Séance du 3 mai 2000







M. le président. « Art. 3 bis. - Dans le premier alinéa de l'article 1er de la loi n° 76-663 du 19 juillet 1976 relative aux installations classées pour la protection de l'environnement, il est inséré, après le mot : "chantiers,", les mots : "lignes aériennes à haute tension,". »
Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 247 est déposé par M. Althapé, au nom de la commission des affaires économiques.
L'amendement n° 105 est présenté par M. Jarlier, au nom de la commission des lois.
Tous deux tendent à supprimer cet article.
La parole est à M. Jarlier, rapporteur pour avis, pour défendre l'amendement n° 105.
M. Pierre Jarlier, rapporteur pour avis. L'Assemblée nationale a souhaité soumettre les lignes à haute tension au régime des installations classées.
L'assimilation des lignes électriques à des installations classées soulève différentes questions qui justifient un examen approfondi.
L'article 1er de la loi du 19 juillet 1976 retient, en effet, des critères relatifs aux dangers ou inconvénients soit pour la commodité du voisinage, soit pour la santé, la sécurité, la salubrité publiques, soit pour l'agriculture, la protection de la nature et de l'environnement, la conservation des sites et des monuments.
Cette assimilation doit donc être appréciée au regard des éventuels effets des lignes à haute tension sur la santé et de leur incidence sur les paysages. Sur ce dernier aspect, un programme d'enfouissement a été engagé par l'EDF sur la base d'un protocole signé avec l'Etat en 1992.
Cette assimilation doit également être examinée quant à ses conséquences sur les règles de constructibilité des zones surplombées.
Pour tous ces motifs et dans l'attente d'un examen plus approfondi du régime juridique qui leur est applicable et des aménagements qui pourraient le cas échéant être apportés, l'assimilation des lignes électriques à des installations classées apparaît prématurée.
Sous le bénéfice de ces observations, la commission des lois vous propose un amendement de suppression de l'article 3 bis.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 247.
M. Louis Althapé, rapporteur. Notre amendement est identique à celui de la commission des lois.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Louis Besson, secrétaire d'Etat. Le Gouvernement est conscient du fait qu'il existe des difficultés réelles à ce sujet, mais il avait indiqué à l'Assemblée nationale que l'amendement qui était examiné ne pouvait recueillir son approbation. Le Gouvernement ne peut donc qu'être favorable à la suppression de cet article 3 bis.
M. le président. Je vais mettre aux voix les amendements identiques n°s 247 et 105.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à Mme Beaudeau.
Mme Marie-Claude Beaudeau. MM. les rapporteurs, par deux amendements identiques, nous proposent la suppression de l'article 3 bis, refusant ainsi l'assimilation des lignes électriques à haute tension à des installations classées.
Nous nous posons une question à cet égard. Cette assimilation peut-elle conduire à admettre les critères relatifs aux dangers ou inconvénients définis pour les installations classées par l'article 1er de la loi du 19 juillet 1976 pour les lignes à haute tension ? Notre réponse est oui, parce qu'il apparaît que les champs magnétiques induits par les lignes électriques sont préjudiciables à la santé des êtres vivants. Ils sont d'ailleurs d'une telle intensité que l'enfouissement se révèle impossible pour des voltages supérieurs à 90 000 volts.
Il apparaît donc que les câbles installés au-dessus des lieux de vie, notamment des zones pavillonnaires, peuvent être un danger tant pour les maisons que pour leurs habitants. Il suffit de constater le peu de résistance offert par certains pilônes lors de la dernière tempête ! Ces lignes constituent donc une atteinte à la protection de la nature et de l'environnement, à la conservation des sites et des monuments.
Pourtant, des résidences pavillonnaires se construisent encore sous des lignes de 400 000 volts. Je ne comprends donc pas, je suis obligée de vous le dire, votre refus de procéder à cette assimilation justifiée, qui devrait conduire à refuser les constructions sous ces lignes.
Je ne prendrai qu'un exemple : le château d'Ecouen, chef-d'oeuvre de la Renaissance, dans le Val-d'Oise. Situé en plein milieu de la plaine de France, il domine un site où a été construit un centre de distribution EDF, qui dessert le quart de Paris et de la grande couronne, et d'où partent dix-huit lignes de 90 000 à 400 000 volts, qui irradient différents points de l'Ile-de-France. La ligne la plus importante, de 400 000 volts, surplombe une zone où a été construit un ensemble pavillonnaire.
Messieurs les rapporteurs, ce seul exemple devrait vous permettre de réaliser que paysages, sécurité, santé, monuments et sites sont concernés, et de très près, par l'existence de telles lignes à haute tension. Les règles d'urbanisation doivent donc tenir compte de cette situation. C'est la raison pour laquelle je me prononcerai contre la suppression proposée dans cet amendement.
M. Louis Besson, secrétaire d'Etat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Louis Besson, secrétaire d'Etat. Le sujet abordé est sensible, complexe et délicat. J'ai indiqué l'avis favorable du Gouvernement aux amendements de suppression, en précisant que le problème posé était réel, mais que la solution retenue par l'Assemblée nationale n'était pas satisfaisante. Sans doute aurais-je dû expliquer pourquoi. C'est donc ce que je vais faire.
L'Assemblée nationale a considéré qu'en soumettant les lignes électriques à haute tension au régime des installations classées elle allait éviter la construction sous ces lignes. Toutefois, cela ne se vérifie que pour les lignes nouvelles qui font l'objet d'une enquête et de la procédure applicable aux établissements classés. Compte tenu des termes dans lesquels l'amendement est voté, cela ne peut donc pas s'appliquer aux lignes existantes sous lesquelles il reste possible de construire. L'amendement de l'Assemblée nationale ne permet donc pas de résoudre globalement le problème.
On se heurte à une autre difficulté, qui n'est pas mince : avec ce type de disposition, les constructions situées sous ces lignes - les logements concernés se comptent par dizaines de milliers - seraient nécessairement dévalorisées sans raison valable, si ce n'est que cette disposition figure dans la loi alors que le débat sanitaire sur les problèmes posés par les champs électromagnétiques n'est pas tranché.
Les deux thèses ont leurs partisans. Sans doute la situation évoluera-t-elle, mais la présente disposition ne pourra intéresser que le ministère de l'industrie, qui est compétent sur ces problèmes d'installations classées. En attendant, telle qu'elle est rédigée, cette disposition créerait autant de difficultés qu'elle en résoudrait. C'est la raison pour laquelle je prends l'engagement d'essayer de trouver, avec mon collègue de l'industrie, une meilleure solution dans la suite de la discussion.
En l'état actuel des éléments dont nous disposons, le Gouvernement est favorable à ces amendements de suppression.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les amendements identiques n°s 247 et 105, acceptés par le Gouvernement.

(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. En conséquence, l'article 3 bis est supprimé.

Article 4