Séance du 27 avril 2000







M. le président. La parole est à M. Cléach.
M. Marcel-Pierre Cléach. Ma question s'adressait à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, mais je crois savoir qu'il est retenu à l'Assemblée nationale et que Mme la secrétaire d'Etat le remplacera. Je regrette qu'il n'ait pu nous rejoindre cet après-midi, car ma question a une connotation personnelle.
Madame la secrétaire d'Etat, l'arrivée de M. Fabius à la tête du ministère de l'économie a été saluée avec intérêt par le monde politique et le monde de l'économie et, il faut le dire, avec sympathie compte tenu des opinions qu'il a tout récemment développées, notamment en matière de réduction des déficits publics, de la fiscalité et de la réforme de l'Etat.
M. Fabius prend ses fonctions dans un paysage économique et financier contrasté : la croissance, bien sûr, mais aussi les grands débats publics qui préoccupent tous les Français, tels que le fonctionnement de leur retraite, le financement des conséquences de la loi dite des « trente-cinq heures », la réforme fiscale, la réforme de l'Etat et, en premier lieu, celle de votre ministère, le financement des moyens nécessaires à assurer la sécurité de l'ensemble des Français.
Face à ces immenses besoins, il hérite d'une situation financière tendue que les produits de la croissance ne doivent pas masquer. En effet, notre fiscalité, celle des ménages qui paient l'impôt et celle des entreprises, devient insupportable. Nos entreprises de main-d'oeuvre sont contraintes à la délocalisation pour subsister. Le phénomène de délocalisation des hommes, qui sont souvent des entrepreneurs, créateurs de richesse, n'est pas négligeable. Le mouvement de délocalisation des capitaux est également important. Notre dette publique représente 58,6 % du PIB, nos dépenses publiques 53,8 % du PIB et les prélèvements obligatoires 45,6 % du PIB. Ce n'est pas glorieux ! La fonction publique résiste aux réformes et semble tenir le Gouvernement en otage puisqu'il qu'il lui sacrifie ses ministres réformateurs.
M. René-Pierre Signé. C'est faux !
M. Marcel-Pierre Cléach. En cas de retournement de la conjoncture, compte tenu de ce refus de la réforme, vous n'aurez aucune marge de manoeuvre pour atteindre les objectifs dont le ministre a souligné à plusieurs reprises la nécessité, à moins, bien évidemment, d'augmenter encore les impôts. Pourtant, nous le savons bien, et vous le savez aussi, le ministre l'a dit et répété : il n'y a pas d'autre issue qu'une réduction drastique des dépenses publiques...
M. le président. Question !
M. Marcel-Pierre Cléach. ... qui permettra, par voie de conséquence, la réduction de la dette, celle du déficit, et donc celle des prélèvements obligatoires.
M. René-Pierre Signé. Discours libéral !
M. Marcel-Pierre Cléach. M. Fabius saura-t-il convaincre ses amis et alliés que tel est le chemin nécessaire pour conserver sur notre territoire les créateurs de richesse et assurer le maintien ou le développement de la compétitivité des entreprises françaises et donc de l'emploi, ou sera-t-il contraint de succomber, de compromis en compromis, aux résistances politiques ou syndicales, aux droits acquis, aux nécessités de type électoral, bref, au court terme ?
Plusieurs sénateurs socialistes. La question !
M. Jean Chérioux. C'est une question importante !
M. Marcel-Pierre Cléach. Comment pense-t-il concilier les idées qu'il a développées et défendues tout récemment, et ce matin même à la radio, avec les positions de ceux de ses amis qui prônent encore la réhabilitation et la vertu de la dépense publique et limitent leurs ambitions à vouloir faire payer les riches ? (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR, de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Florence Parly, secrétaire d'Etat au budget. Monsieur le sénateur, tout d'abord je vous prie de bien vouloir excuser l'absence de M. Fabius, qui est effectivement retenu à l'Assemblée nationale.
Avant même de répondre à votre question, permettez-moi de vous dire que je ne partage pas la description fort sombre que vous faites du paysage économique et financier de ce pays.
Vous me demandez comment le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie va mettre en oeuvre, notamment, ses idées en matière de baisse d'impôts. Cette question intervient à point nommé puisque, hier, nous avons présenté ensemble, devant la commission des finances du Sénat, le projet de loi de finances rectificative pour 2000, qui comprend la bagatelle de 40 milliards de francs de baisse d'impôts, lesquels s'ajoutent eux-mêmes à 40 milliards de francs de baisse d'impôts qui étaient prévus par la loi de finances initiale. Au total, il s'agit donc de 80 milliards de francs de baisse d'impôts pour la seule année 2000.
C'est un record historique que nous nous plaisons, M. Fabius et moi-même, à souligner. Voilà une heureuse manière de concrétiser, dès son arrivée au Gouvernement, les souhaits qu'il a pu exprimer avant qu'il ne soit lui-même ministre.
Comme M. le Premier ministre et M. Laurent Fabius s'y sont engagés ensemble, cette politique sera poursuivie de telle manière que nous retrouvions très rapidement le taux des prélèvements obligatoires qui était le nôtre avant la dernière élection présidentielle de 1995. Voilà qui me paraît répondre à votre interrogation, monsieur le sénateur.
Mais, bien entendu, contrairement à ce qu'ont pu faire des précédents gouvernements, notre choix n'est pas la baisse d'impôts pour la baisse d'impôts ; c'est une baisse qui est au service d'une stratégie, et celle-ci n'est autre que la croissance et la solidarité.
Tel est le sens des mesures que nous avons présentées hier et qui ont été prises sur la taxe d'habitation, l'impôt sur le revenu et la TVA. C'est aussi en ce sens que seront décidées les mesures qui interviendront dans les prochains mois. (Applaudissements sur les travées socialistes.)

« BAVURE » POLICIÈRE DE LILLE-SUD