Séance du 25 avril 2000







M. le président. La parole est à Mme Beaudeau, auteur de la question n° 746, adressée à Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Monsieur le secrétaire d'Etat, nous savons tous et toutes combien le fait d'exercer une activité professionnelle correspond à l'aspiration profonde d'une très large majorité des femmes dans notre pays. C'est pour elles une exigence d'indépendance, de réalisation de soi. Le travail féminin est aussi une chance pour notre économie. Il stimule la consommation, la croissance et l'emploi.
Une récente étude du Conseil d'analyse économique estime que l'arrivée des femmes dans la vie active est « le facteur le plus dynamique de la croissance dans les modes de production contemporains ». Il est même maintenant établi que plus les femmes peuvent librement travailler, plus elles ont d'enfants.
En un mot, le niveau de travail féminin et l'égalité professionnelle entre les hommes et les femmes sont devenus un indicateur de développement économique et social ainsi que de modernité.
Dans ce domaine, pourtant, notre pays a bien du chemin à faire. L'égalité entre les hommes et les femmes au travail et la condition des femmes au travail ont en effet plutôt tendance à se détériorer, en particulier dans les catégories modestes frappées de plein fouet par le chômage et par la précarité de masse.
Les difficultés à concilier vie de famille et vie professionnelle - en premier lieu les problèmes liés à la garde des jeunes enfants - constituent, selon nous, l'un des facteurs discriminatoires principaux pour les femmes sur le marché du travail. Dans ce domaine, il est indispensable que l'Etat intervienne vite et mieux.
Pour le moment, l'allocation de garde d'enfant à domicile, l'AGED - dont le gouvernement actuel a heureusement corrigé une partie des excès en matière fiscale - comme, à un moindre degré, l'aide à la famille pour l'emploi d'une assistante maternelle agréée, l'AFEAMA, favorisent les ménages aisés.
Quant à l'allocation parentale d'éducation, l'APE, dont 500 000 bénéficiaires sont à 95 % des femmes le plus souvent en situation difficile, elle renforce l'idée que les enfants restent exclusivement l'affaire des femmes en retirant ces dernières du marché du travail pour la sphère domestique.
Je ne propose pas de supprimer l'APE, qui est souvent assimilable, dans les faits, à un minimum social accordé à la femme ayant au minimum deux enfants, dont au moins un de moins de trois ans. Il me semble qu'il faut plutôt tirer les enseignements de son « succès », si je puis m'exprimer ainsi, pour en combattre les raisons.
Pourquoi une femme ayant deux enfants préfère-t-elle se retirer de la vie active contre une allocation mensuelle de 2 900 francs ? C'est bien parce que sa rémunération - SMIC ou souvent moins avec le temps partiel - et ses conditions de travail - coût du transport et flexibilité - comparées au coût et aux contraintes de la garde des enfants, lui font faire ce choix. On est donc très loin du « libre choix » avancé lors de la création de l'APE.
Parmi les demandes des mères, celle qui revient le plus concerne les équipements collectifs de garde d'enfants, en premier lieu les crèches. Ces équipements sont créateurs d'emplois stables et qualifiés. Ils placent l'homme et la femme à égalité pour la garde des enfants. Ils sont socialement plus égalitaires que la garde des enfants à domicile.
Pourtant, pour le moment, c'est la pénurie qui règne. Moins de 10 % des 220 000 enfants de moins de trois ans vont à la crèche, alors que la demande exprimée par les familles est double. Bien souvent, les horaires d'ouverture ne correspondent pas aux heures de travail des parents, obligeant ces derniers à recourir à une tierce personne. Les tarifs demandés aux familles, de 800 francs à 3 600 francs par mois selon le niveau de ressources, sont, vous l'avouerez, souvent lourds pour les catégories défavorisées et dissuasifs pour les catégories moyennes, qu'ils détournent des crèches, ce qui rend la situation financière des établissements encore plus précaire.
Ma question est la suivante, monsieur le secrétaire d'Etat : en 1994, le gouvernement de l'époque avait adopté un plan de construction de 100 000 places de crèche sur cinq ans. L'objectif n'a pas été tenu, loin de là ! Dès maintenant, combien de places de crèche vous engagez-vous à créer ? Comment pourrait-on inciter les grandes entreprises à ouvrir des crèches pour les enfants de leur personnel ? Quels moyens humains et financiers le Gouvernement compte-t-il dégager pour étendre les horaires d'ouverture de ces équipements et pour en rendre les tarifs plus accessibles ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Guy Hascoët, secrétaire d'Etat à l'économie solidaire. Madame la sénatrice, vous évoquez au fond le problème de l'inégalité entre les hommes et les femmes face au travail dans la vie quotidienne.
