Séance du 3 mai 2000







M. le président. « Art. 11. - I. - Dans le premier alinéa de l'article L. 213-1 du code de l'urbanisme, le mot : "volontairement" est supprimé. »
« II. - Dans le deuxième alinéa de l'article L. 213-11 du même code, les mots : "Si le titulaire du droit de préemption décide d'utiliser ou d'aliéner à d'autres fins un bien acquis depuis moins de dix ans par exercice de ce droit,", sont remplacés par les mots : "Si le titulaire du droit de préemption décide d'utiliser ou d'aliéner à d'autres fins un bien acquis depuis moins de cinq ans par exercice de ce droit,". »
« III. - L'article L. 210-1 du même code est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque la commune a délibéré pour définir le cadre des actions qu'elle entend mettre en oeuvre pour mener à bien un programme local de l'habitat, la décision de préemption peut, sauf lorsqu'il s'agit d'un bien mentionné à l'article 211-4, se référer aux dispositions de cette délibération. Il en est de même lorsque la commune a délibéré pour délimiter des périmètres déterminés dans lesquels elle décide d'intervenir pour les aménager et améliorer leur qualité urbaine. »
Sur l'article, la parole est à Mme Borvo.
Mme Nicole Borvo. Je profite de la discussion de cet article 11, qui tend à assouplir les conditions d'utilisation des biens acquis par préemption, pour évoquer la question de l'utilisation des terrains publics à Paris.
Il est à noter que l'Assistance publique - hôpitaux de Paris s'apprête à vendre trois importantes emprises foncières dans Paris, à savoir les hôpitaux Laennec, dans le VIIe arrondissement, Broussais, dans le XIVe, et Boucicaut dans le XVe, à la suite de réorganisations que, par ailleurs, je déplore.
Ces emprises représentent au total près de onze hectares et font aujourd'hui l'objet des convoitises des promoteurs immobiliers.
Les laisser vendre à des promoteurs privés reviendrait à alimenter la spéculation immobilière dans la capitale.
Je pense au contraire que ces terrains doivent permettre en priorité d'accélérer la relance de la construction de logements sociaux, de loger les personnels de l'Assistance publique - hôpitaux de Paris et de contribuer à la mixité sociale et urbaine, d'autant qu'à Paris, il faut le savoir, plus de 70 000 personnes sont inscrites sur les fichiers des demandeurs de logement.
Il est à noter qu'au titre de la convention cadre sur le logement la ville de Paris et l'Etat se sont engagés. Je vous fais grâce de la lecture de l'intégralité de la convention. Je me bornerai à en citer un extrait : « A cet effet, un inventaire détaillé de l'ensemble des biens disponibles sera conjointement établi et actualisé chaque année. Lorsque les terrains appartiennent à des établissements publics, des protocoles tripartites entre l'Etat, la ville et le propriétaire actuel seront recherchés afin de définir, en fonction de leur localisation et de leur environnement, les objectifs de production de logements sociaux. »
L'esprit de cette convention commande, selon moi, que la ville exerce son droit de préemption, dès la mise en vente des terrains cités précédemment.
Interpelée par mes amis du groupe communiste au conseil de Paris, la mairie de Paris répond que l'Etat n'a pas établi l'inventaire prévu par la convention de 1999.
Dans la même période, des entreprises publiques dépendant de l'Etat ont vendu ou mis en vente sur le marché privé d'importantes emprises parisiennes dont certaines auraient pu permettre la réalisation de programmes significatifs de logements sociaux.
C'est pourquoi, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, je vous demande de faire tout ce qui est en votre pouvoir pour faire établir ce recensement.
Ce geste de l'Etat me paraît d'autant plus nécessaire qu'il faut inverser la tendance de la nouvelle flambée spéculative dans le secteur de l'immobilier à laquelle, outre les professionnels, participent les collectivités locales, notamment la ville de Paris, en pratiquant la surenchère sur le foncier.
M. le président. Sur l'article 11, je suis saisi de deux amendements identiques.
Le premier, n° 53 rectifié, est présenté par MM. Poniatowski, Revet, Cléach, Emin, Mme Bardou et les membres du groupe des Républicains et Indépendants.
Le second, n° 701, est déposé par M. Leclerc.
Tous deux tendent à supprimer le II de l'article 11.
La parole est à M. Poniatowski, pour défendre l'amendement n° 53 rectifié.
M. Ladislas Poniatowski. Par cet article 11, le Gouvernement a souhaité apporter des modifications non négligeables à l'article L. 213-11 du code de l'urbanisme, qui traite du droit de préemption.
Cet article L. 213-11 du code stipule que, pendant dix ans, si le titulaire du droit de préemption décide d'utiliser ou d'aliéner à d'autres fins un bien acquis par l'exercice de ce droit, il doit en informer le propriétaire et lui proposer le rachat de ce bien en priorité.
