Séance du 10 mai 2000







M. le président. « Art. 34 quater . - Tout organisme prestataire en distribution d'eau d'un immeuble collectif, quel que soit son statut, est tenu de procéder à l'individualisation des contrats de fourniture d'eau, dès lors que le conseil d'administration de l'organisme d'habitations à loyer modéré, le conseil d'administration de la société civile immobilière ou le syndicat de copropriété gestionnaire de l'immeuble considéré en fait la demande. »
Je suis saisi de quatre amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Par amendement n° 604, MM. Gaillard et Ambroise Dupont proposent de rédiger comme suit cet article :
« Les règlements de service des distributions pubiques d'eau potable doivent indiquer les modalités d'individualisation des contrats de fourniture d'eau à l'intérieur des immeubles collectifs lorsque le conseil d'administration de l'organisme d'habitations à loyer modéré, le conseil d'administration de la société civile immobilière ou le syndicat de copropriété en fait la demande. L'organisme, la société ou le syndicat prend financièrement en charge les travaux de mise en conformité avec les normes applicables aux distributions publiques, notamment en ce qui concerne l'installation de compteurs individuels accessibles de l'extérieur des logements et la remise en état des canalisations comprises entre le compteur général et ces compteurs individuels. Un décret en Conseil d'Etat précise les conditions d'application du présent article.
Les deux amendements suivants sont identiques.
L'amendement n° 662 est présenté par MM. Lassourd, André, Bernard, Besse, Braye, Cazalet, Darcos, Demuynck, Descours, Doublet, Dufaut, Eckenspieller, Esneu, Fournier, François, Gélard, Gérard, Gerbaud, Giraud, Haenel, Joyandet, Karoutchi, Larcher, Leclerc, Le Grand, Murat, Neuwirth, Ostermann, Peyrat, de Richemont, Schosteck, Souvet, Vasselle et Vial.
L'amendement n° 767 est déposé par M. Hérisson.
Tous deux tendent à rédiger ainsi cet article :
« Tout service public de distribution d'eau potable est tenu de procéder à l'individualisation des contrats de fourniture d'eau à l'intérieur des immeubles collectifs lorsque le conseil d'administration de l'organisme d'habitations à loyer modéré, le conseil d'administration de la société civile immobilière ou l'assemblée générale des copropriétaires en fait la demande. Les conditions d'organisation et d'exécution du service doivent être adaptées pour préciser les modalités de mise en oeuvre de la disposition ci-dessus, dans le respect de l'équilibre économique du service conformément à l'article L. 2224-1 du code général des collectivités territoriales. L'organisme, la société ou la copropriété prend financièrement en charge les travaux de mise en conformité avec les normes applicables aux distributions publiques, notamment en ce qui concerne l'installation de compteurs individuels accessibles de l'extérieur des logements ainsi que la remise en état et la maintenance des canalisations du réseau privé comprises entre le compteur général et ces compteurs individuels. Un décret en Conseil d'Etat précise les conditions d'application du présent article. »
L'amendement n° 662 est assorti d'un sous-amendement n° 1107 rectifié, présenté par MM. Oudin, Gournac, Mme Brisepierre et M. Chérioux, et tendant, avant la dernière phrase du texte proposé par l'amendement n° 662, à insérer une phrase ainsi rédigée : « Ces travaux sont réalisés par le service public de distribution d'eau potable ou par une société tierce au choix de l'organisme, de la société ou de la copropriété ».
Par amendement n° 641 rectifié, MM. Descours, Blanc, Braun, Cléach, Ambroise Dupont, Gruillot et Schosteck proposent, dans cet article, de remplacer les mots : « le conseil d'administration de l'organisme d'habitation à loyer modéré, le conseil d'administration de la société civile immobilière » par les mots : « le propriétaire de l'immeuble ».
L'amendement n° 604 est-il soutenu ?...
La parole est à M. Lassourd, pour défendre l'amendement n° 662.
