de la cour d'appel peuvent, dans les dix jours de leur notification, faire l'objet d'un recours devant une commission nationale d'indemnisation des détentions provisoires. Cette commission, placée auprès de la Cour de cassation, statue souverainement et ses décisions ne sont susceptibles d'aucun recours, de quelque nature que ce soit.
« Le bureau de la Cour de cassation peut décider que la commission nationale comportera plusieurs formations.
« La commission nationale, ou le cas échéant, chacune des formations qu'elle comporte, est composée du premier président de la Cour de cassation, ou de son représentant, qui la préside, et de deux magistrats du siège de la cour ayant le grade de président de chambre, de conseiller ou de conseiller référendaire, désignés annuellement par le bureau de la cour. Outre ces deux magistrats, ce bureau désigne également, dans les mêmes conditions, trois suppléants.
« Les fonctions du ministère public sont remplies par le parquet général près la Cour de cassation.
« Les dispositions de l'article 149-2 sont applicables aux décisions rendues par la commission nationale.
« Art. 149-4 . - La procédure devant le premier président de la cour d'appel et la commission nationale, qui statuent en tant que juridictions civiles, est fixée par un décret en Conseil d'Etat. »
« V. - Les dispositions du présent article entreront en vigueur six mois après la publication de la présente loi au Journal officiel . »
Par amendement n° 114, MM. Dreyfus-Schmidt, Charasse et Badinter proposent de rédiger comme suit cet article :
« L'article 149-1 du code de procédure pénale est ainsi rédigé :
« Art. 149-1. - L'indemnité prévue à l'article précédent est allouée par décision de la commission prévue à l'article 706-4. »
La parole est à M. Charasse...
Est-ce bien vous, monsieur Charasse, qui défendez cet amendement ?
M. Michel Charasse. Pardonnez-moi, monsieur le président, de vous avoir fait attendre un peu, mais Mme le ministre est arrivée un peu vite, si bien que je n'ai pas eu le temps de prendre mes dispositions et de classer ma liasse d'amendements. (Sourires.)
Il s'agit, par cet amendement, de confier le contentieux de l'indemnisation à raison d'une détention provisoire à la commission d'indemnisation des victimes d'infraction, la CIVI, chargée jusqu'à présent de la seule indemnisation des victimes d'infraction.
Cette commission a une grande pratique et un grand savoir-faire. Il nous a semblé préférable de retenir cette solution plutôt que de faire intervenir l'unique commission siégeant à la Cour de cassation.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Charles Jolibois, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. La commission n'est pas favorable à cet amendement.
La CIVI est une commission tout à fait différente que celle qui est prévue ici, puisqu'elle est chargée d'indemniser les victimes d'infraction dont on ne retrouve pas l'auteur.
L'Assemblée nationale a décentralisé le système d'indemnisation des détentions provisoires puisque ce sont les premiers présidents des cours d'appel qui, dorénavant, statueront en première instance. Nous considérons que l'idée est bonne et qu'il est préférable de retenir le système qui nous est proposé par l'Assemblée nationale.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice. Avant de donner l'avis du Gouvernement sur cet amendement, je tiens à faire une remarque.
Puisque M. Charasse a ironisé sur l'heure à laquelle j'arrivais...
M. Michel Charasse. Pas du tout !
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. ... et que j'ai cru entendre quelques rires - j'aurais préféré que cela s'exprime de façon plus claire, c'eût été moins grossier ! - (Exclamations sur certaines travées du RPR, de l'Union centriste et des Républicains Indépendants), je veux dire ici que j'ai indiqué à plusieurs reprises que je ne pouvais donner l'assurance d'être au Sénat à seize heures quinze, alors que j'assistais à l'Assemblée nationale à la séance consacrée aux questions d'actualité, séance qui, très fréquemment - c'était encore le cas aujourd'hui - se prolonge jusque vers seize heures dix.
Je ne vois pas comment, matériellement - sauf à utiliser, et encore ! des moyens auxquels je n'aime pas recourir - on peut parcourir la distance qui sépare l'Assemblée nationale du Sénat en cinq minutes en milieu d'après-midi.
Je répète donc que, si la conférence des présidents s'obstine à fixer la séance à seize heures quinze, j'aurai le regret, de temps en temps, d'être en retard et de faire attendre le Sénat, ce dont je le prie par avance de bien vouloir m'excuser.
