Séance du 3 mai 2000







M. le président. « Art. 8 bis. - L'article 111-1-4 du code de l'urbanisme est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Il en est de même, dans les communes non dotées d'un plan local d'urbanisme, lorsqu'une étude attestant de la prise en compte des nuisances, de la sécurité, de la qualité architecturale, ainsi que de la qualité de l'urbanisme et des paysages, ayant reçu l'accord de la commission départementale des sites, est jointe à la demande d'autorisation du projet. »
Par amendement n° 595, M. Ambroise Dupont propose :
I. - De compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
« Il en est de même, à l'intérieur des secteurs d'urbanisation délimités par une carte communale dès lors qu'une étude attestant de la prise en compte des nuisances, de la sécurité, de la qualité architecturale, ainsi que de la qualité de l'urbanisme et des paysages, ayant reçu l'accord de la commission départementale des sites, est jointe au projet soumis à enquête publique. »
II. - En conséquence, à la fin du premier alinéa de cet article, de remplacer les mots : « un alinéa ainsi rédigé » par les mots : « deux alinéas ainsi rédigés ».
La parole est à M. Ambroise Dupont.
M. Ambroise Dupont. L'article L. 111-1-4 introduit dans le code de l'urbanisme à l'occasion de la loi du 2 février 1995 est un souci pour les communes rurales, notamment de montagne, non dotées d'un plan d'occupation des sols.
Il convient de rappeler que cet article visait à établir un principe de précaution par rapport au problème de l'urbanisation linéaire le long des grandes voies de circulation, phénomène qui a contribué à une très forte dégradation des entrées de ville, des abords des villages et, d'une manière plus générale, des paysages français perçus depuis ces routes à grandes circulation.
Le dispositif introduit par l'article L. 111-1-4 visait à inciter les autorités responsables des territoires concernés à réfléchir avant d'envisager une telle urbanisation.
Dans sa rédaction, et plus encore dans les termes du rapport aux ministres et dans les termes de la circulaire d'application, le retour de la réflexion globale en urbanisme, qui pouvait être traduite par la notion de projet urbain ou de projet de village, apparaissait être la juste réponse à la dégradation constatée de nos entrées de villes et de villages. En instituant le POS comme procédure pour mener les études nécessaires à cette réflexion, l'article soulignait l'importance de la démarche d'urbanisme.
Pour apporter une réponse aux difficultés signalées, l'Assemblée nationale a introduit une disposition visant à permettre l'urbanisation ponctuelle le long des voies à grande circulation, et j'insiste sur les mots « à grande circulation ».
Toutefois, cette disposition ne soumet pas la possibilité ainsi ouverte à le tenue préalable d'une réflexion sur l'opportunité de la localisation envisagée eu égard aux perspectives de développement cohérent du territoire communal.
L'amendement qui vous est proposé vise à inciter les communes à concrétiser, à travers une carte communale - document bien adapté aux territoires ruraux - cette nécessaire réflexion préalable intégrant, outre les préoccupations d'architecture, d'intégration paysagère et de prise en compte des nuisances, une véritable réflexion d'urbanisme.
J'ajoute, monsieur le secrétaire d'Etat, que l'article L. 111-1-4 avait pour objet de marquer une double rupture, une rupture dans les esprits qui devait nous amener à revoir l'urbanisation de nos entrées de ville, mais aussi la rupture qui existe entre espace rural et espace urbanisé. Le long des voies à grande circulation, nous créons véritablement là une rupture et, aujourd'hui, nous sommes tous confrontés à la difficulté d'assurer le trafic routier dans les conditions de sécurité et de fluidité.
Je crois que si nous nous donnions les moyens de la réflexion avant de créer ce que j'oserai appeler des sténoses le long de ces voies à grande circulation, nous manquerions la dimension de l'avenir.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Louis Althapé, rapporteur. Cet amendement tend à favoriser l'élaboration de cartes communales afin d'appliquer les dispositions de l'amendement « Dupont », du nom de notre collègue Ambroise Dupont. Ainsi, en dehors des espaces urbanisés des communes, les constructions sont interdites dans une bande de cent mètres de part et d'autre de l'axe des autoroutes et routes express, et de soixante-quinze mètres de part et d'autre de l'axe des routes classées à grande circulation. L'amendement « Dupont » prévoit cependant que ces dispositions ne s'appliquent pas lorsque des règles différentes, justifiées et motivées, figurent dans le POS.
Quels que soient les mérites de ce texte, l'application de l'amendement « Dupont » a suscité, il faut bien le dire, de véritables imbroglios en zone de montagne dès lors que la largeur de la vallée, de part et d'autre d'une des routes précitées, est inférieure à soixante-quinze mètres ou à cent mètres, empêchant ainsi toute construction.
C'est pourquoi nous estimons que l'article 8 bis constitue une utile avancée puisqu'il prévoit que, dès lors qu'il n'existe pas de POS, il sera possible de déroger à l'amendement « Dupont », dès lors qu'une étude attestant de la prise en compte des nuisances, de la qualité architecturale ainsi que de la qualité de l'urbanisme et des paysages et ayant reçu l'accord de la commission départementale des sites est jointe à la demande d'autorisation du projet. C'est un luxe de précaution, mon cher collègue !
L'amendement n° 595 vise à limiter le champ d'application de cet article aux communes qui disposent d'une carte communale. En conséquence, l'amendement « Dupont » s'appliquerait intégralement dès lors qu'il n'existe pas de carte communale.