M. Patrick Lassourd. Notre souhait est d'améliorer la disposition prévue par l'article 34 quater , qui ouvre la possibilité de bénéficier d'un abonnement individuel au service public de l'eau à l'ensemble des occupants d'immeubles collectifs, afin de les faire passer du statut d'usager à celui de consommateur. En effet, la rédaction adoptée en première lecture par l'Assemblée nationale vise de telles finalités, mais mérite d'être précisée sur plusieurs points afin d'être rendue pleinement applicable.
M. le président. La parole est à M. Hérisson, pour défendre l'amendement n° 764.
M. Pierre Hérisson. Mon amendement, identique à celui de M. Lassourd, a bien évidemment le même objet.
M. le président. Le sous-amendement n° 1107 rectifié est-il soutenu ?...
M. Louis Althapé, rapporteur. Je le reprends, monsieur le président.
M. le président. Il s'agit donc du sous-amendement n° 1107 rectifié bis .
Vous avez la parole, monsieur le rapporteur, pour le défendre.
M. Louis Althapé, rapporteur. La rédaction adoptée en première lecture par l'Assemblée nationale comme celle qui est proposée par M. Lassourd visent à faire passer les occupants des immeubles du statut d'usager à celui de consommateur.
Ce sous-amendement, en défendant le libre choix d'une société tierce pour l'individualisation des contrats, permet de renforcer ce statut de libre consommateur.
M. le président. L'amendement n° 641 rectifié est-il soutenu ?...
Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements identiques n°s 662 et 767 ainsi que sur le sous-amendement n° 1107 rectifié bis ?
M. Claude Bartolone, ministre délégué. Le Gouvernement s'en tiendra à une position de principe sur ces deux amendements identiques ainsi que sur le sous-amendement n° 1107 rectifié bis .
Il me paraît en effet hautement souhaitable, pour permettre un débat plus approfondi, de renvoyer ces questions très importantes à la discussion du projet de loi sur l'eau, qui est en préparation. Les questions techniques sont ardues et des dispositions telles que celles qui nous sont proposées risqueraient d'être extrêmement difficiles à mettre en oeuvre en l'absence de quelques précisions.
M. Pierre Hérisson. Quand sera examiné ce projet ?
M. Claude Bartolone, ministre délégué. En conséquence, le Gouvernement est défavorable aux amendements identiques n°s 662 et 767 ainsi qu'au sous-amendement n° 1107 rectifié bis .
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements identiques ?
M. Louis Althapé, rapporteur. Monsieur le ministre, nous débattons du projet de loi sur la solidarité et le renouvellement urbains et c'est dans ce cadre que nous entendons régler cette question. Ainsi, allons-nous gagner quelques mois, voire quelques années...
La commission est donc favorable aux amendements identiques n°s 662 et 767.
M. le président. Je vais mettre aux voix le sous-amendement n° 1107 rectifié bis .
M. Jean-Pierre Plancade. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Plancade.
M. Jean-Pierre Plancade. Nous allons suivre le Gouvernement et donc voter contre ce sous-amendement et les amendements identiques.
Cela dit, nous ne pouvons en rester là indéfiniment. Il faut facturer l'eau de façon individuelle, locataire par locataire.
Monsieur le ministre, puisque vous nous avez dit qu'une telle disposition sera prévue dans le projet de loi sur l'eau, nous nous inclinons. Sachez toutefois que notre détermination est totale.
M. Hilaire Flandre. On peut voter cette disposition tout de suite et la placer ensuite dans la bonne loi !
M. Pierre Hérisson. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Hérisson.
M. Pierre Hérisson. Monsieur le ministre, nous n'allons pas ouvrir un débat sur tout ce qui, à notre sens, n'a rien à faire dans ce projet de loi ! Nous avons nous aussi quelques idées sur le sujet... (Sourires).

Depuis des années, les associations d'élus, plus particulièrement l'Association des maires de France, demandent que la situation soit clarifiée. En effet, au titre du contrôle de la légalité, les préfets interprètent différemment les textes.