Or, le Gouvernement propose de réduire ce délai de dix à cinq ans. Même si, dans certains cas, le raccourcissement de ce délai peut se justifier, nous proposons de supprimer le paragraphe II de cet article parce que nous craignons que cette réduction ne facilite les détournements de procédure du droit de préemption. En effet, cinq ans après l'acquisition d'un bien, la collectivité concernée serait libérée de toute obligation et pourrait indifféremment le revendre - au privé, entre autres - ou lui donner une tout autre destination que celle qui avait été prévue lors de son achat.
De plus, comme cette modification ne semble pas conforme à un intérêt public que le Conseil d'Etat s'est toujours attaché, dans sa jurisprudence, à faire respecter, il paraît souhaitable de l'écarter.
M. le président. L'amendement n° 701 est-il soutenu ?...
Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 53 rectifié ?
M. Louis Althapé, rapporteur. Favorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Louis Besson, secrétaire d'Etat. Je souhaite d'abord indiquer à Mme Borvo que tant Jean-Claude Gayssot que moi-même nous avons écouté avec attention son intervention sur les difficultés foncières qui se posent pour le développement du logement social en région parisienne, plus particulièrement sur le territoire de la ville de Paris.
Mme Borvo a fait allusion à une convention qui a été signée, dont je suppose qu'elle a davantage impliqué le ministère de la santé que le ministère de l'équipement. Quoi qu'il en soit, nous allons nous y reporter et nous joindrons nos efforts aux siens pour que les engagements qui ont été pris dans le cadre de cette convention soient tenus.
S'agissant de l'article 11, le Gouvernement fait particulièrement appel au souci du Sénat d'améliorer les outils mis à la disposition de collectivités locales sur le fait que, dans sa démarche, il souhaite simplement assouplir les conditions d'utilisation du droit de préemption, ce qui, dans bien des opérations, facilitera incontestablement la tâche des élus.
La durée de dix ans est longue, elle peut couvrir deux mandats municipaux. Je crois qu'il convient d'opter pour des dispositions nouvelles sans attendre ce délai, d'autant plus - je pense ainsi rassurer les auteurs de l'amendement n° 53 rectifié - qu'en cas d'usage du droit de préemption ou bien l'acquisition se fait à l'amiable, parce que c'est sur la base du prix souhaité par le propriétaire et qu'il n'est pas du tout spolié, ou bien, s'il y a contestation de ce prix, la fixation de celui-ci revient au juge foncier.
Dans tous les cas de figure, le propriétaire bénéficie des garanties souhaitables. En revanche, en supprimant l'article 11, on ajoute une rigidité qui ne peut que contrarier l'action des collectivités elles-mêmes.
Le Gouvernement ayant le souci, au contraire, de faciliter la tâche des élus communaux, il souhaite le rejet de l'amendement n° 53 rectifié. Je serais heureux d'avoir convaincu la Haute Assemblée sur ce point.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 53 rectifié.
M. Ladislas Poniatowski. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Poniatowski.
M. Ladislas Poniatowski. Monsieur le secrétaire d'Etat, j'ai commencé par dire que je comprenais tout à fait que, dans certains cas de figure, il fallait effectivement plus de souplesse. Mais il est un vrai danger que vous n'avez pas évoqué : il peut très bien y avoir entente entre un maire et un propriétaire.
Plus le délai est bref, plus on court le risque de voir des stratégies parfaitement malhonnêtes consistant, pour une commune, à acquérir un bien, à le revendre très vite, par pur souci de spéculation.
Je comprends bien, moi aussi, que la souplesse est nécessaire. Mais, en l'occurrence, elle peut entraîner un réel danger.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 53 rectifié, accepté par la commission et repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Par amendement n° 260 rectifié, M. Althapé, au nom de la commission des affaires économiques, propose de rédiger comme suit le texte présenté par le paragraphe III de l'article 11 pour compléter l'article L. 210-1 du code de l'urbanisme :
« « L'exercice du droit de préemption se fonde notamment, le cas échéant, sur une délibération qui définit le cadre des actions mises en oeuvre pour atteindre les objectifs fixés par un programme local de l'habitat ou délimite des périmètres en vue d'un aménagement ou d'une amélioration de la qualité urbaine. Les dispositions du présent alinéa ne s'appliquent pas aux biens mentionnés à l'article L. 211-4. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Louis Althapé, rapporteur. Il s'agit d'un amendement rédactionnel.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Louis Besson, secrétaire d'Etat. Favorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 260 rectifié, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 11, modifié.

(L'article 11 est adopté.)
M. le président. Mes chers collègues, nous avons examiné 64 amendements dans un délai convenable. Il en reste 773, ce qui ne manquera d'intéresser les membres de la conférence des présidents, qui se réunit ce jeudi en fin de matinée.
La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

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