La commission des affaires économiques considère que cette disposition est trop restrictive. Sur le terrain, les espoirs suscités par le vote de l'article 8 bis sont nombreux. Or, actuellement, seules 3 000 cartes communales environ ont été élaborées et près de la moitié des communes n'ont aucun document d'urbanisme. Pourquoi seraient-elles les seules où l'amendement « Dupont » devrait s'appliquer de manière implacable ?
Nous estimons que l'article L. 111-1-4 du code des l'urbanisme, c'est-à-dire l'amendement « Dupont », n'a nullement pour vocation d'encourager les communes à réaliser des cartes communales, contrairement à ce qu'indique notre collègue Ambroise Dupont, alors même que nous sommes attachés au développement de la pratique des cartes communales.
Il apparaît à la commission des affaires économiques que mieux vaut tenir que courir.
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. C'est une sage position !
M. Louis Althapé, rapporteur. Si l'article 8 bis est voté par le Sénat, il constituera une avancée attendue par beaucoup de maires. En revanche, si ce texte reste en navette parce que nous le modifions, Dieu sait ce qu'il adviendra dans la suite de la discussion : il n'est pas impossible que, faute d'accord en commission mixte paritaire ou du fait de l'hostilité de l'Assemblée nationale, on ne parvienne à aucun accord sur ce texte. C'est pourquoi nous jugeons préférable de le conserver en l'état.
Au surplus, je tiens à souligner que l'article 8 bis ne permettra nullement de distribuer des permis de construire à tous vents. Dois-je vous rappeler que cet article prévoit la réalisation d'une étude et l'avis conforme de la commission des sites, qui n'est pas donné si aisément, comme chacun le sait ?
C'est pourquoi nous considérons que cet article constitue, en l'état, une avancée. La commission des affaires économiques émet, en conséquence, un avis défavorable sur l'amendement n° 595.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Louis Besson, secrétaire d'Etat. Le Gouvernement se laisserait facilement convaincre par l'argumentation de la commission. (Sourires.)
En tout état de cause, j'indique à M. Ambroise Dupont que, si nous voulions ajouter les cartes communales aux autres documents visés par l'alinéa précédent, il faudrait plutôt fusionner les deux alinéas que les juxtaposer.
Mais les raisons invoquées par M. le rapporteur pour légitimer un vote conforme sont sans doute l'expression de la sagesse...
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 595.
M. Ambroise Dupont. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Ambroise Dupont.
M. Ambroise Dupont. Je comprends bien les arguments qui ont été développés par M. le rapporteur, mais je suis tout de même un peu étonné qu'il considère que l'application de cet amendement est implacable ! En effet, ce texte précisait que, lorsqu'un plan d'occupation des sols ou un document d'urbanisme était opposable aux tiers, on pouvait déroger à la distance de cent ou de soixante-quinze mètres. Cette distance n'est pas du tout impérative et, dans mon esprit, elle ne correspond pas à grand-chose, elle n'est qu'une incitation à réfléchir. Si les cent mètres ne conviennent pas, il suffit d'entamer une réflexion et de produire un document d'urbanisme décidant que la construction s'effectuera par dérogation !
Je veux bien que l'on revienne toujours sur les difficultés d'application de cette disposition, mais je pense que c'est mal la comprendre parce que, encore une fois, un certain nombre de dérogations étaient prévues à condition qu'une réflexion préalable soit menée.
Je crois qu'il est tout à fait dommage de se priver de cette réflexion, notamment au regard de la respiration que l'on doit donner à tout ce qui concerne l'urbanisme et la sécurité sur les voies à grande circulation.
Dans ces conditions, je maintiens mon amendement, car je ne comprends pas bien pourquoi le fait de s'obliger à une réflexion serait pénalisant pour les communes, y compris pour les communes de montagne.
M. Louis Althapé, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Louis Althapé, rapporteur. Sans vouloir prolonger cette discussion, je rappelle toutefois que l'amendement « Dupont » a été, en réalité, très mal appliqué par les directions départementales de l'équipement.
M. Ambroise Dupont. C'est possible !
M. Louis Althapé, rapporteur. Je reconnais que l'esprit de ce texte est parfaitement louable et qu'il aurait parfaitement pu aider à la réflexion.
Cela étant, aujourd'hui, nous sommes confrontés à des situations particulièrement difficiles et, si la commission s'est prononcée contre votre amendement, monsieur Dupont, n'y voyez pas une attaque personnelle, mais tout simplement une nécessité pour que, sur le terrain - avec les garanties contenues dans l'article 8 bis - on puisse régler les problèmes qui se posent dans les zones de montagne et ailleurs.
M. Jean-Pierre Plancade. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Plancade.
M. Jean-Pierre Plancade. L'amendement « Dupont » était un excellent texte dans l'esprit ; or non seulement dans les zones de montagne, mais aussi dans les zones rurales, il a été appliqué à la lettre, ce qui a entraîné des difficultés parfois insurmontables et provoqué de vrais déchirements locaux.
L'Assemblée nationale a ouvert une voie, assortie de toutes les garanties qui ont été largement rappelées par M. le rapporteur.
Le groupe socialiste ne votera donc pas cet amendement.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 595, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 8 bis.

(L'article 8 bis est adopté.)

Article 9