Ainsi, aujourd'hui où nous sommes passés du forfait à l'abonnement, une difficulté se pose, notamment dans les zones touristiques, dès lors que l'abonnement ne peut pas être appliqué à chaque logement : il est impossible de trouver l'équilibre par l'application des dispositions comptables en vigueur, certains préfets appliquant la règle, qui manque de précision, interdisant aux collectivités locales de facturer un abonnement dès lors qu'il n'y a pas de compteur.
Cet amendement n'a pas d'autre objet que de préciser et de clarifier la situation des collectivités locales, qu'elles distribuent l'eau en régie directe ou en délégation de service public, afin d'assurer l'équilibre financier et d'éviter que l'eau ne soit facturée plus de 75 francs le mètre cube, ce qui n'est pas acceptable, notamment pour les propriétaires de résidences secondaires, qui consomment parfois moins de vingt mètres cubes par an et qui ne peuvent souscrire un abonnement dès lors qu'ils n'ont pas de compteur individuel.
Il faut résoudre ce problème qui, dans la mesure où le contrôle de la légalité a été strictement appliqué, a engendré des contentieux qui ont été réglés de manière différente selon les juridictions auxquelles ils ont été soumis.
Nous devons préciser sur plusieurs points la rédaction adoptée en première lecture par l'Assemblée nationale afin que le dispositif puisse s'appliquer, d'où l'énumération à laquelle nous avons procédé dans l'amendement n° 662. Nous vous demandons d'examiner plus attentivement cet amendement, monsieur le ministre.
M. Ladislas Poniatowski. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Poniatowski.
M. Ladislas Poniatowski. Je suis très favorable à l'individualisation de la consommation d'eau, donc à l'installation de compteurs. Nous y procédons dans les logements sociaux collectifs, mais cela demande du temps.
Ainsi, l'installation de compteurs individuels dans 10 % de mon parc a nécessité plus de trois ans et demi. C'est pourquoi deux ou trois points de l'amendement n° 662 me posent un problème de rédaction. Soyons clair. Cet amendement dispose : « Tout service public de distribution d'eau potable est tenu de procéder à l'individualisation des contrats de fourniture d'eau... ». Je voudrais m'assurer qu'il s'agit bien des propriétaires d'immeubles et de personne d'autre. Certes, nous les retrouvons un peu plus loin : « L'organisme, la société ou le propriétaire prend financièrement en charge les travaux de mise en conformité... ». J'espère bien que cela vise, purement et simplement, les frais d'installation du compteur. Je cite volontairement ces deux éléments pour vous montrer qu'il y a au moins un ou deux petits problèmes rédactionnels.
Je ne peux pas suivre le Gouvernement bien que, monsieur le ministre, vous ayez raison sur le fond. Il aurait fallu probablement prendre un peu plus de temps pour rédiger plus précisément cet amendement. Mais si nous ne profitons pas de ce texte-là, comme l'a dit notre rapporteur, cele ne se fera jamais. A l'occasion du projet de loi sur l'eau, nous aurons l'occasion de préciser cette disposition ; si sa rédaction n'est pas parfaite, elle n'en constitue pas moins un excellent objectif. Il faut inciter à l'installation de compteurs individuels dans tous les logements collectifs.
Les charges, pour les locataires, sont aujourd'hui très élevées. Les locataires éprouvent un sentiment d'injustice. Les relations entre locataires ne sont pas toujours bonnes. Un locataire a toujours l'impression qu'il paie la facture d'électricité, la facture d'eau pour les autres dès lors qu'il paie une part des charges communes.
Nous avons en outre constaté que l'installation de compteurs individuels partout en milieu rural a eu un excellent effet : chacun a pu connaître sa consommation exacte d'eau ; on a même enregistré une réduction de la consommation d'eau dès lors que chacun savait qu'il payait effectivement l'eau qu'il consommait.
Nous voulons instaurer le même principe dans les logements collectifs.
C'est donc une bonne chose même si la rédaction de cet amendement est à parfaire.