M. Jacques Larché, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Il faut voir cela avec le ministre chargé des relations avec le Parlement, madame le garde des sceaux !
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. C'est la conférence des présidents qui fixe les horaires, et pas seulement le ministre chargé des relations avec le Parlement.
J'en viens à l'amendement n° 114.
Cet amendement vise à confier l'indemnisation des détentions provisoires à la commission d'indemnisation des victimes d'infraction, la CIVI.
Il me paraît contestable de faire un parallèle entre la victime d'une infraction pénale et une personne qui a été placée en détention provisoire et qui a bénéficié par la suite d'un non-lieu, d'une relaxe ou d'un acquittement.
Un juge d'instruction aujourd'hui, un juge de la détention provisoire demain, peut, au moment où il est saisi, au vu des éléments du dossier de la procédure et pour assurer le succès des investigations nécessaires à la manifestation de la vérité, décider une mesure de placement en détention provisoire.
Ce qui est justifié à cet instant au vu des éléments du dossier pourra être effectivement contesté plus tard.
La personne placée dans ces conditions en détention provisoire est effectivement une victime : le préjudice qu'elle a subi doit être légitimement indemnisé.
Ce qui la distingue, toutefois, de la victime d'une infraction pénale, c'est qu'aucune faute n'est à l'origine du préjudice dont elle a souffert.
Le parallèle avancé par les auteurs de l'amendement ne peut donc être accepté et, dans ces conditions, le recours à la CIVI ne se justifie pas.
De plus, le système proposé par le Gouvernement, et accepté par l'Assemblée nationale - je rappelle qu'il confie l'indemnisation au premier président de la cour d'appel et qu'il prévoit un appel devant la commission placée auprès de la Cour de cassation - me paraît répondre aux voeux de l'auteur de l'amendement.
Le premier président pourra élaborer une jurisprudence qui s'appliquera à l'ensemble de la cour d'appel. Cela lui permettra d'évaluer de façon encore plus précise l'action des juges d'instruction et des magistrats des cours et des tribunaux de son ressort, dont il assure la notation.
Je demande donc au Sénat de rejeter l'amendement.
M. le président. Madame le garde des sceaux, permettez-moi, à la suite de vos propos, de vous dire que l'ensemble des membres de la Haute Assemblée ont eu envers vous une attitude très courtoise, que leurs sourires ironiques faisaient suite à la réflexion de M. Charasse et ne visaient pas du tout votre personne.
Au Sénat, la courtoisie a toujours été la règle envers tous les gouvernements. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 114.
M. Michel Charasse. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Charasse.
M. Michel Charasse. Madame le garde des sceaux, sans vouloir prolonger l'incident, je tiens néanmoins à vous dire, pour que vous n'interprétiez pas mal le propos que j'ai tenu tout à l'heure, que M. le président a suspendu la séance en indiquant que vous étiez légèrement retardé et cela quelques secondes seulement avant votre arrivée. J'avais cru naïvement pouvoir disposer de quatre ou cinq minutes pour reclasser mes amendements, et il se trouve qu'en raison de votre arrivée immédiate c'est moi qui ai dû faire attendre et le Sénat et vous-même. Donc, si quelqu'un doit être confus, c'est moi et pas vous !
En tout cas, n'interprétez pas ce que j'ai dit tout à l'heure comme quelque chose de désagréable à votre endroit. Nous sommes un certain nombre ici à connaître les contraintes des membres du Gouvernement lorsqu'il faut se partager entre les deux assemblées en temps réel, et loin de moi l'idée de faire au garde des sceaux, en particulier, quelque reproche que ce soit à cet égard !
Par conséquent, pardon, madame le garde des sceaux, de vous avoir fait attendre tout à l'heure trop longtemps avant de présenter l'amendement n° 114, que, compte tenu de vos explications et de celles de la commission, je retire ! (Très bien ! sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. L'amendement n° 114 est retiré.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 19 bis A.

(L'article 19 bis A est adopté.).
Mme Hélène Luc. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme Luc.
Mme Hélène Luc. Puisque la question vient d'être abordée, j'indique que je vais renouveler à la conférence des présidents ma proposition de commencer à seize heures quinze le mardi après-midi pour que les ministres puissent être à l'heure.
M. le président. C'est à la conférence des présidents que vous ferez cette proposition, madame Luc.

Article 19 bis