Séance du 4 avril 2000







M. le président. Par amendement n° 144, M. Charasse propose d'insérer, après l'article 21 undecies , un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - L'article 441-2 du code pénal est complété in fine par un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque le faux ou l'usage de faux est commis par un magistrat de l'ordre judiciaire administratif ou financier, il constitue un crime de forfaiture. »
« II. - L'article 441-4 du code pénal est complété in fine par un alinéa ainsi rédigé :
« Les infractions prévues aux premier et deuxième alinéas constituent un crime de forfaiture si elles sont commises par un magistrat de l'ordre judiciaire, administratif ou financier. »
La parole est à M. Charasse.
M. Michel Charasse. Comme j'ai retiré les amendements rétablissant le crime de forfaiture, cet amendement devient sans objet : il fait référence à des dispositions qui n'existent plus. Par conséquent, je le retire également.
M. le président. L'amendement n° 144 est retiré.
Par amendement n° 145, M. Charasse propose d'insérer, après l'article 21 undecies , un article additionnel ainsi rédigé :
« La troisième phrase de l'article 103 du code de procédure pénale est complétée par les mots : "dans le procès verbal, et ce à peine de nullité". »
La parole est à M. Charasse.
M. Michel Charasse. Si vous le permettez, monsieur le président, pour faire gagner du temps au Sénat, je présenterai d'un même mouvement les amendements n°s 145, 146, 147, 148 et 149, qui sont tous des amendements de précision.
M. le président. Je suis en effet saisi de cinq amendements présentés par M. Charasse.
L'amendement n° 146, tend à insérer, après l'article 21 undecies , un article additionnel ainsi rédigé :
« Les deux premières phrases de l'article 106 du code de procédure pénale sont ainsi rédigées :
« Dans chacun des procès-verbaux, doivent être portées, à peine de nullité, la signature du juge, la signature du greffier, la signature du témoin, ainsi que les questions posées et les réponses à ces questions. Le témoin est alors invité à relire sa déposition telle qu'elle vient d'être transcrite, puis à la signer s'il déclare y persister. »
L'amendement n° 147, a pour objet d'insérer, après l'article 21 undecies , un article additionnel ainsi rédigé :
« L'article 428 du code de procédure pénale est ainsi rédigé :
« Art. 428. - Ce procès-verbal est dicté par la personne entendue en ce qui concerne les réponses aux questions posées. Il doit porter, à peine de nullité, la mention selon laquelle elle fait cette déclaration spontanément, après avoir été préalablement avisée de son droit au silence et de ne pas témoigner. »
L'amendement n° 148, vise à insérer, après l'article 21 undecies , un article additionnel ainsi rédigé :
« L'article 429 du code de procédure pénale est complété par deux alinéas ainsi rédigés :
« Afin d'assurer la loyauté du procès-verbal, la personne entendue, qu'elle soit témoin ou mise en examen, doit savoir avec précision sur quelle matière chaque question lui est posée.
« Tout procès-verbal d'interrogatoire, même ceux afférents à un aveu, doit, à peine de nullité, comporter les questions auxquelles il est répondu. »
L'amendement n° 149, tend à insérer, après l'article 21 undecies , un article additionnel ainsi rédigé :
« A la fin du premier alinéa de l'article 427 du code de procédure pénale, les mots : "et le juge décide d'après son intime conviction" sont supprimés. »
Veuillez poursuivre, monsieur Charasse.
M. Michel Charasse. Par l'amendement n° 145, il s'agit d'apporter une précision à l'article 103 du code de procédure pénale.
Par l'amendement n° 146, il s'agit, à l'article 106 du même code, de préciser d'une façon claire les mentions qui doivent être portées sur les procès-verbaux.
L'amendement n° 147 tend à préciser, à l'article 428 dudit code, que le procès-verbal est dicté par la personne entendue en ce qui concerne les réponses aux questions posées et qu'il doit porter, à peine de nullité, la mention selon laquelle elle fait cette déclaration spontanément.