L'égalité professionnelle nécessite une politique globale qui va bien au-delà de l'entreprise. Cependant, le monde de l'entreprise doit assumer sa part de responsabilité dans ce domaine. Ainsi, la loi de 1983 relative à l'égalité professionnelle, dite loi Roudy, a mis en place un cadre juridique égalitaire très en avance sur son temps, qui sert de référence pour les politiques de lutte contre les discriminations. Plus récemment, une proposition de loi, présentée par le groupe socialiste de l'Assemblée nationale à la suite du rapport de Catherine Génisson remis au Premier ministre en septembre dernier, a notamment pour objet de renforcer les obligations de négociation sur l'égalité professionnelle dans les branches et les entreprises, afin de mettre en place des politiques concrètes de rattrapage des inégalités et d'amélioration de la carrière des femmes.
Les politiques de l'emploi et de la formation depuis 1999 intègrent des objectifs quantifiés afin de garantir un égal accès des femmes aux mesures : 55 % de femmes dans le programme « nouveau départ », par exemple. Cette politique devra permettre de réduire l'écart entre les taux de chômage féminin et masculin : 12,1 % pour les femmes contre 8,6 % pour les hommes.
Une convention entre la secrétaire d'Etat aux droits des femmes et le ministre de l'éducation nationale a été signée le 25 février dernier et vise à améliorer l'orientation scolaire afin d'élargir les choix professionnels.
Puisque vous évoquez un domaine qui m'intéresse beaucoup, celui des services de proximité, en particulier ceux de la petite enfance, le moment est effectivement venu, au sein de cette société, d'offrir à nos concitoyens une offre plus large de services à la personne. Cela nécessite souvent des renégociations des conditions de soutien dans les quartiers et de la mixité des financements.
Au sein du secrétariat d'Etat qui m'est confié, j'aurai à coeur d'y travailler, en liaison avec Mme Ségolène Royal. Sachez que, très rapidement, des propositions seront faites, dans ce domaine comme dans d'autres.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme Beaudeau.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Monsieur le secrétaire d'Etat, je suis obligée de vous dire que votre réponse n'est pas à la hauteur des besoins ni à la mesure de l'urgence.
Vous faites référence à la loi de 1983 sur l'égalité professionnelle ainsi qu'à la proposition de loi qui a été adoptée à l'Assemblée nationale et que le Sénat sera appelé à examiner, mais il me faut tout de même rappeler que le taux de chômage des femmes atteint 12,5 % en France, qu'elles représentent près de 80 % des bas et des très bas salaires, qu'elles sont les premières victimes du temps partiel subi. J'ajoute que la différence moyenne de rémunération entre les hommes et les femmes s'établit encore à 27 % et que les déroulements de carrière des femmes sont, chacun en convient, beaucoup plus lents et beaucoup plus chaotiques.
En ce qui concerne l'aide à la personne et les emplois de proximité, il ne faut pas oublier que l'AGED, l'allocation de garde d'enfant à domicile, concourt au développement d'une catégorie d'emplois exclusivement féminins, peu qualifiés, extrêmement précaires et mal rémunérés : 3 600 francs par mois en moyenne pour une assistante maternelle indépendante. Si un effort doit être consenti, il faut donc qu'il concerne également les assistantes maternelles.
Je note que, dans votre réponse, vous n'avez pas du tout évoqué les moyens financiers. Moi-même j'ai déjà eu beaucoup de mal à obtenir des chiffres. En tout cas, il apparaît que le montant de l'argent public actuellement consacré aux crèches est modeste : 12 milliards de francs, dont 5 milliards de francs provenant des caisses d'allocations familiales et 7 milliards de francs des collectivités locales.
Ce montant progresse d'ailleurs généralement moins vite que le produit intérieur brut. En revanche, la participation financière demandée aux familles, elle, n'a cessé d'augmenter puisqu'elle est passée de 24 % à 28 % du montant total entre 1990 et 1997. Je n'ai malheureusement pas pu prendre connaissance de chiffres plus récents que ceux de 1997 ! Je pense donc qu'une enquête s'avère nécessaire.
Il est grand temps de changer de logique. Les crédits demeurent largement insuffisants en ce qui concerne tant les crèches que les assistantes maternelles, et je constate ce matin, pour le déplorer, que vous n'avez pas pris d'engagement nouveau à cet égard. Mais je ne doute pas que, en une période caractérisée par la croissance, une croissance à laquelle les femmes peuvent et doivent apporter leur contribution, le Gouvernement saura réexaminer cette question. Je crois que le travail des femmes vaut bien maintenant un engagement fort de la part de ce gouvernement.

SITUATION DE L'HÔPITAL DE MONTFERMEIL-LE RAINCY