M. Patrick Lassourd. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Lassourd.
M. Patrick Lassourd. Je ne suis pas favorable à l'adoption du sous-amendement n° 1107 rectifié bis , pour la raison suivante.
En définitive, la société tierce, qui bénéficie, en général, d'un contrat d'affermage ou de délégation, est liée avec la collectivité distributrice d'eau par une convention ou par un contrat qui précise toutes les modalités sur les plans juridique et financier. Par conséquent, le fait d'écrire, comme dans l'amendement n° 662 que je présente : « Tout service public de distribution d'eau potable est tenu de procéder à l'individualisation » n'exclut à aucun moment que ce service public puisse appeler la société tierce en contrat d'affermage à participer au financement.
M. Louis Althapé, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Louis Althapé, rapporteur. Je retire le sous-amendement n° 1107 rectifié bis.
M. le président. Le sous-amendement n° 1107 rectifié bis est retiré.
M. Jean-Pierre Fourcade. Très bien !
M. le président. Je vais mettre aux voix les amendements identiques n°s 662 et 767.
M. Patrick Lassourd. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Lassourd.
M. Patrick Lassourd. Je voudrais d'abord faire une remarque d'ordre général. Je trouve un peu « fort de café », si vous me permettez l'expression, de dire, comme l'a fait M. le ministre tout à l'heure, qu'il faut renvoyer ce problème à la future loi sur l'eau !
Nous sommes en train de discuter d'un projet de loi intitulée : « Solidarité et renouvellement urbains », de la construction des logements sociaux, de leur implantation. Monsieur le ministre, à de très nombreuses occasions, vous avez, avec vos collègues, rappelé toutes les mesures que vous aviez prises en juillet dernier et dont je vous avais dit, au cours de la discussion générale, qu'elles étaient bonnes. Vous aviez, me semble-t-il, un souci du peuplement des HLM et des locataires. Or il s'agit précisément d'un amendement dont l'objet est d'optimiser les charges !
Lorsqu'on est responsable - c'est mon cas - d'un office d'HLM - 13 000 logements - on s'aperçoit qu'une grande partie des difficultés rencontrées avec le locataire concernent parfois les loyers, mais, le plus souvent, les charges, qui ne sont pas optimisées, qui ne sont pas individualisées. Cet amendement va donc dans le bon sens, d'autant que, vous le savez bien, il existe quelquefois, entre le loyer que paie un locataire d'HLM et le total de sa quittance, une sacrée différence qui fait mal ! Il faut donc essayer - c'est ce que nous faisons - de minorer ce surplus de dépenses pour le locataire.
Pour répondre à M. Poniatowski, il me semble que, sur le plan du droit, le service public de distribution d'eau a la responsabilité d'amener l'eau jusqu'au compteur, que ce soit un compteur collectif ou, s'il n'y en a pas, un compteur individuel. C'est donc à lui de faire un tour de table et avec la société tierce qui a signé la convention avec le service public et avec le propriétaire pour résoudre les problèmes qui se posent sur le plan financier.
M. Ladislas Poniatowski. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Poniatowski.
M. Ladislas Poniatowski. Les choses ne se passeront jamais dans ce sens. Ce n'est pas le distributeur d'eau qui fera la demande, car il n'a nulle envie d'avoir trente compteurs individuels dans un immeuble. Il préfère avoir un seul client. Si, en plus, ce client, c'est vous, monsieur Lassourd, c'est-à-dire un organisme d'HLM, il est assuré d'être payé.
C'est donc l'inverse : c'est au propriétaire de faire la demande d'installation et de payer, puisque le compteur individuel lui appartient, même si techniquement, ensuite, c'est, bien sûr, le distributeur qui l'installera.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix les amendements identiques n°s 662 et 767, acceptés par la commission et repoussés par le Gouvernement.

(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. En conséquence, l'article 34 quater est ainsi rédigé.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures quarante-cinq.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures quarante, est reprise à vingt et une heures cinquante-cinq, sous la présidence de M. Gérard Larcher.)