L'amendement n° 148 a pour objet de faire apparaître, à l'article 429, que la personne entendue, qu'elle soit témoin ou mise en examen, doit savoir avec précision sur quelle matière chaque question lui est posée et que tous les procès-verbaux doivent comporter les questions auxquelles il est répondu, car, paradoxalement, ce n'est pas le cas.
Enfin l'amendement n° 149 vise à supprimer la notion d'intime conviction.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 145 ?
M. Charles Jolibois, rapporteur. Je voudrais à mon tour, monsieur le président, si vous le permettez, présenter globalement l'avis de la commission sur les amendements n°s 145, 146, 147 et 148.
La commission a en effet considéré qu'ils étaient tous quatre satisfaits par l'amendement qui a été précédemment adopté par le Sénat et où il est bien précisé qu'il est nécessaire de faire apparaître les questions auxquelles il doit être donné une réponse.
Je suggère donc à M. Charasse de retirer ces quatre amendements.
M. le président. Monsieur Charasse, êtes-vous convaincu par les explications de M. le rapporteur ?
M. Michel Charasse. Monsieur le président, ayant une confiance illimitée en M. le rapporteur, je retire ces quatre amendements. (Sourires.)
M. le président. Les amendements n°s 145, 146, 147 et 148 sont retirés.
Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 149 ?
M. Charles Jolibois, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable sur cet amendement. Comment pourrait-on supprimer la notion d'intime conviction alors que celle-ci est à la base même du raisonnement du juge ? Ce dernier, après avoir recueilli toutes les preuves, procède en effet par la voie de l'intime conviction.
Nous ne saurions donc admettre la suppression proposée par M. Charasse.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Cet avis est défavorable.
Ce que l'adoption de l'amendement n° 149 provoquerait, ce n'est rien de moins qu'une rupture radicale avec la tradition française en matière de procédure pénale. En effet, il vise à ce que soit abandonné le principe selon lequel le juge décide d'après son intime conviction.
J'observe que cet amendement ne s'attache qu'aux règles s'appliquant au contentieux correctionnel, alors que, au terme de l'article 304 du code de procédure pénale, il doit être dit aux jurés : « Vous vous déciderez selon votre conscience et votre intime conviction. »
M. Michel Charasse. Là, c'est le peuble !
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Sur le fond, il faut savoir qu'il n'existe que deux systèmes possibles en matière de preuve pénale : celui du régime des preuves légales ou celui de la liberté de la preuve, corollaire du principe de l'intime conviction.
Je ne suis guère favorable, vous le savez - je me suis exprimée souvent à ce sujet - au modèle anglo-saxon et, sur ce point comme sur beaucoup d'autres, je ne vois nullement l'avantage qu'il y aurait, pour la protection des droits des personnes poursuivies, à changer radicalement de système.
Le système de l'intime conviction s'appuie sur le principe de la liberté de la preuve. Celui-ci est néanmoins strictement encadré. Si le juge apprécie librement la valeur des éléments de preuve régulièrement versés au dossier, ceux-ci doivent avoir été soumis à la discussion contradictoire des parties. Ils doivent également justifier la motivation de la décision.
Le libre et complet exercice des droits de la défense constitue le contrepoint du principe de l'intime conviction.
Je demande donc au Sénat de repousser cet amendement.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 149.
M. Michel Charasse. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Charasse.
M. Michel Charasse J'ai bien entendu Mme le garde des sceaux. Je ne suis pas vraiment convaincu par ses propos parce que je considère que, dans l'intime conviction, il y a un côté « doigt mouillé » qui est très déplaisant.
Cela étant, le sujet n'est pas mûr, et ce n'est pas maintenant que nous pouvons aller au fond des choses. Dans ces conditions, je retire l'amendement n° 149.
M. le président L'amendement n° 149 est retiré.

Chapitre III quinquies